Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/04569

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Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/04569

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 01 JUIN 2023

N° RG 22/04569 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5J6

[Y] [E]

c/

[A] [J]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 septembre 2022 par le Juge de l’exécution de Libourne (RG : 22/00041) suivant déclaration d’appel du 06 octobre 2022

APPELANTE :

[Y] [E]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Coraline GRIMAUD de la SELARL CGAVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ E :

[A] [J]

née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Florent BACLE, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Christine DEFOY, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Paule POIREL

Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES

Conseiller : Mme Christine DEFOY

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI,

Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [A] [J] et sa fille [Y] [E] ont été propriétaires indivises d’un bien de famille situé à [Localité 5].

Par ordonnance du 20 novembre 2021, le juge de l’exécution de Libourne a autorisé Mme [J] à prendre une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les parts et portions de Mme [E] dans cet immeuble, pour avoir sûreté de la somme de 24 000 euros outre les frais. Cette hypothèque a été prise le 7 décembre 2021, puis dénoncée le 13 décembre 2021 à Mme [E].

Le 4 août 2022, Mme [E] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne de demandes tendant notamment à la mainlevée et à la radiation de cette mesure.

Par jugement du 23 septembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne :

– a débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamnée aux dépens,

– l’a condamnée à payer à Mme [J] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit,

– a rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Mme [E] a relevé appel de l’ensemble des dispositions du jugement le 6 octobre 2022, sauf en ce qu’il a rappelé qu’il était assorti de l’exécution provisoire.

L’ordonnance du 18 novembre 2022 a fixé l’affaire à l’audience des plaidoiries du 5 avril 2023, avec clôture de la procédure au 22 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023, Mme [E] demande à la cour sur le fondement des articles L.111-7, L.511-1, R.512-1 et R.532-9 du code des procédures civiles d’exécution :

– d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

– l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamnée à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamnée aux entiers dépens,

– a rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

et statuant à nouveau,

– de condamner Mme [J] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice moral subi,

– de condamner Mme [J] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner Mme [J] aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à l’exécution de la décision à intervenir, lesquels pourront faire l’objet d’un recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile par la SELARL Cgavocats, avocats au barreau de Bordeaux, représentée par Maître [I] [Z].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2023, Mme [J] demande à la cour de :

– confirmer purement et simplement le jugement rendu par le juge de l’exécution,

– constater que la demande de mainlevée est devenue sans objet à ce jour compte tenu de la radiation intervenue et en tout état de cause, dire les demandes totalement infondées et injustifiées,

– débouter purement et simplement Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [E] au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [E] au paiement de tous les dépens de la présente instance.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 5 avril 2023 et mise en délibéré au 1er juin 2023.

MOTIFS :

Sur demande en mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire,

L’article L511-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

En l’espèce, Mme [E] critique dans le cadre de son appel l’hypothèque judiciaire provisoire qui a été prise à hauteur de 24 000 euros sur l’immeuble indivis sis à [Localité 5] le 20 novembre 2021 par le juge de l’exécution de Libourne à la demande de sa mère, Mme [J], co-propriétaires indivise de ce bien immobilier.

Au dernier état de ses conclusions, Mme [E] expose que l’immeuble en cause a finalement été vendu le 19 octobre 2022 à Mme [D] [F] et que pour les besoins de cette vente, il a été procédé à l’initiative de Mme [J] à la mainlevée de cette hypothèque judiciaire provisoire le 8 novembre 2022, puis à la radiation de l’inscription le 30 novembre suivant. Elle ajoute qu’il a été substitué à cette mesure de sureté la constitution d’un séquestre qu’elle a été contrainte d’accepter. Elle indique donc que dans ces conditions elle ne maintient pas sa demande de mainlevée d’hypothèque judiciaire provisoire et de rétractation de l’ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne du 20 novembre 2021.

A ce titre, il ressort effectivement des pièces versées aux débats et plus particulièrement de l’acte de vente du 19 octobre 2022 que l’hypothèque judiciaire provisoire litigieuse a été levée et qu’y a été sustitué un séquestre à hauteur de 24 000 euros.

Il s’ensuit que la cour ne pourra dans ces circonstances que constater que la demande de Mme [E] tendant à la mainlevée de cette hypothèque judiciaire provisioire et à la rétractation de l’ordonnance du juge de l’exécution est devenue sans objet.

Sur la demande en indemnisation du préjudice subi,

Mme [E] expose ensuite qu’elle maintient néanmoins sa demande d’indemnisation à raison du préjudice moral qu’elle a subi consécutivement à cette inscription judiciaire provisoire, qui manifestement ne remplissait pas les conditions légales requises par l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Elle considère en effet que le créancier, auquel il incombe de rapporter la preuve que les conditions visées par l’article L511-1 susivsé sont réunies, en application de l’article R512-1 du code des procédures civiles d’exécution, est défaillant de de ce chef.

Pour ce qui est de l’indemnité d’occupation revendiquée par Mme [J], Mme [E] estime qu’elle est injustifiée, dès lors qu’elle ne l’a jamais empêchée d’exercer son droit de jouissance sur le biens indivis de telle sorte qu’elle a même fait du chai sa résidence secondaire et qu’elle a toujours eu en sa possession les clés de l’immeuble. Pour ce qui est des meubles appartenant à Mme [J], Mme [E] fait valoir qu’elle était d’accord pour les restituer à sa mère, en sorte qu’aucune créance n’a pu naître au profit de l’intimée de ce chef. En outre, l’appelante fait valoir que Mme [J] ne justifiait nullement d’une menace quant au recouvrement de la créance alléguée.

Mme [J] répond que sa demande d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire était parfaitement fondée, en application de l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution, dès lors que Mme [E] a jouit exclusivement et privativement de l’ensemble de l’immeuble à titre personnel, et ce, depuis l’origine de l’indivision. Concernant les meubles, elle fait valoir que si ceux-ci ont pu être récupérés le 15 octobre 2022, il n’en demeure pas moins qu’à la date du dépôt de la requête, ils étaient toujours en la possession de Mme [E].

Pour ce qui est de l’indemnité d’occupation revendiquée par Mme [J], il résulte de l’article 815-9 du code civil que chaque indivisiaire peut user et jouir des biens indivis, conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit priativement de la chose indivise, est sauf convention contraire redevable d’une indemnité.

Mme [J] qui soutient que sa fille Mme [E] dispose de la jouissance privative et exclusive de l’immeuble en cause depuis l’origine de l’indivision en 2007, a l’exception toutefois de la période de septembre 2008 à septembre 2011 où elle se trouvait en Belgique, invoque à titre de preuve la pièce 18 de son adversaire, consistant selon elle en un contrat d’assurance habitation contracté par Mme [E] auprès du GAN pour l’immeuble litigieux.

Toutefois, la pièce 18 de Mme [E] consiste en réalité en une offre d’achat effectuée le 28 avril 2022 par Mme [U] [T] pour l’immeuble indivis et non en un contrat d’assurance souscrit par Mme [E], qui en tout état de cause, serait insuffisant pour démontrer que l’appelante occupe l’immeuble de manière exlusive.

L’attestation de son fils [W] [E] constituant sa pièce n°22 n’est pas davantage probante à ce titre puisque l’intéressé ne fait qu’indiquer qu’il n’entend pas prendre position dans le litige opposant sa mère et sa soeur et que Mme [J] a toujours pourvu correctement aux besoins de ses enfants, ce qui s’avère hors débats en l’espèce.

Enfin, s’il n’est pas sérieusement contestable que Mme [J] vit effectivement à [Localité 7], il ne peut pour autant en être déduit que Mme [E] s’est conservée la jouissance privative et exclusive du bien indivis, ce d’autant plus qu’il ressort des attestations versées par l’appelante aux débats que :

-Mme [J] a emmenagé le chai de l’immeuble dans lequel elle a établi sa résidence secondaire où elle venait régulièrement,

-elle disposait des clés de l’immeuble, dont celle de l’habitation principale où se trouvait sa fille et que rien ne l’empêchait d’accéder à l’immeuble indivis,

-l’immeuble comportait un compteur général avec également un sous-compteur pour la partie occupée par Mme [J].

De même, Mme [J] ne peut se prévaloir à l’encontre de Mme [E] d’une quelconque créance au titre du défaut de restitution de ses biens meubles, dès lors que l’intimée ne s’est jamais opposée à cette restitution et qu’elle y a même acquiéscé dans ses conclusions du 11 octobre 2021 en sorte qu’il appartenait en conséquence à Mme [J] de venir les chercher, tout retard de ce chef lui étant nécessairement imputable.

Partant, dès lors que Mme [J] défaille à démontrer à son profit l’existence d’une créance fondée en son principe, il y a lieu de considérer que l’inscription d’un hypothèque judiciaire provisoire sur l’immeuble indivis, à l’intitiative de Mme [J], était injustifiée, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une éventuelle menace de recouvrement.

Dans ces conditions, Mme [J], qui défaille à démontrer que sa fille occupait de manière exclsuive le bien indivis, tant à titre personnel que professionnel, ne peut se prévaloir aujourd’hui à son encontre d’une créance consistant en une indemnité d’occupation sur la période considérée.

En outre, l’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Mme [E] sollicite sur le fondement de la disposition précitée la condamnation de Mme [J] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Mme [J] réplique d’une telle demande indemnitaire est irrecevable et mal fondée, compte-tenu de la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire.

Toutefois, force est de constater que cette mesure prise le 20 novembre 2021 par le juge de l’exécution de Libourne, n’a été levée que le 19 octobre 2022, soit presque une année après.

Or, il n’est pas sérieusement contestable que cette mesure, parfaitement injustifiée, comme précédemment démontré, a eu pour effet de priver Mme [E] de percevoir la totalité de sa part indivise, suite à la vente de l’immeuble, qui a été diminuée d’une somme de 24 000 euros encore à ce jour séquestrée.

De plus, elle a nécessairemt causé un préjudice moral au préjudice de Mme [E], la mesure étant diligentée par sa mère, dans le cadre d’un litige familial concernant l’immeuble de sa grand-mère maternelle auquel elle était particulièrement attachée.

Il s’ensuit que le jugement déféré sera intégralement infirmé, dans les limites de l’appel et que Mme [J] sera condamnée à payer à Mme [E] la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les autres demandes,

Il ne paraît pas inéquitable en outre de condamner Mme [A] [J] à payer à Mme [Y] [E] la somme de 4000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais liés à l’exécution de la décision à intervenir, lesquels pourront faire l’objet d’un recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile par la SELARL Cgavocats, avocats au barreau de Bordeaux, représentée par Maître [L] [Z].

Mme [J] sera pour sa part déboutée de ses demandes formées à ces titres.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit que la demande de mainlevée de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire prise par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Libourne le 20 novembre 2021 est devenue sans objet pour avoir été levée le 19 octobre 2022,

Condamne Mme [A] [J] à payer à Mme [Y] [E] la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral, du fait de cette mesure conservatoire injustifiée,

Y ajoutant,

Condamne Mme [A] [J] à payer à Mme [Y] [E] la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [A] [J] entiers dépens, en ce compris les frais liés à l’exécution de la décision à intervenir, lesquels pourront faire l’objet d’un recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile par la SELARL Cgavocats, avocats au barreau de Bordeaux, représentée par Maître [L] [Z],

Déboute Mme [A] [J] de ses demandes formées à ces titres.

Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Audrey COLLIN greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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