Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03328

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Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03328

4 avril 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/03328

N° RG 22/03328 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LQJB

C3

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 04 AVRIL 2023

Appel d’une décision (N° RG 21/00300)

rendue par le Juge de l’exécution de GAP

en date du 01 septembre 2022

suivant déclaration d’appel du 09 septembre 2022

APPELANTE :

LA CAISSE REGIONALE NORMANDIE DE FINANCEMENT – NORFI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Charlotte GAUCHON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

Mme [F] [W] épouse [J]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 1]

M. [L] [J]

né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentés par Me Valérie GABARRA de la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 février 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre du programme immobilier de défiscalisation développé par la société Apollonia (acquisition de biens immobiliers à visée locative permettant de bénéficier du régime fiscal des loueurs en meublé non professionnels), M. [L] [J] et Mme [F] [W] épouse [J] ont souscrit, auprès de la Caisse Régionale Normande de Financement (NORFI) selon acte reçu par devant notaire le 20 juillet 2006, un prêt immobilier d’un montant de 255.359€.

Une instruction pénale a été ouverte ultérieurement du chef notamment d’escroqueries à l’encontre de la société Apollonia et des autres intervenants à l’opération de défiscalisation (notaires, banques ‘) par plusieurs investisseurs au nombre desquels M. et Mme [J]. Une action en responsabilité civile a été également initiée par ceux-ci à l’égard des mêmes parties devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Le remboursement de ce prêt n’étant plus honoré à compter de l’échéance du 30 avril 2009, la déchéance du terme a été prononcée le 14 septembre 2009.

Sur le fondement de l’expédition en la forme exécutoire de l’acte notarié du 20 juillet 2006, la NORFI a fait pratiquer le 5 mars 2021, à 10h37, une saisie attribution des comptes bancaires de M. et Mme [J] ouverts dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] et Environs.

Par acte extrajudiciaire du 8 avril 2021, M.et Mme [J] ont assigné la NORFI devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Gap en contestation de cette saisie attribution qui leur avait été dénoncée le 8 mars 2021, afin d’en obtenir la mainlevée.

Suivant jugement contradictoire du 1er septembre 2022, le juge de l’exécution précité a’:

déclaré recevable le recours exercé par M. et Mme [J],

y faisant droit,

ordonné la mainlevée de la saisie attribution diligentée le 5 mars 2021 à 10h37 entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] et Environs,

débouté la NORFI de l’intégralité de ses demandes,

condamné la même aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de délivrance de mainlevée de la saisie discutée et ceux concernant ledit procès-verbal de conciliation,

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes indemnitaires respectives formulées à ce titre,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration déposée le 9 septembre 2022, la NORFI a relevé appel.

Dans ses dernières conclusions n°2 déposées le 6 décembre 2022, la NORFI demande que la cour,’

in limine litis, et à titre principal, vu l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

déclare irrecevable l’action en contestation de M. et Mme [J],

les déboute de plus amples demandes à son encontre,

condamne M. et Mme [J] au paiement d’une indemnité de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 au titre de l’instance d’appel et de la première instance,

condamne les mêmes aux entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel.

en tout état de cause,

confirme le jugement déféré en ce qu’il déboute M. et Mme [J] de leur demande fondée sur la prescription,

réforme ledit jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

valide la saisie attribution diligentée le 5 mars 2021 à 10h37 à leur encontre par la NORFI entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] et Environs,

déboute M. et Mme [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

condamne les mêmes au paiement d’une indemnité de 5.000€ au titre de la résistance abusive dont ils ont fait preuve et du préjudice qui lui a été conséquemment infligé, ainsi qu’ au paiement d’une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 au titre de l’instance d’appel et de la première instance,

condamne les mêmes aux entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel.

Elle fait valoir en substance que’:

M. et Mme [J] ne prouvent pas avoir dénoncé leur contestation, par lettre recommandée avec AR selon les modalités prescrites à peine d’irrecevabilité par l’article R.211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à l’huissier de justice ayant procédé à la saisie, la dénonce bien qu’effectuée à destination de la SARL Exact, ayant été reçues par une SCP Schaeffer qui n’a aucun lien avec la SARL Exact seul huissier poursuivant,

l’acte notarié ne souffre d’aucune irrégularité formelle de nature à remettre en cause le caractère exécutoire de la copie exécutoire de l’acte notarié du 20 juillet 2006,

son action en recouvrement par voie de saisie attribution n’est pas prescrite, compte tenu des actes interruptifs de prescription intervenus dans le délai de presciption quinquennale, le seul applicable, M. et Mme [J] n’ayant pas la qualité de consommateurs pour prétendre à la prescription biennale du code de la consommation.

Dans leurs dernières conclusions conclusions déposées le 14 novembre 2022 sur le fondement des articles L.211-1 et suivants, L.218-2, R.162-2 et suivants, R. 211-1 et suivants, R. 232-5 et suivants du code des procédures civiles’d’exécution, L.137-2, L.312-10, L.312-33 et L. 313-1 et suivants du Code de la consommation, 2224 du code civil, 144 , 700 du code de procédure civile et des décrets du 26 novembre 1971 n°71-942 et 71-941, M. et Mme [J] entendent voir la cour :

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il ordonne la mainlevée de la procédure de saisie attribution qui leur a été dénoncée le 8 mars 2021 et opérée dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] et Environs, «’et en ce que cette décision a pu’»,

les déclarer recevables en leur contestation de la saisie des valeurs mobilières signifiée le 5 mars 2021 à la Caisse de crédit Mutuel de [Localité 6] et dénoncée le 8 avril suivant,

juger en tant que de besoin que la créance de la NORFI est prescrite,

juger qu’ils doivent se voir reconnaitre la qualité de consommateurs, par volonté des contractants de soumettre leur contrat aux dispositions du code de la consommation,

ordonner mainlevée immédiate de la saisie attribution discutée signifiée le 5 mars 2021 à la Caisse de crédit Mutuel de [Localité 6] et dénoncée le 8 avril suivant,

débouter la même de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

condamner la NORFI au paiement d’une somme de 4.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, en y ceux compris les frais de délivrance de mainlevée de la saisie discutée, ainsi que les frais concernant le procès verbal aux fins de saisie attribution qui leur a été délivré.

Ils répliquent en substance que’:

la dénonce de leur contestation a été faite régulièrement à l’huissier poursuivant , la SARL Exact ayant été créée en 2020, par le regroupement de plus études dont celle de la SCP Schaeffer,

l’acte notarié de prêt versé par la NORFI diffère de celui dont ils disposent, la dernière ligne de la page 8 de cet acte de prêt, comporte une mention dans l’exemplaire produit par celle-ci « Suivent les annexes dont la teneur », qui ne figure pas dans portée à l’acte qu’ils versent, en déduisant que la page 8 de l’acte présenté par la NORFI a donc été modifiée’; ils dénonce également plusieurs irrégularité (aucune paraphe n’apparait sur les pages paires de l’acte de vente ni sur les pages paires des annexes, aucune page des annexes n’est numérotée, interdisant tout contrôle effectif de la conformité de la copie à l’acte original, l’acte établi sur 31 pages, annexes comprise, comporte en page 30 (non numérotée) une page vierge, non barrée, dont la présence interroge, en sa position précédent immédiatement la dernière page n°31, ne comportant que les mentions de certification, le sceau d’annexion du document à l’acte notarié, signé du notaire, n’est porté sur aucune des annexes’; dès lors la mainlevée de la saisie est justifiée en raison de la perte du caractère exécutoire du titre la fondant,

la créance de la NORFI est prescrite au regard de la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation qui leur est applicable de par leur qualité de consommateurs.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023.

MOTIFS

La cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.

Il y a lieu d’examiner en premier lieu, la recevabilité de la contestation de la saisie attribution, dans le cadre de laquelle M.et Mme [J] excipent de la prescription de l’action en délivrance de l’acte d’exécution forcé à leur encontre.

Sur la recevabilité de la contestation de la saisie attribution

L’huissier qui a procédé à la saisie du 5 mars 2021 à 10h37, était la SARL Exact représentée à l’acte par Me [R] de l’Office Espace Européen étant précisé que la SARL Exact regroupe deux études à savoir cet office et l’Office Castelnau Office Wilson.

La SARL Exact a été destinataire d’un courrier recommandé avec AR daté du 8 avril 2021 portant communication de l’assignation délivrée par M. et Mme [J] le 8 avril 2021 à la NORFI en contestation de la saisie attribution précitée. L’avis de réception signé le 12 avril 2021 porte la même référence (174022/I0) que la lettre recommandée du 8 avril 2021.

La NORFI est mal fondée à soutenir que la dénonce effectuée à l’huissier poursuivant est irrégulière en tant que l’avis de réception signé le 12 avril 2021 porte le timbre humide de la SCP Schaeffer’, cet accusé de réception qui porte la référence 174024/10 correspondant à la dénonciation d’une contestation portant sur une autre saisie (saisie du 5 mars 2021 à 11h30).

Il est donc établi que l’huissier poursuivant a été informé de la contestation dans le délai et selon les modalités prévues par l’article R 211-11 du code des procédures civiles d’exécution’; la contestation de M. et Mme [J] est donc recevable et le jugement déféré confirmé sur ce point.

Sur le moyen tiré de la prescription

Il est constant que le présent litige porte non pas sur une demande en paiement mais sur l’exécution de l’acte notarié de prêt en tant que titre exécutoire servant de fondement à la saisie attribution contestée.

Bien qu’ayant la qualité de titre exécutoire selon l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte notarié ne revêt pas les attributs d’un jugement et sa prescription est celle applicable à l’obligation qu’il constate, soit en l’espèce, un prêt immobilier’; s’agissant d’une dette payable par termes successifs, le délai de prescription a commencé à courir, s’agissant du capital restant dû, à la date de déchéance du terme (soit le 14 septembre 2009) et s’agissant des mensualités impayées, à compter de leur date, soit pour la plus ancienne à compter du mois d’avril 2009.

L’interruption de la prescription une fois acquise en présence d’actes visés aux articles 2240, 2241, 2244 du code civil, s’étend d’une action à une autre si les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins.

En l’espèce, la demande reconventionnelle de la NORFI formulée par conclusions déposées au greffe du tribunal de grande instance de Marseille pour l’audience de mise en état du 29 avril 2010 et la saisie attribution par elle diligentée le 5 mars 2021 sur le compte bancaire de M. et Mme [J] dans le cadre de la présente instance, ne peuvent pas considérées comme poursuivant une fin identique, quoique concernant la même créance, dès lors que la première a pour finalité la délivrance d’un nouveau titre exécutoire, et que la seconde poursuit l’exécution d’un titre exécutoire déjà existant.

En outre, le créancier titulaire d’un titre exécutoire notarié pouvant interrompre le délai de prescription par l’engagement d’une mesure conservatoire ou d’une mesure d’exécution forcée, la volonté d’interrompre ce délai ne saurait justifier, en elle-même, par le biais d’une demande reconventionnelle en paiement, la liquidation de la créance constatée par le titre exécutoire.

En conséquence, eu égard à l’indépendance de ces deux actions, les actes interruptifs de prescription dans le cadre de l’action en paiement (conclusions portant demande reconventionnelle en paiement du 29 avril 2010, décision de sursis à statuer du tribunal de grande instance de Marseille du 17 juin 2010) à l’exclusion des assignations en intervention forcée délivrées par la NORFI des 20 et 26 avril 2010 à l’encontre du courtier la société Cafti, de son gérant et de son préposé (qui ne peuvent pas interrompre à l’égard des débiteurs) ne peuvent pas s’étendre à l’action en exécution du titre exécutoire notarié.

La prescription était donc largement acquise au jour de la saisie attribution pratiquée le 5 mars 2021, quelque soit la nature de la prescription, biennale ou quinquennale, dès lors que les délais de prescription ont commencé à courir, s’agissant du capital restant dû, à la date de déchéance du terme (soit le 14 septembre 2009) et s’agissant des mensualités impayées, à compter de leur date, soit pour la plus ancienne à compter du mois d’avril 2009. Cette constatation rend inopérant le débat sur la qualité ou non de consommateurs de M. et Mme [J].

En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie attribution du 5 mars 2021 à 10h37′, sauf à dire que cette mainlevée résulte de l’irrecevabilité de l’action en exécution forcée pour cause de prescription ; par l’effet de cette prescription, il n’y a pas lieu de statuer plus avant sur les autres prétentions relatives notamment à la régularité formelle de l’acte notarié.

Sur les demandes indemnitaires

La NORFI dont l’action est irrecevable comme prescrite, est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive. Le rejet de cette réclamation est donc confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant dans son recours, la NORFI est condamnée aux dépens d’appel et doit conserver la charge de ses frais de procédure. Elle est condamnée à verser à M. et Mme [J] une indemnité de procédure en appel.

Par ailleurs, les dispositions du jugement entrepris du chef des dépens et des frais irrépétibles sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf à dire que la mainlevée de la saisie attribution diligentée le 5 mars 2021 à 10h37 entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] et Environs résulte de l’irrecevabilité de l’action en exécution forcée de la Caisse Régionale Normande de Financement pour cause de prescription,

Ajoutant,

Condamne la Caisse Régionale Normande de Financement à verser à M. [L] [J] et Mme [F] [W] épouse [J] la somme de 3.000€ à titre d’indemnité de procédure d’appel,

Déboute la Caisse Régionale Normande de Financement de sa demande fondée en appel sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse Régionale Normande de Financement aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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