Saisie-attribution : décision du 9 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 23/09949

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Saisie-attribution : décision du 9 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 23/09949

9 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
23/09949

MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 23/09949 – N° Portalis DBW3-W-B7H-35JQ
AFFAIRE : S.A.R.L. AGS SECURITY / [O] [K]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 09 JANVIER 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,

GREFFIER : Madame KELLER, Greffier

DEMANDERESSE

S.A.R.L. AGS SECURITY,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
priseen la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Aude VAISSIERE, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEUR

Monsieur [O] [K]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5] (ALGERIE) demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

NATURE DE LA DECISION : Contradictoire

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 23 Novembre 2023 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon jugement du 1er février 2023 le conseil des prud’hommes de Marseille a
– dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [O] [K] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamné la société AGS SECURITY à verser à la société AGS SECURITY les sommes suivantes :
* 4.969,60 euros au titre du rappel des heures supplémentaires et 496,69 euros au titre des congés payés afférents
* 11.000 euros au titre du travail dissimulé
* 930,76 euros au titre du rappel retenue sur salaire injustifiée et 93.07 euros au titre des congés payés afférents
* 13.936 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1.742 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure
* 3.484 au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 348, 40 euros au titre des congés payés afférents
* 782,80 euros au titre du solde d’indemnité légale de licenciement
* 2.761,80 euros au titre du solde d’indemnité de congés payés
* 10.000 euros au titre de l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail
* 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonné l’exécution provisoire outre la fixation des intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation
– condamné la société AGS SECURITY aux dépens.

Appel du jugement a été interjeté par la société AGS SECURITY le 1er février 2023.

Par ordonnance de référé du 24 avril 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a
– débouté la société AGS SECURITY de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée
– dit que l’exécution provisoire ordonnée ne sera pas poursuivie si la société AGS SECURITY consigne dans un délai d’un mois à compter du prononcé de l’ordonnance une somme de 40.000 euros à la Caisse des Dépôts et Consignations où elle demeurera jusqu’à ce que la cour se soit prononcée sur l’appel dont elle se trouve saisie
– dit qu’à défaut de l’exécution de l’ordonnance dans le délai ci-dessus précisé, l’exécution provisoire ordonnée par jugement reprendra effet au bénéfice de Monsieur [O] [K]
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
– laissé les dépens à la charge de la société AGS SECURITY.

Selon procès-verbal de saisie-attribution en date du 18 août 2023, agissant en vertu de la décision susvisée, Monsieur [O] [K] a procédé à la saisie-attribution entre les mains de la CARPA (compte ouvert par Maître [W] [I]) de toutes les sommes dont le tiers-saisi était personnellement tenu envers la société AGS SECURITY pour la somme de 43.516,32 euros. La saisie a été fructueuse à hauteur de 40.000 euros.

Ce procès-verbal a été dénoncé à la société AGS SECURITY par acte signifié le 25 août 2023.

Selon acte d’huissier en date du 21 septembre 2023 la société AGS SECURITY a fait assigner Monsieur [O] [K] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de
– la recevoir en sa contestation

– à titre principal, ordonner la mainlevée de la saisie-attribution
– à titre subsidiaire, ordonner la limitation de la saisie à la somme de 18.423,03 euros
– rejeter les frais à prévoir pour un montant de 192,79 euros
– en tout état de cause condamner Monsieur [O] [K] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie
– condamner Monsieur [O] [K] à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens
– débouter Monsieur [O] [K] de ses demandes
– rappeler que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

A l’audience du 23 novembre 2023 la société AGS SECURITY a réitéré oralement ses demandes.

Elle a rappelé que si elle avait été déboutée de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire elle avait été autorisée à consigner la somme de 40.000 euros au titre de l’exécution provisoire facultative ; que toutefois, en raison d’une difficulté, les sommes n’avaient pas été consignées dans les délais à la Caisse des Dépôts et Consignations mais sur le compte CARPA de son conseil ; que ce dernier avait pris soin d’informer le conseil de Monsieur [O] [K] et avait sollicité l’autorisation de consigner la somme nonobstant le dépassement d’un jour du délai consenti mais qu’aucune réponse n’avait été donnée ; qu’en l’absence de réponse son conseil avait pris le soin de solliciter une telle autorisation de la cour mais là encore aucune réponse n’avait été apportée et contre toute attente Monsieur [O] [K] avait pratiqué, en pleine période estivale, la saisie-attribution querellée. Elle a ainsi soutenu, d’une part, que Monsieur [O] [K] ne justifiait pas de la notification du jugement exigée par l’article 503 du code de procédure civile. D’autre part, elle a affirmé que la saisie-attribution était abusive et inutile puisqu’elle excédait ce qui était nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation et que Monsieur [O] [K] avait agi avec une véritable intention de nuire. Enfin, elle a affirmé que la somme de 21.576,97 euros versée sur le compte CARPA de Maître [I] n’avait pas été versée par la société AGS SECURITY mais par la société CHUBB EUROPEAN, et qu’elle était en conséquence insaisissable comme n’appartenant pas au débiteur.

Monsieur [O] [K] a, par conclusions réitérées oralement, demandé de
– débouté la société AGS SECURITY de ses demandes
– condamner la société AGS SECURITY à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il a relevé que la société AGS SECURITY n’avait pas exécuté l’ordonnance de référé dans le délai judiciaire octroyé et souligné que l’origine des fonds importait peu puisqu’il s’agissait des fonds versés sur le compte CARPA concernant les parties en présence, à savoir Monsieur [O] [K] contre la société AGS SECURITY. Il a conclu qu’il était actuellement sans emploi et avait déjà patienté 9 mois pour obtenir le paiement des condamnations judiciaires.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la contestation :

En vertu de l’article R 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier qui a procédé à la saisie. L’auteur de la contestation en informe en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l’assignation, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. 
En l’espèce, la société AGS SECURITY a saisi la présente juridiction de sa contestation dans le mois à compter de la dénonciation de la saisie-attribution litigieuse.
Les dispositions du texte précité ont donc été respectées de sorte que la contestation est jugée recevable.
Sur l’existence d’un titre exécutoire :
Selon l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

L’article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que constituent des titres exécutoires notamment les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.

En vertu de l’article 503 du code de procédure civile, en son premier alinéa, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire.
Selon l’article R. 1454-26 du code du travail “Les décisions du conseil de prud’hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile. La notification est faite par lettre recommandée avec avis de réception sans préjudice du droit des parties de les faire signifier par acte d’huissier de justice”.
En l’espèce Monsieur [O] [K] justifie que le jugement fondant la saisie a été régulièrement notifié à la société AGS SECURITY le 1er février 2023, laquelle en a accusé réception le 3 février 2023.
Monsieur [O] [K] était donc bien muni d’un titre exécutoire à l’encontre de la société AGS SECURITY lorsqu’il a fait pratiquer la saisie querellée.
Sur la demande de mainlevée eu égard au caractère abusif et inutile de la saisie:
Aux termes de l’article L111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, toutefois l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. 
L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution énonce que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
La mise en oeuvre d’une mesure d’exécution forcée ne dégénère en abus, sauf disposition particulière, que s’il est prouvé que le créancier a commis une faute.

En l’espèce, il est incontestable et incontesté que la société AGS SECURITY n’a pas respecté les termes de l’ordonnance de référé rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence en ce qu’elle n’a pas consigné dans un délai d’un mois à compter du prononcé de l’ordonnance la somme de 40.000 euros à la Caisse des Dépôts et Consignations, la consignation de cette somme sur le compte CARPA de son conseil ne pouvant s’analyser comme l’exécution conforme de l’obligation. Dès lors, l’exécution provisoire ordonnée par jugement du conseil des prud’hommes de Marseille a repris effet au bénéfice de Monsieur [O] [K]. En outre, la saisie est intervenue trois mois après que le délai octroyé ait été dépassé sans que la société AGS SECURITY ne procède spontanément au paiement de sa dette. Enfin, le fait qu’une saisie-attribution soit intervenue en période estivale ne saurait en soi rendre la mesure abusive.
Il s’ensuit qu’aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur [O] [K] qui justifiait bien d’une créance liquide et exigible à l’encontre de la société AGS SECURITY fondée sur un titre exécutoire lui ayant été préalablement régulièrement notifié. Elle sera donc déboutée de sa demande de mainlevée de ce chef mais également de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le caractère insaisissable des sommes :
L’article L112-1 du code des procédures civiles d’exécution “ Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers. Elles peuvent également porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive. Les modalités propres à ces obligations s’imposent au créancier saisissant”.
En application des dispositions susvisées c’est de façon pertinente que la société AGS SECURITY relève que
– la fiche afférente au compte CARPA mentionne que la somme de 21.576,97 euros n’a pas été versée par elle mais par la société CHUBB EUROPEAN et qu’il n’est donc pas établi que cette somme lui appartient
– les frais afférents au certificat de non contestation, à sa signification , à la quittance mainlevée et sa notification, soit la somme de 192.79 euros, ne sont pas justifiés et ne doivent pas à supportés par elle.
En conséquence la saisie-attribution litigieuse sera validée dans la limite de la somme de 18.423,03 euros. La mainlevée du surplus sera ordonnée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La contestation de la société AGS SECURITY est partiellement fondée mais Monsieur [O] [K] a pu valablement mettre en oeuvre une mesure d’exécution forcée. Il s’ensuit que la société AGS SECURITY supportera la charge des dépens.
La société AGS SECURITY, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Monsieur [O] [K] une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.
Sur l’exécution provisoire :
En vertu de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution, la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision.

PAR CES MOTIFS,
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,
Déclare la contestation de la société AGS SECURITY recevable ;
Valide la saisie-attribution pratiquée le 18 août 2023 sur le compte ouvert par Maître [W] [I] à la CARPA de [Localité 4] mais la limite à la somme de 18.423,03 euros ;
Ordonne la mainlevée du surplus ;
Dit que la société AGS SECURITY n’est pas débitrice des “frais à prévoir” pour un montant de 192,79 euros ;
Déboute la société AGS SECURITY du surplus de ses demandes ;
Condamne la société AGS SECURITY aux dépens ;
Condamne la société AGS SECURITY à payer à Monsieur [O] [K] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  
Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution

 


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