ARRÊT N°
DR/FA
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 10 MAI 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique du 16 Mars 2023
N° de rôle : N° RG 22/01555 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ER3S
S/appel d’une décision
du Juge de l’exécution de Besançon
en date du 09 septembre 2022 [RG N° 22/828]
Code affaire : 78I
Autres demandes relatives à la saisie mobilière
[R] [G] C/ S.A.S. MCS ET ASSOCIES
PARTIES EN CAUSE :
Madame [R] [G]
née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 5] (70), de nationalité française, retraitée, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Valérie TRONCHET, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/001174 du 20/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BESANCON)
APPELANTE
ET :
S.A.S. MCS ET ASSOCIES Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège – inscrite au RCS de Paris sous le numéro 334 537 206
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Fabien KOVAC de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, avec l’accord des conseils des parties.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseiller.
L’affaire, plaidée à l’audience du 16 mars 2023 a été mise en délibéré au 10 mai 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte notarié du 14 novembre 1996, reçu par Maître [F] [M], un prêt immobilier d’un montant initial de 400 000 francs a été consenti à la SA KHEOPS, pour l’acquisition d’un ensemble immobilier situé à [Localité 4]. M. [Z] [B] et M. [T] [S] se sont portés cautions personnelles et solidaires de ce prêt.
La SA KHEOPS a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire en date du 3 décembre 2001, sans qu’aucune clôture pour insuffisance d’actif n’ait été prononcée. Le Crédit Agricole a déclaré sa créance d’un montant de 43 800,74 euros, laquelle a été admise au passif de la liquidation judiciaire, selon courrier du 15 janvier 2003. Un certificat d’irrécouvrabilité lui a été délivré le 25 août 2005.
Selon acte sous seing privé en date du 2 janvier 2018, le Crédit Agricole a cédé à la société DSO un portefeuille de créances, dont celle détenue à l’égard de la SA KHEOPS. Cette cession de créance a été régulièrement notifiée à M. [Z] [B] par la société DSO, en date du 3 septembre 2018 et par la SAS MCS & Associés (la société MCS), suite à la fusion avec DSO le 26 octobre 2020.
Une saisie-attribution des loyers a été pratiquée le 11 mars 2021 concernant un bien immobilier, situé [Adresse 1], appartenant à M. [Z] [B] et loué à Mme [R] [D], cette dernière indiquant à l’huissier instrumentaire régler un loyer mensuel de 450 euros, hors charges. Cette saisie a été dénoncée le même jour à la personne de M. [Z] [B], qui ne l’a pas contestée.
Mme [R] [D] a réglé entre les mains de l’huissier instrumentaire un seul et unique loyer de 450 euros, en date du 10 juin 2021 et ce, malgré mise en demeure en date du 8 décembre 2021 lui enjoignant de reprendre les paiements.
Selon exploit d’huissier en date du 2 mai 2022, la société MCS a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Besançon, aux fins d’obtenir la condamnation de Mme [R] [D] à payer à la société MCS la somme de 18 743,12 euros, sur le fondement de l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution.
Par jugement du 9 septembre 2022, réputé contradictoire, Mme [R] [D] n’étant ni comparante, ni représentée, le tribunal judiciaire de Besançon, statuant en qualité de juge de l’exécution, a’:
– constaté que Mme [R] [D] n’a pas réglé les loyers de l’appartement qu’elle occupe, sis [Adresse 1]), bien immobilier appartenant à M. [Z] [B] ès qualités de caution solidaire de la SA Khéops, entre les mains de l’huissier de justice instrumentaire, la SCP Dupuis, huissiers de justice associés à Besançon (25000), ayant pratiqué à son encontre une saisie attribution de loyers le 11 mars 2021;
– condamné Mme [R] [D] à payer à la société MCS la somme de 18 743,12 euros, sur le fondement de l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution’;
– condamné Mme [R] [D] à payer à la société MCS la somme de 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné Mme [R] [D] aux dépens de l’instance.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que’:
– il résultait des éléments versés au débat que M. [Z] [B] était débiteur de la société MCS, venant aux droits du Crédit Agricole et que la dette de M. [Z] [B] s’élevait à la somme de 18 743,12 euros, selon décompte arrêté au 2 mars 2022 ;
– le 11 mars 2021, Mme [R] [D], ès qualité de locataire de M. [Z] [B], avait indiqué à 1’huissier, qui procédait à la saisie-attribution qu’elle était redevable à l’égard de M. [Z] [B], propriétaire de l’appartement qu’elle occupait, d’un loyer mensuel de 450 euros, hors charges. Il lui avait été alors indiqué que les loyers devaient être versés directement à l’huissier instrumentaire. Mme [R] [D] ne procédait qu’à un seul et unique paiement entre les mains de 1’Huissier instrumentaire ayant opéré cette saisie-attribution ;
– dès lors, Mme [R] [D], ès qualités de locataire de M. [Z] [B], ès qualités de caution solidaire de la SA Khéops, devait être condamnée à payer à la société MCS la somme 18 743,12 euros, conformément aux dispositions des articles L 211-3, R 211-4, R.211-5 et R 211-17 du code des procédures civiles d’exécution.
Par déclaration parvenue au greffe le 6 octobre 2022, Mme [R] [D] a interjeté appel du jugement et, selon ses dernières conclusions transmises le 6 janvier 2023, elle demande à la cour :
– de déclarer l’appel de Mme [R] [D] recevable et bien fondé’;
– en conséquence, d’infirmer en toutes ses dispositions la décision du juge de l’exécution, en date du 9 septembre 2022′;
– de débouter la société MCS en toutes ses demandes, fins et conclusions’;
– de condamner la société MCS aux entiers dépens, avec droit, pour Maître [A] [K], de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises le 9 septembre 2021, la société MCS demande à la cour :
Vu les articles L 211-3, R 211-4 et R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution,
– de confirmer le jugement du 9 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;
– de débouter purement et simplement Mme [R] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;
Y ajoutant,
– de condamner Mme [R] [D] à payer à la société MCS la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
en tout état de cause,
– de condamner la même aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l’affaire, appelée à l’audience du 16 mars 2023 suivant, a été mise en délibéré au 10 mai 2023.
Pour l’exposé complet des moyens, tant de l’appelant que de l’intimé, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
Aux termes de l’article L 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.
Aux termes de l’article L 211-3 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations, nantissements ou saisies antérieures.
Aux termes de l’article R 211-4 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l’huissier de justice les renseignements prévus à l’article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l’acte de saisie.
Aux termes de l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.
Aux termes de l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d’un certificat délivré par le greffe ou établi par l’huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie.
Aux termes de l’article R 211-9 du code des procédures civiles d’exécution, en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant le juge de l’exécution qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi.
Aux termes de l’article R 211-15 du code des procédures civiles d’exécution, en l’absence de contestation, les sommes échues après la saisie sont versées sur présentation du certificat prévu à l’article’R. 211-6. Le tiers saisi se libère, au fur et à mesure des échéances, entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire qui en donne quittance et en informe le débiteur.
Aux termes de l’article R 211-17 du code des procédures civiles d’exécution, le tiers saisi est informé par le créancier de l’extinction de la dette du saisi par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La saisie cesse également de produire effet lorsque le tiers saisi cesse d’être tenu envers le débiteur. Le tiers saisi en informe le créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Mme [R] [D] considère qu’en application de l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution, elle ne peut être condamnée puisqu’elle a fourni les renseignements nécessaires à l’huissier instrumentaire. Par ailleurs, elle indique n’avoir pas compris la portée de l’acte de saisie attribution lorsqu’il lui a été signifié, de sorte qu’elle pensait n’avoir à s’acquitter que d’une seule échéance du loyer entre les mains de l’huissier. Elle ajoute n’avoir eu aucun intérêt personnel à payer les loyers à M. [B] plutôt qu’à l’huissier, et précise avoir, dès réception du jugement, repris les réglements au profit de l’huissier.
A titre liminaire, il n’y a pas lieu de s’arrêter à l’argumentation de l’appelante consistant à soutenir qu’elle avait fourni à l’huissier l’ensemble des renseignements qu’il avait sollicités, ce qui n’a jamais été contesté, ce moyen étant sans emport dès lors que la condamnation à titre personnel de Mme [D] n’a pas été prononcée par le premier juge du fait d’un défaut de fourniture de renseignement, mais du fait d’un défaut de paiement des échéances de loyer successives dont l’intéressée était redevable envers M. [B].
L’examen du procès-verbal de saisie-attribution de loyers, délivré le 11 mars 2021 à Mme [R] [D], comporte expressément en sa première page la somme réclamée et le rappel des textes légaux tel que notamment le premier alinéa de l’article L 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, dont les termes sont dénués d’ambiguïté. De même, en suite dudit rappel, il est indiqué, après la mention ‘très important’, que le destinataire de l’acte est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées, dans la limite de ce qu’il doit au débiteur.
Il est également indiqué en capitales d’imprimeries qu’à compter du jour de la saisie-attribution, le tiers saisi doit s’abstenir de régler les loyers ou indemnités d’occupation jusqu’à ce qu’il soit personnellement avisé de nouvelles modalités de réglement. Il est par ailleurs précisé, de manière exclusive de toute ambuguïté, qu’à défaut de tenir compte de la présente saisie, le tiers saisi peut être tenu à répétition sur ses propres deniers. En cas de refus de paiement des sommes que le tiers saisi reconnait devoir ou dont il peut être jugé débiteur, un titre exécutoire peut être délivré contre lui par le juge de l’exécution. Ainsi, outre les renseignements permettant la saisie, l’esprit premier de l’acte et des textes qui en sous tendent l’application est le réglement de tout ou partie de la dette par le tiers saisi entre les mains de l’huissier instrumentaire et ce, jusqu’à ce que ce dernier indique d’autres modalités, nonobstant la délivrance de quittances régulières.
S’il est constant que les renseignements donnés par Mme [R] [D] sont exacts, il est manifeste que le seul paiement effectué et l’incompréhension arguée de la procédure ne sauraient l’exonérer de ses obligations et de sa responsabilité. Dès lors, à défaut de tenir compte de la saisie et a fortiori de la mise en demeure de l’huissier instrumentaire en date du 8 décembre 2021, dont il est accusé réception en date du 10 décembre 2021, Mme [R] [D] est tenue à répétition sur ses propres deniers, de sorte que le juge de l’exécution a à bon droit délivré un titre exécutoire à son encontre.
In fine, il est observé que Mme [R] [D] jusifie de la mise en place d’un virement mensuel permanent d’un montant de 450 euros, concernant la part du loyer hors charges, à compter du 6 octobre 2022, le virement étant opéré à destination de la domiciliation bancaire de l’huissier instrumentaire.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions et y ajourant dit que la condamnation prononcée à l’encontre de Mme [R] [D] le sera en deniers ou quittances et ce, au vu des versements effectués et de la mise en place d’un virement permanent.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties le 9 septembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Besançon ;
Y ajoutant,
Dit que la condamnation prononcée à l’encontre de Mme [R] [D] l’est en deniers ou quittances’;
Condamne Mme [R] [D] aux dépens d’appel ;
Et, vu l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Mme [R] [D] à payer 2’000’euros à la SAS MCS & Associés’;
Accorde aux avocats de la cause qui l’ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,