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28 novembre 2023
Cour d’appel de Caen
RG n°
22/02472
AFFAIRE : N° RG 22/02472 –
N° Portalis DBVC-V-B7G-HCIL
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Juge de l’exécution d’ALENCON du 14 Septembre 2022 – RG n° 22/00587
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2023
APPELANTS :
Madame [P] [B] épouse [W]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Monsieur [Z] [W]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 5] (61)
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentés par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,
assistés de Me Jean-Marc DESCOUBES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
La S.A.R.L. S.E.P VALORISATION
N° SIRET : 450 550 421
[Adresse 7]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Guillaume BOSQUET, avocat au barreau d’ALENCON
DÉBATS : A l’audience publique du 05 octobre 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 28 Novembre 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
EXPOSE DU LITIGE
A la suite de l’installation d’une entreprise de traitement de déchets par la société SEP Valorisation en 2003 sur un terrain mitoyen de leur résidence située à [Localité 6] (61), Monsieur [Z] [W] et son épouse Madame [P] [B], se sont plaints de nuisances à compter de 2004.
Par ordonnance du 7 mai 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Alençon, saisi par les époux [W], a ordonné une expertise afin d’examiner ces nuisances.
L’expert a déposé son rapport le 9 février 2017.
Par ordonnance du 6 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Alençon, les a déboutés de leurs demandes de condamnations provisionnelles, a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge des époux [W].
Par arrêt du 17 avril 2018, la cour de céans, a infirmé partiellement l’ordonnance entreprise et a condamné la SARL SEP Valorisation à payer à chacun des époux [W], la somme de 100.000,00 € à titre provisionnel à valoir sur l’indemnisation résultant du trouble de voisinage occasionné par l’activité de cette société outre la somme globale de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise.
La SARL SEP Valorisation a réglé les causes de cette décision pour un montant de 206.000,00 € via la CARPA.
Par acte d’huissier du 30 juillet 2019, les époux [W] ont fait assigner la société SEP Valorisation devant le tribunal de grande instance d’Alençon, sur le fondement de l’article 1240 du code civil afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 1er mars 2022, le tribunal a :
– déclaré recevables les dernières conclusions notifiées par les époux [W] le 8 novembre 2021,
– déclaré Monsieur et Madame [W] irrecevables à agir sur le fondement des articles 1246 et suivants du code civil,
– déclaré recevables les demandes indemnitaires de Monsieur et Madame [W] au titre du préjudice subi à compter du 25 janvier 2010,
– débouté la société SEP Valorisation de sa demande d’annulation du rapport d’expertise de Monsieur [E],
– débouté Monsieur et Madame [W] de leur demande indemnitaire formulée au titre de la dévalorisation de l’immeuble,
– condamné la société SEP Valorisation à payer à Monsieur et Madame [W],une somme de 19.000,00 € au titre des frais de pension des chevaux,
– condamné la société SEP Valorisation à payer à Monsieur [Z] [W] une somme de 55.000,00 € en réparation des préjudices subis en raison du trouble de voisinage lié aux bruits, odeurs et poussières,
– condamné la société SEP Valorisation à payer à Madame [P] [B] épouse [W] une somme de 55.000,00 € en réparation des préjudices subis en raison du trouble de voisinage lié aux bruits, odeurs et poussières,
– débouté Monsieur et Madame [W] de leur demande au titre de l’indemnisation du préjudice médical, moral, des préjudices à subir et des mesures pour l’avenir,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la société SEP Valorisation à payer à Monsieur et Madame [W], une somme de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société SEP Valorisation aux entiers dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration du 26 mars 2022, les époux [W] ont formé appel de la décision en ce qu’ils ont été déboutés d’une partie de leurs demandes, et en ce que leurs préjudices au titre du trouble de voisinage a été fixé à 55.000,00 € pour chacun d’eux.
En exécution du jugement susvisé, les époux [W] ont fait signifier à la société SEP Valorisation, le 30 mars 2022, un commandement aux fins de saisie-vente pour la somme en principal de 129.000,00 €, outre 4.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais de procédure et de recouvrement, et le 7 avril 2022, une saisie-attribution dénoncée le 13 avril 2022, sur ses comptes bancaires, pour les mêmes sommes.
Par acte d’huissier du 28 avril 2022, la société SEP Valorisation a assigné les époux [W] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Alençon aux fins de mainlevée de la saisie attribution, sollicitant en outre des dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux dépens.
Par jugement du 14 septembre 2022, le juge de l’exécution a :
– ordonné la mainlevée de la procédure de saisie attribution diligentée le 7 avril 2022 à la demande de Monsieur et Madame [W] à l’encontre de la SARL SEP Valorisation,
– déclaré recevable la demande de répétition de l’indu de la société SEP Valorisation,
– condamné Monsieur [Z] [W] à payer à la SARL SEP Valorisation la somme de 35.500,00 € au titre du trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022,
– condamné Madame [P] [B] épouse [W] à payer à la SARL SEP Valorisation la somme de 35.500,00 € au titre du trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022,
– condamné in solidum Monsieur et Madame [W] à payer à la société SEP Valorisation, la somme de 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts au titre de l’abus de saisie,
– condamné in solidum Monsieur et Madame [W] à payer à la société SEP Valorisation, la somme de 1.200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum Monsieur et Madame [W] aux dépens.
Par déclaration du 21 septembre 2022, Monsieur et Madame [W] ont formé appel de la décision.
Aux termes de leurs dernières écritures en date du 6 janvier 2023, ils concluent à l’infirmation du jugement entrepris, au rejet de l’appel incident de la société SEP valorisation et demandent à la cour de :
– la débouter de toutes ses demandes,
– la condamner au paiement d’une somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses écritures en date du 7 décembre 2022, la société SEP Valorisation conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé à 1.000,00 € l’indemnité due pour procédure abusive.
Elle demande à la cour de :
– condamner in solidum les époux [W] à lui verser la somme de10.000,00 € en réparation du préjudice pour procédure abusive,
– rejeter les prétentions adverses,
– condamner in solidum les époux [W] au paiement d’une somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mainlevée de la saisie attribution
Le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie attribution au motif que les époux [W] n’étaient plus titulaires d’une créance exigible lors de la régularisation du commandement de payer du 31 mars 2022 et du procès-verbal de saisie attribution du 7 avril 2022, dès lors qu’avaient été exécutées les causes de l’arrêt de la cour de céans du 17 avril 2018, que les demandes présentées au fond devant le tribunal judiciaire d’Alençon, avaient une identité de cause et d’objet entre les mêmes parties et ne pouvaient s’analyser en deux demandes indemnitaires complémentaires, ce que contestent les appelants.
Ils font état d’un jugement du tribunal judiciaire d’Alençon du 10 mai 2022 ayant débouté la société SEP Valorisation de sa requête en omission de statuer sur sa demande de restitution des sommes perçues au titre de l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de céans du 17 avril 2018, en raison de l’effet dévolutif de l’appel.
Ils estiment qu’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution reviendrait à modifier le dispositif du jugement du 1er mars 2022, ce que le juge de l’exécution ne peut faire.
En l’espèce, il ne résulte ni de l’ordonnance de référé du 6 juillet 2017 ayant débouté les époux [W] de leur demandes provisionnelles, ni de l’arrêt de la cour de céans du 17 avril 2018 qui leur a octroyé à chacun une provision de 100.000,00 €, que leurs demandes portaient sur une période débutant en 2004.
Le fait que la cour ait estimé qu’il n’y avait pas lieu d’écarter le rapport d’expertise des débats, qui établissait l’existence de troubles de voisinage, n’est pas de nature à établir la période concernée qui n’est pas précisée.
Il sera relevé en outre, que ne sont produits aux débats ni l’assignation en référé, ni les conclusions des époux [W] tant devant le juge des référés que devant la cour, pas plus que le rapport d’expertise qui selon les affirmations des appelants aurait reconnu l’existence de troubles anormaux de voisinage depuis 2004, de telle sorte que les appelants échouent à démontrer que la précédente procédure portait effectivement sur la période courant de 2004 à 2010.
Le jugement du 1er mars 2022 en vertu duquel la saisie-attribution a été pratiquée indique quant à lui que les demandes indemnitaires des époux [W] correspondent au préjudice subi à compter du 25 janvier 2010 comme ils l’ont mentionné dans leurs conclusions, et ajoute ‘ce dont il se déduit que les éventuelles nuisances existantes antérieurement ne dépassaient pas le cadre des inconvénients normaux de voisinage, et que par conséquent, les développements et conclusions de l’expert fondés sur des nuisances entre 2004 et 2010 sont écartés’.
Dans ces conditions, les époux [W] ne peuvent valablement soutenir qu’il n’y aurait pas identité de cause et d’objet entre l’arrêt de la cour d’appel du 17 avril 2018 et le jugement du 1er mars 2022 au titre duquel l’exécution provisoire a été ordonnée.
Il n’est pas contesté que l’arrêt de la cour d’appel de céans du 17 avril 2018 a été exécuté pour une somme de 206.000,00 € donc supérieure à celle allouée par le tribunal judiciaire d’Alençon du 1er mars 2022, qui s’élève à 129.000,00 € en principal outre 4.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, les époux [W] ne pouvaient se prévaloir d’une créance liquide et exigible visée par l’article L.111-2 du code des procédures civiles d’exécution pour pratiquer une saisie-attribution dont la validité s’apprécie au jour où elle est pratiquée.
C’est donc à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de mainlevée de cette saisie, ce qui ne revient pas contrairement à ce que prétendent les appelants, à modifier le dispositif du jugement du 1er mars 2022 en violation des dispositions de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, puisque le tribunal a implicitement reconnu dans son jugement du 10 mai 2022, qu’il avait omis de statuer sur la demande de restitution des fonds rappelant qu’il appartiendrait à la cour du fait de l’effet dévolutif de l’appel de statuer à nouveau et de réparer les éventuelles omissions de statuer.
Il ne peut donc être soutenu que la mention contenue dans le jugement du 1er mars 2022, selon laquelle le tribunal déboutait les parties du surplus de leurs demandes, inclurait la demande de répétition de l’indu de la société SEP Valorisation, alors qu’il apparaît clairement à la lecture dudit jugement que cette demande n’a pas été examinée.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie -attribution du 7 avril 2022.
Sur la demande de restitution de l’indu
En vertu de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.
Il est donc compétent pour statuer sur une demande de répétition de l’indu, dès lors qu’elle est formée à l’occasion d’une exécution forcée, ce qui est le cas en l’espèce.
Toutefois, dans la mesure où le jugement du 1er mars 2022 fait l’objet d’un appel, qui est susceptible d’en modifier les termes, il convient de surseoir à statuer sur cette demande dans l’attente de l’arrêt de la cour.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Les appelants concluent à l’infirmation du jugement qui les a condamnés au paiement d’une somme de 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
L’intimée forme un appel incident de ce chef et réclame une somme de 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts.
Comme l’a justement retenu le premier juge, la précipitation des époux [W] à engager une mesure d’exécution alors que le caractère exigible de la créance dont ils se prévalaient, avait été clairement contesté par leur conseil dans une lettre du 31 mars 2022 faisant suite à un commandement de payer du 30 mars 2022, caractérise un abus dans la mise en oeuvre de la saisie-attribution, justifiant d’allouer à la société SEP Valorisation, une somme de 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il sera sursis à statuer sur les demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles et des dépens, dans l’attente de l’arrêt de la cour de céans sur l’appel du jugement du tribunal judiciaire d’Alençon du 1er mars 2022.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Alençon du 14 septembre 2022, en ce qu’il a :
– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 7 avril 2022 à la demande de Monsieur [Z] [W] et de Madame [P] [B] son épouse, à l’encontre de la SARL SEP Valorisation,
– déclaré recevable la demande de la SARL SEP Valorisation au titre de la répétition de l’indu,
– condamné in solidum Monsieur [Z] [W] et de Madame [P] [B] son épouse à payer à la SEP Valorisation la somme de 1.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,
SURSOIT à statuer sur les autres demandes dans l’attente de l’arrêt de la cour de céans statuant sur l’appel du jugement du tribunal judiciaire d’Alençon du 1er mars 2022, enregistré sous N° RG : 22-763 (déclaration d’appel du 30 mars 2022),
DIT qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir la cour aux fins de poursuite de la procédure,
RAPPELLE que la présente décision de sursis à statuer suspend l’instance et le délai de péremption,
ORDONNE le retrait du rôle de l’affaire enregistrée sous le N° RG 22-2472.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON