Saisie-attribution : décision du 6 février 2024 Tribunal judiciaire de Bordeaux RG n° 23/08221

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Saisie-attribution : décision du 6 février 2024 Tribunal judiciaire de Bordeaux RG n° 23/08221

6 février 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n°
23/08221

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 06 Février 2024

DOSSIER N° RG 23/08221 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YKRD
Minute n° 24/ 39

DEMANDEUR

Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Maître Xavier DEFARGE-LACROIX, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [H] [J]
née le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Emmanuelle LAGARDE, avocat au barreau de PAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 19 Décembre 2023 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 06 février 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du juge aux affaires familiales en date du 13 février 2019, Madame [H] [J] a fait délivrer un commandement de payer les arriérés liés à l’absence d’indexation de la contribution à l’entretien de l’enfant commun [G] à Monsieur [I] [F] par acte du 26 juillet 2023. Par acte du 4 août 2023 et au titre du même principe de créance, elle a fait diligenter une saisie-attribution sur le compte bancaire de Monsieur [F] pour une somme de 1.089,24 euros.

Par acte de commissaire de justice signifié le 11 septembre 2023, Monsieur [F] a fait assigner Madame [J] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de contester cette mesure et d’en voir ordonnée la mainlevée.

A l’audience du 19 décembre 2023 et dans ses dernières écritures, Monsieur [F] sollicite, au visa des articles 1240, 1241, 1293, 1347-2 du code civil et L111-8 du Code des procédures civiles d’exécution que :
– soit prononcée la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2023 et que mainlevée en soit ordonnée
– subsidiairement, elle soit cantonnée à la somme de 99,38 euros et que mainlevée soit ordonnée pour le surplus
– les frais de commissaire de justice abusifs d’un montant de 48,52 euros soient « annulés »
– Madame [J] soit condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil
– Madame [J] soit condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
– Madame [J] soit condamnée à supporter le coût des actes de procédure et de saisie diligentés par le commissaire de justice ainsi que le coût forfaitaire relatif à la tarification de la Banque postale
– Madame [J] soit condamnée aux dépens comprenant le coût de l’assignation, les frais annexes d’information du tiers saisi et du commissaire de justice et la contribution à l’aide juridique.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [F] fait valoir que le montant dû au titre de l’arriéré est de 409,58 euros ce que Madame [J] reconnait. Il conteste néanmoins sa qualité de débiteur de cette somme considérant qu’il a effectué des virements complémentaires au paiement de la contribution à l’entretien de l’enfant qui doivent se compenser avec sa propre créance en résultant. Il cite ainsi des frais de trajet remboursés à Madame [J] et une facture d’hôtel à [Localité 7], précisant que la créancière avait donné son accord pour une compensation. Il conteste avoir reconnu sa qualité de débiteur lors de la précédente audience devant le juge aux affaires familiales. Il estime dès lors être lui-même créancier de la somme de 450,62 euros. Subsidiairement, il demande à ce que la saisie-attribution soit cantonnée à la somme de 99,38 euros soit la somme due moins le coût de la facture d’hôtel. Il précise enfin avoir dû exposer des frais d’exécution forcée abusifs au regard du montant de la créance.

A l’audience du 19 décembre 2023 et dans ses dernière écritures, Madame [H] [J] conclut au rejet des demandes de Monsieur [F] et à sa condamnation au paiement de la somme de 500 euros de dommages et intérêts outre 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Madame [J] s’accorde pour reconnaître que le montant de contribution d’entretien impayée s’élève à la somme de 409,58 euros. Elle conteste toute compensation considérant que Monsieur [F] s’est reconnu débiteur d’un arriéré de 324,26 euros dans le cadre de l’instance devant le juge aux affaires familiales.
Elle souligne qu’il lui appartenait d’indexer la contribution à l’entretien de l’enfant. Elle précise que les règlements reçus correspondant à des remboursements de frais de trajet à Madame [J], cette dernière acceptant de faire la moitié du trajet pour l’exercice des droits de visite du père alors que ce dernier y était seul tenu. Elle sollicite des dommages et intérêts pour résistance abusive considérant que Monsieur [F] n’exécute pas régulièrement son obligation alimentaire.

L’affaire a été mise en délibéré au 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »

« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Monsieur [F] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 11 septembre 2023 alors que le procès-verbal de saisie date du 4 août 2023 avec une dénonciation effectuée le 9 août 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 11 septembre 2023, premier jour ouvrable suivant l’échéance du 9 septembre. Monsieur [F] justifie du courrier faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution en date du 12 septembre 2023.

Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2023.

– Sur la nullité de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »

Il ressort des écritures des parties un accord pour fixer l’arriéré de contribution à l’entretien de l’enfant du fait de l’absence d’indexation à la somme de 405,98 euros.

Madame [J] verse aux débats les écritures de Monsieur [F] dans l’instance pendante devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pau notamment lors de l’audience du 30 mars 2023. Les motifs et le dispositif énoncent clairement que Monsieur [F] se reconnaît débiteur d’une somme à ce titre. Ainsi il sollicite dans le dispositif : « DONNER ACTE à Monsieur [F] qu’il réglera l’arriéré à hauteur de 324,26 euros ». Ces écritures, constitutives d’un aveu judiciaire, ont été rédigées bien postérieurement aux virements dont Monsieur [F] allègue qu’ils sont constitutifs d’une créance à compenser à son profit, puisque ces dépenses s’échelonnent sur le cours des années 2021 et 2022.

Monsieur [F] n’a donc pas entendu jusqu’à la présente audience se prévaloir d’une compensation et ne saurait invoquer dès lors un accord de la créancière pour le faire. A ce titre, le message envoyé par Madame [J] le sollicitant pour effectuer la réservation de l’hôtel à [Localité 7] ne mentionne aucun montant et aucune modalité d’imputation des sommes prétendument avancées sur la contribution à l’entretien. Il ressort en outre des écritures versées par le demandeur dans la procédure JAF que ce séjour s’est déroulé durant une période de tentative de reprise de vie commune, ce qui est de nature à modifier d’autant l’appréhension de la volonté de Madame [J] à ce que la compensation soit opérée.

Monsieur [F] s’étant reconnu débiteur d’une somme, depuis actualisée à la somme de 405,98 euros, faisant consensus et à défaut de justifier d’une convention contraire entre les parties quant à l’imputation d’autres sommes sur cette contribution, il sera débouté de sa demande d’annulation du procès-verbal de saisie-attribution et de mainlevée.

– Sur les demandes de dommages et intérêts pour saisie abusive et résistance abusive

L’article 1240 du Code civil prévoit que celui qui cause à autrui un dommage doit le réparer. Un usage abusif du droit d’agir ou une résistance excessive à payer ses dettes peuvent être constitutifs d’une telle faute sous réserve de la démonstration d’une mauvaise foi caractérisée.

En l’espèce, les pièces versées aux débats établissent les relations délétères unissant les deux parties. L’utilisation des voies de droit, qu’elle réside dans l’exécution forcée d’une créance certes modeste mais dûe ou dans la présente action en justice, participe de l’entretien bilatéral de ce climat conflictuel.

En définitive aucune partie ne justifie d’une mauvaise foi supérieure à l’autre et les demandes de dommages et intérêts mutuelles seront par conséquent rejetées.

– Sur les frais d’exécution forcée

L’article L111-8 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« A l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.
Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire.
Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l’exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi. »

Monsieur [F] conteste un montant de 48,52 euros constitué par une consultation FICOBA et une réquisition d’immatriculation. Compte tenu du montant modique représenté par ces actes et de leur caractère fréquent dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure d’exécution forcée, il n’y a pas lieu d’imputer ces frais à la créancière tenue de recourir à cette procédure et s’en étant remis au commissaire de justice, professionnel assermenté, pour y procéder.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [F], partie perdante, subira les dépens. Il sera condamné au paiement d’une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Monsieur [I] [F] de toutes ses demandes ;
DEBOUTE Madame [H] [J] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [I] [F] à payer à Madame [H] [J] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [I] [F] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,

 


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