Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/01476

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Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/01476

4 avril 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/01476

04/04/2023

ARRÊT N°234/2023

N° RG 22/01476 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OXRD

EV/MB

Décision déférée du 06 Avril 2022 – Juge de l’exécution de TOULOUSE ( 22/00173)

Sophie SELOSSE

S.A.R.L. SOCIETE D’ETUDES ET REALISATION REGION ILS DE FRAN CE (SERRIF)

C/

[X] [Y]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.R.L. SOCIETE D’ETUDES ET REALISATION REGION ILS DE FRAN CE (SERRIF)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric DOUCHEZ de la SCP D’AVOCATS F. DOUCHEZ – B. LAYANI-AMAR, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat plaidant au barreau de MEAUX

INTIMEE

Madame [X] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Caroline NARBONI, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Isabelle NICOLAÏ de la SELAS ARTOIS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

E.VET, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

Par acte sous seing-privé du 30 juin 2017, M. [U] et Mme [W] ont donné a bail un appartement sis [Adresse 1] à [Localité 7] à M.[J] [I].

Les propriétaires ont fait l’objet d’une saisie-immobiliere, et par adjudication, le bien a été vendu à la SARL Société d’Etude et Réalisation Région Île-de-France (SERRIF) le 10 décembre 2020.

M. [I] a recu une autorisation de sous-location de l’appartement de la part de son nouveau bailleur, et loué l’appartement à Mme [Y] et M.[F].

En raison d’un non-paiement de ses loyers, la SARL SERRIF a fait délivrer un commandement de payer, et fait assigner devant le juge des contentieux de la protection de Paris M. [I], Mme [Y] et M.[F].

Par jugement du 16 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection de Paris a :

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail du 30 juin 2020 étaient remplies le 12 juin 2021,

– ordonné l’expulsion de M. [I], Mme [Y] et M.[F],

– condamné M. [I] à payer à SERRIF la somme de 12.308,33 € correspondant à l’arriéré de loyers et de charges au 18 juillet 2021, incluant la mensualité de juillet 2021,avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021 sur la somme de 7493,33 € et à compter du 22 juillet 2021 pour le surplus,

– rappelé que les paiements postérieurs à l’assignation viennent s’imputer sur les sommes dues conformément à l’article 1342-10 du Code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées,

– condamné in solidum M. [I], Mme [Y] et M.[F] à verser à la SARL SERRIF une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant de 1.605 € à compter du 19 juillet 2021 et jusqu’à liberation effective des lieux,

‘ rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.

Le jugement était signifié le 1er décembre 2021 à M. [I], Mme [Y] et M.[F].

Par acte du 16 décembre 2021, la SARL SERRIF a procédé à une saisie-attribution des comptes de Mme [Y] dans les livres de la banque LCL pour la somme de 9303,70 €, dont 8750 € en principal correspondant aux indemnités d’occupation du 19 juillet à décembre 2021.

Par assignation du 12 janvier 2022, Mme [Y] a saisi le juge de l’exécution de Toulouse aux fins de voir :

– ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes,

Subsidiairement,

– en limiter le montant à la somme de 3210 €,

– condamner la société SERRIF à 5.000€ de dommages-intéréts,

– condamner la société SERRIF à la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par décision du 6 avril 2022, le juge de l’exécution de Toulouse a :

‘ ordonné la mainlevée immédiate de la saisie-attribution,

‘ débouté la société SERRIF de l’ensembe de ses demandes,

‘ condamné la société SERRIF à la somme de 3000 € à titre de dommages-intéréts,

‘ condamné la société SERRIF a la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

‘ débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 14 avril 2022, la SARL SERRIF a formé appel de l’ensemble des chefs de la décision.

Par dernières conclusions du 31 mai 2022, la SARL SERRIF demande à la cour de :

‘ déclarer irrecevable la demande de Mme [Y],

‘ infirmer le jugement en ce qu’il ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,

‘ juger valable et bien fondée la saisie-attribution,

A titre infiniment subsidiaire,

‘ cantonner la saisie à la somme de 8029.08 €,

En tout état de cause,

‘ condamner Mme [Y] à payer à la société SERRIF la somme de 4 000€ au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 26 septembre 2022, Mme [X] [Y] demande la cour de :

‘ recevoir Mme [Y] en ses conclusions et l’y déclarer recevable,

Y faisant droit,

‘ débouter la société SERRIF de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

A titre principal,

‘ confirmer le jugement du juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de Toulouse en date du 6 avril 2022 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

‘ condamner la Société SERRIF à payer à Mme [Y] une somme égale au montant des sommes saisies,

‘ ordonner la compensation entre les créances et dettes réciproques des parties,

‘ confirmer le jugement entrepris sur toutes ses autres dispositions,

Pour le surplus,

‘ ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir,

‘ condamner la Société SERRIF à payer à Mme [X] [Y] une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de l’instruction est intervenue le 6 février 2023.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l’assignation :

La SARL SERRIF soulève l’irrecevabilité de la demande de Mme [Y], à défaut pour elle d’avoir dénoncé son assignation à l’huissier instrumentaire et au tiers saisi, sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un grief.

Mme [Y] oppose qu’elle justifie de l’information prévue par les textes.

L’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de sa dénonciation au débiteur et que sous la même sanction, elle est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie. Le tiers saisi doit être informé par lettre simple.

En l’espèce, Mme [Y] justifie de l’information du tiers saisi, la SA Crédit Lyonnais par courrier du 12 janvier 2022 et que par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour signé le lendemain, l’huissier a reçu copie de l’assignation devant le juge de l’exécution ayant engagé la présente procédure.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a implicitement déclaré recevable l’assignation.

Au fond :

La SARL SERRIF rappelle que le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif du jugement et que Mme [Y] est bien tenue solidairement au paiement de l’indemnité d’occupation alors qu’elle reconnaît n’avoir communiqué sa nouvelle adresse que le 17 décembre 2021, soit après le jugement et le lendemain de la saisie-attribution et qu’en tout état de cause, des actes d’huissier lui ont été délivrés à [Localité 6], à l’adresse litigieuse, où sa présence était confirmée par la gardienne.

Elle considère que les paiements réalisés par le locataire principal doivent s’imputer en priorité sur la dette la plus ancienne, c’est-à-dire les loyers.

Mme [Y] oppose qu’il résulte du jugement du 16 novembre 2021 que l’indemnité d’occupation n’est due solidairement par l’occupant que tant qu’il occupe les lieux et que la solidarité cesse par la suite de son départ. Or, elle avait quitté le logement dès le 30 avril 2021 pour prendre son nouveau poste au centre hospitalier de [Localité 3] début mai de la même année.

Elle considère qu’au regard de l’imputation de ses versements par le locataire ils doivent s’imputer sur les indemnités d’occupation dont elle était elle-même redevable.

Aux termes des dispositions de l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

En l’espèce, par jugement du 16 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection de Paris a :

– ordonné l’expulsion de M. [I], Mme [Y] et M.[F],

– condamné M. [I] à payer à la société SERRIF la somme de 12.308,33 € correspondant à l’arriéré de loyers et de charges au 18 juillet 2021, incluant la mensualité de juillet 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021 sur la somme de 7493,33 € et à compter du 22 juillet 2021 pour le surplus,

– rappelé que les paiements postérieurs à l’assignation viennent s’imputer sur les sommes dues conformément à l’article 1342-10 du Code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées,

– condamné in solidum M. [I], Mme [Y] et M.[F] à verser à la SARL Serrif une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant de 1.605 € à compter du19 juillet 2021 et jusqu’à libération effective des lieux.

Ce jugement a été signifié le 1er décembre 2021 à étude à Mme [Y].

Les lieux ont été restitués le 27 février 2022 et la saisie a été pratiquée pour un montant principal de 8750 € correspondant aux indemnités d’occupation pour la période du 18 juillet à décembre 2021.

Or, selon les termes du jugement il était dû à la propriétaire pour la période du 19 juillet au 31 décembre 2021 : (1605/31X13) + 1605 × 5 = 8698,06 €.

Il résulte des termes de la décision que Mme [Y] n’a pas été condamnée au paiement des loyers puisque seul M. [I] était tenu contractuellement avec la bailleresse.

Le juge retient cependant que l’indemnité d’occupation, de nature délictuelle trouve son fait générateur dans l’occupation du bien justifiant la condamnation de Mme [Y] et de M. [F] in solidum en leur qualité de coauteurs du dommage, leur domiciliation dans les lieux ayant été constatée par l’huissier de justice instrumentaire du commandement de payer le 12 mai 2021 et de l’assignation, délivrée le 22 juillet 2021.

En conséquence, le jugement étant définitif, et le juge de l’exécution ne pouvant, en application de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites, il appartient à Mme [Y] de justifier de la date à laquelle elle a quitté les lieux objets du litige ou qu’au regard des paiements effectués, elle n’est plus redevable d’aucune somme.

Le 18 mars 2022, le conseil de M. [I], locataire principal, qui est devenu celui de Mme [Y], écrivait que celui-ci l’avait informé que « ses sous-locataires » (Mme [Y] et M. [F]) avaient reçu un avis d’expulsion. Mme [Y] n’ignorait donc pas la procédure d’expulsion en cours.

En tout état de cause, la libération effective des lieux s’entend non seulement du départ de la personne mais aussi du retrait de tous ses biens.

Or, en l’espèce, non seulement Mme [Y] n’a pas informé l’huissier en charge de la procédure d’expulsion de son départ mais surtout elle ne justifie pas avoir vidé les lieux, de toute occupation, puisque le fait de vivre ailleurs, qui est parfaitement démontré par elle n’implique pas par lui-même qu’elle avait débarrassé les lieux de tous biens lui appartenant ; une mesure d’expulsion pouvait être engagée pour permettre au bailleur de se débarrasser des biens restés dans son appartement.

Cependant, il résulte de l’article 1342-10 du Code civil que le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer lorsqu’il paye celle qu’il entend acquitter. Ce n’est qu’à défaut que, l’imputation se fait sur les dettes les plus anciennes.

D’ailleurs, si le jugement, au visa de ce texte, précisait que les versements effectués s’effectueraient sur les dettes de loyer comme étant les plus anciennes, Il résulte du dispositif qu’il s’agit d’un rappel et le juge n’a ni dans sa motivation, ni dans le dispositif de sa décision imposé une affectation contraire à l’ordre d’affectation prévu par ce texte qui privilégie la volonté du débiteur.

En l’espèce, il est justifié de versements par M. [I] au bénéfice de M.[R], gérant de la SARL SERRIF pour un montant de 8698 € soit le montant des indemnités d’occupation dues pour la période du 19 juillet à décembre 2021 correspondant au principal de la saisie.

Il ressort de la pièce 34 versée par Mme [Y] et non contestée que les 6 virements mentionnaient à la rubrique « référence » la période visée : du 19 au 31 juillet 2021, puis les mois d’août à décembre 2021.

En conséquence, au regard de l’affectation des paiements effectuée par le locataire principal, le montant réclamé par la bailleresse doit être considéré comme ayant été valablement payé et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution.

L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit : «Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. ».

Ainsi qu’il a été dit, Mme [Y], alors qu’elle était informée de la procédure d’expulsion en cours, n’a pas justifié de la libération des lieux de sa personne et de ses biens. De plus, si les pièces justifiant des règlements du locataire principal qu’elle verse ne portent aucune date, il résulte d’un courrier de l’huissier commis par la SARL SERRIF que le dernier versement, correspondant aux indemnités d’occupation pour la période du 19 au 31 juillet a été effectué le 3 janvier 2022, c’est-à-dire alors que la présente procédure avait été diligentée.

En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à la SARL SERRIF et la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [Y] doit être rejetée par infirmation du jugement déféré.

La présente décision n’étant pas susceptible de recours suspensif, la demande d’exécution provisoire présentée par Mme [Y] doit être rejetée.

Au regard de la solution du litige, chaque partie gardera la charge des dépens par elle engagés.

L’équité commande de rejeter les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile par infirmation du jugement déféré.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a octroyé des dommages-intérêts à Mme [X] [Y], octroyé des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.

Rejette les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie gardera la charge des dépens par elle engagés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I. ANGER C. BENEIX-BACHER

 


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