Saisie-attribution : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/04262

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Saisie-attribution : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/04262

7 décembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/04262

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 07 DÉCEMBRE 2023

N° 2023/757

Rôle N° RG 23/04262 N° Portalis DBVB-V-B7H-BK76V

Caisse NORFI CAISSE REGIONALE NORMANDIE FINANCEMENT

C/

[T] [P]

[R] [V] épouse [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Virgnie ROSENFELD

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de NICE en date du 07 Mars 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01167.

APPELANTE

Caisse NORFI CAISSE RÉGIONALE NORMANDIE FINANCEMENT

immatriculée au RCS de CAEN sous le n° 353 172 232

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Yasmine EDDAM, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 4]

Madame [R] [V] épouse [P]

née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 4]

Tous deux représentés par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Cécile PION, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Kévin DE MATTIA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 08 Novembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions des parties :

Le 10 février 2021, la Caisse Norfi Caisse Régionale Normandie de Financement (ci-après désignée Norfi) faisait délivrer à la SAS Appart City une saisie-attribution de créances à exécution successive à l’égard de monsieur [T] [P] et madame [R] [V] épouse [P], aux fins d’obtenir paiement de 479 026,32 € sur le fondement d’un acte notarié en la forme exécutoire, dressé le 22 août 2006, par maître [C] [U], notaire associé à [Localité 5]. Le 12 février 2021, la saisie précitée était dénoncée aux époux [P].

Le 12 mars 2021, les époux [P] faisaient assigner la Norfi devant le juge de l’exécution de Nice, lequel, par jugement du 7 mars 2023 :

– déclarait recevables les contestations des époux [P],

– ordonnait la mainlevée de la saisie-attribution du 10 février 2021,

– déboutait la Norfi de sa demande de dommages et intérêts,

– condamnait la Norfi au paiement d’une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens.

Le jugement précité était notifié par voie postale à la Norfi mais cette notification n’était pas retournée au greffe par les services postaux. Par déclaration reçue le 21 mars 2023 au greffe de la cour, la Norfi formait appel du jugement déféré.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la Norfi demande à la cour de :

– ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture,

– déclarer irrecevable la contestation des époux [P],

– déclarer prescrite la demande nouvelle de prescription de l’action en exécution forcée de l’acte authentique du 22 août 2006,

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– statuant à nouveau,

– déclarer irrecevable la demande des époux [P] de déchéance des intérêts,

– déclarer prescrite la demande de déchéance des intérêts des époux [P],

– valider la saisie-attribution du 10 février 2021,

– débouter les époux [P] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamner les époux [P] au paiement d’une somme de 5 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– en tout état de cause, condamner les époux [P] au paiement d’une indemnité de 3 500 € pour frais irrépétibles et aux dépens.

Elle invoque l’irrecevabilité de la contestation, au visa de l’article R 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, au motif de l’absence de dénonce de la contestation à l’huissier poursuivant au plus tard le premier jour ouvrable, soit le samedi 13 mars et non le lundi 15 mars. Elle soutient que le délai de l’article R 211-11 déroge à l’article 641 du code de procédure civile en ce que la dénonce n’est pas un acte d’huissier.

Elle soutient l’existence d’un titre exécutoire constitué par un acte notarié non remis en cause par le jugement du 13 juillet 2011 sur la perte de force exécutoire du fait de l’absence d’annexion à l’acte authentique d’une procuration donnée par l’acquéreur.

Elle invoque le défaut de cette mention au dispositif du jugement précité et le défaut de qualité de prétention d’un dire et juger.

Elle rappelle que l’autorité de chose jugée ne peut être opposée pour une mesure d’exécution distincte et l’existence d’un fait nouveau constitué par l’évolution du droit positif suite à l’arrêt de chambre mixte de la Cour de cassation du 21 décembre 2012.

Elle sollicite le rejet de la demande de disqualification de l’acte notarié en l’absence de faux invoqué et de mise en accusation au titre de l’acte notarié du 22 août 2006.

Elle soutient que seule l’inobservation des formalités d’ authentification de l’article 41 du décret du 26 novembre 1971 est sanctionnée par la perte du caractère authentique, lequel ne vise que l’intérêt du notaire et non les vices de partialité et de dépendance.

Elle considère que la perception d’un émolument pour un travail effectué ne saurait caractériser la notion d’intérêt et qu’un éventuel lien de dépendance économique entre maître [U] et la société Apollonia n’aurait pas pour effet la perte de caractère authentique de l’acte.

Elle rappelle que des poursuites pénales en cours ne constituent pas un cas de disqualification et que les époux [P] ne peuvent arguer d’un moyen de faux sans procéder à une inscription en ce sens.

Elle considère que les primes d’assurance sont dues au taux de 0,5 % de l’intégralité des sommes dues stipulé à l’article 16 des conditions générales dès lors que la formule exécutoire en page 43 couvre l’offre de prêt et la notice d’assurance. Il en est de même de l’indemnité de résiliation de 7% du montant dû prévue au même article 16.

Elle admet que les frais de saisie ne sont pas réclamés en cas de contestation.

Elle invoque l’irrecevabilité de la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels au motif du principe de la concentration des moyens et de l’absence de demande dans l’assignation au fond devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Elle conteste la soumission volontaire et non équivoque au code de la consommation en l’état du mensonge par omission des époux [P] sur leur statut fiscal de loueurs de meublés professionnel, suite à l’achat de biens immobiliers pour plus de 3 millions d’euros, peu important la référence au code de la consommation.

A titre subsidiaire, elle soulève la prescription quinquennale de la demande au motif que les époux [P] sont demandeurs à la contestation et que le point de départ est la date d’acceptation de l’offre, soit le 12 juin 2006.

Sur le fond, elle rappelle que les époux [P] ont reconnu avoir reçu l’offre par voie postale et l’avoir retournée au notaire dans une lettre annexée à l’acte authentique. De plus, la lettre d’instruction du notaire confirme l’envoi de l’offre.

Elle conteste l’imputation des paiements sur le capital, laquelle suppose le consentement du créancier et rappelle le défaut du moindre paiement partiel alors que les intimés perçoivent 6 200 € de revenus locatifs mensuels.

Elle fonde sa demande de dommages et intérêts sur l’article 1240 du code civil au motif d’une résistance abusive qui lui cause un préjudice.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 5 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, les époux [P] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

– rejeter l’exception d’irrecevabilité de la Norfi,

– à titre principal, ordonner l’irrecevabilité de la saisie-attribution du 10 février 2021 et sa mainlevée,

– à titre subsidiaire, ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 10 février 2021,

– à titre très subsidiaire, rejeter les créances invoquées de 20 351,99 € au titre de l’indemnité de résiliation, 17 130 € au titre des primes d’assurance et la réduire à 12 350,58 €, 148 583,04 € au titre des intérêts conventionnels du 28 novembre 2009 au 5 février 2021, 105,15 € au titre des intérêts du 6 au 8 février 2021, 981,35 € de provisions pour intérêts à venir sur un mois, ainsi qu’au titre des frais de saisie,

– à titre infiniment subsidiaire, ordonner l’imputation des sommes saisies sur le capital,

– débouter la Norfi de toutes ses demandes,

– condamner la Norfi au paiement d’une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens.

Ils soutiennent que leur contestation est recevable dès lors qu’elle a été dénoncée à l’huissier poursuivant au plus tard le 1er jour ouvrable suivant l’assignation du vendredi 12 mars 2021, soit le lundi 15 mars suivant, par application de l’article 642 du code de procédure civile.

Ils affirment que l’article 641 concerne le point de départ du délai et non sa date de fin. Ils rappellent que le courrier a été retourné le 23 mars 2021 à son expéditeur avec l’accusé de réception signé par la SCP.

Ils fondent leur demande de mainlevée de la saisie du 11 février 2021 sur l’autorité de chose jugée du jugement du 13 juillet 2011, lequel dit et juge que l’acte authentique de prêt du 22 août 2006 est privé de force exécutoire par suite d’une irrégularité formelle de l’acte, constituée par une absence d’annexion de la procuration donnée par l’acquéreur.

Ils relèvent que le dispositif du jugement prive l’acte notarié précité de sa force exécutoire de sorte que cette disposition a autorité de chose jugée sur la validité de cet acte. Elle est opposable à la Norfi pour la saisie du 11 février 2021 qui porte sur le même titre et la même créance.

A titre subsidiaire, ils invoquent la disqualification de l’acte authentique du 22 août 2006 en acte sous seing privé sur le fondement de l’article 1318 ancien du code civil.

Ils soutiennent que cette demande est recevable en l’état d’éléments nouveaux constitués par l’arrêt de la chambre disciplinaire du 31 octobre 2013 et l’ordonnance du 14 avril 2022 de renvoi de maître [U] devant le tribunal correctionnel de Marseille, postérieurs au jugement du 13 juillet 2011, lesquels font échec au principe de la concentration des moyens.

Ils affirment que ce moyen de défense est imprescriptible et qu’en tout état de cause, la demande de constatations d’irrégularités de l’acte notarié en 2011 a la même finalité que la disqualification et a interrompu la prescription.

Ils soutiennent que l’intérêt du notaire, cause de disqualification, ne peut pas être interprété strictement, il n’est pas seulement constitué par une clause dans l’acte en faveur de cet officier ministériel mais est établi par la perte d’indépendance, d’impartialité, et de désintéressement, face à un client générant un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros.

Ils invoquent une relation d’affaires quasi-exclusive pendant six ans avec la société Appolonia, activité partagée avec seulement deux autres notaires, et une étude notariale organisée pour servir ce client.

Ils concluent que la sanction de la disqualification de l’article 1318 est indépendante de celle de l’article 1319 sur l’altération de la vérité par le notaire de ses propres constatations et que l’intérêt du notaire à l’acte doit être apprécié par rapport à l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, de l’arrêt de la chambre disciplinaire du 31 octobre 2013 et du rapport d’expertise [I].

Ils fondent leur demande subsidiaire de cantonnement de la saisie-attribution contestée sur le défaut de stipulation dans le corps de l’acte notarié, de l’indemnité de résiliation et sur l’application d’un taux de prime d’assurance de 0,385 % sur le capital restant dû en l’absence de reprise dans l’acte notarié du taux de 0,50 % mentionné dans la notice. En outre, ils contestent les frais de saisie.

Ils fondent la déchéance des intérêts au taux conventionnel sur le caractère perpétuel de la prescription soulevée par voie d’exception et l’application de l’article 1319 ancien du code civil. Ils écartent le principe de concentration des moyens au motif que le jugement du 23 décembre 2019 a pour seul objet un sursis à statuer et ne porte pas sur la créance de prêt.

Ils affirment que les stipulations de l’acte notarié de prêt du 22 août 2006 relatives à son objet et à son régime font foi jusqu’à inscription de faux et donnent force authentique à une offre de prêt soumise au code de la consommation visé par mention de la loi du 13 juillet 1979.

Ils invoquent la violation de l’article L 312-7 du code de la consommation pour défaut d’envoi de l’offre de prêt, dont la preuve ne peut résulter de la déclaration des parties.

De plus, ils soutiennent que le défaut d’envoi est confirmé par les déclarations du clerc de notaire, en l’état de la procédure pénale en cours, la lettre d’envoi et d’acceptation annexée à l’offre, alors que les annexes n’ont pas force authentique, et la lettre d’instruction du notaire constitutive d’une preuve à soi-même. Ils concluent à la déchéance totale des intérêts et au cantonnement de la saisie après soustraction des intérêts demandés.

Ils fondent leur demande très subsidiaire d’imputation des sommes saisies sur le capital sur les dispositions de l’article 1343-5 du code civil et le contexte de l’octroi du prêt constitutif d’une escroquerie en bande organisée à l’origine de leur surendettement et de leur incapacité à rembourser le prêt consenti par la Norfi. Ils invoquent leur âge respectif de 72 et 69 ans et leur situation financière dégradée.

A l’audience avant l’ouverture des débats, à la demande des parties, l’ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2023, a été révoquée et la procédure a été clôturée par voie de mention au dossier, ce dont les parties ont été avisées verbalement sur le champ aucune d’elles ne souhaitant à nouveau conclure.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

– Sur la recevabilité de la contestation des époux [P],

Selon les dispositions de l’article R 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, les contestations relatives à la saisie sont formées dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier poursuivant.

Selon les dispositions de l’article 642 du code de procédure civile, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Il s’en déduit que le délai imparti au débiteur saisi pour dénoncer sa contestation à l’huissier de justice poursuivant est un délai de procédure et non un délai de prescription. L’article 642 du code de procédure s’applique lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai. Or, la dénonce de la contestation à l’huissier poursuivant constitue une formalité, laquelle doit être accomplie avant l’expiration d’un délai constitué du jour de la contestation à 24h ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant à 24h. Cette formalité est donc soumise à l’article 642 précité.

En l’espèce, il est établi que les époux [P] ont contesté, par assignation délivrée le vendredi 12 mars 2021, la saisie-attribution dénoncée le 12 février 2021. Leur contestation a été dénoncée à l’huissier poursuivant par une lettre recommandée expédiée le lundi 15 mars 2021. Par application de l’article 642 du code de procédure civile, cette dénonce a été valablement effectuée le premier jour ouvrable suivant le jour de la contestation datée du vendredi 12 mars 2021.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la contestation des époux [P].

– Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 11 mars 2021,

Selon les dispositions de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

L’article 16 III de la loi du 20 avril 2018 dite de ratification de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations, dispose que la survie du droit ancien s’entend y compris pour les effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.

Selon les dispositions de l’article 1351 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige, l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elle et contre elles en la même qualité.

L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif. Elle ne peut être opposée qu’à une nouvelle demande identique à la précédente par les parties, l’objet et la cause.

L’objet de la demande est constituée par ce qui est réclamé par le demandeur. Il y a identité d’objet lorsque la demande actuelle a un objet identique à celle précédemment jugée.

La cause de la demande est ce qui a été discuté en fait et en droit, c’est à dire le fondement juridique de la demande.

En l’espèce, le jugement du 13 juillet 2011 mentionne notamment dans son dispositif :

‘DIT et JUGE que l’acte de prêt du 22 août 2006 est privé de force exécutoire par suite d’une irrégularité formelle de l’acte constituée par l’absence d’annexion à l’acte de procuration donnée par l’acquéreur’.

Ainsi, la contestation sur la qualité de titre exécutoire de l’acte notarié précité a été tranchée dans le dispositif du jugement.

Ce chef du dispositif statue sur les prétentions des époux [P], mentionnées dans le dispositif de leurs écritures repris en pages 2 et 3 du jugement, de constater les irrégularités affectant l’acte notarié et notamment la non annexion des procurations de la banque et des emprunteurs, de nullité de l’acte notarié et en tous cas de disqualification en acte sous seing privé, et de mainlevée des saisies fondées sur un titre exécutoire nul et tout au moins entaché d’irrégularités, de faux. La Norfi n’a pas exercé de voie de recours à l’égard de cette décision de sorte qu’elle en a accepté les termes.

Ce jugement du 13 juillet 2011 a pour parties, la Norfi en qualité de prêteur et créancier saisissant, et les époux [P], en qualité d’emprunteurs et de débiteurs saisis, comme dans la présente instance.

Le jugement précité a pour objet, le recouvrement forcé des sommes restant dues par les époux [P] au titre de l’acte notarié de prêt du 22 août 2006. Il en est de même dans la présente instance en l’état du recouvrement, au moyen d’une saisie-attribution du 10 février 2021, de la somme de 479 026,32 € au titre de l’exécution forcée de l’acte notarié précité.

La demande, objet du jugement du 13 juillet 2021, et celle de la présente instance, ont le même fondement juridique constitué par la qualité de titre exécutoire de l’acte authentique de prêt du 22 août 2006.

Sur ce dernier point, le jugement du 13 juillet 2011, définitif en l’absence de voie de recours exercée par la Norfi, a jugé que l’acte notarié de prêt était privé de force exécutoire au motif d’une irrégularité formelle constituée par l’absence d’annexion à l’acte de la procuration donnée par l’acquéreur.

Il convient d’examiner si la Norfi établit l’existence d’un fait ou d’un acte, postérieur au jugement du 13 juillet 2011 dont l’autorité est invoquée, venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice. Ce fait peut être matériel (comme un nouveau désordre) ou juridique (comme l’annulation d’un brevet postérieure à un arrêt ayant constaté une contrefaçon). Sa survenance n’interdit pas la mise en oeuvre d’une nouvelle instance aux fins d’obtenir un jugement sur ce fait nouveau.

Par contre, de nouveaux moyens de preuve ou de défense ne sont pas constitutifs de faits nouveaux de nature à écarter l’autorité de chose jugée d’une première décision.

De même, une loi nouvelle non créatrice d’un nouveau droit n’est pas constitutive d’un fait nouveau de nature à remettre en cause l’autorité de chose jugée d’une décision de justice.

En l’espèce, la Norfi n’établit aucun fait nouveau afférent à l’acte notarié du 22 août 2006, lequel a été soumis à l’identique au juge de l’exécution de Nice dans le cadre du jugement du 13 juillet 2011 puis du jugement déféré.

La solution différente, relative au défaut d’incidence du défaut d’annexion de la procuration sur la validité d’un acte notarié, retenue dans une autre instance par un arrêt du 21 décembre 2012 de la chambre mixte de la Cour de Cassation, n’est pas un fait nouveau de nature à remettre en cause l’autorité de chose jugée d’une décision de justice antérieure, dès lors que les arrêts de règlement sont prohibés et que la jurisprudence n’est pas source créatrice de droit.

De plus, la Norfi invoque un nouveau moyen de défense relatif à une jurisprudence postérieure de la Cour de Cassation, lequel n’est pas constitutif d’un fait nouveau de nature à écarter les effets de l’autorité de chose jugée du jugement du 13 juillet 2011.

Il s’en déduit que les époux [P] sont fondés à opposer à la Norfi l’autorité de la chose jugée du jugement précité.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.

– Sur les demandes accessoires,

La Norfi, partie perdante, supportera les dépens d’appel.

L’équité commande d’allouer aux époux [P] une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Caisse Norfi Caisse Régionale Normandie de Financement au paiement d’une indemnité de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Caisse Norfi Caisse Régionale Normandie de Financement aux entiers dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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