Saisie-attribution : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/02154

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Saisie-attribution : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/02154
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30 novembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/02154

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 NOVEMBRE 2023

N° RG 23/02154 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VYSV

AFFAIRE :

[C] [O]

C/

SINGAPORE AIRLINES LIMITED

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2023 par le Juge de l’exécution de Nanterre

N° RG : 22/03944

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 30.11.2023

à :

Me Paul BEAUSSILLON de la SCP MICHEL HENRY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Me Anne QUENTIER de la SELAS LSIX, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [C] [O]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6]

de nationalité Italienne

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Paul BEAUSSILLON de la SCP MICHEL HENRY ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P99

APPELANT

****************

SINGAPORE AIRLINES LIMITED

N° Siret : 303 200 893 (RCS Nanterre)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Anne QUENTIER de la SELAS LSIX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0381, substitué par Me Stéphane CLEMENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Octobre 2023, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’un jugement rendu par la juridiction prud’homale dans un litige opposant la société Singapore Airlines Limited et monsieur [C] [O], occupant en dernier lieu le poste de responsable des ventes fret avec le statut de cadre au sein de cette société avant de faire l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui lui fut notifié le 30 novembre 2017, la cour d’appel de Paris, par arrêt contradictoire rendu le 27 mai 2021 a :

infirmé le jugement sauf en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement pour discrimination en raison de l’état de santé du salarié et ordonné la réintégration de monsieur [C] [O] dans son emploi au sein de la société Singapore Airlines Limited,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

condamné la société Singapore Airlines Ltd à payer à monsieur [C] [O] l’ensemble des salaires et accessoires qui lui sont dus depuis le licenciement sur la base d’un salaire s’élevant à 3.441,34 euros sur quatorze mois, outre primes et accessoires jusqu’à sa réintégration, outre les intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

condamné la société Singapore Airlines Ltd à payer à monsieur [C] [O] la somme de 20.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice pour licenciement discriminatoire,

condamné monsieur [C] [O] à rembourser à la société Singapore Airlines Ltd les sommes de 95.589,12 euros net versée au titre de l’indemnité de licenciement et de 16.710,46 euros net versée au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

condamné la société Singapore Airlines Ltd à verser à monsieur [C] [O] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée de sa demande sur ce fondement,

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

condamné la société Singapore Airlines Ltd aux dépens.

Cet arrêt a été signifié à la société Singapore Airlines Ltd le 30 août 2021 et, par ordonnance rendue le 09 juin 2022, la délégataire de la première présidente de la Cour de cassation a déclaré cette société déchue de son pourvoi.

Dans le contexte d’une réintégration de monsieur [O], le 1er juin 2021 et du paiement, par la société Singapore Airlines Ltd de la somme de 33.135,59 euros selon un virement d’un compte CARPA, le 08 septembre 2021, monsieur [O], agissant en vertu de cet arrêt de la cour d’appel de Paris, a d’abord fait signifier à son employeur, le 05 janvier 2022, un commandement de payer afin de saisie-vente pour avoir paiement de la somme de 112.081,20 euros bruts correspondant à l’ensemble des salaires bruts dus pendant la période d’éviction, leurs accessoires, les dommages-intérêts, les dépens, les intérêts au taux légal, ceci après déduction de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des sommes déjà versées au titre de l’exécution provisoire par la société.

A la suite d’échanges relatifs au compte entre les parties, monsieur [O], en vertu de ce même titre, a fait pratiquer une saisie-attribution, le 29 mars 2022 (dénoncée le 1er avril suivant) sur les comptes de la société Singapore Airlines Ltd détenus par la société LCL pour un montant de 48.330,62 euros.

En suite de nouvelles observations formulées par le conseil de l’employeur, un nouveau décompte rectificatif a été édité le 31 mars 2022 incluant des intérêts objets d’un second décompte. La somme réclamée étant désormais de 34.832,06 euros, mainlevée partielle de la mesure a été donnée à hauteur de ce dernier montant le 1er avril 2022.

Par acte du 29 avril 2022, la société Singapore Airlines Ltd a assigné monsieur [O] en contestation de cette mesure, sollicitant à titre principal sa nullité et sa mainlevée (puis, dans le dernier état de la procédure, son cantonnement) et, à titre subsidiaire, la désignation d’un expert afin de permettre de déterminer le montant de la créance, cause de cette saisie.

Par jugement contradictoire rendu le 28 mars 2023 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, rappelant que sa décision est exécutoire de droit, a :

rejeté la demande de mainlevée de Singapore Airlines Limited ainsi que sa demande d’expertise,

cantonné les effets de la saisie-attribution pratiquée le 29 mars 2022 à la somme de 6.411,93 euros,

rejeté la demande d’astreinte de monsieur [C] [O],

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

condamné la société Singapore Airlines Limited à régler à monsieur [C] [O] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Monsieur [C] [O] a interjeté appel de ce jugement, selon déclaration reçue au greffe le 03 avril 2023, et, par ordonnance rendue le 15 juin 2023, le délégataire du premier président de la présente cour d’appel, sur saisine de monsieur [O], a ordonné le sursis à exécution de ce jugement en la seule considération de la demande commune des parties.

Par dernières conclusions notifiées le 16 juin 2023, monsieur [C] [O] demande à la cour, au visa des articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution :

d’infirmer le jugement (entrepris) en ce qu’il a cantonné les effets de la saisie attribution sur le compte de la société Singapore Airlines Limited dans les livres du LCL Le Crédit Lyonnais, pratiquée le 29 mars 2022, à la somme de 6.411,93 euros,

statuant à nouveau

de juger que la saisie-attribution pratiquée à la demande de monsieur [O] par acte de maître [R] [W], huissier de justice au sein de la société civile professionnelle Thomazon-Audrant-[W], huissiers de justice associés, le 29 mars 2022, ayant été dénoncée à la société Singapore Airlines Limited par acte du 1er avril 2022 est régulière et bien fondée en son montant,

d’ordonner une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision pendant 60 jours,

de condamner la société Singapore Airlines Limited à (lui) verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 14 septembre 2023, la société Singapore Airlines Limited, visant les articles 1347-1 et suivants du code civil, R 211-12 et L 111-6 du code des procédures civiles d’exécution et L 213-6 du code de l’organisation judiciaire, prie la cour :

de confirmer la décision (entreprise) en ce qu’elle a débouté monsieur [O] de sa demande au titre des congés payés et de ses billets d’avion ainsi qu’en sa demande d’astreinte,

de l’infirmer en ce qu’elle (l’) a déboutée de sa demande de constatation de l’application du mécanisme de la compensation et de cantonnement de la saisie-attribution pratiquée, à hauteur de 326 euros,

statuant à nouveau

¿ à titre principal

de constater l’application de la compensation et le paiement partiel de la société Singapore Airlines Limited envers monsieur [C] [O] à hauteur de 181.752 euros,

de constater le solde de la dette de la société Singapore Airlines Limited envers monsieur [C] [O] s’élevant à 326 euros,

¿ en tout état de cause

de condamner monsieur [C] [O] à supporter les frais du commandement de payer et de la saisie-attribution qu’il a lui-même initiés en raison de la disproportion de ces actes en regard de la dette réelle de la société,

de condamner monsieur [C] [O] à (lui) payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le cantonnement de la saisie-attribution

Il convient de rappeler que devant le juge de l’exécution, la société Singapore Airlines Ltd entendait voir cantonner la saisie-attribution litigieuse à cette somme de 326 euros arguant cumulativement d’une compensation mois par mois jusqu’au salaire de juin 2021, du règlement du net à payer effectué entre décembre 2017 et septembre 2021 et d’intérêts ne pouvant être calculés qu’à compter d’avril 2021, d’un droit aux congés payés déjà compris dans le salaire sur 12 mois et du caractère exorbitant de la participation réclamée à l’achat de billets d’avion non effectivement acquis.

Tandis que monsieur [O], soutenant qu’est justifiée en son montant la mesure mise en oeuvre à hauteur de 34.832,06 euros, contestait le moyen tiré de la compensation à laquelle il n’a pas consenti en affirmant qu’elle ne saurait priver le créancier de son droit à intérêts sans son accord; il se prévalait, en outre, du droit aux congés payés durant la période d’éviction et revendiquait le droit à être indemnisé des billets d’avion annuels auxquels il avait droit.

Pour cantonner la saisie-attribution à la somme de 6.411,93 euros, le juge de l’exécution a rejeté le moyen tiré de l’extinction de la créance de salaires par compensation du fait que les conditions de la compensation légale ou judiciaire n’étaient pas réunies, rejeté, par ailleurs, la demande de prise en compte des indemnités de congés payés de 2018 à 2019, nécessairement pris en compte dans le salaire de ce salarié au forfait annuel en jours travaillés, comme il a rejeté la demande d’indemnisation au titre de l’avantage en nature relatif à l’octroi de billets d’avion, faute de justification conventionnelle relative au bénéfice de cet avantage et l’impossibilité d’une évaluation forfaitaire.

En cause d’appel, les parties reprennent leurs prétentions initiales.

Les sommes contestées figurent dans un décompte général établi par le commissaire de justice instrumentaire (arrêté au 31 mars 2022 et produit en pièce n° 5 de l’appelant) qui présente un solde débiteur de 34.832,06 euros représentant la différence entre :

d’une part, les débits cumulés depuis décembre 2017 jusqu’à mars 2022 dont la société Singapore Airlines Ltd est redevable (pour un total de 280.977 euros) : salaires nets, accessoires au salaire (prime d’ancienneté et billets d’avion), congés payés afférents, condamnation indemnitaire (20.000 euros) et aux frais de procédure (2.000 euros) de l’arrêt précité, frais de signification et d’exécution, intérêts au taux légal (10.791,99 euros),

et, d’autre part, les crédits cumulés sur cette même période (pour un total de 246.144,94 euros), soit les sommes que monsieur [O] doit restituer, celles dont la société est débitrice à l’égard de tiers ou celles dont elle justifie du versement et, plus précisément, les cotisations sociales sur les salaires et accessoires, les impôts prélevés à la source depuis le 1er janvier 2019, le remboursement de l’indemnité de licenciement (95.589,12 euros) et de l’indemnité compensatrice de préavis (16.710,46 euros) dont elle s’est acquittée les 15 mai 2019 et 08 septembre 2021 (pour 33.135,59 euros puis 36.316,18 euros).

Le débat devant la cour porte sur les postes suivants tels que ressortant du détail de ce décompte:

au titre de l’indemnité brute de congés payés : une somme totale de 16.420,13 euros décomptée depuis le 31 décembre 2018 jusqu’au 31 mai 2021, soit : 4.796,54 + 4.892,48 + 4.940,92 + 1.790,19 euros,

au titre du ‘forfait avantage billets d’avion’ : une somme totale de 12.000 euros annuellement comptabilisée à hauteur de 4.000 euros les 31 décembre 2018, 2019 et 2020,

au titre des intérêts au taux légal afférents aux salaires ayant couru, mois par mois, à compter de la date d’exigibilité des salaires, représentant un montant total de 10.791,99 euros (selon le détail figurant dans le décompte produit en pièce n° 5.1 de l’appelant) et qui sont inclus dans le décompte sus-évoqué du 31 mars 2022.

Sur l’indemnité de congés payés durant la période d’éviction

Il ressort des pièces de la procédure, en particulier de l’examen des bulletins de salaire de monsieur [O] et de l’arrêt précité rendu par la cour d’appel de Paris (prenant pour base un traitement mensuel fixe s’élevant à 3.441,34 euros en avril 2017) qu’il était soumis à un forfait de 218 jours travaillés par an, que son salaire lui était versé mensuellement, et qu’il bénéficiait d’un treizième et d’un quatorzième mois versés deux fois l’an.

Alors, d’une part, que le premier juge, saisi d’une demande de cantonnement de la saisie-attribution litigieuse s’est prononcé sur l’inclusion de l’indemnité de congés payés dans la rémunération mensuelle forfaitaire de monsieur [O] et a justement énoncé qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer en l’espèce sur la question, développée par celui-ci, du droit à des congés payés durant la période d’éviction entre la date du licenciement et celle de la réintégration et alors, d’autre part, que de manière constante la société Singapore Airlines Ltd ne conteste pas qu’il puisse y prétendre, monsieur [O] reprend, d’abondance, cette question du droit à congés payés durant la période d’éviction ressortant de la récente jurisprudence de la Cour de cassation (Cass soc 1er décembre 2021, pourvoi n° 19-24766, publié au bulletin ), en conformité avec la jurisprudence européenne (CJUE, 25 juin 2020, C-762/18 et C-37/19).

Ce faisant, il évacue, à tort, la question de savoir s’il a effectivement été indemnisé au titre de ses congés ou s’il peut prétendre à une indemnité complémentaire.

Il convient de rappeler qu’il n’est pas interdit aux parties à un contrat de travail de prévoir une rémunération mensuelle forfaitaire incluant l’indemnité de congés payés dès lors, notamment, qu’elle ne place pas le salarié dans une position moins favorable que celle résultant de la stricte application des dispositions légales et qu’elle fait l’objet d’une clause transparente et compréhensible précisant la répartition entre rémunération et congés payés.

Si, pour affirmer que la rémunération forfaitaire de son salarié, la société Singapore Airlines Ltd soutient que la rémunération forfaitaire décomptée par le commissaire de justice sur quatorze mois comprenait les indemnités de congés payés et que, sauf à être doublement indemnisé, monsieur [O] ne peut prétendre à une indemnité complémentaire, ce dernier, sollicitant l’attribution d’une telle indemnité, laisse sans réponse l’observation du premier juge selon laquelle aucun contrat de travail n’était versé aux débats.

Il s’abstient en effet, en cause d’appel, de produire son contrat de travail et de démontrer que ses clauses lui ouvrent droit à l’indemnité brute de congés payés à laquelle il prétend à hauteur d’une somme totale de 16.420,13 euros explicitée ci-avant.

Ne sont pas davantage versés aux débats d’anciens bulletins de salaire laissant apparaître le versement d’une telle indemnité.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il décide que cette somme doit être exclue du décompte du 31 mars 2022.

Sur le ‘forfait avantage billets d’avion’

Afin de rejeter la demande de monsieur [O] tendant à ce qu’il soit jugé que la mesure litigieuse a porté sur cet avantage en nature dont il a été privé durant la période d’éviction considérée, le premier juge s’est fondé sur l’absence de production du contrat de travail, de nature à l’éclairer sur les conditions d’octroi de cet avantage, énonçant qu’il ne saurait être évalué forfaitairement, en contemplation d’évaluations de l’Urssaf versées aux débats, et que son attribution ne saurait relever de son pouvoir juridictionnel.

L’appelant reprend cette demande en indiquant que son évaluation correspond à l’indemnisation de quatre billets annuels et qu’il lui est impossible de prendre 16 billets d’avion en une année.

Il oppose à la société intimée qui poursuit la confirmation du jugement le fait qu’aucune règle de droit ne fait obstacle à l’indemnisation pécuniaire d’un avantage en nature dont le salarié n’a pu bénéficier et expose qu’il s’est référé à l’évaluation des avantages relatifs aux billets d’avion dont il a pu bénéficier, figurant sur son bulletin de salaire de décembre 2017 produit aux débats.

La société intimée approuve, quant à elle, la motivation du premier juge, ajoutant que sa participation ne saurait être réclamée sans achat effectif de billets et qu’en outre le montant réclamé, non explicité, est exorbitant en regard de ses barèmes d’évaluation desquels il ressort qu’il ne peut prétendre qu’à une participation de l’employeur à hauteur de 1.469,60 euros par an pour l’achat annuel de 4 billets d’avion sur la distance la plus longue desservie par la compagnie.

Ceci étant exposé, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 6 de l’arrêté du 10 décembre 2002 (dont il peut être précisé qu’il a fait l’objet d’une circulaire du 7 janvier 2003 définissant les avantages en nature comme constituant un élément de la rémunération, lequel, au même titre que le salaire proprement dit, doit donner lieu à cotisation), le montant d’un tel avantage, autre que la nourriture et le logement, est déterminé ‘d’après (sa) valeur réelle arrondie à la dizaine de centimes d’euros la plus proche’

Il doit donc être évalué par rapport à l’économie que réalise le salarié en tenant compte du prix de vente, par l’entreprise, du même produit ou service à un non salarié.

Force est de considérer, au cas particulier, qu’outre le fait que monsieur [O] s’abstient, comme il a été dit, de produire la convention le liant à la société Singapore Airlines Ltd qui aurait permis à la cour de connaître les conditions et modalités d’octroi de cet avantage en nature, il ressort de cet article 6 qu’il suppose un achat réel, étant observé, de plus, que le juge de l’exécution (et la présente cour d’appel investie des mêmes pouvoirs) ne saurait ajouter au dispositif sus-repris de l’arrêt servant de fondement à la voie d’exécution litigieuse en incluant un accessoire au surplus non valorisé ni valorisable, faute de production du contrat de travail.

Par suite, le jugement doit être confirmé en ce qu’il conclut que la saisie-attribution n’a pu porter sur la somme de 12.000 euros figurant dans le décompte du commissaire de justice au titre de l’avantage en nature relatif à l’octroi de billets d’avion.

Sur la créance relative aux intérêts légaux et les conditions de la compensation

Le juge de l’exécution a cantonné la saisie-attribution litigieuse à la somme de 6.411,93 euros sans préciser les éléments pris en compte pour parvenir à ce montant.

Au vu, toutefois, de sa motivation qui l’a conduit à rejeter les prétentions de monsieur [O] au titre des congés payés et de l’avantage en nature relatif aux billets d’avion ainsi que des décomptes du 31 mars 2022 produits, il apparaît que cette somme représente la différence entre le solde de la somme pour laquelle la saisie-attribution a été pratiquée, incluant le décompte des intérêts au taux légal (pour particulier) sur le principal de la condamnation calculés mois par mois, et le total des deux postes rejetés [34.832,06 euros – (16.420,13 euros + 12.000 euros)].

La société intimée fait grief au juge de l’exécution d’avoir refusé d’appliquer le mécanisme de la compensation à des créances échues postérieurement au 1er octobre 2016, lui reprochant de s’être fondé sur les anciens articles 1289 et suivants du code civil abrogés par la réforme du droit des contrats et d’avoir jugé, d’une part, que les conditions de la compensation légale n’étaient pas satisfaites, d’autre part, que la cour d’appel de Paris n’a pas ordonné la compensation entre la créance salariale et la créance de restitution.

Invoquant les articles 1347 et suivants (nouveaux) de ce code, l’appelante entend se prévaloir de l’exception de compensation conduisant, selon ses calculs, au cantonnement de la saisie-attribution, à la seule somme de 326 euros.

Elle soutient, pour ce faire, que les conditions de la compensation légale étaient réunies à la date de l’arrêt de la cour d’appel de Paris devenu définitif, le 21 avril 2021, elle-même étant débitrice d’une somme totale de 181.752 euros tandis que monsieur [O] devait lui restituer celle de 112.299 euros, soit un différentiel de 69.452 euros ; mais qu’il s’agit de créances connexes, qu’elle a versé, le 28 mars 2019, au titre de l’exécution provisoire la somme de 36.316 euros et par la suite celle de 33.136 euros de sorte qu’était éteinte la créance en principal ; et, pour ce qui est des intérêts, une compensation progressive ‘au mois le mois’ s’est opérée entre les sommes dues de part et d’autre si bien que ce n’est qu’à compter d’avril 2021 que les intérêts doivent être calculés, le décompte du technicien amiable qu’elle a mandaté (produit en pièce n° 18) faisant apparaître un solde positif en faveur de monsieur [O] à hauteur de 326 euros.

Ceci étant exposé, il n’est pas contesté que le conseil des prud’hommes, confirmé en cela par la cour d’appel de Paris, a prononcé la nullité du licenciement pour discrimination en raison de l’état de santé de monsieur [O] et que la créance salariale judiciairement constatée était assortie de l’intérêt au taux légal.

Le décompte des intérêts générés par la créance salariale que produit le salarié, totalisant la somme de 10.791,99 euros à ce titre, n’est pas davantage contesté par la société appelante en ce que les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible.

Cela étant, la société Singapore Airlines Ltd ne peut être suivie en sa demande tendant à voir reconnaître une compensation progressive au mois le mois s’étant opérée entre les sommes dues de part et d’autre dès lors que la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire et qui, comme monsieur [O], l’a reçue de bonne foi n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, de sorte que l’employeur ne saurait se prévaloir, comme il le fait, du versement effectif de ces sommes et des intérêts qu’elles ont produit.

Par suite et en l’absence de plus amples critiques de la décision entreprise quant aux modalités de calcul de la somme retenue pour cantonner la somme saisie-arrêtée, il convient de confirmer

le jugement quant au montant des effets de la mesure litigieuse.

En application des dispositions de l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, dès lors que, contrairement à ce que soutient la société Singapore Airlines Ltd, il ne résulte pas de la solution donnée au présent litige que les frais de l’exécution forcée étaient manifestement inutiles au moment où ils ont été exposés, ils seront mis à la charge de la débitrice.

Sur la demande d’astreinte

Si monsieur [O] reprend cette demande en cause d’appel, celle-ci méconnaît l’effet attributif immédiat au profit du créancier saisissant attaché à la saisie-attribution, ainsi qu’en dispose l’article L 211-2 du code des procédures civiles d’exécution.

C’est par conséquent à juste titre que le juge de l’exécution a débouté monsieur [O] de cette demande.

Sur les autres demandes

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en raison de la succombance partielle de l’une et de l’autre parties au litige.

Chacune d’entre elles conservera la charge de ses propres dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement entrepris ;

Déboute chacune des parties de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties au litige la charge de ses propres dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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