Saisie-attribution : décision du 3 avril 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02628

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Saisie-attribution : décision du 3 avril 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02628

3 avril 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/02628

MINUTE N° 23/208

Copie exécutoire à :

– Me Joseph WETZEL

– Me Laetitia RUMMLER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 03 Avril 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02628 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H4AC

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 juin 2022 par le juge de l’exécution de Selestat

APPELANTE :

Madame [E] [D] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉ :

Monsieur [V] [N]

[Adresse 3]

[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/2524 du 30/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

Représenté par Me Laetitia RUMMLER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au

greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Par jugement du 3 juillet 2013 signifié à la débitrice le 31 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné Madame [E] [D] épouse [B] à payer à Monsieur [V] [N] une somme de 8 724,42 € au titre de sommes que ce dernier a été amené à régler au bailleur au titre d’impayés locatifs en conséquence du cautionnement qu’il avait consenti à la débitrice.

Selon procès-verbal du 13 avril 2021, Monsieur [N] a fait procéder à la saisi- attribution des sommes détenues sur le compte bancaire joint au nom de Monsieur ou Madame [B] dans les livres de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ainsi que sur un livret d’épargne ouvert au nom de Madame [B], pour recouvrement d’une somme totale de 14 007,80 €, se détaillant notamment en 8 724,42 € au titre du principal et 4 690,93 € au titre des intérêts échus.

La saisie-attribution a été dénoncé à Madame [E] [D] épouse [B] le 14 avril 2021.

Par acte du 12 mai 2021, Madame [E] [D] épouse [B] a assigné Monsieur [V] [N] devant le juge de l’exécution du tribunal de proximité de Sélestat, aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur le compte joint ainsi que sur le compte ouvert à son nom, de voir ordonner le remboursement des montants saisis, subsidiairement, aux fins de voir rejeter la mesure de saisie-attribution au-delà des sommes que le demandeur justifie avoir payées pour son compte, dans la limite des cinq dernières années, et aux fins de voir condamner le demandeur au paiement d’une somme de 1 200 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [V] [N] a conclu au rejet des demandes et à la condamnation de Madame [E] [D] épouse [B] aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 1500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal de proximité de Sélestat a :

-ordonné le cantonnement à la somme de 9  316,85 € de la saisie pratiquée le 13 avril 2021 au profit de Monsieur [V] [N] sur les comptes ouverts au nom de Madame [E] [D] épouse [B] dans les livres de la société anonyme coopérative de banque, Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne,

-débouté Madame [E] [D] épouse [B] de ses autres demandes,

-condamné Madame [E] [D] épouse [B] à payer à Monsieur [V] [N] une indemnité de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné Madame [E] [D] épouse [B] aux dépens,

-constaté que le jugement est exécutoire de plein droit par provision.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que dans ses dernières écritures qui doivent seules être prises en considération, Madame [B] n’invoque aucune prescription du titre exécutoire ; qu’elle ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l’origine de la somme saisie sur le compte joint ; que la créance d’intérêt s’est prescrite par cinq ans conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil, de sorte que la créance doit être cantonnée.

Le 7 juillet 2022, Madame [E] [D] épouse [B] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception signé le 4 juillet 2022.

L’affaire a été fixée à bref délai par application de l’article 905 du code de procédure civile par ordonnance du 13 septembre 2022.

Par écritures notifiées le 22 novembre 2022, Madame [E] [D] épouse [B] a conclu à l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

-ordonner la mainlevée de la saisie-attribution opérée sur le compte joint de Madame [D] et de Monsieur [B] ouvert dans les livres de la Banque Populaire Alsace Moselle Champagne, ainsi que sur le compte ouvert au nom de Madame [D], cette dernière n’ayant pas de revenus propres,

-ordonner le remboursement des montants saisies,

Subsidiairement,

-débouter Monsieur [N] de toute mesure de saisie-attribution au-delà des sommes dont il justifie avoir payé, ces seuls montants pouvant porter intérêt dans la limite des cinq dernières années,

Sur appel incident,

-déclarer l’appel incident de Monsieur [N] mal fondé,

-le rejeter,

-débouter Monsieur [N] de toutes ses fins, demandes et prétentions,

En tout état de cause,

-condamner Monsieur [N] à payer à Madame [E] [D] épouse [B] une somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Monsieur [N] aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Elle fait valoir qu’elle s’est mariée avec Monsieur [B] sans contrat préalable le 26 août 2017, de sorte que le régime de la communauté légale est applicable ; que la dette est née antérieurement au mariage et lui est propre ; qu’en application des articles 1411 et 1415 du code civil, il incombe au créancier de rapporter la preuve que les sommes alimentant le compte joint lui sont propres, les sommes qui sont déposées étant présumées être des acquêts de communauté insaisissables ; qu’elle rapporte au demeurant la preuve de ce que les sommes alimentant le compte proviennent exclusivement de son époux ; que la saisie-attribution doit être levée ; que subsidiairement, Monsieur [N] ne peut la poursuivre qu’à hauteur des montants réellement versés par lui au créancier, conformément à l’article 2305 du code civil ; que les intérêts courant sur le principal auquel elle a été condamnée se prescrivent par cinq ans, de sorte que l’appel incident est mal fondé ; que son recours étant justifié, la demande relative à des dommages et intérêts pour procédure abusive et frustratoire est mal fondée.

Par écritures notifiées le 19 janvier 2023, Monsieur [V] [N] a conclu au rejet de l’appel principal et à la condamnation de Madame [E] [D] épouse [B] aux entiers dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 2 000 € pour procédure abusive et frustratoire et la somme de 1 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a formé appel incident pour voir infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a cantonné la saisie à la somme de 9 316,85 € et demande à la cour de valider la saisie en ce qu’elle porte également sur la somme de 4 690,93 € au titre des intérêts de la créance à la date de la saisie, ainsi que confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

Il fait valoir que le principe de sa créance n’est pas contestable, puisque résultant d’une décision ayant acquis autorité de chose jugée ; que Madame [B] n’apporte pas la preuve que son régime matrimonial n’a pas été modifié depuis le mariage et ne justifie pas plus de sa situation, entre l’année 2013, voire 2009 où elle quittait l’appartement loué sans régler l’arriéré de loyer, et l’année 2017(‘) où elle a épousé Monsieur [B], qui subviendrait à ses besoins ; qu’il incombe à Madame [B] de rapporter la preuve de ce que les fonds saisis proviennent de l’activité de son époux, ce qu’elle ne fait pas ; que le premier juge a à tort fait application d’une prescription de cinq ans sur les intérêts, alors que la créance relève du délai de prescription décennale applicable aux décisions de justice, l’acte d’exécution forcée interrompant par ailleurs le délai de prescription et non la saisine de la juridiction ; que le caractère abusif et dilatoire de la procédure justifie condamnation de l’appelante au paiement de dommages et intérêts.

MOTIFS

Sur la saisie-attribution du compte joint :

Selon l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

En vertu des dispositions de l’article 1410 du code civil, les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration de leur mariage, ou dont se trouvent grevées les successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage, leur demeurent personnelles, tant en capitaux qu’en arrérages ou intérêts.

L’article 1411 dispose que les créanciers de l’un ou de l’autre époux, dans le cas de l’article précédent, ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur.

L’article 1402 prévoit que tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

En l’espèce, la dette de Madame [D] [B] lui est propre, en ce qu’elle est antérieure à son mariage avec Monsieur [B], souscrit le 26 août 2017.

Les époux, mariés sans contrat préalable, sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts.

Conformément aux dispositions précitées, les sommes figurant sur le compte joint des époux [B] sont réputées être communes, de sorte qu’il incombe à Monsieur [N], qui ne peut poursuivre le recouvrement de la dette personnelle de Madame [B] que sur les biens propres de celle-ci et non sur des biens communs, de rapporter la preuve de ce que les sommes saisies sur le compte joint appartiennent en propre à la débitrice.

L’intimé n’apporte aucun élément de nature à établir ce fait et au contraire, Madame [B] prouve, par la production de ses avis d’imposition, puis de ceux du couple, pour les revenus de 2012 à 2021, qu’elle ne dispose d’aucun revenu personnel. Elle verse de même aux débats une attestation en date du 16 avril 2021de Monsieur [K], expert-comptable, qui affirme que l’entreprise individuelle de Monsieur [B], sous l’enseigne « Tabac La Royale » à [Localité 5], générant un bénéfice soumis à l’impôt sur le revenu, est le seul revenu connu et déclaré auprès de l’administration fiscale pour le couple Monsieur [Y] [B] et Madame [E] [D] épouse [B].

Il sera relevé que le montant total disponible sur le compte joint s’élève à 897,70 €, pour un montant saisi de 332,92 €, compatible avec le fait que le compte n’est alimenté que par les revenus professionnels de Monsieur [B]. Il n’est pour le reste pas justifié d’une saisie productive sur un compte épargne de Madame [B].

Il convient, au vu de ces éléments, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a validé la saisie-attribution à hauteur de 9 316,85 € et d’en ordonner la mainlevée.

Les prétentions de l’appelante étant fondées, il convient de rejeter la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et frustratoire.

Il sera constaté par ailleurs que l’appel incident est devenu sans objet en ce qu’il tendait à critiquer le cantonnement du montant de la saisie.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.

Partie perdante, Monsieur [N] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du même code.

Il sera alloué à l’appelante la somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour faire valoir ses droits.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes ouverts au nom de Monsieur et Madame [B] dans les livres de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne,

DEBOUTE Monsieur [V] [N] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [V] [N] aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

CONSTATE que l’appel incident formé par Monsieur [V] [N] est devenu sans objet,

DEBOUTE Monsieur [V] [N] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE Monsieur [V] [N] à payer à Madame [E] [D] épouse [B] la somme de 1 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [V] [N] aux dépens de l’instance d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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