Saisie-conservatoire : Suspension temporaire de l’instance

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Saisie-conservatoire : Suspension temporaire de l’instance

La société ADM EMPIRE a obtenu, par ordonnance du 17 avril 2024, l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de Monsieur [Y] [Z] pour garantir une créance de 150.882,74 euros. Cette saisie a été effectuée le 14 mai 2024 et notifiée à Monsieur [Y] [Z] le 16 mai 2024. En réponse, Monsieur [Y] [Z] a assigné ADM EMPIRE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Caen le 31 mai 2024, demandant la constatation de l’absence de créance et la rétractation de l’ordonnance de saisie. Il a soutenu que l’ordonnance avait été obtenue de manière déloyale, en omettant des éléments d’une procédure en cours devant le tribunal de commerce, et a demandé des dommages et intérêts pour saisie abusive. ADM EMPIRE a, de son côté, demandé un sursis à statuer en attendant la décision du tribunal de commerce, tout en affirmant que les marchandises avaient été livrées et que Monsieur [Y] [Z] avait manqué à ses obligations de paiement. Le jugement est attendu pour le 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Caen
RG
24/02175
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CAEN

JUGE DE L’EXECUTION

MINUTE N° : 24/
AFFAIRE N° RG 24/02175 – N° Portalis DBW5-W-B7I-I245
Code NAC 78F Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière

JUGEMENT DU 17 Septembre 2024

Laurène POTERLOT, Juge de l’Exécution au Tribunal judiciaire de CAEN,

Assistée lors des débats de Séverine HOURNON, Greffière ;

DANS L’INSTANCE

ENTRE

Monsieur [Y] [Z]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 5] (14)
demeurant [Adresse 6]

EN DEMANDE
représenté par Me Nicolas MARGUERIE, avocat au Barreau de CAEN, Case 24

ET

S.A.S. ADM EMPIRE
dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 1]

EN DEFENSE
représenté par Me France LEVASSEUR, avocat au Barreau de CAEN, Case 92, substituée par Me Grégoire LECLERC, avocat au Barreau de ROUEN

Après débats à l’audience publique du 09 Juillet 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024.

La présente décision a été signée par Laurène POTERLOT, et par Séverine HOURNON, Greffière, présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Par ordonnance du 17 avril 2024, la société ADM EMPIRE a été autorisée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Caen à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains des établissements bancaires détenteurs de créance pour le compte de Monsieur [Y] [Z] en garantie d’une somme évaluée en principal à 150.882,74 euros.

Une saisie conservatoire a été pratiquée le 14 mai 2024 entre les mains de la banque BRED Banque Populaire et dénoncée à Monsieur [Y] [Z] le 16 mai 2024.

Par acte d’huissier du 31 mai 2024, Monsieur [Y] [Z] a fait assigner la société ADM EMPIRE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Caen aux fins de voir :

A l’audience du 9 juillet 2024, Monsieur [Y] [Z], représenté par son conseil, maintient ses demandes introductives d’instance.
– Constater l’absence de créance paraissant fondée en son principe de la société ADM EMPIRE ;
– Constater, en toute hypothèse, l’absence de toute circonstance susceptible de menacer le recouvrement de la créance hypothétique alléguée par la société ADM EMPIRE ;
– Rétracter en conséquence l’ordonnance prononcée le 17 avril 2024 par le Juge de l’Exécution près le Tribunal Judiciaire de CAEN ayant autorisé la société ADM EMPIRE « à faire pratiquer une saisie-conservatoire de créances entre les mains des établissements bancaires qui seront révélés par l’enquête Ficoba sur toutes créances que celle-ci saisi a ou aura, détient ou détiendra, sur et pour le compte de Monsieur [Y] [Z], domicilié [Adresse 2] (…) pour sûreté de la somme de CENT CINQUANTE MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT DEUX EUROS ET SOIXANTE QUATORZE CENTIMES (150.882,74 € TTC) à laquelle nous évaluons provisoirement la créance de la société ADM EMPIRE en principal. ›› ;
– Ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie-conservatoire de créances pratiquée le 14 mai 2024 sur les comptes bancaires ouverts au nom de Monsieur [Y] [Z] dans les livres de la SA BRED BANQUE POPULAIRE, et, plus généralement, toute autre saisie-conservatoire de créances qui aurait été pratiquée depuis cette date ;
– Ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie-conservatoire de créances pratiquée le 14 mai 2024 sur les comptes bancaires ouverts au nom de Monsieur [Y] [Z] dans les livres du CIC NORD OUEST, et, plus généralement, toute autre saisie-conservatoire de créances qui aurait été pratiquée depuis cette date ;
En toute hypothèse,
– Condamner la société ADM EMPIRE au paiement à Monsieur [Y] [Z] d’une indemnité de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, du chef de cette saisie abusive et déloyale ;
– Condamner la société ADM EMPIRE au paiement à Monsieur [Y] [Z] d’une indemnité de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens en ce compris les frais de mainlevée des saisies-conservatoires pratiquées.

Il fait valoir que l’ordonnance a été obtenue dans des conditions déloyales et procèdent d’un abus de droit en ce que le juge de l’exécution n’a pas été informé de l’existence d’une procédure opposant les parties devant le tribunal de commerce de Caen justifiant qu’il s’oppose au règlement de la créance alléguée.
Ainsi, il explique avoir été contraint de rompre les relations contractuelles par correspondance recommandée du 5 décembre 2022 et à déposer plainte du chef d’abus de confiance en raison de défauts de livraison l’ayant conduit à former opposition à l’encontre de plusieurs billets à ordre à échéances qui avaient été régularisés à titre d’acomptes et de non conformités des fournitures de menuiseries livrées. Cette plainte a été classée en raison d’une cessation d’activité selon annonce légale publiée le 20 juin 2023 au BODACC et de la disparition de son dirigeant, Monsieur [E] [G].
S’agissant de l’affaire en cours devant le tribunal de commerce, il explique que l’assignation a été délivrée le 26 mai 2023 par la société ADM EMPIRE et que le délibéré est fixé au mois d’octobre 2024. Il souligne que dans le cadre de cette instance, il a été sommé à la société ADM EMPIRE de produire les bons de livraison et les factures dont le règlement était sollicité, lesquels n’ont été transmis que 7 mois après l’assignation et constituent des faux grossiers constitutifs d’une tentative d’escroquerie au jugement ayant donné lieu à une plainte pénale le 12 mars 2024 et à des conclusions devant le tribunal de commerce le 18 mars 2024.
Pour autant, il relève qu’il n’a pas été fait état de ces éléments lors de la requête du 16 avril 2024.
En conséquence, il estime qu’il n’existe pas de créance paraissant fondée en son principe faute pour la société ADM EMPIRE de prouver la réalité des livraisons ayant donné lieu à la facturation, ni de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement puisque son refus de paiement s’explique par le litige en cours depuis le 26 mai 2023. Il s’oppose au sursis à statuer.

La société ADM EMPIRE, représentée par son conseil, sollicite de :
– Surseoir à statuer sur toutes les demandes de Monsieur [Y] [Z] dans l’attente de la décision à intervenir du Tribunal de Commerce de CAEN (RG : 2023-003103) ;
Subsidiairement :
– Si par extraordinaire, la demande de sursis à statuer devait être écartée :
– Déclarer mal fondée la demande de rétractation de Monsieur [Y] [Z],
– Débouter Monsieur [Y] [Z] de l’intégralité de ses demandes,
En conséquence, faisant droit aux demandes de la société ADM EMPIRE :
– Autoriser tous Commissaires de justice mandatés par la SELARL Yannick ENAULT Grégoire LECLERC, avocats associés au barreau de ROUEN, à procéder à une recherche Ficoba des comptes bancaires détenus par Monsieur [Y] [Z], entrepreneur individuel domicilié [Adresse 2] ;
– Autoriser la société ADM EMPIRE, domiciliée [Adresse 4], à faire pratiquer une saisie-conservatoire de créances entre les mains des établissements bancaires qui seront révélés par l’enquête Ficoba sur toutes créances que celle-ci saisi a ou aura, détient ou détiendra sur ou pour le compte de Monsieur [Y] [Z], domicilié [Adresse 2] et ce, pour sûreté de la somme de CENT CINQUANTE MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT DEUX EUROS ET SOIXANTE QUATORZE CENTIMES (150.882,74 €TTC) à laquelle nous évaluons provisoirement la créance de la société ADM EMPIRE en principal,
– Condamner Monsieur [Y] [Z] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement d l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle sollicite à titre principal qu’il soit sursis à statuer sur la demande de rétractation de l’ordonnance dans l’attente de la décision du tribunal de commerce à intervenir.
Subsidiairement, elle fait valoir que les marchandises ont été livrées conformément aux commandes mais que Monsieur [Y] [Z] s’est abstenu de régler les factures, violant son obligation de règlement de sorte qu’elle se trouve bien titulaire d’une créance de 150.882,74 euros à son encontre.
Elle ajoute que les factures n’ont pas été honorées malgré des courriers de relance et mises en demeure et que les billets à ordre émis entre octobre et novembre 2022 ont été rejetés en novembre 2022 et janvier 2023 au motif « tirage contesté » alors qu’il n’existait aucun litige. Elle ajoute que la saisie n’a été effective que pour un montant de 50.000 euros ce qui démontre le risque de non recouvrement.

Le jugement a été mis en délibéré au 17 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de sursis à statuer

En application des dispositions de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps où jusqu’à la survenance de l’évènement qu’elle détermine.

Le juge apprécie discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer.

L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire ».

L’article L. 512-1 du même code précise « Même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies ».

En l’espèce, compte tenu de la saisine au fond, de l’identité des moyens soulevés dans les deux instances et de la proximité de la décision à intervenir, il convient de sursoir à statuer jusqu’à la décision du tribunal de commerce de Caen.

Il appartiendra à la partie la plus diligente, lorsque ce jugement aura été rendu, de solliciter du greffe qu’il invite les parties à comparaître à une audience, dont la date leur sera précisée.

Les dépens de la présente instance seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe de la juridiction,

SURSOIT À STATUER sur la demande de rétractation de l’ordonnance prononcée le 17 avril 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Caen dans l’attente du jugement du tribunal de commerce de Caen (n° RG 2023-003103) ;

DIT qu’il appartiendra à la partie la plus diligente, lorsque ce jugement aura été rendu, de solliciter du greffe du juge de l’exécution qu’il invite les parties à comparaître à une audience, dont la date leur sera précisée ;

RÉSERVE les dépens.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION

S. HOURNON L. POTERLOT


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