Saisie-contrefaçon : conséquences de la présence d’un OPJ
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Dès lors que la présence de la force publique est expressément autorisée par le juge des requêtes, la présence d’un représentant de la force publique lors des opérations de saisie-contrefaçon ne constitue pas un motif justifiant l’annulation du procès-verbal.


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 24 MAI 2023

(n° 078/2023, 28 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/08468 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTCO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 23 Mars 2021 par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 21/51076

APPELANTES

S.A.R.L. MEDTRUM

Société au capital de 10 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 830 101 275,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

La société MEDTRUM BV

Société de droit néerlandais enregistrée auprès de la chambre du commerce des Pays-Bas sous le numéro NL72071966,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

PAYS-BAS

Représentées et asistées de Me Jean-François GUILLOT de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : D1166,

INTIMÉE

La société INSULET CORPORATION

Société enregistrée selon les lois de l’Etat du DELAWARE sous le numéro 000722467, Etats Unis d’Amérique,

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1],

[Adresse 1]

USA

Représentée et assistée de Me Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Déborah BOHÉE, conseillère, et Madame Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Madame Françoise BARUTEL, conseillère,

Madame Déborah BOHÉE, conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Insulet Corporation (Insulet), appartenant au groupe Insulet lequel est spécialisé dans le domaine des dispositifs médicaux à destination de malades atteints de diabète, est titulaire de plusieurs brevets relatifs à des dispositifs médicaux permettant la thérapie par pompe, dont notamment le brevet européen EP 1 874 390 (EP 390) intitulé « Dispositif de distribution de fluide » désignant la France, délivré le 1er octobre 2014.

Ce brevet est mis en ‘uvre dans un dispositif OmniPod, commercialisé depuis octobre 2015 par la société Insulet France, composé d’une part d’une pompe, qui est un dispositif à remplir d’insuline qui se porte directement sur le corps, destiné à stocker et administrer l’insuline par voie sous-cutanée, lequel met en ‘uvre le brevet précité, et d’autre part, d’un programmateur sans fil appelé gestionnaire personnel de diabète.

La société de droit chinois Medtrum Technologies Inc. appartient au groupe international Medtrum proposant des dispositifs médicaux à l’attention des personnes diabétiques.

La société Medtrum Sarl est la filiale française du groupe Medtrum, et la société Medtrum Bv la filiale néerlandaise, laquelle importe et distribue les produits du groupe en Europe.

Par jugement du tribunal de Düsseldorf du 13 août 2020, la société Medtrum Gmbh, filiale allemande du groupe Medtrum, a été condamnée pour contrefaçon de la partie allemande du brevet EP 390, du fait de la commercialisation du dispositif médical A6 Touchcare, sans que soit ordonné un sursis à statuer sur la question de la validité du brevet. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un appel.

Par décision du 15 novembre 2021, le tribunal fédéral allemand des brevets a déclaré nulle la revendication 1 pour défaut d’activité inventive, mais a maintenu le brevet sous une forme modifiée, cette décision faisant l’objet d’un appel qui est pendant devant la cour suprême.

Indiquant avoir remarqué la promotion en France par la société Medtrum sur le site Medtrum.fr du dispositif médical A6 Touchcare et son inscription sur la liste des dispositifs médicaux de l’ANSM, la société Insulet l’a fait constater le 27 juillet 2019.

Ayant découvert en août 2020 la présentation sur le même site d’un dispositif médical A7+ Touchcare disposant d’un marquage CE et d’une inscription sur la liste des dispositifs médicaux de l’ANSM, après y avoir été autorisée par ordonnance sur requête du 16 octobre 2020, la société Insulet a fait procéder le 20 octobre 2020 à une saisie-contrefaçon au domicile de Mme [E] [J], ‘Marketing and Sales Manager’ de la société Medtrum France, apparaissant comme la seule salariée en France de cette dernière, ces opérations ayant révélé, selon la société Insulet, des essais cliniques en cours, et ayant permis la saisie réelle des produits A6 Touchcare et A7+Touchcare.

Estimant que les produits A6 Touchcare et A7+ Touchcare portaient une atteinte vraisemblable à ses droits de propriété intellectuelle et notamment aux revendications 1 à 11, et 14 et 18 de la partie française du brevet EP390, la société Insulet a, par actes du 19 novembre 2019, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, les sociétés Medtrum Sarl. et Medtrum Bv (ensemble sociétés Medtrum), aux fins notamment d’interdiction provisoire des dispositifs litigieux.

Par ordonnance rendue le 23 mars 2021, le juge des référés a :

– rejeté les contestations comme non sérieuses, soulevées par les sociétés Medtrum S.A.R.L. et BV, relatives à l’absence de validité du brevet EP 1 874 390 dont est titulaire la société Insulet Corp. pour extension au-delà de la demande et défaut d’activité inventive ;

– rejeté les contestations comme non sérieuses soulevées par les sociétés Medtrum S.A.R.L. et BV relatives à la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 20 octobre 2020 ;

– dit qu’en important et en offrant en France des dispositifs A6 Touchcare et des dispositifs A7+ Touchcare, ainsi que des réservoirs patchs pour ces dispositifs, mettant en ‘uvre les caractéristiques du brevet, les sociétés Medtrum et Medtrum BV ont vraisemblablement commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 11 et 14 à 18 de la partie française du brevet EP-B-1 874 390 ;

– dit que la menace imminente d’atteinte aux droits de la société Insulet Corporation du fait de la mise dans le commerce des dispositifs A 7+ Touchcare, ainsi que des réservoirs patchs pour ces dispositifs, est caractérisée ;

– constaté que les sociétés Medtrum S.A.R.L. et BV s’engagent à ne pas commercialiser sur le territoire français, les dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare ;

– fait interdiction à titre provisoire et en tant que de besoin, aux sociétés Medtrum et Medtrum B.V. tout acte de contrefaçon des revendications 1 à 11, 14 et 18 de la partie française du brevet EP-B-1 874 390 et notamment l’offre, l’importation et la mise dans le commerce de tous dispositifs A6 Touchcare et A 7+ Touchcare, de tous réservoirs patch pour ces dispositifs notamment ceux référencés MD-JN-021 et de tous dispositifs et réservoirs patchs présentant les mêmes caractéristiques ;

– dit que cette interdiction sera assortie d’une astreinte de 300 euros HT par dispositif complet ou de 30 euros HT par réservoir patch offert mis dans le commerce, utilisé, importé, exporté, transbordé ou détenu à l’une quelconque de ces fins, passé le délai de 8 jours après la signification de l’ordonnance ;

– dit n ‘y avoir lieu à publication judiciaire de la présente ordonnance, par voie de presse ou par voie d’affichage sur le site www.Medtrum.fr ;

– constaté que la société Insulet Corporation ne demandait pas l’interdiction des actes nécessaires aux essais cliniques que la société Medtrum a entamé à la date de l’assignation introductive d’instance ;

– condamné les sociétés Medtrum S.A.R.L. et Medtrum BV aux dépens ;

– condamné les sociétés Medtrum S.A.R.L. et Medtrum BV in solidum à payer à la société Insulet Corp. la somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– autorisé Me Grégoire DESROUSSEAUX, avocat, à recouvrer directement contre ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’ordonnance était de droit exécutoire par provision.

Le 30 avril 2021, les sociétés Medtrum ont interjeté appel de cette ordonnance.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 4 et notifiées par RPVA le 14 mars 2023, les sociétés Medtrum demandent à la cour de :

– dire et juger les sociétés Medtrum SARL et Medtrum BV recevables et bien fondées en leur appel,

Y faisant droit,

– infirmer l’ordonnance de référé rendue le 23 mars 2021 en ce qu’elle a :

– rejeté les contestations comme non sérieuses, soulevées par les sociétés Medtrum S.A.R.L. et BV, relatives à l’absence de validité du brevet EP 1 874 390 dont est titulaire la société Insulet Corp. pour extension au-delà de la demande et défaut d’activité inventive ;

– rejeté les contestations comme non sérieuses soulevées par les sociétés Medtrum S.A.R.L. et BV, relatives à la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 20 octobre 2020;

– dit qu’en important et en offrant en France des dispositifs A6 Touchcare et des dispositifs A7+ Touchcare, ainsi que des réservoirs patchs pour ces dispositifs, mettant en ‘uvre les caractéristiques du brevet, les sociétés Medtrum et Medtrum B.V. ont vraisemblablement commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 11 et 14 à 18 de la partie française du brevet EP-B-1 874 390 ;

– dit que la menace imminente d’atteinte aux droits de la société Insulet Corporation du fait de la mise dans le commerce des dispositifs A7+ Touchcare, ainsi que des réservoirs patchs pour ces dispositifs, est caractérisée ;

– constaté que les sociétés Medtrum S.A.R.L. et BV s’engagent à ne pas commercialiser sur le territoire français, les tous dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare ;

– fait interdiction à titre provisoire et en tant que de besoin, aux sociétés Medtrum et Medtrum B.V. tout acte de contrefaçon des revendications 1 à 11, 14 et 18 de la partie française du brevet EP-B-1 874 390 et notamment l’offre, l’importation et la mise dans le commerce de tous dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare, de tous réservoirs patch pour ces dispositifs notamment ceux référencés MD-JN-021 et de tous dispositifs et réservoirs patchs présentant les mêmes caractéristiques ;

– dit que cette interdiction sera assortie d’une astreinte de 300 euros HT par dispositif complet ou de 30 euros HT par réservoir patch offert, mis dans le commerce, utilisé, importé, exporté, transbordé ou détenu à l’une quelconque de ces fins, passé le délai de 8 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir ;

– condamné les sociétés Medtrum S.A.R.L. et Medtrum BV aux dépens ;

– condamné les sociétés Medtrum S.A.R.L. et Medtrum BV in solidum à payer à la société Insulet Corp. la somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– autorisé Me Grégoire DESROUSSEAUX, avocat, à recouvrer directement contre ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– rappelé que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision.

Statuant à nouveau de ces chefs :

– dire et juger que les demandes en référé de la société Insulet visant les produits A6 Touchcare® et A7+ Touchcare® visés dans l’assignation en référé sont devenues dépourvues d’objet, dès lors que ceux-ci ont été remplacés, depuis janvier 2021, par une version modifiée A7+ Touchcare® qui seule est susceptible d’être désormais commercialisée en France, et dont les parties s’accordent qu’elle ne met pas en ‘uvre le brevet européen n° 1 874 390 ;

– constater que les sociétés Medtrum SARL et Medtrum BV se sont engagées depuis le début de la procédure à ne pas commercialiser en France un dispositif de pompe à insuline correspondant aux anciennes versions A6 et A7+ Touchcare® comportant un élément d’engagement d’entraînement à deux bras selon l’agencement du type de la pompe-patch MD-JN-011 ;

– constater que ces dispositifs ont été remplacés par une version A7+ modifiée du dispositif Touchcare® comprenant une pompe-patch du type de celle de référence MD-JN-021, puis par une version Nano comprenant une pompe-patch de référence MD 8200, dont il n’est pas contesté que celles-ci se situent hors champ du brevet européen n° 1 874 390 ;

– constater que la société Medtrum a demandé, et obtenu un prix de remboursement par la Sécurité sociale pour la seule version Nano Touchcare® – comprenant une pompe-patch de référence MD 8200 ‘ et qu’il s’agit de la seule version du système Touchcare® que les sociétés Medtrum commercialiseront à partir de la fin de l’année 2022 ;

En conséquence, dire n’y avoir lieu à référé, et rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Insulet Corporation,

Subsidiairement :

– dire et juger que le brevet européen n° 1 874 390, désignant la France, apparaît souffrir d’un défaut manifeste de validité, en raison tant d’une extension inadmissible de son objet au regard de l’articles 123(2) de la Convention sur le brevet européen (CBE), que d’une insuffisance de description au regard de l’article 83 CBE, d’un défaut de nouveauté au regard de l’article 54 CBE ou, à tout le moins d’un défaut d’activité inventive au regard de l’article 56 CBE.

Plus subsidiairement :

– dire et juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 20 octobre 2020 invoqué par la société Insulet Corporation au soutien de ses demandes apparaît manifestement nul ;

En tout état de cause :

– dire et juger que la société Insulet Corporation n’établit pas la preuve de la vraisemblance des actes de contrefaçon qu’elle allègue et de leur matérialité ;

– dire et juger que la vraisemblance d’une menace imminente d’atteinte aux droits de la société Insulet Corporation du fait de la mise dans le commerce des dispositifs argués de contrefaçon n’est pas non plus établie ;

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– dit n’y avoir lieu à publication judiciaire par voie de presse ou par voie d’affichage sur le site www.Medtrum.fr ;

– constaté que la société Insulet Corporation ne demande pas l’interdiction des actes nécessaires aux essais cliniques que la société Medtrum a entamé à la date de l’assignation introductive d’instance ;

– débouter la société Insulet Corporation de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions présentées en appel ;

– dire et juger que les mesures provisoires demandées par la société Insulet Corporation sont en tout état de cause disproportionnées et injustifiées au regard des faits de l’espèce et de l’absence manifeste de tout préjudice avéré, passé, présent ou futur de la demanderesse à raison des faits incriminés ;

– ordonner la publication judiciaire de l’arrêt à intervenir, qui infirmera l’ordonnance entreprise et rejettera les demandes de la société Insulet Corporation :

– dans 5 journaux ou périodiques au choix des sociétés Medtrum et aux frais de la société Insulet Corporation, sans que le coût global des insertions ne puisse excéder la somme de 30 000 euros H.T. ;

– sur la page d’accueil du site Internet https://www.omnipod.com/fr, ainsi que de tout autre site exploité par la société Insulet Corporation, pendant une durée d’un mois, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, dans un encart qui ne saurait être inférieur à 200 cm², dans une police de taille 14, et ce sous astreinte définitive de 5 000 euros par jour de retard ;

– condamner la société Insulet Corporation aux entiers dépens de première instance et d’appel, et autoriser Maître Jean-François Guillot, avocat aux offres de droit, à les recouvrer directement dans les conditions des articles 696 et 699 du code de procédure civile,

– condamner la société Insulet Corporation à payer aux sociétés Medtrum SARL et Medtrum B.V. la somme de 100 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 14 mars 2023, la société Insulet demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance du 23 mars 2021 en toutes ses dispositions, sauf à changer au septième paragraphe du dispositif “MD-JN-021” en “MD-JN-011” ;

Y ajoutant

– assortir l’interdiction prononcée relative à l’offre par présentation sur Internet des produits interdits d’une astreinte spécifique de 10 000 € (dix mille euros) par jour de présentation sur le site internet des sociétés Medtrum ou Medtrum B.V. ;

– interdire aux sociétés Medtrum et Medtrum B.V. de procéder ou faire procéder à des nouveaux essais cliniques en utilisant des dispositifs présentant les caractéristiques des revendications 1 à 11, 14 et 18 de la partie française du brevet EP-B-1 874 390 ;

– débouter les sociétés Medtrum et Medtrum B.V. de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner les sociétés Medtrum et Medtrum B.V. prises in solidum, à payer à la société Insulet Corporation la somme de 100 000 euros (cent mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel ;

– condamner les sociétés Medtrum et Medtrum B.V. prises in solidum, aux entiers dépens d’appel et autoriser la SCP August & Debouzy et Associés à les recouvrer directement dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le brevet EP 390

Le brevet EP 1 874 390 dont la demande a été déposée le 23 mars 2006, sous forme d’une demande PCT et sous priorité des brevets US907287 et US 907286 du 28 mars 2005, est intitulé ‘ dispositif de distribution de fluide’. Il a été délivré le 1er octobre 2014.

Le brevet concerne un dispositif de distribution de fluide et particulièrement une pompe à perfusion, pour distribuer des liquides thérapeutiques à un patient par voie sous-cutanée [0001].

La description mentionne qu’il existe des pompes à perfusion ambulatoire, portées dans un harnais, une poche ou attachées au corps du patient, pour distribuer un médicament liquide à un patient via une aiguille ou une canule souple insérée en sous-cutanée, utilisant la technologie de pompage ou de dosage électromécanique, mais que ces dispositifs sont onéreux, difficiles à programmer et à préparer, encombrants, lourds et très fragiles, nécessitant un entretien et un nettoyage spécialisés, c’est pourquoi ils sont délaissés, en raison de leur complexité et de leur coût élevé [0003, 0004].

Compte tenu de ces inconvénients, il existe un besoin d’un dispositif de distribution de fluide avec une taille et une complexité réduites et qui soit relativement bon marché à fabriquer. [0005].

L’art antérieur décrit un appareil (brevet US 5 919 167), comprenant une pompe de seringue avec un piston, une commande électronique libérant à intervalles de temps déterminés, une charge électrique, un élément à mémoire de forme contractile à la charge électrique, un mécanisme d’entraînement liant le piston et l’élément à mémoire de forme, dont le changement de longueur amène le mécanisme d’entraînement à fournir une force d’activation pour déplacer le piston, et forcer l’expulsion du fluide contenu dans la pompe.

Il est également présenté un actionneur en alliage à mémoire de forme comprenant un corps raccordé par un bras avec un élément d’activation, raccordé à deux fils et à un moyen de sollicitation tel qu’un ressort de tension, et agencé pour tourner autour d’un pivot, grâce au raccourcissement du fil à mémoire de forme, puis à l’action du ressort de tension (document WO 02/ 057627).

La description décrit également un actionneur en alliage à mémoire de forme thermique, précisant que, dans un agencement, une couverture de fenêtre tel qu’un store vénitien est prévue avec un actionneur thermique pour faire tourner automatiquement les lattes en positions ouvertes et fermées (brevet US 5 816 306).

Le brevet comporte 17 figures et 18 revendications, dont une principale et les revendications 2 à 18 dépendantes.

Sont invoquées au soutien de la demande en référé interdiction, les revendications 1 à 11 et 14 à 18.

La revendication 1 se lit comme suit, selon un découpage convenu par les parties :

‘(1) Dispositif de distribution de fluide (200) comprenant :

(2)- un réservoir de fluide (230) ;

(3)- un piston (236) reçu dans ledit réservoir de fluide (230);

(4)- une tige d’entraînement filetée (252) couplée audit piston (236) pour faire avancer ledit piston (236) dans ledit réservoir de fluide (230) ;

(5)- une roue d’entraînement (256) couplée à ladite tige d’entrainement filetée (252) ; caractérisé par le fait qu’il comprend en outre :

(6)- un élément d’engagement d’entraînement pivotable (262) comprenant

(6.1)des premier et second bras (264a, 264b)

(6.2a) configurés pour s’engager avec et faire tourner par incréments ladite roue d’entraînement (256),

(6.2b)l’un du premier bras (264a) ou du second bras (264b) étant à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement (256) et

(7)- un actionneur linéaire

(7.1)couplé audit élément d’engagement d’entraînement pivotable (262) pour faire pivoter ledit élément d’engagement d’entraînement pivotable (262),

(7.2)ledit actionneur linéaire amenant l’élément d’engagement d’entrainement pivotable (602) à pivoter lorsqu’il est actionné’.

Sur la demande principale des sociétés Medtrum de dire n’y avoir lieu à référé

Les sociétés Medtrum demandent en substance dans le dispositif de leurs conclusions de ‘Dire et juger’ que les demandes en référé de la société Insulet visant les produits A6 Touchcare® et A7+ Touchcare® sont devenues dépourvues d’objet, dès lors que ceux-ci ont été remplacés, depuis janvier 2021, par une version modifiée A7+ Touchcare® dont les parties s’accordent à reconnaître qu’elle ne met pas en ‘uvre le brevet européen n° 390, de ‘constater’ qu’elles se sont engagées depuis le début de la procédure à ne pas commercialiser en France un dispositif de pompe à insuline correspondant aux versions A6 et A7+ Touchcare, de ‘constater’ que ces dispositifs ont été remplacés par une version A7+ modifiée du dispositif Touchcare puis par une version Nano dont il n’est pas contesté qu’elles se situent hors champ du brevet européen n° 390, et de ‘constater’ que la société Medtrum a obtenu un prix de remboursement par la Sécurité sociale pour la seule version Nano Touchcare, seule version qu’elles commercialisent depuis la fin de l’année 2022,

Les sociétés Medtrum soutiennent qu’en l’absence de la moindre preuve de la poursuite des faits argués de contrefaçon et d’une atteinte actuelle ou imminente aux droits sur le brevet EP 390, il est manifeste qu’il n’y a pas lieu à référé ; que la question de savoir si des mesures d’interdiction provisoires sont justifiées ou non ne dépend pas de l’existence de prétendus actes de contrefaçon commis dans le passé, mais de la vraisemblance de la poursuite de tels actes, ou de l’imminence de tels actes, au jour où le juge statue ; qu’elles ont abandonné le dispositif à deux bras argué de contrefaçon correspondant aux anciennes versions A6 et A7+ du dispositif Touchcare® et que c’est une version modifiée utilisant une pompe-patch à un seul bras, qui est désormais susceptible d’être commercialisée en France, et qui a été effectivement lancée en décembre 2022 (en l’occurrence, la version Nano) après avoir obtenu un prix de remboursement par la sécurité sociale en septembre 2022 ; qu’aucune commercialisation des produits incriminés n’est susceptible d’intervenir dès lors que les procédures administratives visant à l’inscription du dispositif Touchcare sur la liste des produits remboursables par la sécurité sociale, afin de permettre sa commercialisation, n’ont porté que sur le seul dispositif Nano Touchcare à un seul bras ; qu’en définitive, la demande d’interdiction provisoire, étendue à des essais cliniques en cause d’appel, est injustifiée et hors de proportion, étant donné que les essais qui étaient en cours au moment de l’introduction de la procédure de référé sont terminés depuis mars 2021, que la société Insulet n’a pas demandé leur interruption devant le premier juge , et qu’aucun autre essai clinique n’est désormais utile, ni envisagé par les sociétés Medtrum, encore moins en ce qu’il porterait sur les anciennes versions A6/A7 du dispositif Touchcare® – seules incriminées – aujourd’hui obsolètes et abandonnées depuis plus de deux ans ; qu’aucune publicité n’est actuellement faite en France par les sociétés Medtrum pour les anciennes versions seules incriminées A6 et A7, ni pour aucune autre version du dispositif Touchcare dont le réservoir-patch comporte un élément d’engagement à deux bras.

La société Insulet fait valoir que les demandes faites à la cour de ‘constater’ le lancement de la seule version Nano Touchcare n’ont pas plus d’effet juridique que les demandes de ‘donner acte’ présentées en première instance ; que la confirmation de l’ordonnance est sans incidence aucune sur leurs droits si celles-ci renoncent effectivement à la commercialisation des dispositifs litigieux ; que cette confirmation de l’ordonnance garantira le respect des droits du breveté et empêchera toute éventuelle atteinte future ; qu’il ne s’agit pas d’un risque théorique en ce que les sociétés Medtrum continuent à commercialiser et à assurer le support technique des dispositifs A6 et A7+ dans de nombreux pays européens.

La cour rappelle que les demandes de « constater », « dire et juger », ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d’aucune demande.

L’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle sur lequel la société Insulet fonde ses demandes dispose que ‘Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…). Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. (….)’.

L’article L 613-3 a) du code de la propriété intellectuelle énonce : ‘Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet…’

La cour d’appel rappelle enfin que lorsqu’elle est saisie de l’appel d’une ordonnance de référé, si elle ne peut écarter les faits survenus postérieurement à l’ordonnance attaquée, elle doit cependant apprécier l’existence du trouble allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision.

En l’espèce il n’est pas contesté, ainsi qu’il résulte des procès-verbaux de constat d’huissier réalisés le 25 juillet 2019 puis le 17 août 2020 sur le site internet dont la société Medtrum est responsable, qu’y sont présentés les produits incriminés A6 Touchcare et A7+ Touchcare.

Il est également constant que les opérations de saisie-contrefaçon du 20 octobre 2020 ont révélé que la société Medtrum Bv, distributeur des produits Medtrum en Europe, a importé en France pour la réalisation d’essais cliniques, les dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare ayant déjà obtenu un marquage CE et incriminés au titre de la contrefaçon du brevet EP 390.

Etant rappelé que la cour d’appel lorsqu’elle statue sur l’appel d’une ordonnance de référé, doit, sans écarter les faits postérieurs à ladite ordonnance, se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision, il résulte des éléments qui précèdent que la demande des sociétés Medtrum, de dire n’y avoir lieu à référé, sans examen des moyens invoqués, au seul motif que les produits A6 Touchcare et A7+ Touchcare incriminés n’ont pas été commercialisés en France et que la société Medtrum commercialise depuis la fin de l’année 2022 une version Nano Touchcare non alléguée de contrefaçon, sera rejetée.

Sur la vraisemblance de l’atteinte au brevet FR 390

Il doit être rappelé que l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : ‘Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.’

En outre, selon le 22ème considérant de la directive n° 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l’atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d’espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à cause un préjudice irréparable au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle.

En application de ces textes, le juge des référés saisi de telles demandes doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsqu’elles portent sur la validité du titre. Il lui appartient alors d’apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d’évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l’atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus pour chaque partie, la décision ou non d’interdire la commercialisation du produit prétendument contrefait.

Sur la validité du brevet européen EP 390

Sur l’extension de son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée

Les sociétés Medtrum soutiennent qu’il n’est normalement pas permis de modifier une revendication en puisant des caractéristiques isolées dans un ensemble de caractéristiques divulguées à l’origine uniquement de façon combinée dans la description, correspondant, par exemple, à un mode de réalisation particulier ; que pour être admissible, une généralisation intermédiaire doit résulter des informations non ambiguës que l’homme du métier tirerait de la lecture de l’exemple et du contenu de la demande telle que déposée ; qu’en l’espèce le breveté a choisi d’isoler une caractéristique décrite dans la revendication 6 d’origine, pour la rajouter à la revendication 1, alors que ladite caractéristique n’était nulle part divulguée dans la demande telle que déposée autrement que comme faisant partie d’une combinaison de caractéristiques incluant celles de la revendication 5 ; qu’il ressort clairement la nécessité que chacune des deux branches soient configurées pour être en contact avec un trajet électriquement conducteur pour activer un signal d’actionneur, comme prescrit à la revendication 5 de la demande telle que déposée, et que cette configuration est essentielle au fonctionnement du dispositif ; que sa non reprise dans la revendication 1, telle que délivrée, constitue donc bien une extension inadmissible au sens de l’article 123(2) CBE ; qu’il ne saurait être considéré que certaines caractéristiques mentionnées au § [0038] correspondant à celles de la revendication 5 ne seraient pas essentielles à ce mode de réalisation car par ailleurs présentées comme optionnelles, dans d’autres modes de réalisation ne comportant pas un élément d’engagement d’entraînement pivotable à deux bras, qui sont désormais exclus de la portée du brevet ; que les caractéristiques 6.1 et 6.2.b de la revendication 1 limitée, telle que délivrée, ne sont pas décrites dans le § [0038] de la demande telle que déposée comme optionnelles, mais au contraire présentées indissociablement des autres caractéristiques divulguées en combinaison au même paragraphe ; qu’en lisant le paragraphe [038], on comprend bien que le dispositif comprenant un élément d’engagement pivotable à deux bras ne fonctionne selon l’invention que s’il est configuré pour être en contact avec un trajet électriquement conducteur pour activer un signal d’actionneur ; que nulle part dans la demande telle que déposée, l’homme du métier n’aurait pu déduire sans aucun doute, que les caractéristiques décrites en combinaison au § [038] ne sont pas étroitement liées aux autres caractéristiques du mode de réalisation particulier non reprises dans la revendication 1 ; qu’il est tout à fait artificiel d’avoir isolé dans la revendication 1 modifiée uniquement les caractéristiques 6.1 et 6.2b (« l’un du premier bras (264a) ou du second bras (264b) étant à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement (256) »), car cela rompt les liens structurels et fonctionnels avec les autres composantes du mécanisme 252 ; que ce faisant, l’homme du métier reçoit de la revendication 1 telle que délivrée des informations non déductibles, directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée initialement, contrevenant par conséquent aux exigences de l’article 123(2) CBE ; que l’extension de l’objet de la revendication 1 telle que délivrée apparaît encore plus manifeste au regard du fait que, dans sa rédaction actuelle, elle couvrirait un mode de réalisation non divulgué par la demande telle que déposée ; que la revendication 1 délivrée ne spécifie pas que les dents de la portion de roue 258a sont décalées par rapport aux dents de la portion de roue 258b, contrairement aux modes de réalisation décrits et illustrés ; que la revendication 1 délivrée couvre, d’une manière générale, absolument injustifiée, un mode de réalisation selon lequel les dents 258a, 258b seraient identiques et alignées et dans lequel l’un des bras 264a, 264b engagerait en permanence la roue 256 ; que si l’on voit mal l’intérêt, ou même le fonctionnement d’un tel mode de réalisation, il n’en demeure pas moins que c’est une possibilité couverte par la revendication 1 délivrée, qui n’était pas couverte par la demande telle que déposée à l’origine qui incluait un dispositif à un seul bras ; que l’omission de cette caractéristique, essentielle, dans la revendication 1 comprenant désormais uniquement un dispositif avec un élément d’entraînement à deux bras, aboutit manifestement à une extension inadmissible au sens de l’article 123(2) CBE, voire à une insuffisance de description liée à l’impossibilité de mettre en ‘uvre l’invention telle que revendiquée, au regard de l’article 83 CBE, entraînant la nullité manifeste de la revendication 1 du brevet ; que la nullité manifeste pour extension inadmissible, ou insuffisance de description, de la revendication 1 entraîne, par voie de conséquence, celle de toutes les revendications qui en dépendent, de sorte que, sur le même fondement, les revendications opposées 2 à 3, 5 à 7, 10, 14 et 18 du brevet EP 390 sont aussi manifestement nulles.

La société Insulet soutient qu’il n’y a pas d’extension au-delà de la demande déposée ; qu’il n’est pas contesté que ces caractéristiques visées par les sociétés Medtrum sont présentes dans la description, au paragraphe [0038] de la demande et dans la revendication 6 de la demande telle que déposée ; que l’Office européen des brevets considère qu’afin d’apprécier la conformité des revendications modifiées aux exigences de l’article 123(2) il ne faut pas se focaliser sur la structure des revendications telles que déposées, au détriment des éléments que l’homme du métier déduirait de façon directe et non ambiguë de la demande dans son ensemble ; que les sociétés Medtrum accordent une importance démesurée à la dépendance des revendications au détriment de l’enseignement de la demande ; que la seule question est de savoir si l’homme du métier, à la lecture de la demande PCT dans son ensemble, aurait pensé que la caractéristique ajoutée (l’engagement à tout instant) était inextricablement liée aux caractéristiques de la revendication 5 sur les contacts électriques sur les “jambes” de l’élément pivotable ; qu’elle est celle du lien entre la caractéristique de la revendication 5, qui permet de contrôler la façon dont l’élément d’engagement d’entraînement est pivoté par l’actionneur linéaire, et la caractéristique de la revendication 6, sur la façon dont les bras de l’élément d’engagement d’entraînement agissent sur la roue d’entraînement ; que ces deux caractéristiques ne sont pas techniquement liées ; que le dispositif comprenant un élément d’engagement d’entraînement à deux bras dont l’un des deux bras est à tout instant engagé avec la roue d’entraînement peut sans conteste fonctionner mécaniquement sans être configuré pour être en contact avec un trajet électriquement conducteur; qu’il n’y a pas d’extension inadmissible à avoir ajouté dans la revendication 1 la caractéristique mécanique de l’engagement des bras à tout instant, sans y ajouter aussi la caractéristique de la revendication 5 de la demande.

En application de l’article 138 alinéa 1 de la convention sur le brevet européen, applicable à la partie française du titre en vertu de l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, le brevet ne peut être déclaré nul avec effet pour un Etat contractant que si (‘) c/ l’objet du brevet européen s’étend au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée (…), et selon l’article 123(2) de la convention sur le brevet européen, la demande de brevet européen ou le brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s’étende au delà du contenu de la demande telle que déposée.

En outre, l’article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle sanctionne par la nullité le brevet si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée.

L’extension de l’objet au-delà de la demande telle que déposée est caractérisée lorsque les modifications proposées ne peuvent pas être déduites directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée, déterminée par les revendications, lesquelles doivent s’interpréter à la lumière de la description et des dessins et lorsque l’homme du métier, en lisant le brevet modifié, est confronté à de nouvelles informations techniques par rapport au contenu de la demande telle que déposée.

Il est ainsi interdit au demandeur d’ajouter en cours de délivrance, un élément non divulgué dans la demande telle que déposée, lorsque la modification par ajout, suppression, ou modification, procure des informations à l’homme du métier, qui ne découlent pas directement et sans ambiguïté de celles contenues dans la demande, y compris celles issues des éléments implicites de la demande, peu important, selon les directives de l’OEB, la structure des revendications telles que déposées.

Il est enfin acquis que le fait d’extraire une caractéristique spécifique en l’isolant d’une combinaison de caractéristiques divulguées initialement, et de l’utiliser pour délimiter l’objet revendiqué ne peut être autorisé que s’il n’existe pas de liens structurels et fonctionnels entre les caractéristiques concernées.

En l’espèce, il est constant qu’au cours de la procédure de délivrance, ont été ajoutées les deux éléments issus de la revendication 6 telle que déposée, constituant désormais, les caractéristiques 6.1 et 6.2(b) de la revendication 1 délivrée, selon laquelle :

– l’élément d’entraînement d’engagement pivotable comprend « des premier et second bras (264a, 264b) » alors que la revendication 1 de la demande telle que déposée prévoyait que ledit élément comprenait « au moins un bras » ;

et

– l’un du premier bras (346) ou du second bras (348) étant à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement (256).

Il n’est pas contesté que ces caractéristiques étaient présentes dans la revendication 6 initiale ainsi que dans le § 38 de la description de la demande de brevet telle que déposée, laquelle divulgue expressément pour expliciter le fonctionnement du mécanisme d’actionnement, ‘le bras 264a s’engage dans une dent de la partie roue à rochet amenant la roue d’entraînement à tourner d’un incrément’ , ainsi que ‘A tout instant, l’un des bras 264a et 264b s’engage dans les parties dentées de la roue d’entraînement. Le bras engagé 264a ou 264b empêche par conséquent, la rotation en sens inverse’. Les éléments ainsi rajoutés dans la revendication 1 du brevet découlent donc directement de la demande de brevet.

Le tribunal a considéré par des motifs que la cour approuve qu’il importe peu que les caractéristiques relatives à ces bras, initialement mentionnées dans la revendication 6, ont été déplacées dans la revendication 1 telle que délivrée, sans que soient déplacés les éléments de la revendication 5 dont ils étaient en dépendance, dès lors que manifestement, les revendications 5 et 6 initiales, ont des objets distincts, la première concernant la commande électrique de l’actionneur linéaire alors que la seconde porte sur l’interaction mécanique entre les bras de l’élément d’engagement et la roue d’entraînement, et qu’elles ne présentent pas de lien technique inextricable de sorte que ces caractéristiques peuvent être dissociées.

La cour ajoute que si le [038] regroupe la description, d’une part, du fonctionnement de l’actionneur linéaire, et d’autre part, de la façon dont les bras agissent sur la roue d’entraînement, il est clair pour l’homme du métier que ces caractéristiques sont indépendantes, le dispositif , qui comprend un élément d’engagement d’entraînement à deux bras dont l’un des deux bras est à tout instant engagé avec la roue d’entraînement, pouvant fonctionner mécaniquement sans être configuré pour être en contact avec un trajet électriquement conducteur.

Il suit de ces développements que la contestation de la validité du brevet au regard de son extension inadmissible n’est pas sérieuse, pas plus que celle d’insuffisance de description que les sociétés Medtrum rajoutent à la toute fin de leurs développements relatifs à l’extension du brevet au-delà de la demande au motif que la revendication 1 ne spécifie pas que les dents de la portion de roue 258a sont décalées par rapport aux dents de la portion de roue 258b contrairement aux modes de réalisation illustrés sans préciser ni démontrer les raisons pour lesquelles l’homme du métier ne pourrait mettre en oeuvre l’invention sans difficulté excessive.

Sur le défaut de nouveauté

Les sociétés Medtrum soutiennent que la revendication 1 est entièrement antériorisée par le document US 6 656 158 B2 (Mahoney) ; que ce brevet (D8) relève du même domaine que le brevet EP 390 en ce qu’il permet de délivrer un fluide à un patient, comme de l’insuline par exemple ; que l’objectif de cette invention est de fournir un dispositif de distribution de fluide, avec une taille et une complexité réduites, et qui est relativement bon marché à fabriquer, objectif qui est atteint grâce à un élément d’engagement d’entraînement pivotable à deux bras, et à l’actionneur linéaire qui y est couplé ; que toutes les caractéristiques de la revendication 1 sont divulguées dans le document D8.

Elles prétendent que la revendication 1 se lit dans le document D8 de la façon suivante, et qu’elle est donc privée de nouveauté au regard du document D8 :

(1) un dispositif de distribution de fluide (10) comprenant :

(2) un réservoir de fluide (30), comprenant :

(3) un piston (204) reçu dans ledit réservoir de fluide (230),

(4) une tige d’entraînement filetée (202) couplée audit piston (204) pour faire avancer ledit piston (204) dans ledit réservoir de fluide (30),

(5) une roue d’entraînement (314) couplée à ladite tige d’entraînement filetée (202) ;

caractérisé par le fait qu’il comprend en outre :

(6) un élément d’engagement d’entraînement pivotable (342) comprenant

(6.1) des premier et second bras (346, 348)

(6.2a) configurés pour s’engager avec et faire tourner par incréments ladite roue d’entraînement (314), (6.2.b) l’un du premier bras (346) ou du second bras (348) étant à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement (314) ; et

(7) un actionneur linéaire (350)

(7.1) couplé audit élément d’engagement d’entraînement pivotable (342) pour faire pivoter ledit élément d’engagement d’entraînement pivotable (342),

(7.2) ledit actionneur linéaire amenant l’élément d’engagement d’entraînement pivotable (342) à pivoter lorsqu’il est actionné.

La société Insulet soutient que le document Mahoney montre, dans le mode de réalisation des figures 11a à 11e, une roue dentée unique (202) ; qu’une cage (342) entoure cette roue dentée ; que la cage présente deux cliquets (346, 348), disposés de part et d’autre de la roue dentée ; que la cage (202) est animée d’un mouvement linéaire alternatif, dans une direction (A) puis dans la direction opposée (B) ; que lors du mouvement linéaire dans la première direction (A), le cliquet du dessus (346) fait tourner la roue, tandis que lors du mouvement linéaire dans la direction opposée (B), le cliquet du dessous (348) fait tourner la roue ; qu’aux figures 11a à 11e, le document Mahoney ne montre pas non plus les éléments de l’invention revendiquée dans leur forme, leur agencement et leur fonctionnement ; que rien non plus dans le document Mahoney n’enseigne la caractéristique que l’un des premiers bras ou du second bras est à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement ; qu’ainsi le défaut de nouveauté n’est pas établi.

Selon l’article 54 de la convention sur le brevet européen :

« (1) Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.

(2) L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

(3) Est également considéré comme compris dans l’état de la technique le contenu de demandes de brevet européen telles qu’elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n’ont été publiées qu’à cette date ou à une date postérieure.

(‘) ».

En application de l’article 138 CBE, applicable à la partie française du titre, et de l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, il s’agit d’une cause de nullité du brevet européen.

En vertu de l’article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique qui est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Il résulte de ce texte que, pour être comprise dans l’état de la technique et être privée de nouveauté, l’invention doit s’y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

En l’espèce, le document opposé pour la première fois en appel au soutien du moyen de défaut de nouveauté est le brevet US 6 656 158 B2 (Mahoney – D8) dont la demande a été déposée le 23 avril 2002, et qui a été délivré le 2 décembre 2003. Il concerne les dispositifs, systèmes et méthodes médicaux, et plus particulièrement les petits dispositifs et méthodes de perfusion portables et peu coûteux. Il fournit un dispositif permettant de délivrer un fluide, comme de l’insuline par exemple, à un patient.

Il n’est pas contesté que le document D8 se rapporte au même domaine technique à savoir le domaine des pompes permettant d’administrer des liquides thérapeutiques à un patient.

En revanche les sociétés Medtrum affirment sans le démontrer que l’ensemble des caractéristiques de la revendication 1 sont reproduites.

La revendication 1 du brevet EP 390 vise dans sa partie caractérisante (6) ‘un élément d’engagement d’entraînement pivotable’ alors que le document D8 divulgue une cage, non pas pivotable, mais mobile linéairement dans une première et une deuxième direction linéaire (‘La cage 344 est mobile linéairement dans une première et une deuxième direction linéaire opposées’ – p 24 lignes 24 à 26 de la traduction).

La revendication 1 du brevet EP 390 vise également un élément d’engagement ‘comprenant (6.1) des premier et second bras’ c’est à dire un élément monobloc avec deux bras alors que le brevet D8 enseigne une cage avec un premier cliquet qui sort de la cage et avec un deuxième cliquet qui sort de la cage, les figures 11a à 11e montrant que les cliquets doivent être mobiles par rapport à cette cage pour permettre le fonctionnement du dispositif.

La revendication 1 du brevet litigieux divulgue enfin un actionneur linéaire (7) pour faire pivoter ledit élément d’engagement d’entraînement pivotable alors que le document Mahoney ne décrit pas un tel actionneur linéaire, dans sa forme. Les deux parties (356) et (358) de l’actionneur (350) ne font pas pivoter la cage, mais la font au contraire se déplacer dans un mouvement linéaire alternatif.

Ainsi les éléments revendiqués dans la partie caractérisante de la revendication 1, dans leur forme et dans leur agencement, ne sont pas décrits dans le document D8.

La cour considère en conséquence que le document D8 ne constitue pas une antériorité de toute pièce divulguant l’invention objet du brevet dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement, en vue du même résultat technique et ne prive donc pas de nouveauté la revendication 1. Ce moyen de contestation de la validité du brevet litigieux n’est donc pas sérieux.

Sur le défaut d’activité inventive

La cour rappelle qu’en vertu de l’article 56 de la convention sur le brevet européen et de l’article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.

La cour rappelle en outre que le raisonnement d’activité inventive nécessite d’évaluer, pour chaque revendication définissant l’invention, compte tenu de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité, s’il n’aurait pas été évident pour un homme du métier de parvenir à un résultat couvert par cette revendication, l’approche problème/solution, recommandée pour ce faire par l’Office européen des brevets, ne constituant pas une exigence requise par les articles susvisés.

L’homme du métier est celui du domaine technique dont relève l’invention ainsi que des domaines voisins dans lesquels se posent des problèmes techniques identiques ou similaires à ceux que se propose de résoudre l’invention.

Les sociétés Medtrum demandent de retenir que l’homme du métier est un ingénieur en mécatronique ayant plusieurs années d’expérience professionnelle dans le développement et la conception de dispositifs médicaux électromécaniques, en particulier de pompes doseuses, ainsi que défini par la cour fédérale allemande des brevets dans son opinion provisoire.

La société Insulet demande de retenir la définition du juge des référés à savoir un spécialiste des pompes à perfusion ambulatoire, qui doit par ailleurs disposer de connaissances générales, en matière de mécanique, pour contrôler la distribution de médicaments.

La cour considère que nonobstant le fait qu’un élément de l’art antérieur mentionné dans le brevet concerne un store vénitien, cité afin d’évoquer ce qui existe comme actionneur à mémoire de forme, le domaine technique de l’invention est celui de l’administration de liquides thérapeutiques par pompes à perfusion ambulatoire, de sorte que l’homme du métier est, ainsi que l’a pertinemment retenu le juge des référés, un spécialiste des pompes à perfusion ambulatoire, disposant par ailleurs de connaissances générales en matière de mécanique et électromécanique pour contrôler la distribution de médicaments.

La cour rappelle en outre que l’état de la technique le plus proche est généralement celui qui correspond à une utilisation semblable à celle de l’invention revendiquée et qui appelle le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l’invention revendiquée.

Il n’est pas contesté en l’espèce que le brevet US 5 919 167, déposé le 8 avril 1998, délivré le 6 juillet 1999, portant sur une ‘micropompe jetable’ (document D1), et cité dans le brevet, est considéré comme le document de l’état de la technique le plus proche.

Le brevet US 5 919 167 correspond à un dispositif portable de distribution de fluide comprenant une pompe à seringue avec piston, un élément de commande électronique, qui libère une charge électrique à intervalles de temps prédéterminés, un élément à mémoire de forme d’une longueur contractile diminuant d’une longueur non chargée à une longueur chargée, et un mécanisme d’entraînement raccordé à la fois à l’élément de mémoire de forme et au piston, de sorte que le changement de longueur de l’élément à mémoire de forme amène le mécanisme d’entraînement à fournir une force d’activation pour déplacer le piston et forcer l’expulsion de fluide de la chambre de la pompe à seringue.

Il n’est pas contesté que ce document divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP390, sauf les caractéristiques (6-1) des premier et second bras de l’élément d’engagement d’entraînement pivotable, et (6-2 b) l’un du premier bras ou du second bras étant à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement.

Sur l’activité inventive de la revendication 1 au regard de la combinaison des documents D1 (Mulhauser) et D7 (Lianrong)

Les sociétés Medtrum soutiennent qu’au regard de la combinaison du document US 5 919 167 A (Mulhauser-D1) et du document CN 2301576Y (Lianrong-D7) l’homme du métier serait parvenu de manière évidente, à l’invention, sans faire preuve d’aucune activité inventive ; que l’homme du métier comprend facilement que, dans le dispositif Mulhauser, pendant le temps de réarmement du bras d’engagement du levier (élément d’engagement d’entraînement pivotable), la roue d’entraînement, couplée à une roue à rochet unique à simple cliquet d’engagement, ne tourne pas, ce qui fait que le piston avec lequel elle est couplée n’avance plus et que la distribution du fluide est discontinue ; qu’il aurait naturellement identifié ces inconvénients intrinsèques apparents du dispositif Mulhauser, et cherché, pour y remédier, à améliorer le système de transmission pour distribuer l’insuline au patient avec une plus grande précision et pour contrôler avec un meilleur soin la distribution de médicament, pour une meilleure efficacité du produit et du traitement avec moins de toxicité [0002 lignes 18- 20] tout en proposant un dispositif d’une taille et d’une complexité réduite, relativement bon marché à fabriquer » [005] lignes 9-11) ; que c’est tout naturellement, et facilement, qu’il aurait identifié dans l’état de la technique la solution à ce problème en combinant les enseignements de la pompe de Mulhauser et du document Lianrong ; que le document Lianrong propose une structure d’entraînement comprenant, non pas une seule roue à rochet, mais deux roues à rochet coaxiales, et un levier à double mouvement comportant deux bras qui s’engagent alternativement, et respectivement, avec l’une ou l’autre des deux roues ; que la Cour fédérale allemande des brevets a considéré dans son opinion provisoire que la revendication 1 semble découler de manière évidente sur la base de la structure décrite dans la publication D01 [US 5 919 167 A] en combinaison avec le mécanisme d’entraînement pour mécanisme pas à pas décrit dans la publication D07 (CN 2301576 Y).

La société Insulet soutient que les sociétés Medtrum adoptent un raisonnement a posteriori pour retenir le document Lianrong parmi les documents dont avait connaissance l’homme du métier car ce document n’appartient pas au domaine technique que l’homme du métier aurait considéré; que la seule raison pour laquelle le document D7 est proposé par les sociétés Medtrum est une recherche ciblée, en connaissance de l’invention ; que le raisonnement proposé est artificiel, en particulier dans la formulation du problème en s’appuyant sur la distribution continue de fluide alors même que ce problème n’est pas présenté dans la description du brevet EP 390 comme un problème résolu par l’invention ; que ce document D7 concerne une machine-outil de puissance, avec un vérin de puissance et un socle ancrés dans le sol ; que ce document relève d’un domaine étranger à celui de l’homme du métier n’étant même pas un domaine voisin ; que l’objectif poursuivi dans ce document Lianrong (un fonctionnement continu) est contraire au principe même d’une pompe de distribution de médicament ; qu’en tout état de cause, la combinaison de Mulhauser et Lianrong n’aurait pas conduit l’homme du métier à l’objet de l’invention ; que l’adaptation du système de D7 dans le dispositif médical du document Mulhauser demande des modifications importantes, n’ayant rien d’évident pour l’homme du métier.

Sur ce,

Le document D7 CN2301576Y, modèle d’utilité intitulé ‘structure de transmission de roue à rochet’ dont la demande a été déposée le 29 octobre 1997 et qui a été délivré le 23 décembre 1998, porte sur ‘une structure de transmission de puissance mécanique et en particulier une structure de transmission à roue à rochet’, applicable à toutes sortes de machines utilisant un mécanisme de transmission à roue à rochet unique et à d’autres machines qui utilisent une structure de transmission de puissance.

Ce dispositif a vocation à pallier les inconvénients liés à une roue à rochet unique avec un cliquet unique, tels que le faible rendement et un temps de repos relativement long, et de permettre un fonctionnement continu en améliorant l’efficacité.

Si le modèle d’utilité du document D7 mentionne qu’il est applicable à toutes sortes de machines pouvant utiliser un mécanisme de transmission à roue à rochet, il ne concerne ni la distribution de liquides ni un dispositif ambulatoire, le domaine technique étant celui des machines-outils de puissance ainsi qu’il résulte tant du 1er § de la description précisant qu’il ‘se rapporte à une structure de transmission de puissance mécanique’, que de l’exemple de réalisation proposé en page 2 in fine dans lequel le mécanisme d’actionnement est un cylindre hydraulique avec un piston et un bras de transmission de puissance, ces machines n’étant pas transportables ainsi qu’il résulte notamment de la figure montrant un dispositif ancré dans le sol tant pour le support 9 que pour l’extrémité du vérin 10.

Outre qu’il n’appartient pas au même domaine technique ni à un domaine technique voisin, ce document, qui se propose de pallier les inconvénients d’un faible rendement et d’un temps de repos long en permettant un fonctionnement continu améliorant l’efficacité, ne répond pas au problème technique posé par le brevet à savoir un dispositif de distribution de fluide avec une taille et une complexité réduites.

Aussi, ainsi que l’a pertinemment relevé le juge des référés, l’homme du métier n’aurait pas consulté ce document, qui n’appartient pas au même domaine technique ni à un domaine technique voisin, pour le combiner avec le document Mulhauser, afin d’y trouver une solution qu’il ne cherchait pas, sauf à raisonner a posteriori.

Enfin, quand bien même l’homme du métier aurait tenté d’adapter cette structure dans le dispositif de distribution de fluide du document D1, il aurait été conduit à utiliser, comme dans le document D7, une double roue à rochet coaxiale avec une grande roue et une petite roue, une bielle, un grand et un petit cliquets, alors que l’élément d’engagement du brevet litigieux est monobloc avec les bras pour justement obtenir une taille et une complexité réduites, de sorte qu’appliquer la solution du document D7 à la configuration du document D1 demande des modifications conséquentes qui n’ont rien d’évident et excédent les simples opérations de routine de l’homme du métier.

Il résulte de ces développements, qu’ainsi que l’a apprécié à juste titre le juge des référés, l’argumentation développée de ce chef pour contester la validité de la revendication 1 n’apparaît pas suffisamment sérieuse.

Sur la combinaison du document D1 et des connaissances générales de l’homme du métier

Les sociétés Medtrum soutiennent que pour réduire l’intermittence du mouvement, l’encliquetage de Lagarousse est connu depuis la fin du XVIIIe siècle ; que cette solution est répertoriée à la page 226 du livre intitulé ‘760 mouvements mécaniques’ écrit par [I] [Z] ; qu’elle est communément usitée en mécanique, comme le montre par exemple son utilisation dans une machine à écrire Underwood datant du début du XXème siècle ; qu’il ressort de l’agencement même de la roue à double cliquets de Lagarousse que celle-ci assure de réduire le pas du mouvement ; que l’homme du métier, cherchant à améliorer le système de transmission à roue à rochet unique et à simple cliquet pour le rendre plus continu afin de contrôler la distribution du médicament pour une meilleure efficacité tout en proposant un dispositif de taille et complexité réduites, et qui sait consulter les livres concernant la transmission des mouvements quand il est confronté à ce type de problème, trouve la solution de l’utilisation de la roue à double cliquets de Lagarousse ; qu’ainsi l’objet de la revendication 1 est manifestement dépourvu d’activité inventive.

La société Insulet oppose qu’il n’est pas évident que l’homme du métier soit familier avec le système d’encliquetage de Lagarousse ; que le manuel cité en référence présente 760 mouvements mécaniques ; qu’il est possible, une fois que l’on connaît l’invention d’aller rechercher dans l’état de la technique un mouvement qui y ressemble pour ensuite justifier que ce mouvement existait; qu’il n’y a cependant rien d’évident à aller isoler artificiellement ce mécanisme ; qu’en outre le problème technique que propose de résoudre l’invention n’est pas la distribution continue du fluide ; que cet objectif est même contraire à celui d’une pompe de perfusion ambulatoire destinée à distribuer des liquides thérapeutiques dans un fonctionnement par nature interrompu et un dosage précis ; que dès lors l’homme du métier ne se serait pas tourné vers une solution dont l’objet est de réduire l’intermittence du mouvement ; qu’au surplus les sociétés Medtrum n’apportent pas la démonstration qu’il aurait été évident pour l’homme du métier, connaissant D1, de se tourner vers les mécanismes n° 506 et 507 de l’encliquetage Lagarousse pour trouver la solution au problème technique posé.

Les connaissances générales de l’homme du métier à prendre en considération au titre de l’examen de l’activité inventive sont en principe constituées par le contenu des guides et manuels de base existant sur le sujet.

En l’espèce, si l’homme du métier, qui est un spécialiste des pompes à perfusion ambulatoires, dispose de connaissances générales en mécanique, il n’est pas démontré que le système d’encliquetage de Lagarousse, qui figure parmi les 760 mouvements d’un manuel de mécanique, fasse partie de ses connaissances générales.

En outre, ainsi que déjà évoqué, ce système ne répond pas au problème technique posé par le brevet à savoir un dispositif de distribution de fluide avec une taille et une complexité réduites, et quand bien même l’homme du métier aurait tenté d’adapter ce système d’encliquetage dans le dispositif de distribution de fluide du document D1, les seules descriptions dudit système par les sociétés Medtrum ne permettent pas de démontrer l’évidence pour l’homme du métier à réaliser l’invention litigieuse.

Les moyens soulevés de ce chef pour contester la validité de la revendication 1 n’apparaissent dès lors pas suffisamment sérieux.

Sur la combinaison du docu ment D1 avec le document Mahoney (D8) ou le document EP 0 132 403 (D16)

Les sociétés Medtrum prétendent que le document D8 qu’elles ont déjà invoqué au titre de la nouveauté divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 et notamment les caractéristiques 6.1 ‘un élément d’entraînement pivotable comprenant des premier et second bras’ et 6.2 b ‘l’un du premier bras ou du second bras étant à tout instant engagé avec ladite roue d’entraînement’ ; que le document D16 est une demande de brevet publiée en 1985 divulguant également un dispositif pivotable muni de deux arbres engagés dans un engrenage et assurant une régulation de fluide ; qu’il est donc connu de l’état de l’art de contrôler le mouvement du piston dans le réservoir par un actionnaire linéaire (D8) via un mécanisme de transmission (D8, D16) notamment à deux bras (D16).

La société Insulet fait valoir qu’il a déjà été démontré que les caractéristiques 6.1 et 6.2 b ne sont pas divulguées par D8 car le mouvement de la cage n’est pas pivotable mais linéaire, outre que l’homme du métier ne se serait pas tourné vers D8 qui ne résout pas le problème technique, et qu’en tout état de cause il n’est pas démontré qu’il serait arrivé de manière évidente à l’invention. S’agissant de la combinaison de D1 avec le document D16, la société Insulet soutient que le document D16, qui concerne un dispositif implanté chirurgicalement tel une valve de dérivation pour l’évacuation du liquide céphalo-rachidien dans le traitement de l’hydrocéphalie, est éloigné du domaine technique de l’invention, et que l’homme du métier, cherchant à rendre le dispositif de distribution de fluide plus réduit et moins complexe, ne se serait pas tourné de manière évidente vers ce dispositif.

Ainsi qu’il a déjà été dit, le document D8 divulgue une cage mobile linéairement dans une première et une deuxième direction linéaire, et non un élément d’engagement d’entraînement pivotable, ainsi qu’une cage avec un premier cliquet qui sort de la cage et avec un deuxième cliquet qui sort de la cage, les cliquets étant mobiles par rapport à cette cage , alors que l’élément d’engagement comprenant des premier et second bras du brevet litigieux est monobloc. En outre, les sociétés Medtrum, qui procèdent par affirmation, ne démontrent pas comment l’homme du métier, partant du document D1, se serait tourné vers D8 pour le combiner et parvenir de manière évidente à la solution technique que propose le brevet.

Il en est de même du document D16, qui est une demande de brevet européen publiée le 30 janvier 1985 relative à un ‘dispositif implantable chirurgicalement et un appareil à moteur pas à pas qui peut y être utilisé’, qui ne concerne pas le domaine technique de l’invention, et pour laquelle la société Medtrum se borne à affirmer qu’il divulgue également un élément d’engagement d’entraînement pivotable muni de deux arbres engagés dans un engrenage assurant une régulation de fluide, alors que l’élément 116 qu’elles décrivent est un ressort, ainsi que cela résulte tant de la description que des figures 6 et 8a, qui permet de maintenir une bille (110) et non d’entraîner le mouvement de la roue.

Les moyens opposés au titre du défaut d’activité inventive de la revendication 1 du brevet litigieux n’apparaissent dès lors pas suffisamment sérieux.

Dans la mesure où la revendication 1 n’encourt pas de manière sérieuse la nullité pour défaut d’activité inventive, il n’y a pas lieu d’examiner la validité de ce chef des revendications dépendantes directement ou indirectement de la revendication 1.

Il s’ensuit que la critique tirée du défaut d’activité inventive du brevet n’apparaît pas un moyen sérieux de contestation de la vraisemblance de la contrefaçon reprochée aux sociétés Medtrum, qu’il convient dès lors d’examiner.

Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 20 octobre 2020

Les sociétés Medtrum soutiennent qu’au regard des dispositions destinées à assurer la protection des droits de la défense et à garantir l’égalité des armes, l’huissier instrumentaire doit notamment laisser au saisi un temps suffisant pour prendre connaissance de l’ordonnance de saisie-contrefaçon et de la requête ; qu’en l’occurrence, l’huissier instrumentaire a procédé à la signification à 10h10 et les opérations de saisie-contrefaçon ont débuté à 10h31, soit un délai d’à peine 20 minutes ; que le procès-verbal de signification de l’ordonnance mentionne un acte comportant 45 feuilles soit un temps de lecture moyen de moins de 27 secondes par page ; que la brièveté du délai de prise de connaissance des documents signifiés leur cause nécessairement un préjudice puisqu’elles n’ont pas été en mesure d’appréhender de façon effective l’étendue de la mission conférée à l’huissier ; que les opérations de saisie-contrefaçon étaient manifestement disproportionnées ; que la loi subordonne le concours de la force publique à l’existence de difficultés d’exécution de la mesure ; que dans sa requête, la société Insulet n’a pas pris la peine d’envisager une quelconque difficulté d’exécution pour justifier de la présence d’un représentant de la force publique.

La société Insulet fait valoir que la lecture du procès-verbal confirme qu’après avoir donné lecture du procès-verbal et de l’ordonnance, l’huissier a demandé au saisi s’il souhaitait du temps pour relire et poser des questions ; que le saisi a donc eu le temps nécessaire pour comprendre et appréhender la mission de l’huissier ; qu’en outre, la société Medtrum ne parvient pas à démontrer l’existence d’un grief ; que la mission de la force publique est notamment de protéger le saisi ; que la présence de la force publique n’affecte en rien le contenu du procès-verbal ; qu’enfin, la société française Medtrum n’a pas subi le moindre grief du fait de la présence de la force publique.

La saisie contrefaçon a été autorisée au domicile de Mme [S], salariée de la société Medtrum, l’adresse de la société Medtrum étant indiquée comme étant une simple adresse de domiciliation.

L’ordonnance sur requête a été signifiée à Mme [S] le 20 octobre 2020 à 10 h 10 et les opérations de saisie-contrefaçon ont débuté à 10 h 31 par la lecture de la requête et de l’ordonnance, aucun grief n’étant démontré de ce chef, de sorte que c’est à juste titre que le juge des référés a considéré que la personne saisie a disposé d’un délai raisonnable et d’un temps suffisant pour en prendre connaissance.

En outre, ainsi que l’a également pertinemment relevé le juge des référés par des motifs que la cour adopte, la présence de la force publique était expressément autorisée par le juge des requêtes, de sorte que la présence d’un représentant de la force publique lors des opérations de saisie-contrefaçon ne constitue pas un motif justifiant l’annulation du procès-verbal.

Sur la vraisemblance de la contrefaçon

La société Insulet soutient que la quasi-totalité des caractéristiques de la revendication 1 sont vraisemblablement reproduites par le dispositif mis en ‘uvre au sein du réservoir patch utilisé pour les produits A6 Touchcare et A7+ Touchcare ; que cela est démontré par le procès-verbal de saisie contrefaçon, les vidéos et les documents explicatifs du fonctionnement versés aux débats par les sociétés Medtrum ; que les sociétés Medtrum ne contestent pas la reproduction de la quasi-totalité des caractéristiques de la revendication 1 par les dispositifs saisis ; que la seule contestation porte sur la caractéristique selon laquelle l’un des deux bras est à tout instant engagé avec la roue d’entraînement ; que les sociétés Medtrum soutiennent que cette caractéristique ne serait pas reproduite, du fait que dans leurs dispositifs il existerait un jeu entre les extrémités des bras de l’élément d’engagement d’entraînement pivotable et les faces radiales des dents de la roue d’entraînement ; que la description et les dessins du brevet EP’390 montrent précisément un jeu similaire qui est nécessaire au fonctionnement du dispositif ; que le contact constant dans la direction radiale (qui n’est pas contesté) et l’engagement des extrémités des bras dans les parties dentées de la roue d’entraînement remplit parfaitement la fonction énoncée au paragraphe [0020] de la description : l’un des deux bras empêche la rotation en sens inverse de l’entraînement, supprimant le besoin d’un élément de cliquet distinct ; que le dispositif mis en ‘uvre au sein du réservoir patch utilisé pour les produits A6 Touchcare et A7+ Touchcare reproduit vraisemblablement les caractéristiques des revendications 2 à 11, 14 et 18 de la partie française du brevet EP 390.

La société Insulet ajoute que la saisie contrefaçon a permis de confirmer que les sociétés Medtrum B.V. et Medtrum ont importé en France des produits A6 Touchcare et A7+ Touchcare; que leur importation en France constitue un acte de contrefaçon ; que les dispositifs A6 Touchcare en 2019, puis A7+ Touchcare de l’été 2020 à l’été 2021 ont fait l’objet d’une présentation sur le site internet du groupe Medtrum et d’une préparation à la commercialisation en France ; que les essais cliniques sont des actes de contrefaçon ; que si les dispositifs visés par l’ordonnance ne sont jamais commercialisés, la confirmation de l’ordonnance ne devrait pas gêner les sociétés Medtrum ; que les essais cliniques n’ont pour seul objectif que la demande de remboursement par la sécurité sociale et l’attribution d’un prix par le CEPS ; qu’une mesure d’interdiction peut également être ordonnée pour empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon ; que les réservoirs patch des dispositifs A7+ Touchcare reproduisent vraisemblablement les caractéristiques des revendications 1 à 11, 14 et 18 de la partie française du brevet EP 390 ; que le maintien de la mesure d’interdiction est indispensable, aucune preuve ne permettant de confirmer avec certitude que les versions A6 et A7+ ont été définitivement abandonnées au profit de la version Nano ; que la mesure d’interdiction n’apparaît pas disproportionnée, ni injustifiée, dans la mesure où elle garantira le respect des droits du breveté et empêchera toute éventuelle atteinte future, sans incidence aucune sur les droits des sociétés Medtrum, si celles-ci renoncent effectivement à la commercialisation des dispositifs litigieux ; qu’après la signification de l’ordonnance du 23 mars 2021, la société Medtrum a poursuivi sur son site internet l’offre des produits A6 et A7+ ainsi qu’elle l’a fait constater ; qu’ainsi, l’ordonnance s’est avérée nécessaire pour empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon; que si l’ordonnance était infirmée, elles pourraient tout à fait faire marche arrière et utiliser ces mêmes essais cliniques pour obtenir un prix de remboursement pour la version A7+ sur le marché ; que dans les autres pays européens, la société Medtrum continue à proposer les produits A6 ou A7+.

Les sociétés Medtrum soutiennent que les dispositifs A7+ Touchcare (version modifiée) et Nano Touchcare, à un seul bras, cette seule dernière version étant commercialisée, ne reproduisent pas les deux caractéristiques essentielles de la revendication 1, ce qui exclut toute contrefaçon. A titre subsidiaire, elles font valoir que la caractéristique 6.2 de la revendication 1 n’est pas non plus reproduite dans les dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare saisis lors de la saisie-contrefaçon ; que la caractéristique 6.2.b doit être interprétée comme signifiant que l’un du premier bras (264a) ou du second bras (264b) doit être à tout instant engagé dans une direction tangentielle avec une dent de la roue d’entraînement pour la faire tourner d’un incrément ; que l’interprétation en vertu de laquelle il existerait « un moment, nécessaire au bon fonctionnement du dispositif et limité grâce au décalage des dents de chacune des roues, où aucun des bras n’est en contact dans la direction tangentielle avec le flanc d’une roue d’entraînement » est directement contraire aux termes de la revendication 1 relatifs à l’exigence d’un engagement « à tout instant»; que la seule interprétation correcte de la revendication 1 est que lorsqu’un bras est «engagé» dans la direction tangentielle avec une dent de la roue d’entraînement, l’autre bras n’est pas engagé, et réciproquement, et non qu’il pourrait y avoir, simultanément, un engagement radial ou tangentiel des deux bras ; que le fait qu’il existe un moment où aucun des deux bras de l’élément d’engagement d’entraînement pivotable n’est engagé suffit à démontrer l’absence de reproduction de la caractéristique ; que la caractéristique 6.2.b n’est donc manifestement pas mise en ‘uvre dans le produit A6 Touchcare, ni non plus dans le produit A7+ Touchcare utilisant l’ancienne version de la pompe-patch de référence MD-JN-011 ; que la société Insulet n’établit donc pas la preuve de la vraisemblance des actes de contrefaçon qu’elle allègue.

Les sociétés Medtrum font valoir qu’en toute hypothèse, les mesures provisoires sollicitées présentent un caractère disproportionné et injustifié ; que la nouvelle version modifiée du dispositif « Nano » Touchcare, seule mise sur le marché en France, est hors du champ du brevet; que l’imminence d’une atteinte au brevet n’a jamais existé, et existe moins que jamais aujourd’hui; que la commercialisation des dispositifs argués de contrefaçon n’aura jamais lieu ; que le fait par la société Insulet de maintenir des demandes d’interdiction provisoire, de toute évidence inutiles et injustifiées, apparaît tout à fait abusif ; que la demande nouvelle en appel d’interdiction étendue à de nouveaux essais cliniques ne saurait non plus être accordée, dès lors que, les premiers essais cliniques sont terminés depuis mars 2021, qu’aucun autre essai n’est prévu ni envisagé, et qu’aucune démarche n’a été engagée depuis deux ans en rapport avec une quelconque commercialisation ou utilisation des versions A6/A7+ en France ; que rien ne justifierait que de nouveaux essais soient lancés sur les anciennes versions A6/A7, lesquelles sont dépassées au regard de la version « nano » postérieure, qui a déjà été mise sur le marché et qui n’a plus besoin d’aucun essai clinique, dès lors que les procédures administratives d’obtention d’un prix de remboursement par la sécurité sociale ont abouti en septembre 2022.

Sur ce,

Il sera rappelé qu’aux termes de l’article L.613-3 du code de la propriété intellectuelle, ‘Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :

a) la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet;

b)l’utilisation d’un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l’utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l’offre de son utilisation sur le territoire français ;

c) l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet’.

L’article L. 615-1 du même code dispose que ‘toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon.

L’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : ‘Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux.

(…)’.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la version modifiée en janvier 2021 A7+ du produit Touchcare, qui ne comporte qu’un seul bras, tout comme le système commercialisé dit Nano Touchcare qui ne comporte également qu’un seul bras, se situent hors du champs du brevet, et ne sont donc pas incriminés au titre de la contrefaçon.

S’agissant des produits incriminés à savoir les produits A6 Touchcare et A7+ Touchcare avant modification, il n’est pas contesté, ainsi que l’a relevé le juge des référés, qu’ils reproduisent vraisemblablement les caractéristiques de la revendication 1, à l’exception des caractéristiques (6.1) et (6.2b), les sociétés Medtrum arguant que dans ces dispositifs l’un des premier ou second bras de l’élément d’engagement d’entraînement pivotable n’est manifestement pas, à tout instant, engagé avec la roue d’entraînement.

Il doit être rappelé que selon les caractéristiques (6.1) et (6.2) de la revendication, l’un des premier ou second bras de l’élément d’engagement d’entraînement pivotable, les dits bras étant configurés pour s’engager avec et faire tourner par incréments la roue d’entraînement, est à tout instant engagé avec la roue d’entraînement.

Des vidéos relatives aux dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare avant modification, en état de marche, ont été annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon. Les sociétés Medtrum ont en outre versé au débat des vidéos de la pompe A6 Touchcare en fonctionnement ainsi que des schémas et analyse de ce fonctionnement.

Il résulte de ces éléments que les dispositifs incriminés comportent un premier et un second bras, s’engageant alternativement dans la roue d’entraînement et la faisant tourner par incréments, ce qui n’est pas contesté.

Il ressort en outre de la vidéo et de la figure 4 produites par les sociétés Medtrum qu’il y a un moment où, dans la direction tangentielle, aucun des deux bras n’est en contact avec un flanc d’une dent de la roue d’entraînement, les bras restant cependant en contact avec un flanc de dent dans la direction radiale vers l’axe de rotation de la roue.

La société Insulet doit être suivie lorsqu’elle prétend que cela caractérise une reproduction vraisemblable de la caractéristique 6.2 de la revendication 1. En effet cette caractéristique doit être interprétée à la lumière de la description du brevet. Il résulte du paragraphe [0020] du brevet litigieux qui fait référence à la figure 13 que ‘A tout instant, l’un des bras 264 ou 264 b s’engage dans les parties dentées de la roue d’entraînement. Le bras engagé 264 a ou 264 b empêche par conséquent, la rotation en sens inverse de l’entraînement, supprimant le besoin d’un élément de cliquet distinct. Comme représenté sur la figure 13, les dents des parties de roue 258 a et 258 b sont décalées les unes par rapport aux autres, maximisant ainsi les tolérances pour l’interface entre les bras 264 a et 264 b et les roues 258a et 258 b.’ La figure 13 montre à l’homme du métier qu’un des deux bras est toujours dans le creux d’une dent pour empêcher le retour en arrière. La figure 5 lui montre que lorsque l’élément d’engagement d’entraînement pivote dans le sens de la flèche (22), le bras droit (264b) va venir pousser dans le creux de la dent dans lequel il est.

Comme l’a pertinemment analysé le juge des référés, alternativement, l’un ou l’autre bras de l’élément d’entraînement pivotable, s’engage dans une dent de la roue, pour faire tourner la roue d’un incrément et se trouve alors en contact avec la partie en saillie d’une dent de la roue, et à l’occasion du pivotement en sens inverse de ce même élément d’entraînement, ce bras se désengage, tandis que l’autre bras se soulève pour passer sur la dent suivante, pour s’y glisser et prendre appui à son tour sur la dent pour faire tourner la roue. L’homme du métier comprend nécessairement que ce mouvement implique qu’il y a un jeu, qui apparaît sur la figure 13, quand le bras passe le sommet de la dent pour permettre un bon fonctionnement et s’assurer que le bras pénètre bien au fond de la dent suivante.

Les dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare, ainsi qu’il résulte des vidéos et des figures communiquées par les sociétés Medtrum, montrent lorsqu’ils sont en fonctionnement, un bras en contact avec la partie en saillie d’une dent, tandis que l’autre exerce une force radiale sur un flanc de dent qui empêche la roue de tourner en sens inverse, de sorte que le premier ou le second bras sont à tout instant engagés, c’est à dire en contact et en interaction, avec la roue d’entraînement.

La reproduction vraisemblable de la revendication 1 du brevet EP 690 par les dispositifs A6 Touchcare et A7+ Touchcare est dès lors caractérisée, la reproduction des autres revendications opposées (2 à 11, 14 et 18) n’étant pas contestée.

Les opérations de saisie-contrefaçon ont en outre établi la détention et l’importation de 4 dispositifs Touchcare, de sorte que les actes d’importation, constitués par la seule introduction des produits contrefaisants sur le territoire français nonobstant leur destination finale, sont caractérisés. Il est également établi par les procès-verbaux de constat internet des 25 juillet 2019 et 17 août 2020 que les produits A6Touchcare et A7+Touchcare avant modification étaient présentés sur le site Medtrum.fr accessible au public français, de sorte qu’indépendamment de toute mise dans le commerce ils étaient offerts, au sens de l’article L.613-3 précité du code de la propriété intellectuelle, dès lors qu’ils étaient utilisés pour préparer la clientèle à la commercialisation prochaine du dispositif, le dispositif A7+ Touchcare faisant l’objet d’essais cliniques, et susceptibles en conséquence de générer un détournement de clientèle, ainsi que l’a retenu à juste titre le juge des référés.

La décision entreprise qui a retenu le caractère vraisemblable des actes de contrefaçon et la menace imminente d’atteinte aux droits de la société Insulet sur la partie française du brevet EP 390 sera donc confirmée, tout comme la mesure d’interdiction sous astreinte, qui n’est pas disproportionnée, ainsi que l’a pertinemment retenu le juge des référés, dans la mesure où elle garantit le respect des droits du breveté et empêche toute éventuelle atteinte future, sans incidence aucune sur les droits des sociétés Medtrum si celles-ci renoncent, comme elles l’allèguent, à la commercialisation des dispositifs contrefaisants , sauf à préciser que le dispositif A7+ Touchcare contrefaisant est l’ancienne version non modifiée, et que les réservoirs patchs des dispositifs contrefaisants sont référencés MD-JN-011 et non MD-JN.021.

Les demandes de publication judiciaire des sociétés Medtrum, qui demandent l’infirmation de l’ordonnance, seront donc rejetées.

En revanche, alors qu’il n’est pas contesté que la version Nano, seule version commercialisée en France par la société Medtrum, n’est pas contrefaisante, et qu’il n’est justifié d’aucune vraisemblance de nouveaux essais cliniques ni d’aucun élément nouveau postérieur à l’ordonnance entreprise, le procès-verbal de constat du 26 juillet 2021 qui établit la présence, au sein d’un guide de démarrage, d’une référence à une pompe de la version A7+ non modifiée et la couleur des pompes utilisées dans une vidéo sur YouTube ne caractérisant pas la vraisemblance ni l’imminence de nouveaux actes de contrefaçon, il n’y a pas lieu de prononcer une nouvelle astreinte relative à l’offre par présentation sur internet, ni d’étendre la mesure d’interdiction à la réalisation de nouveaux essais cliniques utilisant des dispositifs présentant les caractéristiques des revendications 1 à 11, 14 et 18 de la partie française du brevet EP’390. Les demandes de la société Insulet de ce chef seront dès lors rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf à préciser que le dispositif A7+ Touchcare contrefaisant est l’ancienne version non modifiée, et que la mesure d’interdiction porte sur l’ancienne version du dispositif A7+ Touchcare ainsi sur les réservoirs patch référencés MD-JN-011 (et non MD-JN-021),

Y ajoutant,

Rejette les nouvelles demandes d’astreinte et d’interdiction de la société Insulet Corporation ;

Rejette la demande de publication des sociétés Medtrum Sarl et Medtrum Bv ;

Condamne in solidum les sociétés Medtrum Sarl et Medtrum Bv aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à verser à ce titre, à la société Insulet Corporation, une somme de 80 000 euros.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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