Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03407

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Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03407

4 avril 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/03407

N° RG 22/03407 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LQRN

C3

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 04 AVRIL 2023

Appel d’une décision (N° RG 21/00301)

rendue par le Juge de l’exécution de GAP

en date du 01 septembre 2022

suivant déclaration d’appel du 15 septembre 2022

APPELANTE :

Mme [R] [X]

née le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Valérie GABARRA de la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE NORMANDIE DE FINANCEMENT – (NORFI) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Charlotte GAUCHON, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 février 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre du programme immobilier de défiscalisation développé par la société Apollonia (acquisition de biens immobiliers à visée locative permettant de bénéficier du régime fiscal des loueurs en meublé non professionnels), Mme [R] [X] a souscrit, auprès de la Caisse Régionale Normande de Financement (NORFI) selon acte reçu par devant notaire le 14 mars 2007, un prêt immobilier d’un montant de 198.000€.

Une instruction pénale a été ouverte ultérieurement du chef notamment d’escroqueries à l’encontre de la société Apollonia et des autres intervenants à l’opération de défiscalisation (notaires, banques ‘) par plusieurs investisseurs au nombre desquels Mme [X]. Une action en responsabilité civile a été également initiée par celle-ci à l’égard des mêmes parties devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Le remboursement de ce prêt n’étant plus honoré à compter de l’échéance du 31 mai 2009, la déchéance du terme a été prononcée le 14 septembre 2009.

Sur le fondement de l’expédition en la forme exécutoire de l’acte notarié du 14 mars 2007, la NORFI a fait pratiquer, le 26 février 2021 à 15h56, à l’encontre de Mme [X] une saisie attribution de loyers entre les mains de la société Appart’City à [Localité 7].

Par acte extrajudiciaire du 2 avril 2021, Mme [X] a assigné la NORFI devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Gap en contestation de cette saisie attribution qui leur avait été dénoncée le 3 mars 2021, afin d’en obtenir la mainlevée.

Suivant jugement contradictoire du 1er septembre 2022, le juge de l’exécution précité a’:

déclaré recevable le recours exercé par Mme [X],

débouté Mme [X] de l’intégralité de ses demandes,

validé la saisie attribution de loyers diligentée le 26 février 2021 à l’encontre de Mme [X] par la NORFI entre les mains de la société Garden City [Localité 7],

condamné Mme [X] à payer à la NORFI la somme de 2.000€ à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la même aux entiers dépens de l’instance,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration déposée le 15 septembre 2022, Mme [X] a relevé appel.

Dans ses dernières conclusions conclusions déposées le 18 novembre 2022 sur le fondement des articles L.111-2, L.111-3 L.111-7, L.121-2, L.211-1 et suivants, L.218-2, R.162-2 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, L.137-2, L312-10, L312-33 et L 313-1 et suivants du Code de la consommation, 134, alinéa 3 ancien , 2224 du code civil et les décrets du 26 novembre 1971 n°71-942 et 71-941, Mme [X] entend voir la cour infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,

la déclarer recevable en sa contestation de la saisie attribution signifiée le 26 février à Garden City et dénoncée le 3 mars 2021,

en conséquence, y faisant droit :

à titre principal,

constater que le caractère exécutoire du titre notarié de prêt est prescrit,

constater que la créance de la NORFI est prescrite,

juger qu’elle doit se voir reconnaitre la qualité de consommatrice, par volonté des contractants de soumettre leur contrat aux dispositions du code de la consommation,

ordonner mainlevée immédiate de la saisie attribution discutée signifiée le 26 février 2021 à Garden City et qui lui a été dénoncée le 3 mars suivant,

débouter la NORFI de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

constater le défaut de décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus dans le procès-verbal de la saisie attribution signifiée le 26 février à Garden City et et qui lui a été dénoncée le 3 mars suivant,

constater l’absence de la mention des intérêts dus au titre du délai de contestation de un mois,

constater la prescription au moins partielle des intérêts mis en recouvrement,

juger que la NORFI présente un décompte qui n’est juste, ni vérifiable,

juger nul et de nul effet le procès-verbal de la saisie attribution signifiée le 26 février à Garden City et et qui lui a été dénoncée le 3 mars suivant,

ordonner la mainlevée de cette saisie attribution,

juger que la mesure d’exécution prise est inutile autant qu’abusive,

en toute occurrence

condamner la NORFI au paiement d’une somme de 3.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens, en y ceux compris les frais de délivrance de mainlevée de la saisie discutée, ainsi que les frais concernant le procès verbal aux fins de saisie attribution qui lui a été délivré .

Elle soutient en substance que’:

à défaut d’avoir initié une mesure d’exécution sur le fondement de l’acte notarié de prêt depuis la déchéance du terme, la NORFI a laissé se périmer le caractère exécutoire de son titre notarié,

aucune interruption de prescription ne peut être opposée par la NORFI,

la créance de la NORFI est prescrite au regard de la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation qui est applicable,

elle ne peut pas effectuer un contrôle effectif de la conformité de la copie de l’acte notarié à l’acte original’ , des pages paires (10 à 18) étant manquantes dans l’acte versé par la NORFI, une rature figurant en page 20 rendant illisible sa numérotation effective (20 ou 21) alors que le notaire atteste que l’acte n’est porteur d’aucune rature de chiffre ou de mot, il manque la page paire entre les pages 22 et 26, le sceau d’annexion du document à l’acte notarié, signé du notaire, n’est porté sur aucune des annexes, alors qu’elles sont une partie indissociable de l’acte notarié’; le notaire a certifié faussement que la copie exécutoire était identique en tous points à l’original de l’acte, l’acte fondant la mesure de saisie attribution reste donc faux au sens des textes et ne saurait se voir attacher la qualité d’un acte authentique de nature à fonder la saisie,

le procès-verbal de saisie est nul à défaut de contenir un décompte distinct des sommes réclamées,

la saisie attribution litigieuse est inutile, la NORFI ne faisant pas état d’une créance dont le recouvrement serait menacé compte tenu des garanties dont elle dispose déjà, mais également abusive au regard des circonstances dans lesquelles elle utilise son titre notarié pour effectuer cette saisie, ne pouvant notamment ignorer que celui-ci procède d’agissements frauduleux mis à jour dans le cadre de l’instruction pénale.

Dans ses uniques conclusions déposées le 15 décembre 2022, la NORFI demande que la cour,’

confirme le jugement déféré en ce qu’il :

a débouté Mme [X] de l’intégralité de ses demandes,

validé intégralement la saisie attribution de loyers qu’elle a diligentée le 26 février 2021 à l’encontre de Mme [X] entre les mains de la société Garden City [Localité 7],

condamné Mme [X] à lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts, et celle de 2.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [X] aux entiers dépens de l’instance,

y ajoutant,

déclarer irrecevable le moyen tiré de la nullité de forme du procès-verbal de saisie attribution à défaut d’avoir été soulevé in limine litis,

condamner Mme [X] à lui payer la somme de 3.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,

condamner Mme [X] aux entiers dépens de l’instance d’appel,

en tout état,

débouter Mme [X] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la NORFI,

valider la saisie attribution litigieuse.

Elle réplique en substance que’:

son action en recouvrement par voie de saisie attribution sur le fondement de l’acte notarié de prêt n’est pas prescrite, compte tenu des actes interruptifs de prescription intervenus dans le délai de prescription quinquennale, la seule applicable, Mme [X] n’ayant pas la qualité de consommateur pour prétendre à la prescription biennale du code de la consommation,

l’acte notarié ne souffre d’aucune irrégularité formelle de nature à remettre en cause le caractère exécutoire de la copie exécutoire de l’acte notarié du 14 mars 2007,

le moyen tiré de la nullité de forme du procès-verbal de saisie arguée par Mme [X] est irrecevable car non soulevé avant toute défense au fond ou fin de non recevoir et il est mal fondé au regard des mentions exigées par l’article R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution,

la saisie litigieuse est ni inutile ni abusive, tout créancier disposant d’un titre exécutoire n’ayant pas à justifier d’une créance dont le recouvrement serait menacé et n’est pas tenu de mettre en ‘uvre les sûretés dont il dispose aux fin de saisie immobilière’; en outre sa créance est exigible et non soldée, les derniers paiements volontaire de Mme [X] datant de 2009.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023.

MOTIFS

La cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.

La recevabilité de la contestation de la saisie attribution de Mme [X] n’est pas discutée en appel.

Sur le moyen tiré de la prescription

Il est constant que le présent litige porte non pas sur une demande en paiement mais sur l’exécution de l’acte notarié de prêt en tant que titre exécutoire servant de fondement à la saisie attribution contestée.

Mme [X] ne peut pas utilement opérer une distinction entre la prescription du caractère exécutoire du titre exécutoire, à savoir l’acte notarié de vente, et la prescription de la créance, alors que l’acte notarié ne revêt pas les attributs d’un jugement et que son exécution est soumise au délai de prescription de la créance qu’il constate.

Bien qu’ayant la qualité de titre exécutoire selon l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte notarié ne revêt pas les attributs d’un jugement et sa prescription est celle applicable à l’obligation qu’il constate, soit en l’espèce, un prêt immobilier’; s’agissant d’une dette payable par termes successifs, le délai de prescription a commencé à courir, s’agissant du capital restant dû, à la date de déchéance du terme (soit le 14 septembre 2009) et s’agissant des mensualités impayées, à compter de leur date, soit pour la plus ancienne à compter du mois de mai 2009.

L’interruption de la prescription une fois acquise en présence d’actes visés aux articles 2240, 2241, 2244 du code civil, s’étend d’une action à une autre si les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins.

En l’espèce, la demande reconventionnelle de la NORFI formulée par conclusions déposées au greffe du tribunal de grande instance de Marseille pour l’audience de mise en état du 29 avril 2010 et la saisie attribution par elle diligentée le 26 février 2021 dans le cadre de la présente instance, ne peuvent pas considérées comme poursuivant une fin identique, quoique concernant la même créance, dès lors que la première a pour finalité la délivrance d’un nouveau titre exécutoire, et que la seconde poursuit l’exécution d’un titre exécutoire déjà existant.

En outre, le créancier titulaire d’un titre exécutoire notarié pouvant interrompre le délai de prescription par l’engagement d’une mesure conservatoire ou d’une mesure d’exécution forcée, la volonté d’interrompre ce délai ne saurait justifier, en elle-même, par le biais d’une demande reconventionnelle en paiement, la liquidation de la créance constatée par le titre exécutoire.

En conséquence, eu égard à l’indépendance de ces deux actions, les actes interruptifs de prescription dans le cadre de l’action en paiement (conclusions portant demande reconventionnelle en paiement du 17 mai 2010, décision de sursis à statuer du tribunal de grande instance de Marseille du 7 juin 2010) à l’exclusion de l’assignation en intervention forcée délivrées le 1er juin 2010 par la NORFI à l’encontre du courtier, la société Cafti, de son gérant et de son préposé (qui ne peuvent pas interrompre à l’égard de Mme [X]) ne peuvent pas s’étendre à l’action en exécution du titre exécutoire notarié.

La prescription était donc largement acquise au jour de la saisie attribution pratiquée le 26 février 2021, quelque soit la nature de la prescription, biennale ou quinquennale,dès lors que les délais de prescription ont commencé à courir, à l’égard du prêt immobilier, dette payable par termes successifs, à la date de déchéance du terme (soit le 14 septembre 2009) pour le capital restant dû, et s’agissant des mensualités impayées, à compter de leur date, soit pour la plus ancienne à compter du mois de mai 2009. Cette constatation rend inopérant le débat sur la qualité ou pas de consommateur de Mme [X].

En conséquence de l’irrecevabilité de l’action en exécution forcée pour cause de prescription, la mainlevée de la saisie litigieuse doit être ordonnée ; par l’effet de cette prescription, il n’y a pas lieu de statuer plus avant sur les autres prétentions des parties relatives à cette saisie.

Le jugement querellé est infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie succombante, la NORFI est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et doit conserver la charge de ses frais de procédure. Elle est condamnée à verser à Mme [X] une indemnité de procédure en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau, et ajoutant,

Ordonne la mainlevée de la saisie attribution de loyers pratiquée le 26 février 2021 à 15h56 entre les mains de la société Appart’City, à la demande de la Caisse Régionale Normande de Financement 15h56, à l’encontre de Mme [R] [X],

Déboute la Caisse Régionale Normande de Financement de sa demande de dommages et intérêts, et de frais irrépétibles,

Condamne la Caisse Régionale Normande de Financement à verser à Mme [R] [X] la somme de 3.000€ à titre d’indemnité de procédure d’appel,

Condamne la Caisse Régionale Normande de Financement aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de délivrance de mainlevée de la saisie discutée et ceux concernant le procès-verbal aux fins de saisie du 26 février 2021.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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