Saisie-attribution : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/14306

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Saisie-attribution : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/14306

7 décembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/14306

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2023

N° 2023/345

Rôle N° RG 21/14306 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIGNR

[D] [X]

C/

[K] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Bernard KUCHUKIAN

Me Charles TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 04 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021L853.

APPELANTE

Madame [D] [X]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée de Me Bernard KUCHUKIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Maître [K] [J], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés HORUS ET COFETRANS.

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Septembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère, magistrat rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2023,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 25 avril 2000, le tribunal de commerce de MARSEILLE a prononcé la liquidation judiciaire de la société HORUS et désigné Mme [H] [W] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 3 août 2000, la même juridiction a étendu la liquidation judiciaire de la société HORUS à la société COFETRANS et maintenu Mme [W] en ses fonctions de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 29 mars 2007, le tribunal de commerce de MARSEILLE a désigné M. [K] [J] en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés HORUS et COFETRANS en remplacement de Mme [W].

Par jugement du 4 octobre 2021, rendu à la requête de Mme [X], le tribunal de commerce de MARSEILLE a :

– déclaré l’action recevable,

– débouté Mme [X] de ses demandes,

– condamné Mme [X] aux dépens.

Pour prendre leur décision, les premiers juges ont retenu que :

– Mme [X] a été condamnée pour des faits liés à sa fonction de gérante des sociétés HORUS et COFETRANS,

– M. [J] envisage une procédure de saisie immobilière pour appréhender des biens dont Mme [X] est devenue propriétaire suite au partage de la communauté avec son ex-époux,

– Mme [X], qui n’a pas respecté son engagement de solder le passif de la liquidation judiciaire, a orchestré des man’uvres pour organiser son insolvabilité et se soustraire à ses obligations,

– en l’état de la défaillance financière de Mme [X], qui n’est pas fondée à se prévaloir de sa propre défaillance, la procédure de liquidation judiciaire n’est pas en état d’être clôturée.

Mme [X] a fait appel de cette décision le 11 octobre 2021.

Dans ses dernières écritures, déposées au RPVA le 20 septembre 2022, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement frappé d’appel,

– ordonner la clôture de la liquidation judiciaire des sociétés HORUS et COFETRANS,

– employer les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Dans ses dernières conclusions, signifiées au RPVA le 8 mars 2023, M. [K] [J], agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés HORUS et COFETRANS demande à la cour de :

– confirmer le jugement frappé d’appel,

– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [X] aux dépens avec distraction et à lui payer 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières réquisitions, notifiées au RPVA le 20 septembre 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement frappé d’appel.

Le 28 janvier 2022, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 26 octobre 2022.

A l’audience du 26 octobre 2022, le dossier a été renvoyé à l’audience du 6 septembre 2023 en raison de l’absence pour maladie du conseil de l’appelante.

La procédure a été clôturée le 22 septembre 2022.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

1) A défaut de rabat de l’ordonnance de clôture prononcée le 22 septembre 2022 et de toute demande en ce sens, la cour rejette les écritures déposées au RPVA le 3 juillet 2023 par le ministère public qui sont irrecevables.

Il y a donc lieu de s’en tenir aux réquisitions du 20 septembre 2022.

2) La cour relève qu’elle n’est saisie d’aucune contestation de la recevabilité de l’action initié par Mme [X].

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

3) Rappelant que la procédure collective a été ouverte en 2020, soit depuis plus de 20 ans, et que le liquidateur judiciaire ne saurait bénéficier d’un mandat éternel, Mme [X] estime que la décision des premiers juges a été rendue en violation des articles L. 643-9 du code de commerce et 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme qui consacre le principe d’un droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.

Elle accuse plus particulièrement M. [J] d’avoir fait preuve d’une totale et injustifiée inertie, faisant également remarquer que, comme le rappelle l’article L. 643-9 du code de commerce, la clôture de la procédure s’impose lorsque l’intérêt des poursuites est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des éléments d’actif résiduel.

4) Il s’évince des dispositions combinées des articles L. 643-9 du code de commerce et 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme que, sauf difficultés et circonstances particulières, la procédure collective doit être clôturée dans les délais impartis par le tribunal de commerce et en tous les cas le plus rapidement possible.

En application de ces textes, il appartient au juge saisi d’une demande de clôture de la procédure collective par le débiteur de contrôler la difficulté de réalisation des actifs et l’intérêt de poursuivre la liquidation judiciaire.

5) Dans le cas présent, alors que la procédure collective a été ouverte en 2000, la cour relève en premier lieu que M. [J] a été désigné liquidateur judiciaire le 29 mars 2007.

Contrairement à ce que soutient Mme [X], à cette date le précédent liquidateur judiciaire, Mme [W], avait obtenu la condamnation de l’appelante à lui payer ès qualités, la somme de 56 357, 16 euros de dommages et intérêts (jugement rendu par le tribunal correctionnel de MARSEILLE le 29 septembre 2003).

Cette condamnation a été confirmée en appel aux termes d’un arrêt rendu le 8 juin 2005 qui a été signifié à Mme [X] par Mme [W] le 19 juillet 2005 (pièce 9 de l’intimé).

En conséquence de quoi, Mme [W] a fait signifier à Mme [X] :

– le 27 juillet 2005 un commandement de payer (pièce 10 de l’intimé),

– le 6 janvier 2006 un itératif commandement de payer avec tentative de procès-verbal de saisie-vente transformée en procès-verbal de carence (pièce 11 de l’intimé).

Il en résulte que Mme [W] n’a pas été inactive et/ou négligente.

6) Par ailleurs, nommé liquidateur judiciaire en 2007 en remplacement de Mme [W], M. [J] a fait signifier à Mme [X] :

– le 4 mai 2011, un procès-verbal de déclaration valant saisie (pièce 12 de l’intimé),

– le 6 mai 2011, une dénonce de procès-verbal de déclaration valant saisie (pièce 13 de l’intimé).

Saisi en extinction de la créance de la procédure collective arrêtée à la somme de 95 932, 92 euros, le juge de l’exécution, par jugement du 17 novembre 2016, a débouté Mme [X] de la majorité de ses demandes sauf à préciser qu’il convenait de limiter le calcul des intérêts aux 5 années précédant le 25 mars 2016.

Sur le fondement de ce jugement, le 24 janvier 2017, M. [J] a fait délivrer à Mme [X] un itératif commandement aux fins de saisi-vente avec actualisation de la créance de la liquidation judiciaire (pièce 14 de l’intimé).

Sur appel de Mme [X], ce jugement a été confirmé par la cour de ce siège dans un arrêt du 21 juin 2018.

En conséquence de quoi, le 12 décembre 2018, M. [J] a confié au cabinet d’avocats IN SITU (sa pièce 17) l’étude de faisabilité d’une procédure de saisie immobilière sur un bien dont Mme [X] était devenue propriétaire à la suite de la liquidation de la communauté avec son ex-époux.

Le 27 décembre 2018, Mme [X] a fait une proposition amiable pour obtenir la mainlevée de la saisie-attribution opérée à la diligence de M. [J] à hauteur de 14 000 euros. La débitrice n’ayant pas respecté son engagement (notamment de vendre un bien immobilier dont elle était propriétaire à [Localité 4]), la saisie s’est poursuivie et M. [J] a pu percevoir la somme de 14 000 euros (pièces 27 et 28 de l’intimé).

Mme [X] s’étant rapprochée de lui, par courrier du 6 février 2019 (sa pièce 18), M. [J] a demandé au cabinet IN SITU de suspendre la procédure de saisie immobilière.

Aucun accord n’ayant pu intervenir entre les parties, par courrier du 28 mars 2019 (sa pièce 19), M. [J] a demandé au cabinet IN SITU de reprendre ses diligences.

Ultérieurement, M. [J] a accompli les diligences suivantes :

– par courrier du 3 avril 2019 (sa pièce 20) il a indiqué au cabinet IN SITU qu’il avait connaissance d’un nouveau bien appartenant à Mme [X] et l’a invité à poursuivre la procédure de saisie la plus favorable pour la procédure collective,

– par courrier du 11 septembre 2019 (sa pièce 22), il a demandé au cabinet IN SITU de prendre toute hypothèque venant en rang utile sur le patrimoine de Mme [X],

– ayant été informé par le cabinet IN SITU que Mme [X] avait apporté un bien immobilier en capital à la SCI LANDI, par courrier du 12 mai 2020 (sa pièce 24), il a présenté une requête au juge commissaire pour engager une action paulienne.

En outre, il ressort des éléments soumis à la cour que :

– le 7 décembre 2020 (pièce 25 de l’intimé), Mme [X] a proposé de mettre un terme au dossier par le paiement, en 3 versements, de la somme de 22 000 euros pour solde de tout compte,

– les paiements ne sont pas intervenus et Mme [X] a fait délivrer à M. [J] l’assignation en clôture de la procédure collective qui a donné lieu au jugement frappé d’appel,

– en conséquence de quoi, M. [J] a repris l’exécution forcée qu’il avait suspendue (pièce 26 de l’intimé, courrier du 20 avril 2021).

7) L’historique de ce dossier démontre que, contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante qui demeure redevable de la somme de 35 298, 44 euros à la procédure collective, M. [J] n’a été ni inactif ni négligent ni « paresseux » dans ses fonctions de liquidateur judiciaire des procédures collectives étendues des sociétés HORUS et COFETRANS.

Il apparaît, au contraire, qu’il a fait face aux man’uvres orchestrées par Mme [X] pour se soustraire à l’exécution de la condamnation dont elle a fait l’objet en 2003, confirmée en 2005 (propositions de paiement amiable non respectées, apport d’un bien hérité de sa mère en capital d’une SCI).

Considérant les difficultés rencontrées par le liquidateur judiciaire dans les actions qu’il a entreprises et qui résultent des développements précédents, la cour est fondée à estimer que la durée de cette procédure n’est pas déraisonnable.

Au surplus, à ce jour des actifs étant encore manifestement réalisables pour recouvrer la créance de la liquidation judiciaire sur son ancienne gérante, Mme [X], il est également de l’intérêt de cette procédure collective de ne pas la clôturer afin de permettre à M. [J] ès qualités de procéder à tout acte et toute action utile et nécessaire.

En conséquence, le jugement frappé d’appel sera confirmé en toutes ses dispositions.

8) Mme [X] qui succombe conservera la charge des dépens d’appel qui seront distraits au profit du conseil de l’intimé.

Au vu des circonstances de l’espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à M. [J] ès qualités l’intégralité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Mme [X] sera condamnée à lui payer 3 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats public, dans les limites de sa saisine et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Rejette les écritures déposées au RPVA le 3 juillet 2023 par le ministère public ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 octobre 2021 par le tribunal de commerce de MARSEILLE ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [X] à payer à M. [J] ès qualités la somme de 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile ;

Autorise la distraction des dépens au bénéfice du conseil de M. [J] ;

Condamne Mme [X] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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