Saisie-attribution : décision du 29 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02918

·

·

Saisie-attribution : décision du 29 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02918

29 novembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02918

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 NOVEMBRE 2023

N° RG 21/02918

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYQF

AFFAIRE :

S.A.S. SP3 venant aux droits de la société SP3 NETTOYAGE

C/

[I] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARTRES

Section : C

N° RG : 18/00794

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sophie CAUBEL

Me Claire RICARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 22 novembre 2023 puis prorogé au 29 novembre 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

S.A.S. SP3 venant aux droits de la société SP3 NETTOYAGE

N° SIRET : 410 157 598

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CAUBEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 472

APPELANTE

****************

Madame [I] [V]

Née le 11 août 1977 à [Localité 5] (PORTUGAL)

de nationalité portugaise

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Virginie VARAS de la SELARL DV AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [V] a été engagée par la société SP3 Nettoyage, en qualité de secrétaire commerciale, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 9 novembre 1999.

L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté.

A compter du 15 juillet 2015 la salariée a exercé les fonctions d’assistante sociale au sein de l’entreprise.

Le 3 décembre 2013, la salariée a été élue déléguée du personnel et membre du comité d’entreprise.

A compter de novembre 2015, la salariée a été placée en arrêt maladie à plusieurs reprises puis à la suite d’un nouvel arrêt du 1er février 2016, elle n’a jamais repris son poste.

A la suite d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail le 8 mars 2017, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 19 juin 2017.

Le 26 juin 2017, l’employeur a notifié à la salariée l’annulation de son licenciement et a adressé à l’inspection du travail une demande d’autorisation préalable de licenciement pour inaptitude.

Par lettre du 27 juillet 2017, l’inspection du travail a déclaré cette demande irrecevable au motif que dès l’instant où le licenciement avait été notifié, il ne pouvait être annulé unilatéralement par l’employeur, sans l’accord du salarié.

Cette décision a été confirmée par le ministre du travail le 8 juin 2018.

Le 1er décembre 2017, Mme [V] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre de demandes tendant à l’annulation de son licenciement, intervenu en violation de la procédure administrative d’autorisation préalable, et au paiement de diverses indemnités.

Par ordonnance de référé du 26 mars 2018, la juridiction prud’homale a dit que la formation de référé n’était pas compétente pour statuer sur les demandes de Mme [V].

Sur appel de la salariée, par arrêt rendu le 8 novembre 2018, la cour d’appel de Versailles a infirmé l’ordonnance déférée et, statuant à nouveau, a condamné la société SP3 Nettoyage à payer à Mme [V] à titre provisionnel les sommes de 10 225,57 euros d’indemnité de licenciement, 2 785,28 euros d’indemnité compensatrice de préavis, 2 398,28 euros d’indemnité spécifique et 14 000 euros de dommages-intérêts au titre du licenciement nul.

Le pourvoi formé par l’employeur a été rejeté par un arrêt du 18 novembre 2020 de la chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n°19-10.286, publié).

Auparavant, le 28 février 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre au fond aux fins de dire son licenciement nul, dire que la société SP3 Nettoyage a commis des manquements à son obligation de reclassement et des actes de harcèlement moral, dire que la société a entravé ses fonctions représentatives, et condamner la société SP3 Nettoyage à lui payer diverses sommes de nature indemnitaire.

Par une saisie attribution en date du 26 février 2019, Mme [V] a appréhendé une somme de 34 525,50 euros sur l’un des comptes bancaires de la société, ouvert auprès de la Caisse d’Épargne IDF. Par jugement du 9 mai 2019 le juge de l’exécution de Nanterre a débouté la société de sa contestation de cette saisie et de sa demande de délais.

Par un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté les contestations de la société SP3 portant sur la décision de l’Inspecteur du travail, puis sur celle du ministère du travail et de l’emploi déclarant nulle la procédure de licenciement de Mme [V].

Mme [V] a continué à être rémunérée par la société SP3 Nettoyage durant près de deux années (jusqu’au 31 mai 2019) après son licenciement.

Le 11 février 2021, le Premier Président de la cour d’appel de Versailles a ordonné le transfert du dossier devant le conseil de prud’hommes de Chartres.

Par jugement du 27 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Chartres (section commerce) a :

en la forme,

– reçu Mme [V] en ses demandes,

– reçu la société SP3 Nettoyage en ses demandes reconventionnelles,

au fond,

– dit que le licenciement de Mme [V] est nul, de nul effet et abusif,

en conséquence,

– condamné la société SP3 Nettoyage à verser à Mme [V] les sommes suivantes :

. 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

. 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à ses fonctions représentatives et de son préjudice moral,

. 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [V] du surplus de ses demandes,

– débouté la société SP3 Nettoyage de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la société SP3 Nettoyage aux entiers dépens qui comprendront les frais d’exécution éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 5 octobre 2021, la société SP3, venant aux droits de la société SP3 Nettoyage, a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance d’incident du 6 février 2023, le conseiller de la mise en état de la 25e chambre a, notamment, rejeté la demande d’irrecevabilité de l’appel incident formé par la salariée.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 septembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société SP3 venant aux droits de la société SP3 Nettoyage demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Chartres en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes de :

. dommages et intérêts pour la perte de ses allocations chômage,

. dommages et intérêts pour la perte de ses droits à la retraite relatifs aux périodes de non indemnisation par Pôle emploi,

. et de dommages et intérêts au titre du harcèlement procédural dont elle prétend avoir fait l’objet,

– infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Chartres en ce qu’il a :

. condamné la société SP3 à verser à Mme [V] les sommes suivantes :

* 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à ses fonctions représentatives et préjudice moral,

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. débouté la société SP3 de sa demande de restitution par Mme [V] de la somme de 39.938,39 € au titre des salaires indûment perçus entre janvier 2018 et mai 2019,

statuant à nouveau,

– condamner Mme [V] à restituer à la société SP3 la somme de 39 938,39 euros au titre des salaires indûment perçus entre janvier 2018 et mai 2019,

– ordonner la compensation entre le montant des salaires indûment perçus entre janvier 2018 et mai 2019 et le montant global de sa condamnation au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,

– condamner Mme [V] à lui verser a somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [V] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [V] demande à la cour de :

– Juger Madame [I] [V] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel, y compris à titre d’appel incident,

– Se déclarer saisie de l’appel incident de Mme [V],

– confirmer le Jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé nul et de nul effet le licenciement prononcé à son encontre, et condamné en conséquence la société SP3 Nettoyage à l’indemniser des préjudices subis,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société SP3 Nettoyage à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté la société SP3 de ses autres demandes.

A titre incident,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il n’a pas fait droit à l’ensemble des demandes indemnitaires formées par Mme [V], et à ce titre :

– l’infirmer en ce qu’il n’a condamné la société SP3 qu’à la seule somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires à ceux ordonnés précédemment par la cour à titre provisionnel, pour licenciement abusif,

– l’infirmer en ce qu’il n’a condamné la société SP3 qu’à la seule comme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à ses fonctions représentatives et pour harcèlement procédural,

– l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de ses allocations chômage (période postérieure à la perception des rémunérations SP3), faute d’attestation Assedic délivrée par l’employeur y compris jusqu’à ce jour, à hauteur de la somme de 12 902,58 euros,

– l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de ses droits à la retraite relatifs à ces périodes de non indemnisation, à hauteur de la somme de 10 000 euros,

– l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement procédural dont elle a fait l’objet, à hauteur de la somme de 5 000 euros,

statuant à nouveau, et y ajoutant,

– Juger, en tant que de besoin, que le contrat de travail de Mme [V] a été rompu, à l’initiative de l’employeur dans le cadre d’une procédure de licenciement pour inaptitude,

– Juger que la procédure de licenciement de Mme [V] étant intervenue en violation de la procédure d’autorisation préalable, notamment par l’Inspection du travail, ainsi que par les représentants du personnel, ledit licenciement est nul et de nul effet,

– Juger que la société SP3 NETTOYAGE a par ailleurs commis des manquements à son obligation de reclassement de Mme [V],

– Juger que ladite société a également commis des actes de harcèlement moral, à l’encontre de sa salariée,

– Juger que ladite société a également entravé les fonctions représentatives de Mme [V],

– juger en conséquence de plus fort son licenciement nul, de nul effet et abusif,

– en conséquence, condamner la société SP3 Nettoyage à lui payer la somme de 55 702 euros à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif,

– condamner la société SP3 Nettoyage à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’entrave à ses fonctions représentatives et de son préjudice moral,

– condamner la société SP3 Nettoyage à lui payer la somme de 12 902,58 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de ses allocations chômage (période postérieure à la perception des rémunérations SP3), faute d’attestation Assedic délivrée par l’employeur y compris jusqu’à ce jour,

– condamner la société SP3 Nettoyage à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de ses droits à la retraite relatifs à ces périodes de non indemnisation,

– condamner la société SP3 Nettoyage à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement procédural dont elle a fait l’objet,

– condamner la société SP3 Nettoyage à lui payer la somme complémentaire de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société SP3 Nettoyage aux entiers dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel incident

L’employeur expose, se fondant sur les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile, que les chefs de jugement dont l’infirmation n’a pas été sollicitée ne peuvent qu’être confirmés. Il fait valoir que dans ses conclusions d’intimée avec appel incident, la salariée a demandé de confirmer le jugement sur certains points et, à titre incident, de le condamner à lui payer certaines sommes sans toutefois demander l’infirmation d’aucun des chefs de jugement de la décision rendue le 27 septembre 2021.

En réplique, la salariée conclut au contraire à la recevabilité de son appel incident.

Elle fait d’abord valoir que par ordonnance du 6 février 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d’irrecevabilité de l’appel incident qu’elle a interjeté.

Elle soutient ensuite que la cour est saisie dans les termes des conclusions d’appel contenant appel incident et qui sont conformes aux prescriptions des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile. Elle fait valoir qu’ajouter à ces dispositions des contraintes de terminologie restrictives conduirait à déformer l’intention du législateur, qui est, certes, d’encadrer l’appréhension des demandes formulées en appel, mais pas d’imposer un carcan sémantique. Elle précise que dans ses premières écritures, en utilisant la formule « à titre incident, statuant à nouveau et y ajoutant… » les dispositions du code de procédure civile ont été respectées. Elle fait enfin valoir que le droit d’accès au juge prévu par la convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’absence de toute sémantique orthodoxe quant à l’usage impératif du terme « infirmer » ou « réformer » figurant dans la loi doivent conduire la cour à se considérer saisie de l’appel incident soulevé dans les conclusions du 9 mars 2022 et repris dans celles du 13 mars 2023.

***

L’article 909 du code de procédure civile prévoit que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Il résulte des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’intimé forme un appel incident et ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que déclarer irrecevables ces conclusions, l’appel incident n’est pas valablement formé.

L’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a jamais été affirmée par la cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d’ appel antérieure au 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n°18-23.626), aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. (2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n°20-10.694).

En l’espèce, comme le soutient la salariée, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 6 février 2023 rejeté la demande d’irrecevabilité de l’appel incident. Toutefois, l’ordonnance n’a pas tranché la question au fond, les motifs en étant ainsi rédigés : « En l’espèce, les conclusions de l’intimée, qui ne comportent aucune prétention tendant à l’infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne constituent pas un appel incident valable. Toutefois, le conseiller de la mise en état ne peut se substituer à la cour, laquelle ne peut statuer sur les aspects du litige tranchés par le jugement qu’en raison de son infirmation ou son annulation préalable, pour dire celle-ci saisie des conclusions de confirmation du jugement entrepris sans appel incident ». Le conseiller de la mise en état a donc décliné sa compétence pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel incident formé par la salariée, et son ordonnance n’a fait l’objet d’aucun déféré.

Il revient donc à la cour de statuer sur cette question.

Le dispositif des premières conclusions de l’intimée, intitulées « CONCLUSIONS D’APPEL N°1 » et remises au greffe dans le délai prévu à l’article 909 du code de procédure civile, non pas le 9 mars 2022, mais le 11 mars 2022, est rédigé de la façon suivante :

«

PAR CES MOTIFS

Vu les articles L. 2411-1 et suivants du Code du travail,

Vu les articles L. 1226-2 et suivants du Code du travail,

Vu les articles L. 1152-1 et suivants du Code du travail,

Vu l’article L. 1235-3-1 du Code du travail,

Vu les articles L. 1132-4 et suivants du Code du travail, 

Vu l’article 1240 du Code civil,

Vu le jugement définitif du Tribunal administratif de CERGY en date du 17 décembre 2020,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 2020,

– Confirmer le Jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé nul et de nul effet le licenciement prononcé à l’encontre de Mme [I] [V], et condamné en conséquence la société SP3 NETTOYAGE à l’indemniser des préjudices subis,

– Confirmer le Jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société SP3 NETTOYAGE à payer à Mme [V] une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du CPC.

A titre incident, statuant à nouveau, et y ajoutant,

– Juger Madame [I] [V] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

– Débouter la société SP3 NETTOYAGE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Juger, en tant que de besoin, que le contrat de travail de Mme [V] a été rompu, à l’initiative de l’employeur dans le cadre d’une procédure de licenciement pour inaptitude,

– Juger que la procédure de licenciement de Mme [V] étant intervenue en violation de la procédure d’autorisation préalable, notamment par l’Inspection du travail, ainsi que par les représentants du personnel, ledit licenciement est nul et de nul effet,

– Juger que la société SP3 NETTOYAGE a par ailleurs commis des manquements à son obligation de reclassement de Mme [V],

– Juger que ladite société a également commis des actes de harcèlement moral, à l’encontre de sa salariée,

– Juger que ladite société a également entravé les fonctions représentatives de Mme [V],

– En conséquence, juger de plus fort le licenciement de Mme [V] nul, de nul effet et abusif,

– En conséquence, condamner la société SP3 NETTOYAGE à payer à Mme [V] la somme de 55 702 € à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif,

– Condamner la société SP3 NETTOYAGE à payer à Mme [V] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de l’entrave à ses fonctions représentatives et de son préjudice moral,

– Condamner la société SP3 NETTOYAGE à payer à Mme [V] la somme de 12 902,58 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de ses allocations chômage (période postérieure à la perception des rémunérations SP3), faute d’attestation ASSEDIC délivrée par l’employeur y compris jusqu’à ce jour,

– Condamner la société SP3 NETTOYAGE à payer à Mme [V] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de ses droits à la retraite relatifs à ces périodes de non indemnisation,

– Condamner la société SP3 NETTOYAGE à verser à Mme [V] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement procédural dont elle a fait l’objet,

– Condamner la société SP3 NETTOYAGE à payer à Madame [I] [V] la somme complémentaire de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société SP3 NETTOYAGE aux entiers dépens. »

Il ressort du dispositif de ces conclusions que l’intimée n’a demandé ni l’infirmation ni l’annulation du jugement attaqué.

Ces conclusions, remises au greffe le 11 mars 2022, sont postérieures au 17 septembre 2020.

Ce n’est que dans ses conclusions du 14 mars 2023, remises après l’incident, que la salariée a formé appel incident dans le dispositif de ses écritures devant la cour à laquelle elle demande de :

« (‘) Statuant sur l’appel incident,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il n’a pas fait droit à

l’ensemble des demandes indemnitaires formées par Mme [V], et à ce titre : (‘) »

Il en résulte que faute, pour l’intimée, d’avoir demandé l’infirmation ou l’annulation du jugement dans le dispositif de ses premières conclusions d’intimée déposées dans le délai de l’article 909 précité, l’appel incident n’est pas valablement formé. Il est à cet égard irrecevable et sera déclaré tel.

L’appel principal de la société ne produit d’effet dévolutif qu’à l’égard de la condamnation de cette dernière au paiement des sommes suivantes :

. 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

. 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave aux fonctions représentatives et préjudice moral,

. 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il produit aussi effet dévolutif relativement au débouté de la demande de la société visant à la restitution, par la salariée, de la somme de 39 938,39 euros au titre des salaires qu’elle a perçus entre janvier 2018 et mai 2019.

Sur la demande de dommages-intérêts pour « licenciement abusif »

L’employeur ne conteste pas la nullité du licenciement. Il expose toutefois que le jugement déféré à la cour l’a condamné à verser à la salariée une somme totale de 54 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, cette somme incluant les 14 000 euros déjà réglés au titre de l’arrêt du 8 novembre 2018, ce qui est disproportionné.

En réplique, la salariée expose que son préjudice est caractérisé au regard des circonstances de l’affaire ainsi que de son ancienneté de près de 18 ans.

***

A titre liminaire, la cour relève d’abord que le conseil de prud’hommes a condamné la société à payer à la salariée une indemnité de « 40 000 euros (‘) à titre de dommages et intérêts à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif » (sic). Il n’est pas contesté que cette indemnité répare la nullité du licenciement, retenue par les premiers juges.

La demande dont la cour est saisie s’analyse en réalité en une demande d’infirmation de la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.

La cour relève ensuite que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 8 novembre 2018 (définitif en raison du rejet du pourvoi formé contre lui) n’a accordé à la salariée qu’une provision de 14 000 euros au titre du licenciement nul. En accordant à la salariée la somme de 40 000 euros, le conseil de prud’hommes a tenu compte du versement, déjà effectué par la société à titre provisionnel. Cela découle des motifs du jugement dont il ressort : « En conséquence, la société SP3 Nettoyage est condamnée à [payer à la salariée] la somme de 54 000 euros ; qu’il faut déduire de cette somme la provision de la cour d’appel de Versailles pour un montant de 14 000 euros qui a déjà été versé à [la salariée]. Il reste donc à verser à la [la salariée] la somme de 40 000 euros ».

C’est donc à juste titre que l’employeur expose qu’en réalité, la condamnation du conseil de prud’hommes représente la somme de 54 000 euros.

Ces précisions étant apportées, il revient donc à la cour d’apprécier le montant de l’indemnité qui est due à ce titre à la salariée, étant rappelé que s’agissant d’un licenciement prononcé le 19 juin 2017, l’article L. 1235-3-1 du code du travail n’avait pas encore été adopté.

En l’état de la jurisprudence alors applicable, le salarié victime d’un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Sans être contestée par l’employeur sur ce point, la salariée évalue à 2 320,92 euros sa rémunération brute mensuelle. Il en résulte que l’indemnité pour licenciement nul à laquelle elle peut prétendre ne peut être inférieure à la somme de 13 925,52 euros, correspondant approximativement à la provision qui lui a été accordée par la cour d’appel de Versailles dans le cadre de la procédure de référé.

A la date du licenciement nul ‘ 19 juin 2017 ‘ la salariée justifiait d’une ancienneté de dix-sept années entières. Pour être née le 11 août 1977, la salariée était âgée de près de quarante ans. Elle n’a pas pu entreprendre de recherche d’emploi aussitôt après la rupture, faute pour l’employeur de lui avoir délivré ses documents de fin de contrat.

Compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture, et même si dans les faits la salariée a perçu son salaire jusqu’en mai 2019, le préjudice qui résulte, pour elle, de la perte injustifiée de son emploi a justement été apprécié par le conseil de prud’hommes qui l’a évalué à 54 000 euros.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de restitution des salaires

L’employeur demande la condamnation de la salariée à lui restituer la somme de 39 938,39 euros au titre des salaires indûment perçus entre janvier 2018 et mai 2019. Il expose, sans invoquer aucun texte, qu’il a continué à payer les salaires de la salariée durant cette période et ajoute que sa demande de restitution n’est pas prescrite dès lors que la demande de répétition de l’indu est la conséquence directe de l’annulation du licenciement et constitue ainsi une demande accessoire et subséquente de la demande principale et que la saisine de Mme [V] du 28 février 2018 a interrompu la prescription.

En réplique, la salariée se fonde sur l’adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » et soutient qu’elle n’a jamais demandé à être rémunérée par son employeur à compter de la notification de son licenciement, lequel était effectif, même s’il était entaché de nullité. Elle ajoute qu’en décidant, en dépit de ce licenciement, de continuer à lui verser son salaire, l’employeur en est seul responsable. Elle précise au surplus que ces salaires sont simplement venus compenser les allocations chômage dont elle a été indûment privée. Elle en déduit qu’aucune demande en répétition de l’indu n’est fondée et soutient en outre qu’à la supposer fondée, elle serait pour partie prescrite pour ceux antérieurs au 22 juin 2018 en application de l’article L. 3245-1 du code du travail.

***

L’article 1302 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.

L’article 1302-1 prescrit que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Suivant l’article 1302-2, celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir en restitution contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier, par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance.

La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur.

Selon l’article 1302-3 la restitution est soumise aux règles fixées aux articles 1352 à 1352-9.

Elle peut être réduite si le paiement procède d’une faute.

En l’espèce, il se déduit des écritures des parties que l’employeur ‘ solvens ‘ se fonde sur les dispositions du code civil relatives au paiement de l’indu et que la salariée ‘ accipiens ‘ s’oppose à cette demande en invoquant la faute de l’employeur qui, malgré le licenciement qu’il a prononcé, a continué à lui verser son salaire.

Il n’est pas contesté que postérieurement au licenciement de la salariée, l’employeur a, pendant près de deux ans jusqu’à mai 2019, continué à lui verser son salaire. Ainsi qu’il ressort des débats et de la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (pièce 57 de la salariée), la salariée n’avait pas demandé sa réintégration après le licenciement litigieux. Le paiement des salaires est donc indu.

Le choix de continuer à payer les salaires de la salariée ne procède pas d’une faute en soi compte tenu du statut de salarié protégée qui risquait d’entraîner une demande de réintégration en cas de licenciement nul ou une demande de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur. En revanche est fautif le fait pour l’employeur de demander la restitution alors qu’il n’a pas mis en mesure la salariée d’être indemnisée par Pôle emploi, faute, pour lui, d’avoir délivré les documents de fin de contrat. Dès lors, faire droit à la demande de répétition formée par l’employeur, reviendrait à priver rétroactivement la salariée de toute rémunération pendant tout le temps où son salaire a été maintenu.

Il en résulte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’employeur de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour entrave aux fonctions représentatives et préjudice moral

L’employeur reproche aux premiers juges d’avoir accueilli cette demande sans toutefois identifier des agissements ayant entravé la salariée dans l’exercice de son mandat de déléguée du personnel. Il affirme que la salariée ne rapporte pas cette preuve, pas plus qu’elle ne rapporte la preuve du harcèlement moral qu’elle dénonce.

En réplique, la salariée expose avoir rencontré des difficultés résultant du harcèlement moral qu’elle subissait de la part de M. [C], son supérieur hiérarchique, DRH et DAF depuis fin 2011. Elle présente ces difficultés comme contribuant au harcèlement moral qu’elle dénonce et comme une entrave à ses fonctions représentatives.

***

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 dans sa version applicable à l’espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, la salariée invoque pêle-mêle les faits suivants au soutien du harcèlement moral qu’elle dénonce mais également de l’entrave à ses fonctions représentatives :

. l’absence de support hiérarchique et technique de M. [C] lorsqu’elle a été amenée à remplacer de sa supérieure hiérarchique directe, en congé maternité,

. la contrainte que lui a imposée M. [C] de devoir gérer un dossier de harcèlement moral dans lequel le père de sa filleule était impliqué,

. l’attribution de son poste et de son bureau, à son retour de congé maternité, à une autre salariée engagée en CDI et moyennant une rémunération supérieure,

. son affectation à la formation professionnelle qu’elle ne maîtrisait pas,

. les retards de M. [C] à signer des documents urgents et la contrainte qu’il lui imposait de noter ses heures de travail,

. le fait qu’elle était écartée de toutes les réunions, y compris celle qu’elle préparait,

. le fait que M. [C] ne la saluait pas et ne communiquait avec elle que par courriels ou par le biais de sa nouvelle assistante,

. le fait, pour M. [C], lors des élections au comité d’entreprise en 2013, d’avoir dit qu’il était inutile de l’inscrire sur la liste des candidats, au prétexte fallacieux qu’elle allait quitter la société,

. le fait qu’elle a dû assumer le travail d’une collègue qui avait quitté l’entreprise,

. le fait qu’elle ne pouvait accomplir son travail, en tant que chargée de la formation professionnelle car M. [C] refusait d’effectuer les règlements dans les délais,

. son isolement physique et professionnel du service,

. le fait qu’après avoir dénoncé, en avril 2015, sa marginalisation et le harcèlement moral dont elle était victime, il lui a été proposé un poste d’assistante sociale, qu’elle a accepté pour échapper à sa situation invivable, mais qui ne s’est accompagnée d’aucune formation,

. la dégradation de son état de santé s’est dégradé,

. son affectation à un nouveau bureau comparable à un débarras, vestiaire du comité d’entreprise, sans lumière naturelle, sans aération, situé au-dessus de la chaudière de l’immeuble et donc, chauffé à 28°C en toute saison et sentant les égouts, et le fait que, malgré les protestations qu’elle a manifestées en octobre 2015, elle a été maintenue dans ce local insalubre et indigne,

. la sanction, en janvier 2016 par un avertissement,

. le fait qu’alors qu’elle assistait une salariée comme représentante du personnel lors d’un entretien préalable au licenciement, l’employeur s’adressait directement à elle comme si la mesure la visait.

Certains des faits ci-dessus ne sont étayés par aucun élément de preuve, la salariée procédant par affirmations. En revanche, sont établis les faits suivants :

. En 2010, elle s’est vue imposer de traiter le dossier d’un salarié alors qu’elle ne souhaitait pas l’examiner en raison de ce qu’elle connaissait personnellement la fille de ce salarié (sa filleule en l’occurrence). En effet, il ressort de l’attestation de Mme [G], collègue de la salariée que « [la salariée] m’informait tant bien que mal des points RH qui auraient dû me revenir et notamment un cas très sensible de harcèlement. En effet [L] [C] a demandé à [la salariée] de suivre et de s’occuper d’un dossier de harcèlement d’un salarié sur une salariée. [I] [V] avait informé [L] [C] qu’elle ne souhaitait pas s’en charger dans la mesure où elle connaissait personnellement le salarié en question et ne voulait pas connaître les détails pour éviter de prendre position et un conflit d’intérêt. [L] [C] a ignoré sa demande et a continué à lui faire gérer ce cas » ;

. il ressort de son entretien d’évaluation d’avril 2015 (pièce 46 de la salariée) que la salariée n’était pas satisfaite de son emploi et qu’à la question « avez-vous déjà été victime de harcèlement moral ‘ » la salariée a coché la case « oui ». Il n’est pas discuté qu’après cet entretien, la salariée s’est vue confier un autre poste (assistante sociale d’entreprise) et a été amenée à occuper un autre bureau. Comme il résulte de sa pièce 28 (échange de courriels entre la salariée et M. [C] entre le 3 et le 7 décembre 2015), le bureau de la salariée était chauffé entre 25 et 28 degrés, ce dont elle s’est plaint auprès de M. [C]. Par ailleurs, les photographies qu’elle verse aux débats (pièce 58) montrent que son bureau n’était pas exposé à la lumière naturelle. Le local dans lequel la salariée a été affectée a fait l’objet d’une visite par plusieurs salariés (délégués syndicaux, délégués du personnel, élus du CE et responsables de section syndicale) lesquels ont indiqué à l’employeur, dans une lettre du 24 novembre 2015 (pièce 54 de la salariée) qu’il s’agissait de l’ancien local syndical à propos duquel les salariés protégés avaient manifesté leur mécontentement. En revanche, ces pièces ne permettent pas de caractériser le fait que son bureau était, comme le soutient la salariée, comparable à un débarras ou était insalubre ;

. Par plusieurs courriels (courriels d’octobre 2015, janvier 2016 et février 2016 ‘), la salariée montre qu’il lui était régulièrement reproché par M. [C] ses temps de pause ;

. La salariée établit que dans le courant du mois de décembre 2015, elle a été convoquée à un entretien ‘ reporté plusieurs fois ‘ en vue d’une sanction disciplinaire. Bien que les parties ne produisent pas l’avertissement, il ressort des débats que la salariée a été avertie le 29 décembre 2015 et qu’elle a, par lettre du 16 février 2016, contesté cette sanction.

La salariée établit par ailleurs que son état de santé s’est dégradé courant 2016, année au cours de laquelle elle a souffert d’un état dépressif avec tristesse de l’humeur, ralentissement psychomoteur et troubles du sommeil.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer un harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il incombe donc à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur justifie par des raisons objectives le fait d’avoir affecté la salariée à un autre poste courant 2015. En effet, la salariée avait manifesté, en avril 2015, son insatisfaction pour le poste qu’elle occupait auparavant.

L’employeur justifie aussi par des raisons objectives le fait d’avoir affecté la salariée à un bureau isolé en dehors de la direction des ressources humaines. En effet, ainsi que l’explique l’employeur, ce choix a été fait pour assurer la confidentialité des entretiens que la salariée serait amenée à conduire. Par ailleurs, d’une part, si la salariée a fait état, par courriel du 1er février 2016 (pièce 27 S) de sa claustrophobie, il ne ressort pas des pièces produites et des débats qu’elle en aurait avisé l’employeur avant. La cour observe d’autre part que la salariée n’a pas repris le travail après le 1er février 2016 de telle sorte qu’il n’a pas été en mesure de prendre en compte cette information.

En revanche, l’employeur ne justifie pas des raisons objectives le fait d’avoir sanctionné la salariée par un avertissement courant décembre 2015 ni de celles qui l’ont déterminé à imposer à la salariée de gérer un dossier de harcèlement moral dans lequel le père de sa filleule était impliqué comme auteur du harcèlement. Il ne justifie pas davantage de raisons objectives aux reproches adressés à la salariée relativement à ses pauses.

Le harcèlement moral est donc établi.

En revanche, les faits retenus ne caractérisent pas une entrave aux fonctions représentatives de la salariée.

Le préjudice moral qui est résulté, pour la salariée, du harcèlement moral qu’elle a subi a été justement apprécié par le conseil de prud’hommes dont la décision sera de ce chef confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de l’employeur et l’a condamné à payer à la salariée une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il conviendra en outre de condamner l’employeur à payer à la salariée une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

DÉCLARE irrecevable l’appel incident de Mme [V],

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société SP3 à payer à Mme [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SP3 aux dépens de la procédure d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x