Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00899

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Saisine du juge de l’exécution : 1 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00899

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 01 JUIN 2023

N° RG 22/00899 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRW2

S.A.S. VERALTIS ASSET MANAGEMENT

c/

[K] [H]

[D] [Z] épouse [H]

S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 janvier 2022 par le Juge de l’exécution d’ANGOULEME (RG : 21/00302) suivant déclaration d’appel du 21 février 2022

APPELANTE :

S.A.S. VERALTIS ASSET MANAGEMENT

(anciennement NACC), société par actions simplifiée au capital de 3.608.334 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 407 917 111, dont le siège social

est sis [Adresse 3]), agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me DEMAR substituant Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Olivia COLMET DAAGE de l’AARPI MARVELL AVOCATS PARIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[K] [H]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Salarié,

demeurant [Adresse 4]

[D] [Z] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9]

de nationalité Française

Profession : Agent hospitalier,

demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me Benoit SOULET de la SELARL MONTICELLI – SOULET, avocat au barreau de CHARENTE

INTERVENANTE :

S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS

société à responsabilité limitée au capital de 102.000€, immatriculée au RCS du Luxembourg sous le numéro B261266, dont le siège social est sis [Adresse 5]), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, et ayant donné mandat de la représenter et de recouvrer les créances en son nom et pour son compte, à l’encontre des Epoux [H], selon mandat de gestion intervenu le 30 avril 2022, à la société VERALTIS Asset Management (anciennement NACC), société par actions simplifiée au capital de 3.608.334 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 407 917 111, dont le siège social est sis [Adresse 3]), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

La société B-SQUARED INVESTMENTS SARL venant aux droits de la société VERALTIS Asset Management (anciennement NACC) par suite de la cession de créances du 30 avril 2022, cette dernière étant préalablement venue aux droits de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en vertu d’un acte sous seing privé de cession de créances en date du 4 septembre 2017, réitéré par acte authentique en date du 12 octobre 2017

Représentée par Me DEMAR substituant Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Olivia COLMET DAAGE de l’AARPI MARVELL AVOCATS PARIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Christine DEFOY, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Paule POIREL

Conseiller : M. Alain DESALBRES

Conseiller : Mme Christine DEFOY

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique du 27 février 2009, la BNP Personnal Finance (la BNP) a consenti à Monsieur [K] [H] et à Madame [D] [H] (les époux [H]) un prêt au taux de 6,60% remboursable en 240 mois, et un prêt de 47 456 euros, remboursable au taux de 7,12% également remboursable en 240 mois.

Le contrat ainsi intervenu entre les parties prévoit qu’en cas de pluralité de personnes engagées au titre du présent crédit, celles-ci seront obligées solidairement.

En garantie du remboursement de ces prêts les époux [H] ont consenti à la BNP une hypothèque sur un immeuble leur appartenant.

Par jugement du 19 septembre 2014, le tribunal de commerce d’Angoulême a ouvert la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M. [H]. La BNP a déclaré sa créance au passif de la liquidation. Sa créance a été admise par décision du juge commissaire du 3 juin 2015. Par jugement en date du 25 février 2016, la procédure de liquidation a fait l’objet d’une clôture pour insuffisance d’actif .

Suivant acte sous seing privé en date du 4 septembre 2017, reçu au au rang des minutes de maître [C], notaire à [Localité 8] le 12 octobre 2017, la BNP a cédé diverses créances à la société NACC.

Agissant en vertu de l’acte authentique du 27 février 2009, la société NACC a diligenté une procédure de saisie immobilière contre les époux [H] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême.

Par jugement du 18 septembre 2019 , le juge de l’exécution a déclaré irrecevable la demande de vente forcée du bien faisant l’objet de la saisie immobilière.

Par un arrêt du 12 décembre 2019 la cour d’appel de Bordeaux a constaté l’irrecevabilité de l’appel formé par la société NACC contre ce jugement, faute par elle d’avoir respecté la procédure à jour fixe prévue en matière d’appel des jugements d’orientation.

Par un second arrêt en date du 11 juin 2020 la cour d’appel de Bordeaux a déclaré irrecevable un nouvel appel formé contre ce même jugement avant que le premier n’ait été déclaré irrecevable.

Par jugement du 19 mai 2021, le juge de l’exécution d’Angoulême a fait droit à la demande de radiation du commandement de saisie immobilière présentée par la société NACC.

Le 28 juillet 2020, la NACC a fait délivrer aux époux [H] un commandement saisie-vente avant de faire pratiquer à leur encontre , le 8 janvier 2021, une saisie attribution entre les mains de la SOCRAM Banque pour une somme de 111 732,92 €.

Par acte du 4 février 2021, les époux [H] ont fait assigner la SAS NACC devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême afin de contester ces deux mesures d’exécution.

Par jugement du 31 janvier 2022, le juge de l’exécution a :

– déclaré nul et de nul effet le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 28 juillet 2020 aux époux [H] par la SCP Talbot,

– ordonné la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 28 juillet 2020 aux époux [H] par la SCP Talbot, aux frais de la SAS NACC,

– déclaré nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée à la demande de la SAS NACC le 8 janvier 2021 par la SAS Huis Alliance et dénoncée aux époux [H] le 11 janvier 2021,

– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à la demande de la SAS Nacc le 8 janvier 2021 par la SAS Huis Alliance et dénoncée aux époux [H] le 11 janvier 2021, aux frais de la SAS NACC,

– condamné la SAS NACC à verser à M. [H] et Mme [H] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS NACC aux dépens de l’instance.

La SAS NACC a relevé appel total de ce jugement le 21 février 2022.

Par ordonnance du 25 mars 2022 la présidente de cette chambre de la cour, a fixé l’affaire à bref délai à l’audience des plaidoiries du 21 septembre 2022, avec clôture de la procédure au 7 septembre 2022. L’affaire a finalement été renvoyée à l’audience rapporteur du 10 novembre 2022 puis à celle du 5 avril 2023 au cours de laquelle elle a été retenue.

Par 2 actes sous seing privé du 30 avril 2022, la société NACC, a cédé à la société B-Squared Investments SARL la créance qu’elle détenait à l’encontre des époux [H], tout en conservant mandat pour en assurer la représentation et le recouvrement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2022, la société B-Squared Investments SARL, et la société Veraltis Asset Management (Anciennement NACC) , demandent à la cour:

– de juger recevable la société B-Squared Investments SARL, représentée par la société Veraltis Asset Management, prise en la personne de son président en exercice, agissant au nom et pour le compte de B-Squared Investments SARL à la suite d’un acte de cession de créance et d’un mandat de gestion en date du 30 avril 2022, en son intervention volontaire,

– d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Angoulême le 31 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

– de juger que la société B-Squared Investments SARL justifie de son droit à agir à l’encontre de M. et Mme [H],

– de juger que l’action de la société B-Squared Investments SARL n’est pas prescrite,

– débouter M. et Mme [H] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– de condamner M. et Mme [H] in solidum à verser à la société B-Squared Investments SARL la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de leurs prétentions, elles font valoir notamment que le jugement rendu le 18 septembre 2019 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême n’a pas autorité de la chose jugée en ce qu’il a dénié sa qualité à agir à la société NACC contre les époux [H], que la cour est libre d’apprécier cette qualité, et que la créance n’est pas prescrite.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2022, M. et Mme [H] demandent à la cour sur le fondement des articles L.111-2 et suivants du code des procédures civiles d’exécution :

– de déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la société B-Squared Investments, par conclusions signifiées le 4 août 2022,

– de confirmer purement et simplement le jugement rendu le 31 janvier 2022,

– de rejeter purement et simplement l’ensemble des demandes fins et conclusions contraires faites par la SAS NACC et la société B-Squared Investments à l’encontre de M. et Mme [H],

– de condamner in solidum la SAS NACC et la société B-Squared Investments à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner in solidum la SAS NACC et la société B-Squared Investments aux entiers dépens de la présente instance qui comprendront notamment les dépens liés à la mesure d’exécution forcée contestée,

et statuant à nouveau le cas échéant,

– de constater la nullité du commandement aux fins de saisie vente signifié le 28 juillet 2020 à M. et Mme [H] par la SCP Talbot, huissier de justice à Confolens, pour le compte de la SAS Nacc,

– de constater la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 8 janvier 2021 par la SAS Nacc et par l’intermédiaire de la SAS Huis Alliance, huissiers de justice à Niort, ainsi que tous les actes d’exécution subséquents, dont l’acte de dénonciation de cette saisie signifié le 11 janvier 2021 à M. et Mme [H] par la SCP Talbot, huissier de justice à Confolens,

– d’ordonner la mainlevée du commandement aux fins de saisie vente signifié le 28 juillet 2020 à M. et Mme [H] par la SCP Talbot, huissier de justice à Confolens, pour le compte de la SAS NACC,

– d’ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 8 janvier 2021 par la SAS NACC et par l’intermédiaire de la SAS Huis Alliance, huissiers de justice à [Localité 7],

– d’ordonner la mainlevée de tous les actes d’exécution subséquents, dont l’acte de dénonciation de cette saisie signifié le 11 janvier 2021 à M. et Mme [H] par la SCP Talbot, huissier de justice à Confolens,

– de dire et juger que les frais de mainlevées resteront à la charge de la SAS NACC,

– de rejeter purement et simplement l’ensemble des demandes fins et conclusions contraires faites par la SAS NACC et la société B-Squared Investments à l’encontre de M. et Mme [H],

– de condamner in solidum la SAS NACC et la société B-Squared Investments à leur payer à M. et Mme [H] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner in solidum la SAS NACC et la société B-Squared Investments aux entiers dépens de la première instance qui comprendront notamment les dépens liés à la mesure d’exécution forcée contestée.

Les intimés estiment pour leur part que l’intervention volontaire de la société B-Squared doit être déclarée irrecevable faute par elle de justifier de sa qualité à agir, et que l’irrecevabilité de cette intervention est aussi fondée sur la prescription de la créance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 18 septembre 2019 et la recevabilité à agir de la société NACC

La société B-Squared Investments (la société B-Squared) et la société Veraltis font notamment valoir que le jugement rendu le 18 septembre 2019 par le tribunal judiciaire d’Angoulême n’a pas dénié à la société NACC sa qualité à agir contre les époux [H], qu’il n’a pas autorité de la chose jugée et que la cour est tout à fait libre d’apprécier à nouveau et de connaître cette qualité .

Elles soulignent qu’il n’y a pas d’identité de cause entre la demande ayant donné lieu au prononcé du jugement rendu le 18 septembre 2019 et la signification du commandement de payer valant saisie du 28 juillet 2020 et que le dispositif de la décision à rendre a vocation à être différent de celui du jugement rendu le 18 septembre 2019.Elles en déduisent que le jugement dont appel doit être infirmé en ce qu’il a retenu l’autorité de la chose jugée du jugement du 18 septembre 2019.

Les époux [H] maintiennent pour leur part que la cause de la première procédure de saisie immobilière et celle initiée par la signification du commandement de payer du 28 juillet 2020 sont parfaitement identiques, que les juridictions civiles ont dénié, à ce jour, toute qualité de créancier à la SAS NACC, et donc sa qualité à agir; que cette société ne pouvait pas céder une créance qu’elle ne détenait pas et que par ricochet la société B-Squared Investments n’a pas plus la qualité de créancier à leur encontre, en sorte qu’elle n’a nullement qualité à intervenir volontairement à la présente procédure.

Il résulte des dispositions de l’article 1355 du code civil que ‘L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité’.

Les époux [H] ne peuvent invoquer l’autorité de la chose jugée du jugement du 18 septembre 2019 que si toutes les conditions nécessaires, pour que celle-ci soit retenue, sont réunies.

Il est donc nécessaire non seulement que les parties soient les mêmes , ce qui est le cas, mais également que l’objet et la cause du litige soient identiques.

Dans le dispositif de son jugement du 18 septembre 2019 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Angoulême a : ‘Déclar(é ) irrecevable la demande de la SAS NACC visant à voir ordonner la vente forcée du bien objet du commandement de payer en date du 22 octobre publié le 21 décembre 2018 sous le volume 2018S ,N°27, au service de la publicité foncière d’Angoulême(2eme bureau)’.

Cette décision est passée en force de chose jugée, compte tenu de ce que les appels formés à son encontre ont été déclarés irrecevables, non pour des questions concernant le droit d’agir au fond de l’appelante, mais en raison des irrégularités de la procédure affectant chacun des deux appels.

Le jugement du 18 septembre 2019, n’a donc autorité de la chose jugée que par rapport à la demande dont le juge de l’exécution était saisi, et sur laquelle il a statué, qui concernait la recevabilité de la procédure de saisie immobilière engagée sur la base du commandement du 22 octobre 2018.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [H] et à ce qu’à retenu le jugement dont appel , le jugement du 18 septembre 2019, qui n’a statué que sur la recevabilité de la procédure de saisie immobilière dont il était saisi, n’a donc pas dénié toute qualité à agir à la société NACC, laquelle est par conséquent recevable à diligenter d’autres procédures d’exécution.

Ce jugement n’a par conséquent pas autorité de la chose jugée en ce qui concerne la procédure de saisie vente et la procédure de saisie attribution pratiquées le 28 juillet 2020, et le 8 janvier 2021, dont l’objet est different de la procédure de saisie immobilière ayant donné lieu au jugement du 18 septembre 2019.

La société NACC était donc recevable à agir en recouvrement de sa créance et à pratiquer ces deux mesures d’exécution forcée.

Sur la qualité à agir de la société B-Squared Investments,

La société B-Squared Investments et la société Veraltis maintiennent que les dispositions de l’article D.214-227 du code monétaire et financier, invoquées par les époux [H], ne sont pas applicables à la cession de créance intervenue, celle-ci relevant du droit commun ; que s’agissant de l’opposabilité de la cession, la notification ne signifie pas la communication de l’instrumentum, mais la seule information de son existence ; que la cession de créance a été régulièrement dénoncée aux époux [H] en même temps que le commandement aux fins de saisie vente, par acte d’huissier du 23 mai 2018, et qu’une absence de mention du montant de la créance n’est pas davantage cause de nullité ou d’inopposabilité, dès lors que d’autres mentions suffisent à identifier et individualiser les créances cédées.

Les époux [H] font valoir pour leur part, qu’en application des dispositions de D 214-27 du code monétaire et financier, le débiteur est fondé à exiger que soit communiqué un tirage complet de l’acte de cession afin qu’il puisse vérifier que ce document juridique respecte les dispositions réglementaires, notamment à propos de l’individualisation de la créance cédée, de sorte que la société NACC ne justifie nullement de sa qualité de créancier pour pouvoir agir et que ses demandes ne pourront qu’être, de ce fait, déclarées irrecevables.

Ils soulignent que l’attestation de cession intervenue entre la société NACC et société B-Squared n’indique pas le montant des créances cédées et que la société NACC n’aurait pas pu faire signifier le commandement de payer du 29 juin 2022 si elle avait cédé sa créance le 30 avril 2022.

Aux termes de l’article L. 214-169 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, l’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau.

Si ce bordereau doit comporter, en application du 4° de l’article D. 214-227 du même code, la désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir, l’indication de la nature et du montant de ces créances et le nom du débiteur ne constituent pas des mentions devant obligatoirement y figurer, l’identification de ces créances pouvant intervenir au moyen de références chiffrées.(Cass 2ème 25/05/2022 n°20-16.042).

Les procédés d’identification proposés par ce texte ne sont donc ni impératifs, ni exhaustifs, la cession de créance ainsi que le montant cédé pouvant être prouvés par d’autres moyens, sans qu’il soit nécessaire que soit produit une copie complète de l’acte de cession.

L’extrait d’acte de cession de créance en date du 4 octobre 2019 , régulièrement communiqué par la société B-Squared, établit que la BNP a cédé à la société NACC avec effet rétroactif au 1er janvier 2017, les créances résultant des contrats de prêt souscrits par les époux [H] le 27 février 2009 sous le n° 95325371 et le n° 95325372, pour un montant arrêté au 31 décembre 2016 de 101 941,83 €.

Cet extrait, signé à la fois par la BNP et la société NACC, prouve l’existence de la cession intervenue entre elles, sans que le débiteur cédé, qui n’est plus tenu de la dette qu’à l’égard du bénéficiaire de la cession, puisse soutenir que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, la seule obligation du nouveau créancier étant de lui notifier la cession afin qu’il connaisse son identité.

Par une attestation du 18 octobre 2017 , Maître [G], notaire à [Localité 8], certifie qu’aux termes d’un acte reçu par elle, le 12 octobre 2017, a été déposé au rang de ses minutes, l’original d’un contrat intervenu entre la BNP et la société NACC concernant un portefeuille de 1.003 créances et notamment les créances que détenait la BNP à l’encontre de M.[H], ce qui confirme l’existence de la cession intervenue entre ces deux sociétés.

La société B-Squared établit donc l’existence de la cession intervenue entre la BNP et la société NACC concernant la créance dont disposait la banque à l’encontre des époux [H].Cette créance ainsi que ces débiteurs sont dés lors clairement identifiés.

Les deux attestations de cession de créance et mandat de gestion produites par la société B-Squared établissent par ailleurs que la société NACC lui a bien cédé, le 30 avril 2022, les créances dont elle disposait contre les époux [H], lesquelles sont expressément identifiées par leurs numéros respectifs.

Ces attestations révèlent en outre que, la société B-Squared a désigné la société NACC comme son ‘recouvreur’ et mandataire pour le recouvrement des créances concernées, en sorte que cette dernière disposait bien du pouvoir de faire délivrer aux époux [H] le commandement de payer du 29 juin 2022. Contrairement à ce que soutiennent les époux [H], la délivrance de cet acte par la société NACC ne remet donc pas en cause la cession.

La cession de créance intervenue entre la BNP et la société NACC a été dénoncée aux époux [H] en même temps que le commandement de saisie vente par acte d’huissier du 23 mai 2018.Celui-ci mentionne le nom du cédant, celui du cessionnaire , le montant des sommes dues et la référence des contrats de prêt ce qui a permis aux débiteurs d’individualiser les créances cédées.

C’est donc à juste titre que la société B-Squared, qui a qualité pour agir, maintient que la société NACC justifie de son droit d’action.

L’intervention volontaire de la société B-Squared doit dans ces conditions être déclarée recevable.

Sur la prescription de l’action en recouvrement des créances,

Les époux [H] exposent que la prescription applicable est celle de 2 ans prévue par l’article L218-2 du code de la consommation, que le point de départ de la prescription se situe à la date du 3 juin 2015 à laquelle la créance de la BNP a été admise par le juge commissaire de la procédure collective de M.[H] et que le créancier disposait d’un délai jusqu’au 3 juin 2017 pour agir .

Ils maintiennent que le premier acte valant interruption de la prescription est le commandement du 23 mai 2018, que contrairement à ce que soutiennent leurs adversaires, le point de départ de la prescription n’est pas la date de publication du jugement de clôture; que la prescription n’a pas été interrompue par la reconnaissance par eux de la dette; que toute demande en paiement est à ce jour prescrite et que faute de dette exigible, la SAS NACC n’était pas fondée à signifier un commandement aux fins de saisie vente et encore moins à pratiquer une saisie attribution.

La société B-Squared et la société NACC font valoir que le point de départ de la prescription n’est pas la date d’admission de la créance, mais la date de la publication du jugement de clôture de la procédure collective, laquelle est intervenue le 9 mars 2016 en sorte que la société NACC avait donc jusqu’au 9 mars 2018 pour agir.

Elles ajoutent qu’en vertu de l’article 2240 du code civil, la prescription a été interrompue par la reconnaissance de la dette par le débiteur; qu’en effet, par ses correspondances des 20 décembre 2016 et 27 mars 2017, Mme [H] a incontestablement reconnu l’exigibilité de la dette et a de fait interrompu la prescription, qu’un nouveau délai de prescription de deux ans a couru à compter du 20 décembre 2016 jusqu’au 20 décembre 2018 et que le commandement aux fins de saisie vente étant intervenu le 23 mai 2018, l’action n’est pas prescrite.

La déclaration de créance au passif du débiteur principal en liquidation judiciaire interrompt la prescription à l’égard du garant hypothécaire, sans qu’il y ait lieu à notification de la déclaration à l’égard de ce dernier. Cet effet interruptif se prolonge jusqu’au jugement prononçant la clôture de la procédure.

Un créancier, qui n’est pas empêché d’agir contre le garant hypothécaire pendant le cours de la liquidation judiciaire du débiteur garanti, ne se voit privé d’aucun droit par le jugement de clôture pour insuffisance d’actif, qui a seulement pour effet à son égard, et dès son prononcé, peu important la date de sa publication au Bulletin officiel des annonce civiles et commerciales (BODACC), de mettre fin à l’interruption du délai de prescription et de faire courir un nouveau délai de prescription.(Cass com 1er juillet 2020 n°18-24.979).

La déclaration de créance de la BNP au passif de la liquidation judiciaire de M.[H] a donc interrompu le cours de la prescription, non pas jusqu’au jour de l’admission de la créance, comme le soutiennent les époux [H], ni jusqu’au jour de la publication du jugement de clôture pour insuffisance d’actif , comme le soutient l’appelante, mais jusqu’au jour du prononcé de celui-ci qui est intervenu le 25 février 2016.

Plus de 2 ans s’étant écoulés entre cette date (le 25 février 2016) , et le premier acte interruptif de la prescription intervenu le 23 mai 2018, la prescription devrait être considérée comme ayant joué si aucune autre cause ne venait l’interrompre.Il est à noter que tel serait aussi le cas en retenant la date de publication du jugement de clôture qui est intervenue le 9 mars 2016, alors que le commandement de saisie vente a été délivré le 23 mai 2018.

Il s’avère cependant que la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner.(cass.civ 3ème 14 mai 2020 n° 18-24.979) .

Les lettres en date du 20 décembre 2016 et du 27 mars 2017, par lesquelles Mme [H] demande à la banque, une diminution de ses mensualités par un rallongement de la durée à 15 ans pour les deux emprunts (pièce 6 de l’appelante) et par laquelle elle précise que sa demande de baisse de ses mensualités lui a été refusée, oralement,(pièce 7) ont donc interrompu le délai de la prescription.

La reconnaissance même partielle , que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait , entraînant, pour la totalité de la créance, un effet interruptif , c’est de manière inopérante que les époux [H] contestent le caractère interruptif , pour la totalité de la dette, de la prescription des courriers sus-mentionnés.

Au regard des règles de la solidarité passive , dont se prévaut la société NACC, il importe peu que M.[H] n’ait pas signé les courriers sus-mentionnés puisque conformément à l’article 2245 du code civil, la reconnaissance de la créance par l’un quelconque des débiteurs solidaires vaut interruption à l’égard de tous les autres.

Compte tenu du délai de prescription de 2 ans applicable à l’action du créancier, celui-ci disposait donc d’un délai jusqu’au 20 décembre 2018 et même jusqu’au 27 mars 2019 pour engager des poursuites en vue du recouvrement de sa créance .

Le commandement de saisie vente intervenu le 23 mai 2018, au cours du délai dont disposait le créancier pour agir, a à nouveau interrompu la prescription pour un nouveau délai de 2 ans , de sorte que le commandement de saisie-vente du 28 juillet 2020, et la saisie attribution pratiquée le 8 janvier 2021 ne sont pas atteints par la prescription.

Les époux [H] seront en conséquence déboutés de leurs demandes.

Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société B-Squared.

PAR CES MOTIFS

La cour,

-Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Angoulême le 31 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

– Déclare recevable en son intervention volontaire, la société B-Squared Investments SARL, représentée par la société Veraltis Asset Management, prise en la personne de son président en exercice, agissant au nom et pour le compte de B-Squared Investments SARL à la suite d’un acte de cession de créance et d’un mandat de gestion en date du 30 avril 2022,

– Dit que la société B-Squared Investments SARL justifie de son droit à agir à l’encontre de M. et Mme [H], et que son action n’est pas prescrite,

– Déboute M. et Mme [H] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamne M. et Mme [H] in solidum à verser à la société B-Squared Investments SARL la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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