Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 22/00532

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Saisie-attribution : décision du 4 avril 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 22/00532

4 avril 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
22/00532

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/00532 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E7FF

Jugement du 17 Mars 2022

Juge de l’exécution du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 21/02072

ARRET DU 04 AVRIL 2023

APPELANT :

Monsieur [G] [P]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 11] (BELGIQUE)

[Adresse 5]

[Adresse 3] (BELGIQUE)

Représenté par Me Magalie MINAUD, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 2021101

INTIMEE :

Madame [W] [M]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 10] (BELGIQUE)

[Adresse 8]’

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie MOINE de la SELARL MOINE – DEMARET, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 23 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 04 avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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EXPOSE DU LITIGE

Poursuivant l’exécution d’un jugement prononcé par la Justice de Paix du canton de Nivelles le 3 janvier 2007 et d’un certificat exécutoire européeen délivré par le greffier de la Justice de Paix du canton de Nivelles le 12 mars 2020, ayant condamné Mme [W] [M] à verser une somme de 100 euros indexée, par enfant et par mois, à titre de part contributive dans les frais d’entretien et d’éducation de leurs enfants communs, [Z] et [U], M. [G] [P] a, selon procès-verbal du 1er juillet 2021, fait procéder à la saisie-attribution des sommes dont le Crédit agricole était tenu envers Mme [W] [M], afin d’obtenir paiement de la somme totale de 16 700,31 euros.

La saisie-attribution a été dénoncée à Mme [M] le 2 juillet 2021.

Par acte d’huissier délivré le 2 août 2021, Mme [M] a fait assigner M. [P] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire du Mans aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à son encontre soutenant, d’une part, que la mesure d’exécution avait été pratiquée sur le fondement d’un jugement périmé et, d’autre part, que les fonds saisis étaient insaisissables.

Par jugement contradictoire rendu le 17 mars 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire du Mans a :

– déclaré Mme [M] recevable en sa contestation,

– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,

– déclaré les demandes subsidiaires formulées par Mme [M] sans objet,

– jugé que M. [P] supportera la charge des frais de la mesure de saisie-attribution ainsi que des frais de mainlevée,

– débouté Mme [M] de sa demande de condamnation sous astreinte,

– débouté Mme [M] de sa demande indemnitaire pour abus de saisie,

– débouté M. [P] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour résistance abusive,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] aux entiers dépens.

Pour ordonner la mainlevée de la saisie litigieuse, le juge de l’exécution a retenu que celle-ci a été pratiquée alors que l’exécution du titre sur lequel elle se fonde ne pouvait plus être poursuivie à compter du 19 juin 2018 en application des dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution.

Par déclaration reçue au greffe le 25 mars 2022, M. [P] a interjeté appel de l’ensemble des dispositions de ce jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts.

Mme [M] a formé un appel incident du jugement en ce qu’il a déclaré ses demandes subsidiaires sans objet et l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [P] demande à la cour d’appel :

à titre principal,

– d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ses chefs visés dans la déclaration d’appel,

statuant à nouveau,

– de juger recevable car non prescrite la saisie-attribution pratiquée le 1er juillet 2021,

– de constater la régularité de la saisie-attribution et lui donner ses pleins effets,

– de condamner Mme [M] à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 121-3 du code des procédures civiles d’exécution,

– de condamner Mme [M] à lui payer une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre incident,

– de débouter Mme [M] de ses demandes,

– en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [M] prie la cour d’appel de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a déclaré ses demandes subsidiaires sans objet et l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

– condamner M. [P] à lui verser une somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner M. [P] à lui payer une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros en cause d’appel,

– condamner M. [P] aux dépens d’appel dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

– le 6 juin 2022 pour M. [P],

– le 1er juillet 2022, pour Mme [M].

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la recevabilité de la contestation de la mesure d’exécution

Aucune contestation n’étant soulevée par l’appelant, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré Mme [M] recevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée à son encontre le 1er juillet 2021.

– Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en exécution forcée

S’appuyant sur les dispositions de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, Mme [M] soutient que le titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie-attribution a été pratiquée est périmé faute d’avoir fait l’objet d’une exécution volontaire ou forcée depuis qu’il a été rendu en 2007. C’est donc à juste titre, selon elle, que le juge de l’exécution a ordonné la mainlevée de la mesure d’exécution contestée.

En réplique, M. [P] soutient que le délai de prescription décennal a été interrompu par les paiements volontaires effectués par Mme [M] en application des dispositions de l’article 2240 du code civil de sorte que le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à compter du 2 octobre 2012. Il en conclut que ce délai de prescription n’était pas acquis le 1er juillet 2021 lorsque la saisie a été pratiquée.

Il n’est pas contesté que M. [P] agit en exécution d’un jugement rendu par le Juge de Paix du canton de Nivelles (Belgique) le 3 janvier 2007 ayant condamné Mme [M] à payer à l’appelant une somme mensuelle de 100 euros indexée par enfant, soit au total une somme de 200 euros, hors allocations familiales, à titre de part contributive dans les frais d’entretien et d’éducation de leurs deux enfants communs.

Mme [M] ne conteste pas que ce jugement lui a été signifié avec commandement de payer par M. [N] [F], huissier de justice à [Localité 9] (Belgique) en date du 11 avril 2007.

Il ressort également des pièces produites que ce jugement a fait l’objet d’un acte de signfication avec commandement de payer en date du 26 janvier 2020 en application du Règlement (CE) 4/2009 du conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires et qu’un certificat exécutoire européen a été délivré par le greffier de la Justice de Paix de Nivelles le 12 mars 2020.

Il n’est pas discuté par les parties que, depuis le 18 juin 2011, le règlement européen précité supprime, en matière d’obligations alimentaires, conformément au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007, notamment ratifié par la France et la Belgique, l’exequatur pour les décisions rendues dans les Etats membres liés par ce protocole de sorte qu’une décision rendue dans un tel Etat membre et qui est exécutoire jouit de la force exécutoire dans un autre Etat membre.

La force exécutoire du jugement belge sur le fondement duquel la saisie-attribution a été pratiquée n’étant pas contestée, il découle des éléments qui précèdent que M. [P] dispose d’un titre exécutoire au sens de l’article L.111-3 2° du code des procédures civiles d’exécution lui permettant de pratiquer une mesure de saisie-attribution en application de l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Les parties s’accordent quant à l’application de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution aux termes duquel l’exécution des titres exécutoires relatifs à une décision de justice ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Les parties s’opposent en revanche sur le point de départ du délai de prescription et sur son interruption.

Il est constant que les dispositions de l’article L. 111-4 du code précité sont entrées en vigueur le 19 juin 2008 et, qu’antérieurement, l’exécution des titres exécutoires résultant des décisions de justice était soumise au délai de prescription de droit commun trentenaire.

L’article 2222 du code civil dispose que la loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il en découle que le délai de prescription décennal pour l’exécution du titre exécutoire que constitue le jugement rendu le 3 janvier 2007 par le juge de Juge de Paix du canton de Nivelles (Belgique) a commencé à courir le19 juin 2008 de sorte que la prescription n’était acquise que le 19 juin 2018, la durée totale du délai écoulé n’ayant pas excédé trente ans.

En vertu de l’article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Il en résulte que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, qui peut résulter d’un paiement partiel, interrompt le délai de prescription dès lors qu’elle intervient avant son expiration.

En l’espèce, M. [P] verse aux débats des copies d’extraits de son compte bancaire n°[XXXXXXXXXX06] dont il ressort qu’une somme de 210 euros y a été virée à huit reprises entre le 5 décembre 2011 et le 2 octobre 2012, en provenance du compte ‘[XXXXXXXXXX07] [M] [W]’ et dont le message associé fait mention de ‘[Z] et [U]’.

Ces pièces, à l’encontre desquelles Mme [M], qui se contente d’affirmer qu’elle n’a procédé à aucun paiement, ne développe aucune critique, suffisent à établir que cette dernière s’est acquittée au profit de M. [P], à huit reprises, d’une somme de 210 euros correspondant, eu égard à son montant et à la mention du prénom de ses deux fils portée dans le libellé de l’ensemble des virements, au paiement de la contribution à l’entretien et à l’éducation au paiement auquel elle a été condamnée par le jugement rendu le 3 janvier 2007 par le Juge de Paix de Nivelles.

Partant, chacun de ces paiements, bien que partiel, emporte reconnaissance par Mme [M] du droit de créance dont M. [P] se prévaut en application du jugement rendu le 3 janvier 2007 et, par voie de conséquence, interruption de prescription au sens des dispositions précitées pour l’intégralité du montant de la créance.

Le dernier paiement ayant été effectué le 2 octobre 2012, un nouveau délai de prescription décennal a commencé à courir à cette date de sorte que ce délai n’était pas acquis lorsque la saisie-attribution a été dénoncée à l’intimée en date du 2 juillet 2021 emportant nouvelle interruption du cours de la prescription.

Par suite, M. [P] était parfaitement recevable à pratiquer le 1er juillet 2021 une mesure de saisie-attribution à l’encontre de Mme [M] en exécution du jugement précité.

Dès lors, il convient de déclarer M. [P] recevable en son action en exécution forcée et débouter l’intimée de sa demande de mainlevée de cette mesure. Le jugement sera infirmé en ce qu’il en a ordonné la mainlevée et jugé que les frais de cette mesure seront supportés par M. [P].

Enfin, il y a lieu de relever que si Mme [M] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que ses demandes subsidaires se trouvaient dépourvues d’objet, cette dernière n’a saisi la cour d’aucune autre demande aux termes du dispositif de ses conclusions conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie

Outre que Mme [M] ne sollicite pas, dans le cadre de son appel incident, l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre, il découle des motifs qui précèdent que la saisie-attribution contestée n’est pas abusive.

Par suite, la demande indemnitaire ne peut qu’être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En application de l’article L. 121-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Il en découle que le créancier doit démontrer l’existence d’une faute, distincte de la seule résistance à la mesure prise à l’encontre du débiteur, lui ayant causé un préjudice.

En l’occurence, force est de constater que M. [P] ne rapporte ni la preuve d’une telle faute ni la preuve du préjudice qui en aurait résulté.

Le jugement qui l’a débouté de cette demande sera donc confirmé de ce chef.

– Sur les demandes accessoires

Mme [M] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, les dispositions relatives aux frais et dépens du jugement déféré étant infirmées.

L’équité commande de condamner Mme [M] à verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] sera par conséquent déboutée de sa demande formée à ce titre.

Le présent arrêt, à l’encontre duquel aucune voie de recours suspensive d’exécution n’est ouverte, étant exécutoire, la demande tendant à voir dire qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire est sans objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a déclaré Mme [W] [M] recevable en sa contestation et en ce qu’il a débouté M. [G] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et Mme [W] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE M. [G] [P] recevable en son action en exécution forcée,

DEBOUTE Mme [W] [M] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à son encontre le 1er juillet 2021,

DEBOUTE Mme [W] [M] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [W] [M] à payer à M. [G] [P] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure cvile,

CONDAMNE Mme [W] [M] aux dépens de première instance et d’appel,

DIT que la demande tendant à voir dire qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire est sans objet.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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