Saisine du juge de l’exécution : 10 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00352

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Saisine du juge de l’exécution : 10 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00352

10/05/2023

ARRÊT N°207

N° RG 21/00352 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N52X

VS/CO

Décision déférée du 13 Octobre 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN – 20/00650

M.REDON

S.A.R.L. JNANE LAMNABHA

C/

Me [P] [J] – Liquidateur amiable de S.A.S. [J]

S.A.S. [J]

[S] [J]

[P] [J]

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.R.L. JNANE LAMNABHA Société de droit marocain, prise en la personne de l’organe qui la représente légalement, son gérant

[Adresse 2]

[Localité 3] – MAROC

Représentée par Me Fanny CULIE de la SELARL CCDA AVOCATS, avocat au barreau D’ALBI

INTIMEES

Me [P] [J] – Liquidateur amiable de S.A.S. [J]

[Adresse 4]

[Localité 1]

S.A.S. [J] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

INTERVENTIONS FORCEES

Monsieur [S] [J]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [P] [J]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente et par C.OULIE , greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Par acte en date du 15 novembre 2018, la société [J] a conclu avec la société de droit marocain Jnane Lamnabha un contrat de culture et de commercialisation de melons de type charentais prévoyant le paiement d’avances sur récoltes.

Estimant avoir trop versé d’avances eu égard aux livraisons effectuées par son contractant, la société [J] a obtenu le 9 juin 2020 du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Carpentras l’autorisation de faire pratiquer une saisie conservatoire de créance entre les mains d’une société Charles Gérin & Fils.

Par l’effet de la conversion d’une saisie conservatoire en saisie attribution intervenue le 29 octobre 2020, et qui est devenue définitive, la société [J] a recouvré la somme de 196.200€.

Par acte d’huissier de justice du 9 juillet 2020, la société [J] a assigné la société Jnane Lamnabha devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins de condamnation en paiement des sommes de 196.200 € outre intérêts légaux et 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La société Jnane Lamnabha n’a pas constitué avocat.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Montauban a:

-condamné la société Jnane Lamnabha à payer à la société [J] la somme de 196.200 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2020

-rejeté la demande de dommages-intérêts de la société [J]

-condamné la société Jnane Lamnabha à payer à la société [J] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Jnane Lamnabha aux dépens, y compris les frais de la saisie conservatoire

-rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

Par déclaration du 19 janvier 2021, la société Jnane a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est l’infirmation des dispositions du jugement qui ont :

-condamné la société Jnane Manabha à payer à la société [J] la somme de 196.200 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2020,

-condamné la société Jnane Lamnabha à payer à la société [J] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Jnane Lamnabha aux dépens, y compris les frais de la saisie conservatoire.

Par acte d’huissier de justice du 15 mars 2021, la Sarl Jnane Lamnabha a assigné [S] [J], ancien gérant de la société [J], et [P] [J], liquidatrice amiable de la société [J], en intervention forcée.

Le 19 mai 2021, la Sas [J], [S] [J] et [P] [J] es qualités ont notifié des conclusions d’appel incident.

Par ordonnance du 15 décembre 2021, le président de chambre délégué a débouté la société Jnane Lamnabha de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Par conclusions d’incident notifiées le 12 janvier 2022, la société [J], [S] [J] et [P] [J] ont demandé au conseiller de la mise en état de prononcer la radiation du dossier en application de l’article 524 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a :

-débouté la société [J], [S] [J] et [P] [J] de leur demande de radiation ;

-fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 22 novembre 2022 à 14 h, la clôture de l’instruction du dossier devant intervenir le 24 octobre 2022 ;

-dit que les dépens de l’incident et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront joints au fond.

Le 6 juillet 2022, Me Benoit-Daief a indiqué révoquer Me [B] et se constituer en ses lieu et place pour le compte de la Sas [J], [P] et [S] [J].

La clôture est intervenue le 24 octobre 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 23 juillet 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Jnane Lamnabha demandant, au visa des articles articles 42, 43, 74, 93, 554, 555, 684 et 688 du code de procédure civile, 73 et suivants, et 122 et suivants du code de procédure civile, L237-2, L237-24 du code de commerce, et la convention d’aide mutuelle judiciaire d’exequatur des jugements et d’extradition entre le Maroc et la France, de :

in limine litis

-constater que la Sas [J] a été dissoute le 1er octobre 2019,

-constater qu’à compter du 1er octobre 2019, seul le liquidateur pouvait introduire une procédure au profit de la Sas [J] société en liquidation, à condition toutefois d’y avoir dûment été autorisé,

-constater la présence d’une clause attributive de compétence au profit du tribunal de première instance de Marrakech, dans le contrat de culture et de commercialisation du 23 novembre 2018 conclu entre la Sarl Jnane Lamnabha et la Sas [J]

-infirmer purement et simplement le jugement dont appel,

-sur l’incompétence du tribunal judiciaire de Montauban :

-juger que le tribunal judiciaire de Montauban était incompétent pour connaître de tout litige relatif à la conclusion, l’exécution du contrat de culture et de commercialisation du 23 novembre 2018 conclu entre la Sas [J] et la Sarl Jnane Lamnabha,

-juger que le tribunal judiciaire de Montauban était incompétent pour connaître des demandes de la Sas [J] relatives à l’exécution du contrat de culture et de commercialisation du 23 novembre 2018 conclu avec la Sarl Jnane Lamnabha,

-juger que le tribunal de première instance de Marrakech au Maroc, était compétent pour connaître de tout litige relatif à la conclusion, l’exécution du contrat de culture et de commercialisation du 23 novembre 2018 conclu entre la Sas [J] et la Sarl Jnane Lamnabha,

-infirmer purement et simplement le jugement dont appel,

sur la fin de non recevoir relatif a l’absence de qualité à agir de la Sas [J] :

-juger que la Sas [J] n’avait pas qualité pour agir en justice tenant sa dissolution en date du 1er octobre 2019, et sa liquidation,

-juger que l’action menée en première instance par la Sas [J] était irrecevable tenant la liquidation amiable de celle-ci,

sur la violation des dispositions de l’article 479 du code de procédure civile :

-constater que la décision rendue par le tribunal judiciaire de Montauban le 13.10.2020 (RG n°20/00650), ne comporte aucune des mentions prescrites par l’article 479 du code de procédure civile,

-accueillir l’exception de nullité de l’assignation soutenue par la Sarl Jnane Lamnabha au motif du non-respect des dispositions de l’article 479 du Code de procédure civile,

-prononcer la nullité du jugement pour défaut des mentions prévues par cet article 479 du code de procédure civile,

sur la nullité de l’assignation

-constater que la Sas [J] n’a produit en première instance aucun justificatif de la remise effective de l’assignation par voie légalement ou conventionnellement prescrites,

-constater que l’audience est intervenue moins de 6 mois après la remise de l’acte aux autorités compétentes,

-constater que la Sas [J] n’a produit aucun justificatif des démarches effectuées auprès de l’Autorité compétente aux fins d’obtenir un justificatif de remise de l’acte à son destinataire,

-juger que ces manquements constituent une violation des dispositions de l’article 688 du code de procédure civile,

-accueillir l’exception de nullité de l’assignation soutenue par la Sarl Jnane Lamnabha au motif du non-respect des dispositions de l’article 688 du code de procédure civile,

-prononcer la nullité du jugement pour violation des dispositions de l’article 688 du code de procédure civile,

en tout état de cause

-constater que la Sas [J] a été dissoute le 1er octobre 2019,

-constater qu’à compter du 1er octobre 2019, seul le liquidateur pouvait introduire une procédure au profit de la Sas [J] société en liquidation, à condition toutefois d’y avoir dûment été autorisé,

-constater la présence d’une clause attributive de compétence au profit du tribunal de première instance de Marrakech, dans le contrat de culture et de commercialisation du 23 novembre 2018 conclu entre la Sarl Jnane Lamnabha et la Sas [J],

-constater que sur le fond, la Sas [J] société en liquidation ainsi que les époux [J], n’apportent aucun élément permettant de démontrer une créance relative au contrat de commercialisation,

-constater que la Sarl Jnane Lamnabha produit les factures postérieures à celles produites par la Sas [J] Société en liquidation démontrant, que c’est cette dernière qui est débitrice de la Sarl Jnane Lamnabha,

en conséquence, infirmer la décision dont appel,

statuant à nouveau :

-débouter la Sas [J] société en liquidation ainsi que les consorts [J] de l’ensemble de leurs prétentions,

-rejeter l’ensemble des demandes de la Sas [J] société en liquidation,

-rejeter l’ensemble des éventuelles demandes des consorts [J],

-condamner solidairement l’intimé et les parties appelées en intervention forcée, au paiement de la somme de 20.000 € au titre des dommages et intérêts au titre notamment de la procédure abusive, injustifiée et dilatoire,

-condamner solidairement l’intimé et les parties appelées en intervention forcée, au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement l’intimé et les parties appelées en intervention forcée, aux entiers dépens de première instance et d’appel dont les frais de signification de la décision à intervenir.

Vu les conclusions notifiées le 19 mai 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sas [J], [S] et [P] [J] es-qualités demandant, au visa des articles 74, 686, 687-2 du code de procédure civile, et 1103, 1104 et 1217 du code civil, de :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montauban en date du 13 octobre 2020 sauf en ce qu’il rejette la demande de dommages et intérêts ;

-en cause d’appel, y ajoutant, condamner la société Jnane Lamnabha à payer à la société [J], à [S] [J] et à [P] [J] es qualité la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts ;

-débouter la société Jnane Lamnabha de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions contraires ;

-condamner la société Jnane Lamnabha à payer à la société [J], à [S] [J] et à [P] [J] es qualité la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-condamner la société Jnane Lamnabha aux entiers dépens.

Motifs de la décision :

-sur l’exception d’incompétence de la juridiction montalbanaise :

Selon l’article 75 du code de procédure civile (cpc), s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée .

La Sarl Jnane Lamnabha fait valoir qu’elle a été assignée à tort devant le tribunal judiciaire de Montauban alors que les parties ont convenu dans le contrat du 23 novembre 2018 qui les lie à l’article 10  » qu’en cas de litige à propos de l’interprétation ou de l’exécution du (présent) contrat, les parties confèrent la compétence au juge des référés devant le tribunal de première instance de Marrakech  »

En application de l’article 74 alinéa 1 du cpc, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

La sarl Jnane Lamnabha soulève, in limine litis, l’exception d’incompétence de la juridiction française en invoquant une clause d’attribution de compétence juridictionnelle dans le contrat liant les parties en application de l’article 48 du code de procédure civile (cpc).

Contrairement aux affirmations des parties appelantes, la société marocaine n’était pas représentée en première instance n’a donc pas défendu au fond ; elle peut donc soulever tout moyen et notamment l’exception d’incompétence territoriale, en cause d’appel, dès lors qu’elle la soulève avant tout débat au fond.

Par ailleurs, le fait qu’elle ait été assignée régulièrement en première instance ne peut lui faire grief et il ne peut lui être reproché le fait que n’ayant pas constitué avocat, elle n’a pas débattu du litige en première instance. La demande n’est pas nouvelle en appel et l’appelante qui n’a pas comparu en première instance peut soulever toute exception et tout moyen en cause d’appel.

Par ailleurs, il appartient à toute juridiction de vérifier sa compétence avant de statuer au fond, et notamment lorsqu’une partie ne comparait pas et que cette dernière est domiciliée à l’étranger. Il appartenait au tribunal de s’interroger sur la clause attributive de compétence figurant au contrat liant les parties, fondement de l’action en paiement de la société [J] et le cas échéant de rouvrir les débats de ce chef.

Les parties intimées ne concluent pas sur la clause attributive de compétence figurant au contrat et se bornent à voir déclarer irrecevable l’exception d’incompétence soulevée en appel comme nouvelle.

En application de l’article 48 du cpc  » Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.  »

En l’espèce, il s’agit d’un  » contrat de culture et de commercialisation de melons charentais- campagne 2019  » entre la société marocaine Jnane Lamnabha sarl et la société [J] (SAS)

Les parties sont donc des commerçants, ce qu’elle ne contestent pas, et se sont entendues pour désigner le tribunal de première instance de Marrakech pour trancher un litige relatif à leur contrat en 2018.

Par ailleurs, cette clause est stipulée au dernier article du contrat juste avant la signature des parties dans un acte qui ne comporte que 10 articles et rédigé sur 3 pages. Cette clause qui n’est pas qualifiée par les parties intimées de clause dissimulée ou non apparente est suffisamment apparente et claire pour être opposée à la société [J] et à ses dirigeants, ancien gérant ou liquidatrice amiable au sens de l’article 48 du cpc.

Enfin selon le jugement dont appel, l’assignation de la sarl Jnane Lamnabha vise à la faire condamner en paiement d’une créance de 196200 euros en principal sur le fondement de l’article 1103 du code civil; la société [J] recherchait un titre exécutoire définitif, après avoir procédé à des mesures conservatoires. Elle devait nécessairement s’interroger sur l’application de la clause attributive de compétence stipulée au contrat.

En application de l’article 81 du cpc, lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.

Il convient de constater que le tribunal judiciaire de Montauban était incompétent pour trancher le litige qui relevait d’une juridiction étrangère. Le jugement dont appel sera infirmé et les parties renvoyées à mieux se pourvoir.

-sur les demandes accessoires :

La SAS [J] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Au égard aux circonstances particulières du litige chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

– dit recevable l’exception d’incompétence soulevée par la société appelante et y fait droit

-infirme le jugement

-renvoie les parties à mieux se pourvoir en application de l’article 81 du cpc.

-condamne la SAS [J] aux dépens de première instance et d’appel,

– dit que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Le greffier La présidente

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