ORDONNANCE
N°
du 10 Juillet 2023
A l’audience publique des référés tenue le 08 Juin 2023 par Mme Odile GREVIN, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d’Appel d’AMIENS en date du 16 décembre 2022,
Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.
Dans la cause enregistrée sous le N° RG 23/00054 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IXTQ du rôle général.
ENTRE :
Monsieur [G] [B]
Madame [S] [K] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Assignant en référé suivant exploits de la SELARL DELTA HUISSIER [Localité 6] et la SCP SCHAMBOURG – PANHARD, Commissaires de Justice, en date des 12 et 18 Avril 2023, d’un jugement rendu par le Juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Beauvais le 11 Janvier 2023.
Représentés, concluant et plaidant par Maître GUYOT, avocat au barreau d’Amiens et ayant pour conseil, Maître MORENON, avocat au barreau de Marseille.
ET :
S.A.S. MSC ET ASSOCIES
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée, concluant et plaidant par Maître PERES, avocat au barreau de Beauvais.
S.A. COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit domicile élu
En son domicile élu au sein de la SCP BACLET-QUIGNON
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée, concluant et plaidant par Maître VARLET, substituant Maître de Limerville, avocat postulant au barreau d’Amiens et ayant pour conseil, Maître Pat, avocat au barreau de Lille.
DEFENDERESSES au référé.
Madame la Présidente après avoir constaté qu’il s’était écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.
Après avoir entendu :
– en ses assignation et plaidoirie : Maître GUYOT, conseil des époux [B],
– en leurs conclusions et plaidoirie : Maître PERES, conseil de la SAS MSC et associés et Maître VARLET, conseil de la SA compagnie générale de location d’équipements.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 Juillet 2023 pour rendre l’ordonnance par mise à disposition au Greffe de la copie.
Le 25 septembre 2006, M. [G] [B] et Mme [S] [K] épouse [B] (ci-après les époux [B]) ont contracté auprès de la société Caisse d’Epargne de Picardie (ci-après Caisse d’Epargne) un crédit immobilier destiné à financer l’acquisition d’une maison à usage d’habitation sis [Adresse 1] à [Localité 7].
Le 9 mai 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme, réitérée le 11 septembre 2012.
Suivant bordereau en date du 4 mars 2021, la Caisse d’Epargne a cédé sa créance à la SAS MCS et Associés (ci-après MCS).
Selon commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 21 février 2022 et publié le 7 avril 2022 au service de la publicité foncière de Beauvais, la société MCS, venant aux droits de la Caisse d’Epargne, a poursuivi la vente du bien immobilier susmentionné.
Suivant exploit d’huissier en date du 5 mai 2022, la société MCS a saisi le juge de l’exécution aux fins de voir ordonner la vente forcée des biens immobiliers saisis, la créance de la société MCS étant mentionnée en principal et intérêts pour un montant de 235 199,44 euros.
Par jugement d’orientation directe en vente forcée rendu le 11 janvier 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Beauvais, a :
– ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière ;
– fixé l’audience d’adjudication au mercredi 10 mai 2023 à 14 heures ;
– mentionné que le montant retenu pour la créance du poursuivant était de 235 199,44 euros ;
– désigné la SCP Castanie-Talbot-Castanie Hamon pour procéder à la visite des lieux dans les jours qui précèderaient la vente pendant la durée d’une heure avec l’assistance si besoin est d’un serrurier et d’une autorité de police ou de deux témoins majeurs et de tout professionnel qualifié utile à la procédure de saisie immobilière ;
– dit qu’en cas d’empêchement de l’huissier de justice, la SELARL LTV pourvoirait à son remplacement ;
– dit que les mesures de publicité étaient celles de droit commun des articles R.322-31 et suivants du code des procédures civiles d’exécution avec possibilité d’aménagement dans les conditions requises aux articles R322-37 et suivants du même code ;
– dit que les dépens seraient compris dans les frais taxés de la vente.
Les époux [B] ont relevé appel de ce jugement par déclaration d’appel en date du 17 mars 2023.
Suivant actes en date des 12 et 18 avril 2023, les époux [B] ont fait assigner la MCS et la société Compagnie Générale de location d’équipements devant Mme la première présidente de la cour d’appel d’Amiens, au visa des articles L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, L312-23, L312-21, L312-22, L313-17 et R312-3 du code de la consommation, R121-22, L111-2, L311-2 et R322-15 du code des procédures civiles d’exécution et l’article 1324 du code civil, aux fins de voir :
– ordonner le sursis à exécution du jugement d’orientation rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Beauvais le 11 janvier 2023, dans le cadre de l’instance inscrite au répertoire général dudit tribunal sous le numéro 22/00023 ;
– condamner la société MCS & Associés à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, ainsi qu’à payer les entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement dont appel tenant d’une part à la violation de plusieurs dispositions d’ordre public du code de la consommation et d’autre part à l’absence de qualité de créancier et de créance liquide et exigible.
A ce titre ils font valoir que le contrat de prêt comporte une clause d’anatocisme, laquelle est illicite et devait être sanctionnée d’office par le premier juge nonobstant l’absence de contestation des époux [B] au stade de l’orientation et que dès lors, tous les décomptes postérieurs à la première annuité sont faussés et le créancier ne dispose plus d’une créance liquide et exigible.
Ils ajoutent que l’offre de prêt comporte une deuxième clause illicite relative à l’indemnité de résiliation au regard de la modification de l’assiette de calcul par l’intégration des intérêts échus non versés.
Ils considèrent que le juge de l’exécution aurait dû refuser de fixer le quantum de la créance.
Ils ajoutent que le décompte des sommes dues présente per se de lourdes incohérences dès lors qu’aux termes du relevé comptable de la saisie des rémunérations la créance de la Caisse d’épargne s’élève à la somme de 112 270,76 euros alors que la société MCS poursuit le recouvrement d’une créance d’un montant de 235 199,44 euros.
Par ailleurs ils font valoir que la société MCS ne peut se prévaloir de la qualité de créancier que si elle a notifié la cession de créance et qu’en l’espèce la cession de créance a bien été notifiée par lettre recommandée du 26 octobre 2021 mais pour une créance d’un montant de 121 639,88 euros alors que la société MCS s’est prévalue d’une créance qu’elle a, a posteriori, évaluée dans le commandement de payer valant saisie à la somme de 223 235,48 euros et qu’en conséquence la quote-part excédentaire n’est pas exigible puisqu’elle n’a pas été notifiée.
Par conclusions en réponse actualisées en date du 26 mai 2023, la société MCS demande à Mme la première présidente de bien vouloir :
– constater qu’elle a renoncé à requérir l’adjudication à l’audience du 10 mai 2023 ;
– en conséquence, dire sans objet la demande de sursis à exécution du jugement d’orientation en date du 11 janvier 2023 ;
– subsidiairement, débouter les époux [B] de leurs demandes ;
– débouter les époux [B] de leur demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le même fondement.
La société MCS soutient avoir renoncé au bénéfice de l’exécution provisoire, ce dont elle avait averti les époux [B]. Elle précise qu’en raison de l’appel interjeté à l’encontre du jugement d’orientation elle a entendu solliciter le report de l’adjudication prévue le 10 mai 2023, l’audience devant la cour n’étant fixée qu’au 10 octobre 2023.
Dès lors, elle estime la présente demande formée devant Mme la première présidente abusive et notamment en ce qui concerne la demande au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions en date du 7 juin 2023, la société CGL (Compagnie Générale de Location d’Equipements) demande à Mme la première présidente de bien vouloir :
– l ui donner acte qu’elle ne s’oppose pas à la demande de suspension de l’exécution provisoire assortissant le jugement d’orientation
– de débouter les époux [B] du surplus de leurs demandes
– les condamner in solidum au paiement d’une somme de 3 000 euros à son profit, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner in solidum aux entiers dépens et frais.
La société CGL rappelle en premier lieu qu’elle n’a pas la qualité de créancier poursuivant et fait valoir que la demande des époux [B] est inutile et sans objet puisque le créancier poursuivant a renoncé à se prévaloir de l’exécution provisoire, en raison de l’appel interjeté et qu’elle n’entend pas davantage se prévaloir de l’exécution provisoire du jugement d’orientation.
Par dernières conclusions en date du 7 juin 2023 les époux [B] ont maintenu leurs demandes sauf à solliciter la condamnation solidaire des sociétés MCS et CGL à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et au paiement des entiers dépens
Ils indiquent qu’à la suite du courrier de la société MCS les informant qu’elle entendait demander le report de l’adjudication du 10 mai 2023 ils ont maintenu leur demande de sursis à exécution dès lors que la société MCS n’était pas représentée par le même avocat dans les deux procédures, que les conclusions sollicitant ce report n’ont été notifiées que le 10 mai 2023 à 10h27 alors que la vente était prévue le même jour à 14 heures et ne l’ont pas été au conseil de la société CGL non informée d’un accord sur le report de la vente et qui n’a pas pris position sur celui-ci alors qu’au jour de la vente le créancier poursuivant ou tout créancier inscrit peut solliciter la vente.
Ils estiment ne pouvoir prendre aucun risque avec la procédure de saisie immobilière.
Ils font observer que la société MCS ne s’était pas prononcée sur les audiences ultérieures alors que le calendrier devant la cour d’appel n’était pas connu.
Ils font valoir que s’il est désormais établi que l’audience au fond devant la cour se tiendra le 10 octobre 2023 et que la vente a été reportée au 13 décembre 2023, il se peut encore que la décision de la cour soit trop tardive au regard de la période d’affichage de la vente comprise entre le 13 octobre et le 13 novembre.
Ils contestent avoir fait preuve de légèreté et sollicitent que le sursis à exécution soit accueilli quand bien même les autres parties indiquent ne pas s’y opposer tout en demandant cependant son rejet.
À l’audience du 11 mai 2023, l’affaire a été renvoyée au 8 juin 2023.
À l’audience du 8 juin 2023, maître Guyot représentait les époux [B], maître Peres la société MCS et maître Varlet la société CGL. Ils se sont rapportés à leurs écritures.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 juillet 2023.
SUR CE,
En application de l’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution en cas d’appel un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel et jusqu’au jour du prononcé de la décision du premier président la demande de sursis à exécution suspend les poursuites et proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée des mesures.
En tout état de cause le sursis à exécution n’est ordonné que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
Ainsi si l’appel du jugement d’orientation est conformément à l’article R.121-21 du code des procédures civiles d’exécution, dénué d’effet suspensif, les poursuites sont néanmoins suspendues par la demande de sursis à exécution soumise au premier président de la cour d’appel et par la décision de ce magistrat accueillant cette demande.
Les moyens sérieux de réformation du jugement d’orientation du 11 janvier 2023 invoqués par les époux [B] et consistant notamment dans l’existence d’une clause d’anatocisme illicite ayant impacté les décomptes postérieurs à la première annuité et dans l’existence d’une clause pénale également illicite dont l’assiette de calcul comporte le capital restant dû mais aussi les intérêts échus et non versés, ou encore l’incohérence du montant de la créance et son défaut d’exigibilité pour partie au regard du périmètre de la cession de créance ne sont pas discutés par les intimés qui se contentent de dire la demande de sursis inutile.
La société CGL fait valoir qu’elle n’entend pas s’opposer à la demande de suspension de l’exécution provisoire assortissant le jugement d’orientation dont appel et la société MCS se contente de se référer au report de l’audience d’adjudication estimant que ce report témoigne de sa renonciation à se prévaloir de l’adjudication prévue initialement le 10 mai 2023.
Elle reconnaît néanmoins qu’un débat doit avoir lieu sur le fond devant la cour sur les moyens soulevés par les époux [B].
La présente demande de sursis à l’exécution du jugement d’orientation, suspendant les poursuites a nécessairement entraîné le report de l’audience d’adjudication en application de l’article R121-22 précité et la renonciation de la société MCS à requérir l’adjudication le 10 mai 2023 ne rend pas sans objet cette demande dès lors que les poursuites ne sont suspendues que jusqu’à la décision du premier président et ultérieurement uniquement s’il est fait droit à la demande de sursis à l’exécution de la mesure.
La seule manifestation de volonté de la société MCS indiquant vouloir reporter l’audience d’adjudication de l’immeuble en raison de l’appel, ne rend donc pas inutile la demande de sursis à exécution formée par les époux [B] afin de protéger leurs droits de manière plus durable et jusqu’à la décision de la cour sur le fond.
Il convient au regard du débat devant avoir lieu sur le fond devant la cour sur les moyens soutenus par les époux [B] de faire droit à leur demande de sursis à l’exécution du jugement d’orientation du 11 janvier 2023.
Il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et de débouter les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement
Faisons droit à la demande des époux [B]
Disons qu’il sera sursis à l’exécution du jugement d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Beauvais en date du 11 janvier 2023 ;
Déboutons les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
A l’audience du 10 Juillet 2023, l’ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme Odile GREVIN, Présidente et Mme PILVOIX, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,