Saisie-attribution : décision du 3 avril 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02449

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Saisie-attribution : décision du 3 avril 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/02449

3 avril 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/02449

MINUTE N° 23/180

Copie exécutoire à :

– Me Thierry CAHN

– Me Laurence FRICK

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 03 Avril 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02449 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3WJ

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 juin 2022 par le juge de l’exécution de Saverne

APPELANT :

Monsieur [W] [V]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry CAHN, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

Madame [M] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Madame [M] [L] et Monsieur [W] [V] se sont mariés le [Date mariage 1] 1975 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.

Par jugement en date du 18 avril 2018, le tribunal de grande instance de Saverne a prononcé leur divorce, aux torts exclusif de Monsieur [W] [V], qui a été condamné à verser à Madame [M] [L] une prestation compensatoire de 90 000 €.

Les parties se sont rapprochées et ont trouvé un accord en cours de procédure d’appel et par arrêt en date du 2 juin 2020, la cour d’appel de Colmar, reprenant les termes de cet accord, a prononcé le divorce entre Madame [M] [L] et Monsieur [W] [V] par acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de la rupture, a fixé à 200 000 € le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [W] [V] à Madame [M] [L] sous forme de capital devant être payé par un acompte de 75 000 € dans les deux mois de l’arrêt par prélèvement sur la part de liquidités de Monsieur dans la communauté, dont il sera tenu compte dans le cadre du partage, et le solde dans le cadre du partage de communauté et a dit qu’à défaut de règlement de la prestation compensatoire due à concurrence de 75 000 € par Monsieur [W] [V] dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt, la prestation compensatoire deviendrait exigible immédiatement dans son intégralité.

Cet arrêt a été signifié à Monsieur [W] [V] par acte en date du 5 novembre 2020.

Madame [M] [L] a le 1er juin 2021, fait signifier entre les mains du Crédit agricole, une saisie attribution des sommes dues par cette banque à Monsieur [W] [V], en exécution de l’arrêt du 2 juin 2020 pour un montant de 200 000 € en principal. La saisie s’est révélée fructueuse pour un montant de 16 794,23 €.

Cette mesure a été dénoncée à Monsieur [W] [V] par acte du 9 juin 2021 et ce dernier a, le 21 juin 2021, fait assigner Madame [M] [L] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saverne en annulation de la saisie dont il a demandé la mainlevée.

Il a fait valoir que Madame [M] [L] a commis un abus de droit car elle aurait dû prélever la somme de 75 000 € sur les comptes communs ouverts au Crédit mutuel à la Caisse d’épargne dont elle avait seule la libre disposition.

Madame [M] [L] s’est opposée aux demandes en faisant valoir qu’il n’a jamais été jugé qu’elle doive prélever elle-même la somme de 75 000 € sur les comptes dont elle avait la disposition.

Par jugement en date du 13 juin 2022, le juge de l’exécution ainsi saisi a déclaré recevable et mal fondée la contestation de la saisie-attribution formée par Monsieur [W] [V], qu’il a débouté de sa demande de nullité et de mainlevée et qu’il a condamné aux dépens et à payer à Madame [M] [L] la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu qu’ il appartenait à Monsieur [W] [V] de payer la somme de 75 000 € dans le délai fixé par la cour d’appel et qu’à défaut, la mesure d’exécution entreprise n’était pas critiquable.

Cette décision a été notifiée à Monsieur [W] [V] par le greffe mais la lettre de notification est revenue avec la mention « avisé et non réclamé ».

Monsieur [W] [V] a interjeté appel à l’encontre de la décision du juge de l’exécution suivant déclaration en date du 24 juin 2022.

L’affaire a été fixée à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées le 24 août 2022, Monsieur [W] [V] conclut à l’infirmation de l’entier jugement et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

-déclarer la contestation recevable et bien-fondée,

y faisant droit :

-déclarer la saisie-attribution nulle,

-ordonner la mainlevée de la saisie-attribution,

En tout état de cause :

-condamner Madame [M] [L] aux entiers frais et dépens d’appel,

-condamner Madame [M] [L] à lui payer la somme totale de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à savoir 500 € pour la procédure de première instance et 2 000 € pour l’appel.

L’appelant fait essentiellement valoir qu’aux termes de l’accord homologué par la cour d’appel, Madame [M] [L] devait prélever la somme de 75 000 € sur les comptes de la communauté et non sur un compte personnel de son ex époux et qu’en ne prélevant pas la somme de 75 000 € sur les comptes communs ouverts au Crédit mutuel et à la Caisse d’épargne, dont elle avait seule la libre disposition, Madame [M] [L] a commis un abus de droit.

En effet, elle aurait ainsi sciemment rendu le délai de paiements expiré, rendant ainsi exigible la totalité de la prestation compensatoire.

Il ajoute que le prélèvement pratiqué sur son compte personnel revient à le saisir sur ses biens propres et qu’une telle saisie entraînerait des conséquences manifestement excessives pour lui.

Il affirme enfin que « le code des procédures civiles d’exécution prévoit expressément que la saisie opérée souffre de nullité en cas de mauvaise imputation des remboursements ».

Par dernières écritures notifiées le 31 octobre 2022, Madame [M] [L] relève essentiellement que l’appelant ne propose aucun fondement juridique à l’appui de sa demande de nullité et ne développe aucun moyen qui pourrait conduire à la nullité de la saisie-attribution.

Elle fait valoir que la somme de 75 000 € devait être prélevée sur la part de communauté de Monsieur [V] dans la communauté et non sur un compte commun, cette part de liquidités pouvant figurer tant sur les comptes ouverts au nom des deux époux que sur un compte ouvert au nom de Monsieur [W] [V] lui-même.

Elle ajoute que Monsieur [W] [V] disposait, au moment de la signature de l’accord entre les parties, d’un montant de près de 90 000 € sur un compte ouvert auprès du Crédit Agricole à son nom et d’un montant de plus de 30 000 € sur deux comptes ouverts à son nom auprès de la Caisse de crédit mutuel canton de [Localité 3] de sorte qu’il aurait parfaitement pu s’acquitter du paiement de la somme de 75 000 € due à son épouse.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Il sera relevé en préambule que ne sont pas remises en cause à hauteur d’appel les dispositions du jugement déféré ayant déclaré recevable la contestation, par Monsieur [V], de la saisie-attribution diligentée le 1er juin 2021, à l’initiative de Madame [M] [L], entre les mains du Crédit agricole, en exécution de l’arrêt du 2 juin 2020.

Aux termes de l’article L 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.

Selon l’article L211-1 du même code, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Aucun texte ne prévoit que la validité de la saisie-attribution pratiquée en vertu d’un titre exécutoire soit conditionnée au fait qu’elle n’ait pas de conséquences manifestement excessives pour le débiteur.

L’allégation relativement absconse de Monsieur [V], suivant laquelle « le code des procédures civiles d’exécution prévoit expressément que la saisie opérée souffre de nullité en cas de mauvaise imputation des remboursements », ne repose sur aucun fondement textuel ou jurisprudentiel.

La difficulté réside dans ce litige dans le fait que l’accord conclu entre les parties en cours de procédure d’appel et repris tel quel par la cour d’appel de Colmar dans sa décision du 2 juin 2020, n’est pas suffisamment précis sur les modalités concrètes de règlement par Monsieur [V] qui en est débiteur, de la partie de la prestation compensatoire payable dans les deux mois de l’arrêt et ne fournit aucun élément quant aux comptes des époux ou de chacun d’entre eux.

Il reste que, aux termes de l’arrêt de la cour d’appel du 2 juin 2020, Monsieur [V] était incontestablement débiteur de la première tranche de la prestation compensatoire, dont la cour indique qu’à défaut par lui de son règlement dans les deux mois de l’arrêt, la totalité de la prestation compensatoire deviendra immédiatement exigible.

Au demeurant, l’accord conclu entre les parties prévoit expressément « afin de garantir à Madame [V] la perception effective à tout le moins d’une partie de la prestation compensatoire dès après le prononcé du divorce, il est

expressément convenu qu’à défaut pour Monsieur [V] de procéder au règlement de la prestation compensatoire par un acompte de 75 000 € par prélèvement sur sa part de communauté dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir, la prestation compensatoire deviendra exigible dans sa totalité sans délai ».

Monsieur [V] soutient que Madame [M] [L] aurait, ce qui semble difficile sans l’accord de son époux, transformé les comptes communs du couple en comptes à son nom personnel, de sorte qu’il n’aurait pas été en capacité d’opérer quelques prélèvements que ce soit sur ces comptes.

Pour autant, il ne rapporte aucunement la preuve de son allégation.

Il convient en outre de rappeler que sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres (article 1401 du code civil ) en cours de mariage.

Par ailleurs, en application de la présomption de communauté des biens instituée à l’article 1402 du code civil, les fonds déposés sur le compte bancaire d’un époux sont présumés, dans les rapports entre conjoints, être des acquêts de communauté.

Dès lors que Monsieur [W] [V] ne conteste pas qu’il disposait, au jour de la conclusion de l’accord que la cour a homologué, des fonds, présumés acquêts de communauté, sur un compte ouvert à son nom lui permettant d’acquitter le règlement de la somme de 75 000 € dans le délai fixé par la cour et donc par prélèvement sur sa part de liquidités dans la communauté, Madame [M] [L] était fondée à considérer que le défaut de règlement par son ex époux de cette somme dans le délai accordé, avait entraîné l’exigibilité immédiate de la totalité de la prestation compensatoire.

Elle était ainsi fondée, en application du titre exécutoire sans commettre aucun abus, à faire diligenter la saisie attribution litigieuse.

Il suit de ces développements que la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de Monsieur [V].

Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif

Il n’apparaît pas qu’en interjetant appel à l’encontre de la décision du juge de l’exécution, Monsieur [V] ait abusé de son droit d’ester en justice, alors que l’imprécision de l’accord passé entre les parties n’a pu que créer des difficultés d’interprétation.

Il en résulte que la demande de dommages intérêts pour appel abusif sera rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie perdante à hauteur d’appel, Monsieur [V] sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il sera fait droit à la demande formée par Madame [M] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans la limite de la somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME la décision déférée dans ses dispositions soumises à la cour,

Et y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages intérêts pour appel abusif,

REJETTE la demande de Monsieur [W] [V] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [W] [V] à payer à Madame [M] [L] la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [W] [V] aux dépens.

La Greffière La Présidente

 


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