Arrêt N°23/
SP
R.G : N° RG 21/01824 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FUAM
[C]
C/
S.C. [Adresse 16]
S.E.L.A.R.L. HIROU
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 10 MAI 2023
Chambre commerciale
Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE SAINT PIERRE en date du 28 SEPTEMBRE 2021 suivant déclaration d’appel en date du 21 OCTOBRE 2021 rg n°: 19/00448
APPELANT :
Monsieur [N] [S] [U] [C]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 15]
Représentant : Me Eric pierre POITRASSON de la SAS LEXIPOLIS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
S.C. [Adresse 16]
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentant : Me Jean-francis CHEUNG AH SEUNG de la SELARL VJL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
S.E.L.A.R.L. HIROU
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représentant : Me Jean-francis CHEUNG AH SEUNG de la SELARL VJL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Février 2023 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 19 avril 2023 prorogé par avis au 10 mai 2023.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 10 mai 2023.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * * * *
LA COUR
Dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’égard de la SCCV [Adresse 16] (jugement du 26 février 2019 d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par décision du 7 mai 2019), M. [N] [S] [U] [C] a déclaré une créance totale de 298.340,12 euros auprès de la SELARL Hirou en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV [Adresse 16] (le liquidateur).
Par courrier en date du 14 janvier 2020, M. [C] a été informé par le liquidateur que sa créance était contestée et qu’il entendait saisir le juge-commissaire d’une proposition de rejet pour sa totalité.
Par ordonnance en date du 28 septembre 2021, le juge commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a :
Statuant en application des articles L 622-27, L 624-2, R 624-2 du code de commerce
-rejeté la créance déclarée par M. [N] [S] [U] [C] au passif de la procédure collective de la SCCV [Adresse 16]
-dit que la présente décision sera notifiée par les soins du greffier aux parties par LRAR
-ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.
Par déclaration au greffe en date du 20 octobre 2021, M. [C] a interjeté appel de cette décision.
L’affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 23 novembre 2021.
L’appelant a signifié la déclaration d’appel et l’avis à bref délai au liquidateur et à la SCCV Laine de Feu par actes du 29 novembre 2021.
Le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] se sont constituées par acte du 10 décembre 2021.
M. [C] a déposé ses premières conclusions d’appel par RPVA le 23 février 2022.
Le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] ont déposé leurs conclusions d’intimée par RPVA le 23 mars 2022.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 09 novembre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience circuit court du 19 octobre 2022 renvoyée au 15 février 2023. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 19 avril 2023 prorogé par avis au 10 mai 2023.
* * *
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 août 2022, M. [C] demande à la cour, au visa des articles 6-1 de la CEDH, 905 et suivants, 16 et 132 du code de procédure civile, de :
Vu le refus de communiquer ses éléments de preuve détenus par le liquidateur
Avant dire droit
-enjoindre au liquidateur de communiquer les éléments comptables de la SCCV [Adresse 16] suivants, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir :
. Le grand livre des écritures lettres et non lettrées de la SCCV [Adresse 16]
. Le plan de sécurité établi par le coordinateur de sécurité (CSPS)
. Les contrats d’approvisionnement avec la société EXPALU, les bons de livraisons et les factures, les attestations de conformité des menuiseries fournies par EXPALU au DTU applicable dans les DOM
. L’assurance de garantie décennale de la société EXPALU
. L’assignation, les pièces communiquées et conclusions échangées suite à l’assignation en faillite personnelle délivrée à l’encontre de M. [F] [X]
. Le jugement prononçant la faillite personne de M. [F] [X] en date du 26 avril 2022,
Et à défaut, en tout état de cause
-prononcer l’annulation de l’ordonnance du 28 septembre 2021
-rejeter la contestation par le liquidateur de la créance déclarée par M. [C]
En conséquence
-prononcer l’admission de la créance déclarée au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SCCV [Adresse 16] par M. [C] à titre privilégié hypothécaire de 1er rang à hauteur de 298.340,12 euros se décomposant comme suit :
. Principal : 260 950 euros
. Intérêts échus à la date du jugement de redressement judiciaire : 37.390,92 Euros
. Intérêts à échoir : (mémoire)
Subsidiairement, et à défaut d’annulation de l’ordonnance du 28 septembre 2021
-infirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge-commissaire a rejeté la créance déclarée au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SCCV [Adresse 16] par M. [C]
Ce fait
-rejeter la contestation par le liquidateur de la créance déclarée par M. [C]
En conséquence
-prononcer l’admission de la créance déclarée au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SCCV [Adresse 16] par M. [C] à titre privilégié hypothécaire de 1er rang à hauteur de 298.340,12 euros se décomposant comme suit :
. Principal : 260 950 euros
. Intérêts échus à la date du jugement de redressement judiciaire : 37.390,92 Euros
. Intérêts à échoir : (mémoire)
En tout état de cause
-condamner le liquidateur à payer à M. [C] la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
* * *
Dans leurs conclusions transmises par voie électronique le 23 mars 2022, le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] demandent à la cour, au visa des articles 455 du code de procédure civile et 1343, 1353, 1359 du code civil, de :
-débouter M. [C] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions
En conséquence
-confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la créance déclarée au passif de ladite société par M. [C]
En tout état de cause
-condamner M. [C] à verser à la liquidation judiciaire de la SCCV [Adresse 16] une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-condamner M. [C] aux entiers dépens.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
Il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation dans la mesure où l’acte litigieux a été conclu avant l’entrée en vigueur de la réforme.
Sur la demande d’injonction formée par M. [C]
M. [C] demande à la cour d’enjoindre, avant dire droit, le liquidateur à communiquer divers documents comptables et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans le délai 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir.
Il soutient que le liquidateur qui est censé détenir la comptabilité de la SCCV [Adresse 16] s’oppose à la communication de cette comptabilité qui serait pourtant de nature à démontrer qu’il a bien payé pour le compte de la SCCV [Adresse 16] les factures de ses fournisseurs EXPALU et EXPALU Ltd qui ont fabriqué, importé et installé les menuiseries posées sur les logements construits par la SCCV [Adresse 16].
Il fait encore valoir que le liquidateur fonde sa demande de rejet de la créance déclarée par les éléments comptables qu’il détiendrait et que le juge-commissaire, bien que n’étant pas en possession desdits éléments, a retenu les arguments du liquidateur sur ce point, le rivant ainsi du droit à la preuve indissociable du droit à un procès impartial et équitable garanti par l’article 6 de la CEDH. Or, il rappelle que les différentes sommations de communiquer les éléments comptables de la SCCV [Adresse 16] sont restées vaines.
Le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] ne font aucune observation sur ce point.
Sur quoi,
Pour rappel, l’article 6 du code de procédure civile dispose « A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder. »
Conformément aux dispositions des article 8 et 13 du même code, le juge peut inviter les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.
S’agissant de la preuve, en vertu des article 9 et 10, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.
En l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats par M. [C] que, suivant acte authentique reçu par Me [O], Notaire à [Localité 18], en date du 23 juillet 2013 dénommé « PRET par M. [C] [N] [S] au profit de la SCCV [Adresse 16] », M. [C] (le prêteur) a consenti à la SCCV [Adresse 16] (l’emprunteur) un prêt à court terme de 500.000 euros au taux hors assurance de 10% l’an, d’une durée de 12 mois, remboursable en 2 termes, à savoir la somme de 400.000 euros le 31 octobre 2013 et le solde, soit le capital plus les intérêts le 30 novembre 2014.
A titre de sûreté et garantie du remboursement du crédit consenti, l’emprunteur a affecté et hypothéqué au profit du prêteur les biens en état de futur achèvement dépendant d’un groupe d’habitation dénommé « [Adresse 16] », situés à [Localité 17] ([Localité 13]), à savoir deux villa de type F4 en duplex constituant les lots n° 5 et 8 dudit groupe cadastrés section DE n° [Cadastre 3] et n° [Cadastre 4], lieudit [Adresse 12], d’une surface de 1 are et 84 centiares chacun. Il est précisé en fin d’acte que la créance résultant de l’acte est garantie par une inscription d’hypothèque conventionnelle prise au service de la publicité foncière de [Localité 11] (Réunion) le 25 octobre 2013 volume 2013 V n° 1853 ayant effet jusqu’au 30 novembre 2014.
Sur le fondement de la copie exécutoire de l’acte notarié du 23 juillet 2013 et d’une hypothèque conventionnelle publiée le 25 octobre 2013 au service de la publicité foncière de [Localité 11] (Réunion) le 25 octobre 2013 volume 2013 V n° 1853 renouvelée le 29 mai 2015 sous la référence n° 2015 V 1017 suivant bordereau rectificatif valant reprise pour ordre de la formalité initiale et faisant valoir son droit de suite :
Le 18 août 2017, M. [C] a fait délivrer un commandement de payer valant saisie au débiteur à la SCCV [Adresse 16], propriétaire indivis donnant vocation à la jouissance de deux villas de type F4 en duplex constituant les lots n° 5 et 8 de l’îlot A du groupe d’habitation « [Adresse 16] » pour le premier et de l’îlot B pour le second, cadastrées section DE n° [Cadastre 6] et [Cadastre 5] d’une superficie de 1 are et 84 centiares chacune d’avoir à payer dans un délai de 8 jours la somme de 582.985,40 euros arrêtée au 20 mai 2017 se décomposant comme suit :
. Capital restant dû 260.950€
. Intérêts au taux contractuel de 10% l’an arrêtés au 20 mai 2017 322.035€
. Frais de procédure mémoire
Faute de quoi, la procédure afin de vente des biens immobiliers suivants se poursuivra devant le juge de l’exécution.
Les 22 septembre et 31 décembre 2014, la SCCV [Adresse 16] a vendu en l’état de futur achèvement les lots n° 5 et 8 de groupe d’habitation « [Adresse 16] » à Mme [W] [Y] [K] et à M. [A] [L] [M] [I] et Mme [P] [J] [H] épouse [I].
Le 22 septembre 2017, M. [C] a fait délivrer un commandement de payer valant saisie à tiers détenteur à M. et Mme [I], propriétaires indivis donnant vocation à la jouissance d’une villa de type F4 duplex constituant le lot n° 8 dans l’îlot B du groupe d’habitation « [Adresse 16] » cadastrée section DE n° [Cadastre 2] et à titre indivis, une quote-part des parties communes consistant dans la voirie, le portail d’entrée et les équipements propres à l’îlot B cadastrée section DE n° [Cadastre 8], d’avoir à payer dans un délai d’un mois la somme de 582.985,40 euros arrêtée au 20 mai 2017, faute de quoi la procédure à fin de vente de l’immeuble se poursuivra devant le juge de l’exécution.
Le 30 novembre 2017, M. [C] a fait délivrer un commandement de payer valant saisie à tiers détenteur à Mme [K], propriétaire indivis donnant vocation à jouissance d’une villa de type F4 duplex constituant le lot n° 5 dans l’îlot A du groupe d’habitation « [Adresse 16] » cadastrée section DE n° [Cadastre 6] et à titre indivis, une quote-part des parties communes consistant dans la voirie, le portail d’entrée et les équipements propres à l’îlot A cadastrée section DE n° [Cadastre 7], d’avoir à payer dans un délai d’un mois la somme de 582.985,40 euros arrêtée au 20 mai 2017, faute de quoi la procédure à fin de vente de l’immeuble se poursuivra devant le juge de l’exécution.
Par jugement en date du 7 septembre 2018, le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance de Saint Pierre de la Réunion a, avant dire droit, invité Mme [K] à mettre en cause Me [O], notaire et la SCCV [Adresse 16] ou tout mandataire judiciaire la représentant dans le cadre d’une éventuelle procédure collective la concernant.
Par jugement à même date, le juge de l’exécution de ce même tribunal, a, avant dire droit, ordonné la production par les époux [I] de leur acte de vente avec toutes ses annexes et invité ces derniers à mettre en cause Me [O], notaire et la SCCV [Adresse 16] ou tout mandataire judiciaire la représentant dans le cadre d’une éventuelle procédure collective la concernant.
Par jugement en date du 13 septembre 2019, le juge de l’exécution a, notamment :
-rejeté les contestations et fins de non-recevoir de M. [C]
-dit que les contrats de prêts passés en l’étude de Me [O], notaire à [Localité 18] le 23 juillet 2013 n’ont jamais été exécutés ;
-dit que les deux hypothèques consenties le 25 octobre 2013 et 31 octobre 2014 sont éteintes ;
-ordonné la radiation judiciaire des deux hypothèques conventionnelles inscrites sur le fondement d’un acte authentique de prêt du 23 juillet 2013 passé en l’étude de Me [O], notaire à [Localité 18], la première étant du 25 octobre 2013, volume 2013 n° 1853 et la seconde du 31 octobre 2014 volume 2014 n° 1994.
M. [C] a interjeté appel du jugement.
Dans son arrêt rendu le 21 septembre 2021, la cour a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, constaté le défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution pour statuer sur la demande de radiation d’une inscription d’hypothèque conventionnelle en l’absence de toute autre contestation présentée devant le juge de l’exécution et invité les parties à mieux de pourvoir.
La cour constate que M. [C] ne justifie pas de l’opposition du liquidateur à lui communiquer quelque document comptable que ce soit, et pas davantage que le juge-commissaire aurait fondé sa décision sur ladite comptabilité, les seuls documents produits consistant, outre l’acte litigieux, en des commandements de payer et des décisions de justice.
Il résulte de ce qui précède que la demande d’injonction n’est pas justifiée et doit donc être rejetée.
Sur l’annulation de l’ordonnance du juge-commissaire sollicitée par M. [C]
M. [C] soutient que le juge-commissaire a violé les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile qui impose au juge d’exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens et de motiver sa décision en visant les dernières écritures des parties reprises à l’audience des débats pour la procédure orale.
M. [C] considère que le juge-commissaire l’a privé du droit à la preuve, indissociable du droit à un procès impartial et équitable garanti par l’article 6 de la CEDH, dès lors que, alors que le mandataire judiciaire exposait sans en justifier que la comptabilité de la SCCV [Adresse 16] ne comporterait aucune mention du prêt, le juge commissaire ne pouvait ignorer qu’une sommation de communiquer de produire ladite comptabilité avait été notifiée au mandataire judiciaire et régulièrement portée à sa connaissance.
M. [C] fait encore valoir que le juge commissaire a gravement méconnu les dispositions de l’article 1353 du code civil, dès lors que l’existence d’une reconnaissance de dette fait peser la charge de la preuve sur le débiteur et en aucun cas sur le créancier.
Enfin, M. [C] estime que le juge-commissaire a également méconnu les dispositions relatives aux modes de preuve légalement admissibles pour contester les énonciations d’un acte authentique, dès lors que si, s’agissant d’un paiement effectué hors la comptabilité d’un notaire la quittance donnée par le débiteur et constatée par le notaire fait foi jusqu’à preuve contraire, cette preuve contraire ne peut être administrée que dans le respect des dispositions de l’article 1359 du code civil.
Après avoir rappelé que la procédure devant le juge-commissaire est orale, le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] font valoir que l’article 455 du code de procédure civile n’impose pas le visa des conclusions des parties mais prévoit que ‘l’exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties’ Ils estiment que le juge-commissaire a exposé succinctement les prétentions de l’appelant.
Le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] soutiennent encore que la décision du juge-commissaire n’est aucunement fondée sur la comptabilité de la SCCV [Adresse 16] mais sur la carence du créancier qui se prétend prêteur à apporter la preuve du versement de la somme figurant dans le contrat de prêt notarié et en déduit que l’absence de violation des dispositions de l’article 6 de la CEDH.
S’agissant de la prétendue violation des dispositions des articles 1353 et 1359 du code civil, le liquidateur et la SCCV [Adresse 16] considèrent enfin que quand bien même ces moyens seraient par extraordinaire accueillis par la juridiction de céans, ils ne pourraient aboutir qu’au prononcé de l’infirmation de ladite ordonnance, et non à sa nullité.
Sur quoi,
D’une part,
A côté de l’appel-annulation (ordinaire) de l’article 542 du code de procédure civile, il y a l’appel-nullité ou appel annulation exceptionnel et prétorien.
Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile modifié par Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : ‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.’
L’appel-annulation ne peut sanctionner qu’une irrégularité dans la procédure d’élaboration du jugement, caractérisée et particulièrement grave de la part de la juridiction tels que le non-respect des droits de la défense ou la méconnaissance de l’étendue de son pouvoir de juger. Il est soumis au droit commun de l’appel.
L’appel-nullité ou appel-annulation extraordinaire ou prétorien quant à lui n’est ouvert qu’à trois séries de conditions : qu’un texte apporte une atteinte au principe du double degré de juridiction (interdiction ou limitation de l’appel ordinaire, interdiction de tout recours, appel différé) ; que la décision à l’encontre de laquelle l’appel est interjeté soit affectée par un vice suffisamment grave constitutif d’un excès de pouvoir ; et qu’en outre, aucun autre recours ne soit ouvert.
D’autre part
Aux termes de l’article 455 du même code :
« Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif. »
Par ailleurs,
Aux termes de l’article 6 alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, communément appelée Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) signée par les États membres du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953 :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
En l’espèce, M. [C] sollicite l’annulation de l’ordonnance du 28 septembre 2021 par le juge-commissaire invoquant la violation du principe selon lequel le jugement doit être motivé : il s’agit d’un appel-annulation ordinaire.
En l’espèce, l’ordonnance querellé précise qu’à l’audience du 7 septembre 2021 :
-le débiteur n’a pas comparu
-le mandataire judiciaire a comparu et a maintenu sa contestation
-le créancier a comparu et a maintenu sa demande d’admission en se fondant sur la caractère authentique de son acte de prêt.
Dans sa motivation, le juge-commissaire, après avoir rappelé qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de son obligation, a précisé que M. [C] se fondait sur un prêt notarié et que le mandataire contestait la créance déclarée au motif que le créancier ne démontrait pas le versement de la somme de 500.000 euros à la SCCV [Adresse 16], somme qui n’apparaissait pas en comptabilité. Puis, il a motivé sa décision en rappelant que si le prêt notarié valait titre exécutoire, le caractère exécutoire de l’acte notarié, s’il en autorisait son exécution forcée, n’empêchait pas que sa validité soit contestée, qu’en l’espèce l’acte notarié ne portait aucune mention quant à une remise de fond par le prêteur alors que le prêt était un contrat réel de sorte qu’il appartenait au créancier de démontrer qu’il s’était valablement libéré de son obligation de versement des fonds entre les mains de l’emprunteur, ce que M. [C] ne faisait pas.
La cour constate que le juge-commissaire a exposé les prétentions respectives des parties et parfaitement motivé sa décision en visant les dernières écritures des parties reprises à l’audience des débats pour la procédure orale.
S’agissant des articles 1353 et 1359 du code civil, concernant le fond de l’affaire, ils ne peuvent en aucun cas aboutir à l’annulation de l’ordonnance entreprise.
Il résulte de ce qui précède que M. [C] ne pourra qu’être débouté de sa demande d’annulation de l’ordonnance dont appel.
Sur les créances contestées
M. [C] expose que par acte notarié faisant foi jusqu’à inscription de faux en date du 23 juillet 2013, reçu par Me [B] [O], la SCCV [Adresse 16] s’est reconnue débitrice de M. [C] d’une somme de 500.000 euros remboursable sur 12 mois avec intérêts au taux de 10% l’an et a constitué pour sûreté du remboursement de cette somme une hypothèque conventionnelle à son profit. Les inscriptions d’hypothèques conventionnelles ont été effectuées et publiées le 25 octobre 2013 au service de la publicité foncière de [Localité 11] (Réunion) volume 2013 V n° 1853 renouvelée le 29 mai 2015 sous la référence n° 2015 V 1017 suivant bordereau rectificatif valant reprise pour ordre de la formalité initiale du 25 octobre 2013, portant sur deux biens immobiliers situé à [Localité 17] cadastrés section DE n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] appartenant à la SCCV [Adresse 16]. Cette dernière n’ayant remboursé que 239.500 euros, il a été contraint d’user du droit de suite attaché à son hypothèque et a engagé deux procédures de saisies immobilières contre les tiers détenteurs actuels des lots qui, étrangement ont été vendus sans purge de l’hypothèque dont il bénéficie, et ce, avec le concours du notaire dont le mari est bénéficiaire économique de la SCCV [Adresse 16] dont le siège était fixé au domicile personnel de Me [B] [O].
M. [C] soutient que sa qualité de créancier privilégié est largement démontrée. Il fait valoir qu’il ne lui appartient pas de rapporter la preuve du versement des fonds dont la SCCV [Adresse 16] s’était déclarée devant notaire débitrice, mais il incombe à l’auteur de la contestation de rapporter la preuve de l’absence de paiement. Il ajoute qu’il appartient également à l’auteur de la contestation de rapporter la preuve de l’existence du paiement effectué hors la comptabilité du notaire mais constaté dans un acte authentique et de se conformer aux dispositions relatives aux modes de preuve admissibles pour contester les énonciations d’un acte authentique : ainsi, s’agissant d’un paiement effectué hors la comptabilité d’un notaire, si la quittance donnée par le débiteur et constatée par le notaire fait foi jusqu’à preuve contraire, cette preuve contraire ne peut être administrée que dans le respect des dispositions de l’article 1359 du code civil, ce que rappelle fermement la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation. Il fait remarquer que sa position est confortée par les décisions rendues en pareille matière par le juge de l’exécution approuvé par la présente cour. Il relève encore que la signature de l’acte notarié de reconnaissance de dette et constitution d’hypothèque est postérieure à la remise des fonds et que postérieurement à la signature de l’acte authentique de reconnaissance de dette et de constitution d’hypothèque, l’office notarial a procédé au renouvellement de l’hypothèque conventionnelle, ce qui démontre que la débitrice n’avait pas soldé sa dette garantie par l’hypothèque inscrite en sa faveur.
Le liquidateur et la SCCV font valoir que l’acte produit par M. [C] est un acte de prêt notarié et non une reconnaissance de dette et qu’il s’en suit que l’article 1359 du code civil n’est pas applicable. Ils soutiennent que conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il appartient au prêteur qui sollicite l’exécution de l’obligation de restitution de l’emprunteur d’apporter la preuve de l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds. Or, M. [C] refuse toujours, ou ne semble pas être capacité de prouver la remise des fonds et, partant, la réalité de la créance alléguée.
Sur quoi,
D’une part,
Aux termes de l’article L624-1 du code de commerce :
« Dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire.
Les observations du débiteur sont faites dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. Le débiteur qui ne formule pas d’observations dans ce délai ne peut émettre aucune contestation ultérieure sur la proposition du mandataire judiciaire.
Le mandataire judiciaire ne peut être rémunéré au titre des créances déclarées ne figurant pas sur la liste établie dans le délai mentionné ci-dessus, sauf pour des créances déclarées après ce délai, en application des deux derniers alinéas de l’article L. 622-24. »
Et l’article L624-2 du même code dispose : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »
Pour rappel,
En application de l’article L110-3 du code de commerce, « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. » et selon l’article L123-23 alinéas 1 et 2 « La comptabilité régulièrement tenue peut-être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit. »
Et l’article 1315 du code civil devenu l’article 1353 à compter du 1er octobre 2016 dispose :
‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’
Par ailleurs,
Aux termes de l’article 1874 du code civil :
« Il y a deux sortes de prêt :
Celui des choses dont on peut user sans les détruire ;
Et celui des choses qui se consomment par l’usage qu’on en fait.
La première espèce s’appelle » prêt à usage « .
La deuxième s’appelle » prêt de consommation « , ou simplement » prêt « . »
En l’espèce, le contrat conclu entre M. [C] et la SCCV [Adresse 16] est un contrat de prêt d’argent et non une simple reconnaissance de dette, définie à l’article 1326 (ancien) comme étant l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien et qui doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement avec la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.
Il s’agit d’un contrat réel qui exige pour sa formation la tradition, c’est à dire la remise de la chose prêtée à l’emprunteur lorsque le prêteur est un particulier et d’un contrat consensuel lorsque le prêteur est un professionnel.
Ainsi, l’obligation principale du prêteur non professionnel est de délivrer la chose prêtée.
En l’espèce, M. [C] est un prêteur non professionnel : il s’agit donc d’un contrat réel.
Conformément au droit commun de la preuve, il appartient donc à M. [C] de rapporter la preuve de la remise de la somme prêtée à l’emprunteur.
Enfin,
Aux termes de l’article 1317 (ancien) du code civil :
« L’acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises.
Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »
L’article 1319 (ancien) dispose :
« L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.
Néanmoins, en cas de plaintes en faux principal, l’exécution de l’acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation ; et, en cas d’inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l’exécution de l’acte. »
Ainsi, dans les limites où la pleine foi est attachée à l’acte, il ne peut être attaqué que par la procédure particulière de l’inscription de faux qui donne lieu à communication au ministère public (article 303 à 316 du code de procédure civile).
L’article 1320 (ancien) précise : « L’acte, soit authentique, soit sous seing privé, fait foi entre les parties, même de ce qui n’y est exprimé qu’en termes énonciatifs, pourvu que l’énonciation ait un rapport direct à la disposition. Les énonciations étrangères à la disposition ne peuvent servir que d’un commencement de preuve. »
Seules font foi jusqu’à inscription de faux les énonciations relatives à des faits que l’officier public a été en mesure de constater par lui-même, soit parce qu’il les a personnellement accomplis, soit parce qu’ils se sont déroulés en sa présence, dans l’exercice de ses fonctions, tels la présence des parties tel jour en tel lieu, la sincérité de leur signature, la qualité qu’elles ont déclaré s’attribuer et la constatation qu’elles ont fait telles déclarations.
A force probante la constatation de l’accomplissement de certains faits matériels en la présence du notaire, telle la constatation de la numération d’une somme d’argent « à la vue du notaire », la mention qui constate la remise de fonds « en présence du notaire ».
Ne sont donc pas soumises à la procédure d’inscription de faux et font donc foi jusqu’à preuve contraire les énonciations et déclarations qui sont l »uvre exclusive des parties et que l’officier public s’est borné à consigner sans être à même d’en vérifier la sincérité ou l’exactitude.
En l’espèce, M. [C] à qui il appartient de rapporter la preuve de la remise des fonds à la SCCV [Adresse 16] se contente de produire l’acte authentique de prêt du 23 juillet 2013 qui ne mentionne à aucun endroit la remise des fonds, à savoir la somme de 500.000 euros, que ce soit « à la vue du notaire » et « hors la vue du notaire » sur déclaration des parties.
La cour ne peut donc que constater que M. [C] ne justifie pas davantage devant elle que devant le juge-commissaire du versement de la somme de 500 .000 euros à la SCCV [Adresse 16].
Il s’en suit que c’est à bon droit que le juge-commissaire a rejeté l’admission de la créance déclarée par M. [C].
Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
M. [C] succombant, il convient de le condamner aux dépens d’appel et de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel.
L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur du liquidateur, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 4.000 euros pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile;
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 28 septembre 2021 par le juge-commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ;
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [N] [S] [U] [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE M. [N] [S] [U] [C] à payer à la SELARL Hirou en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV [Adresse 16] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
LE CONDAMNE aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT