Saisie-attribution : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00175

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Saisie-attribution : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00175

8 février 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
23/00175

RÉFÉRÉ N° RG 23/00175 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQUJ

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[O] [Z]

c/

S.A. SOCIETE GENERALE

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DU 08 FEVRIER 2024

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Grosse délivrée

le :

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le 08 FEVRIER 2024

Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de BORDEAUX, désignée en l’empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 08 décembre 2023, assistée de Séverine ROMA, Greffière,

dans l’affaire opposant :

Madame [O] [Z]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 4] (Italie), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

absente,

représentée par Me Annie TAILLARD membre de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et par Me Delphine THIERY, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Demanderesse en référé suivant assignation en date du

16 novembre 2023,

à :

S.A. SOCIETE GENERALE prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est à [Adresse 5], venant aux droits de la société BANQUE COURTOIS, dont le siège social est situé au [Adresse 2]).

absente,

représentée par Me Louis COULAUD membre de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Me Esther BOUYX

Défenderesse,

A rendu l’ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 25 janvier 2024 :

EXPOSE DU LITIGE

Selon un jugement en date du 19 septembre 2023 le tribunal judiciaire de Bordeaux a, notamment :

– déclaré recevable l’action de la SA Société Générale à l’encontre de Mme [O] [Z], rejetant la fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir soulevée par cette dernière,

– condamné Mme [O] [Z] à payer à la SA Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois, la somme principale de 90 930,73 € au titre du solde débiteur du compte courant, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020 et jusqu’à parfait paiement,

– ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1243-2 du Code civil,

– condamné Mme [O] [Z] à payer à la SA Société Générale venant aux droits de la Banque Courtois la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la même aux entiers dépens,

– rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Mme [O] [Z] a interjeté appel de cette décision selon une déclaration en date du 13 novembre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 16 novembre 2023, Mme [O] [Z] a fait assigner la SA Société Générale en référé aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement dont appel et de la voir condamnée aux dépens et à lui payer une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 16 janvier 2024 et soutenues à l’audience, Mme [O] [Z] maintient ses demandes, et y ajoutant, elle sollicite à titre subsidiaire que la consignation de la somme saisie par la Société Générale à hauteur de 10 754,98 € selon saisie-attribution en date du 7 novembre 2023 soit ordonnée sur le compte CARPA, et à titre infiniment subsidiaire que la consignation de la somme saisie par la Société Générale à hauteur de 10 754,98 € sur le compte CARPA et la garantie constituée par le nantissement pris par la Société Générale venant aux droits de la banque Courtois de l’assurance-vie la requérante de près de 50 000 € soit ordonnées.

Elle fait valoir qu’il existe des moyens sérieux de réformation :

– en ce que l’action de la SA Société Générale devait être déclarée irrecevable faute pour cette dernière d’avoir qualité à agir à son encontre en sa qualité de caution en raison du défaut d’accomplissement des formalités d’opposabilité de l’article 1690 du Code civil rendant le contrat de transfert universel du patrimoine du crédit du Nord à la Société Générale opposable et en ce qu’en déclarant recevable l’action de la Société Générale, alors qu’elle ne soutenait pas le rejet de cette fin de non recevoir, le tribunal a excédé le domaine de sa saisine en statuant ultra petita,

– en ce que l’action devait également être déclarée irrecevable à raison de la prescription et la forclusion qui n’a pas été examinée par le tribunal, sachant que le tribunal de commerce a déclaré forclose l’action dirigée contre l’autre caution,

– en ce que la mise en demeure adressée à la caution est entachée d’irrégularités,

– en ce que le tribunal n’a pas répondu aux moyens tenant à la nullité de l’acte de caution par l’application de la théorie des dominos du fait de la nullité des autres cautionnements solidaires,

– en ce que le tribunal a omis de faire un examen de la situation patrimoniale au moment où la caution s’est engagée, cet engagement étant manifestement disproportionné,

– en ce que la banque a manqué à son devoir de mise en garde.

Elle ajoute que l’exécution de la décision aura des conséquences manifestement excessives compte tenu de ses revenus et de son patrimoine, alors que la banque lui a fait souscrire un cautionnement alors qu’elle était âgée, qui était disproportionné.

En réponse et aux termes de ses conclusions du 22 janvier 2024 et soutenues à l’audience, la SA Société Générale sollicite le rejet des demandes de Mme [O] [Z] et sa condamnation aux dépens et à lui payer la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’il n’existe aucun moyen sérieux de réformation en ce que les dispositions de l’article 790 du Code civil ne s’imposent qu’en présence d’un transfert de créances par contrat et non pas d’un transfert universel du patrimoine, en ce que Mme [O] [Z] n’a pas la qualité de consommateur à l’égard de la banque de sorte que la prescription biennale n’est pas applicable, le prêt ayant été accordé pour une activité professionnelle, en ce que la mise en demeure est régulière, en ce que la nullité du cautionnement consenti par le seul cofidéjusseur de Mme [O] [Z] ne la libère pas de son propre engagement de caution et en ce que la disproportion invoquée n’est pas démontrée, d’autant que la banque n’avait pas vérifié le contenu de sa déclaration de patrimoine.

Elle ajoute que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de l’existence de conséquences manifestement excessives générées par l’exécution.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le risque de conséquences manifestement excessives doit être apprécié au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs et il suppose la perspective d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation.

En l’espèce, s’agissant des fins de non recevoir, le premier juge a déclaré de bon droit irrecevables les fins de non-recevoir tirées de la prescription et de la forclusion sur le fondement de l’article 789 du code de procédure civile qui attribue au conseiller la mise en état une compétence exclusive pour les examiner et il a fait une application pertinente des dispositions de l’article 1690 du code civil qui n’est pas applicable au transfert universel de patrimoine intervenu entre la Banque Courtois et la société générale qui est intervenue volontairement à l’instance postérieurement à l’ordonnance de clôture.

De ces chefs Mme [O] [Z] ne démontre pas l’existence de moyen sérieux de réformation, d’autant que la décision du tribunal de commerce ayant déclaré forclose l’action de la SA Société Générale contre le seul cofidéjusseur reste sans effet sur les rapports entre la SA Société Générale et Mme [O] [Z] en ce qui concerne la recevabilité de l’action. En ce qui concerne les effets de la nullité des engagements de cette seconde caution sur la validité de ses propres engagements, elle n’a pas été prononcée par le tribunal de commerce qui n’a pas statué au fond, en sorte qu’elle ne soulève pas davantage de moyen sérieux à ce titre lorsqu’elle soutient que le premier juge devait se prononcer.

Il en est de même de la régularité de la mise en demeure du 24 août 2025, dont le premier juge a souligné qu’elle n’a pas été réclamée par Mme [O] [Z] qui en était avisée et en a déduit à juste titre qu’elle était valable et avait produit tous les effets de droit y attachés.

Par ailleurs la fiche de renseignement de solvabilité remplie par Mme [O] [Z] le 31 août 2012, qui est déclarative et dont les données n’avaient pas à être vérifiées par l’organisme bancaire dès lors qu’elle ne comportait pas d’anomalies, mentionne qu’elle est propriétaire de quatre biens immobiliers d’une valeur totale de 820000€, que, retraitée, elle perçoit un revenu total d’environ 2514€ et qu’elle doit rembourser deux prêts immobiliers à échéances finales en 2014 et 2016, de sorte que le premier juge n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la disproportion alléguée, qui doit être appréciée au regard d’une situation patrimoniale globale, revenus et biens pris en considération, à la date de la souscription de son engagement pour une somme totale de 130 000 €, n’était en l’occurrence pas établie, l’incapacité de la caution à faire face à ses engagements au moment où elle est appelée étant inopérante.

Enfin, il ressort des pièces produites aux débats, et notamment les document comptables de la SARL Aquitaine Bio Teste pour les exercices de 2011, 2012 et 2013, les pièces bancaires et les décisions relatives à la procédure collective, qu’en considérant que le prêt cautionné par Mme [O] [Z] avait été accordé alors que la société connaissait son premier exercice déficitaire et que la caution ne démontrait pas qu’à cette date la situation de cette société était irrémédiablement compromise, pour en déduire que la preuve d’un soutien abusif de la part de la banque n’était pas établi, le premier juge n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation. Il en résulte également qu’il n’en commet pas davantage en rejetant le moyen relatif au manquement de la banque à son devoir de mise en garde, à défaut pour Mme [O] [Z] de prouver le risque d’endettement excessif de l’emprunteur.

Par conséquent il convient de rejeter la demande de Mme [O] [Z], qui ne démontre pas l’existence d’un motif sérieux de réformation du jugement dont appel, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les conséquences manifestement excessives qu’entraînerait l’exécution de la décision dont appel puisque, dès lors que l’une des deux conditions prévues pour prétendre à l’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde compte tenu de leur caractère cumulatif.

Sur la demande subsidiaire de consignation et la constitution de garantie :

Aux termes de l’article 521, alinéa 1er du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Selon l’article 514-5 du code de procédure civile et le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

Il doit être rappelé que cette possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président et n’est pas subordonnée à la condition que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l’espèce, Mme [O] [Z] fait une offre de consignation très en deçà du montant de la créance au principal et propose en garantie une assurance vie déjà grevée d’un nantissement. Compte tenu de son patrimoine immobilier, même si Mme [O] [Z] a fait donation à ses filles de la nue-propriété des quatre biens immobiliers dont elle est propriétaire le 31 juillet 2013, soit un an après la date de son engagement de caution, l’aménagement qu’elle sollicite ne peut être considéré comme suffisant et justifié.

Dès lors, il convient de considérer qu’il n’existe aucun motif justifiant la consignation et la constitution de garantie et de débouter Mme [O] [Z] de sa demande à ce titre.

Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Mme [O] [Z], partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens.

Il apparaît conforme à l’équité de laisser à la charge des parties leurs propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme [O] [Z] de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 19 septembre 2023 ;

Déboute la SA Société Générale de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [O] [Z] aux entiers dépens de la présente instance.

La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

 


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