Saisie-attribution : décision du 9 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 22/11056

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Saisie-attribution : décision du 9 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 22/11056

9 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n°
22/11056

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
09 Janvier 2024

MINUTE : 24/2

RG : N° 22/11056 – N° Portalis DB3S-W-B7G-W73F
Chambre 8/Section 1

Rendu par Madame SAPEDE Hélène, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Madame [A] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Me Emilie NOEL HASBI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS – 274

ET

DEFENDEUR

CREDINVEST
[Adresse 1]
[Adresse 1]

PARTIE INTERVENANTE

LA SOCIETÉ EOS FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS – D430

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS

Madame SAPEDE, juge de l’exécution,
Assistée de Madame HALIFA, Greffière.

L’affaire a été plaidée le 07 Novembre 2023, et mise en délibéré au 09 Janvier 2024.

JUGEMENT

Prononcé le 09 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe, par décision réputé contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 7 janvier 2008, le tribunal d’instance du RAINCY, saisi par la société LE CREDIT LYONNAIS, a, notamment :
– condamné Mme [A][C] épouse [B] à payer à la société LE CREDIT LYONNAIS la somme de 2.955,88 euros au titre du solde débiteur, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé du jugement,
– condamné solidairement Mme [B] et M. [B] à payer à la société CREDIT LYONNAIS la somme de 14.399,94 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,066% l’an à compter du 13 octobre 2006 pour Mme [B] et du 10 avril 2007 pour M. [B],
– autorisé M. et Mme [B] à se libérer de cette somme en 23 versements mensuels de 500 euros exigibles et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du jugement, le 24ème versement étant majoré du solde,
– débouté la société CREDIT LYONNAIS de sa demande de capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année.

Par acte extrajudiciaire du 18 août 2022, a été dénoncée à Mme [B] une saisie-attribution diligentée par la société EOS FRANCE, venant aux droits de la société LE CREDIT LYONNAIS, en exécution du jugement susmentionné, pour le recouvrement de la somme de 6.978,38 euros.

Par acte du 13 septembre 2022, Mme [C] épouse [B] a fait assigner la société CREDINVEST devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de BOBIGNY, à titre principal, en mainlevée de la saisie-attribution à elle dénoncée le 18 août 2022 et, à titre subsidiaire, en délais de paiement.

L’affaire a été appelée à l’audience du 9 février 2023 et successivement renvoyée, à la demande des parties, aux 30 mai et 7 novembre 2023, lors de laquelle la société EOS FRANCE est intervenue volontairement.

Dans ses dernières conclusions développées oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, Mme [C] épouse [B] demande au juge de l’exécution de :
* à titre liminaire :
– dire la société EOS FRANCE et le fonds commun de titrisation CREDINVEST irrecevables pour d’intérêt et de qualité à agir,
* à titre principal :
– dire prescrit l’acte d’exécution initié par le fonds commun de titrisation CREDINVEST,
– dire prescrits les intérêts réclamés au-delà du 14 avril 2019 par le fonds commun de titrisation CREDINVEST,
– dire la mesure d’exécution abusive et infondée,
– annuler la saisie-attribution,
– condamner la société EOS FRANCE à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,
– débouter la société EOS FRANCE de ses demandes,
* à titre subsidiaire :
– lui accorder des délais de paiement,
* en tout état de cause :
– condamner la société EOS FRANCE à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société EOS FRANCE aux dépens.

Dans ses dernières conclusions développées oralement à l’audience et auxquelles il est fait expressément référence, la société EOS FRANCE sollicite du juge de l’exécution qu’il :
– valide la saisie-attribution pratiquée le 10 août 2022,
– déboute Mme [B] de ses demandes,
– condamne Mme [B] à lui payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Mme [B] aux dépens, en ceux compris les frais de la procédure d’injonction de payer.

Après la clôture des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 9 janvier 2024.

SUR CE,

Sur l’intervention volontaire de la société EOS FRANCE

L’article L.214-69 V du code monétaire et financier dispose que :
1° L’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret, ou par tout autre mode d’acquisition, de cession ou de transfert de droit français ou étranger.
Par dérogation à l’alinéa précédent, la cession de créances qui ont la forme d’instruments financiers s’effectue conformément aux règles spécifiques applicables au transfert de ces instruments. Le cas échéant, l’organisme peut souscrire directement à l’émission de ces instruments ;
2° Lorsqu’elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l’acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs ;
3° La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des autres accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires et les créances professionnelles cédées à titre de garantie ou nanties dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 et suivants, de même que l’opposabilité de ce transfert aux tiers sans qu’il soit besoin d’autre formalité.
Nonobstant toute disposition législative ou règlementaire contraire, l’organisme de financement peut également, à titre principal et dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 et suivants, être cessionnaire de créances professionnelles cédées à titre d’escompte ou de garantie, ou bénéficiaire d’un nantissement de telles créances professionnelles.
L’organisme de financement a, de plein droit, le bénéfice des actes d’acceptation mentionnés aux articles L. 313-29 et L. 313-29-1 et relatifs aux créances professionnelles acquises par l’organisme à titre principal ou faisant l’objet d’une cession à titre de garantie ou d’un nantissement à son profit.
Lorsque l’organisme de financement acquiert ou détient en pleine propriété ou à titre de garantie une créance professionnelle, il peut également demander aux débiteurs, y compris s’il s’agit d’une personne morale de droit public, de s’engager envers lui à le payer directement, par le moyen d’un acte écrit dont les énonciations et le support sont fixés par décret, dans les termes prévus par les articles L. 313-29 et L. 313-29-1 et emportant les mêmes effets ;
4° L’acquisition ou la cession de créances ou la constitution de toute sûreté ou garantie au bénéfice de l’organisme de financement conserve ses effets nonobstant l’état de cessation des paiements du cédant ou constituant au moment de cette acquisition, cession ou constitution et nonobstant l’ouverture éventuelle d’une procédure mentionnée au livre VI du code de commerce ou d’une procédure équivalente sur le fondement d’un droit étranger à l’encontre du cédant postérieurement à cette acquisition, cession ou constitution.

Conformément à l’article D.214-227 du même code, le bordereau prévu au premier alinéa du V de l’article L. 214-169 comporte les énonciations suivantes :
1° La dénomination ” acte de cession de créances ” ;
2° La mention du fait que la cession est soumise aux dispositions des articles L. 214-169 à L. 214-175 ;
3° La désignation du cessionnaire ;
4° La désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir, par exemple l’indication du débiteur ou du type de débiteurs, des actes ou des types d’actes dont les créances sont ou seront issues, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s’il y a lieu, de leur échéance. La désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir peuvent figurer sur un ou des fichiers pouvant le cas échéant prendre la forme électronique, dès lors que ce ou ces fichiers sont remis ou transmis par le cédant au cessionnaire au plus tard le jour de la remise du bordereau et que le bordereau fait référence à ce ou ces fichiers. Ce ou ces fichiers sont alors réputés faire partie intégrante du bordereau.
Lorsque la transmission des créances cédées est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions prévues aux 1°, 2° et 3°, le moyen par lequel elles sont transmises, désignées ou individualisées ainsi que l’évaluation de leur nombre global.

La cession emporte l’obligation pour le cédant ou toute entité chargée du recouvrement de procéder, à la demande du cessionnaire, à la conservation des créances dans les conditions définies à l’article D. 214-233 pour l’organisme de titrisation et à l’article L. 214-24-8 pour l’organisme de financement spécialisé, ainsi qu’à tout acte nécessaire à la conservation des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à ces créances, à leur modification éventuelle, à leur mise en jeu, à leur mainlevée et à leur exécution forcée.
Le bordereau peut être établi, signé, conservé et transmis sous forme électronique.

En l’espèce, si la société EOS FRANCE se prévaut d’un acte de cession de créances conclu le27 juillet 2023 entre, d’une part, le compartiment CREDINVEST 2 DU FONDS COMMUN DE TITRISATION FCT CREDINVEST, venant aux droits du fonds commun de titrisation FONCRED – Compartiment FONCRED 1lui-même venu aux droits de la société CREDIREC et elle-même venue aux droits de la société LE CREDIT LYONNAIS – et, d’autre part, la société EOS FRANCE, il résulte de l’analyse de ce document que si l’acte de cession de créances a été signé électroniquement le 27 juillet 2023, le bordereau annexé à cet acte n’est pas signé, en contravention avec les dispositions de l’article D.214-227 du code monétaire et financier précité.

Dès lors, force est de constater que la société EOS FRANCE ne justifie pas de sa qualité de créancière à l’encontre de Mme [C] épouse [B].

Par suite, la société EOS FRANCE sera déclarée irrecevable en son intervention volontaire.

Sur la nullité de la saisie-attribution

* Sur la nullité tirée de la prescription du titre

Selon l’article L.111-3, 1°, du code des procédures civiles d’exécution, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.

Selon l’article L. 111-4 du même code, l’exécution des titres exécutoires mentionnés, notamment, au 1° de l’article L.111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

En application de l’article 2244 du code civil, le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée.

En l’espèce, le jugement servant de fondement à la mesure d’exécution litigieuse a été rendu le 7 janvier 2008 par le tribunal d’instance du RAINCY, et signifié le 14 février 2008. Ce jugement étant antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription, le point de départ du délai de prescription a été reporté au 19 juin 2008.

Il n’est pas contesté et il ressort des pièces produites ce délai de prescription a été interrompu par un commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 19 mars 2009, un itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 27 février 2017, ainsi que les paiements volontaires effectués par les époux [B].

En conséquence, la demande en nullité de la saisie-attribution pour prescription du titre exécutoire sera rejetée.

Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Conformément à l’article L.218-2 du code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

En l’espèce, le décompte de la créance annexée à l’acte de saisie-attribution mentionne des dettes en principal de 2.955,88 euros et de 14.399,94 euros, des versements directs pour un montant de 17.408,91 euros, des intérêts calculés pour la période courant du 10 avril 2007 au 4 août 2022 sur la somme de 14.399,14 euros et au taux légal du 7 janvier 2008 au 4 août 2022 sur 2.955,88 euros, ainsi que des provisions et frais pour un montant total de 1.149,24 euros.

Or, alors qu’il est constant que Mme [C] épouse [B] a procédé à des paiements réguliers consécutivement au jugement rendu le 7 janvier 2008 par le tribunal d’instance du RAINCY, le seul décompte annexé au procès-verbal de saisie-attribution ne permet pas d’évaluer la créance de la société CREDINVEST en ce que ce décompte ne permet ni de déterminer l’assiette de calcul des intérêts consécutivement à chaque paiement, ni les modalités d’imputation des paiements par le créancier.

En conséquence, et alors que Mme [C] épouse [B] était débitrice, à titre principal, de la somme de 17.355,82 euros, et qu’il n’est pas contesté qu’elle a payer, au minimum, la somme de 17.408,91 euros, il y a lieu de constater que la société CREDINVEST ne justifie pas qu’elle demeure créancière de la demanderesse.

En conséquence, sera constatée la nullité de la saisie-attribution litigieuse qui , du fait du blocage des fonds saisis, porte grief à Mme [C] épouse [B]. Sa mainlevée sera également ordonnée.

Sur les dommages-intérêts pour saisie abusive

L’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, la saisie non justifiée de la somme de 2.065,44 euros pendant 16 mois est constitutive d’un abus qu’il convient de sanctionner par l’allocation à Mme [C] épouse [B] de la somme de 1.600 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive.

Sur les demandes accessoires

La société CREDINVEST, qui succombe, sera condamnée à payer à Mme [C] épouse [B] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit la société EOS FRANCE irrecevable en son intervention volontaire,

Dit nulle la saisie-attribution diligentée le 10 août 2022 à la requête de la société CREDINVEST entre les mains de la société LA BANQUE POSTALE à l’encontre de Mme [A] [C] épouse [B] en exécution d’un jugement rendu par le tribunal d’instance du RAINCY le 7 janvier 2008,

Ordonne la mainlevée de ladite saisie,

Condamne la société CREDINVEST à payer à Mme [A] [C] épouse [B] la somme de 1.600 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive,

Condamne la société CREDINVEST à payer à Mme [A] [C] épouse [B] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société CREDINVEST aux dépens.

Fait à Bobigny le 09 janvier 2024.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION

 


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