Saisie-attribution : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01947

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Saisie-attribution : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01947

28 mars 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/01947

ARRET N°146

CL/KP

N° RG 22/01947 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GTH3

[R]

C/

[J]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 28 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01947 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GTH3

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 juillet 2022 rendu(e) par le Juge de l’exécution de POITIERS.

APPELANTE :

Madame [Z] [V] [D] [R] épouse [A]

née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 12] (49)

[Adresse 1]

[Localité 8]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Sylvaine BOUSSUARD- LE CREN, avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE :

Madame [M] [J]

née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 9] (86)

[Adresse 2]

[Localité 7] / FRANCE

Ayant pour avocat plaidant Me Anis RAHI, avocat au barreau de POITIERS.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Madame [M] [J], Madame [Z] [R] épouse [A] et Monsieur [W] [F] avaient conçu le projet de s’associer en qualité de notaires dans le cadre d’une société dont les locaux seraient situés pour partie à [Localité 9] et pour partie à [Localité 10].

Le 14 mai 2018, la société Blc3 et la société H2O ont consenti à la société en formation des susnommés un bail commercial sur les locaux sis [Adresse 6] à [Localité 11] – prévoyant notamment qu’à défaut d’immatriculation de la société, les personnes physiques susdites en seraient titulaires pendant une durée de 12 ans.

La société Y Notaire, en cours de formation, n’a finalement jamais été créée.

Le 11 septembre 2020, Madame [R] a apporté en nature l’office notarial dont elle était titulaire sis [Adresse 5] à [Localité 11] – à la société civile professionnelle [E] [C] – [H] [O] – [X] [S] – [P] [G] – [N] [I] – [Y] [L] (la Scp), dont Madame [R] était devenue associée, l’office objet de cet apport constituant un établissement secondaire de la Scp.

Par la suite, un litige est né touchant au règlement des loyers.

Par jugement en date du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a:

– rejeté la demande de Madame [J] et de Monsieur [F] en nullité du bail conclu le 14 mai 2018 les liant à Madame [R] et portant sur les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 11] ;

– rejeté les demandes de la société Blc3 et la société H2O, de Monsieur [F] et Madame [J] en nullité de l’acte d’apport notarié du 11 septembre 2020 ;

– rejeté la demande de la société Blc3 et de la société H2O en acquisition de la clause résolutoire par l’effet des commandements de payer des 27 septembre 2018n 7 novembre 2018 et 12 décembre 2018 ;

– rejeté la demande de la société Blc3 et de la société H2O en prononcé de la résiliation judiciaire du bail les liant à Madame [R], en expulsion et en condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation ;

– rejeté la demande de la société Blc3 et de la société H2O en paiement du montant des charges et impôts depuis le 1 mars 2018 ;

– condamné Madame [R] à payer à la société Blc3 et à la société H2O, chacun, la somme de 61 320 euros représentant les loyers impayés du 1er janvier 2019 au mois de septembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– autorisé Madame [R] à se libérer de la somme due en 24 mensualités égales et successives payables le 30 du mois au plus tard ;

– dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance, la somme restant due deviendrait de nouveau immédiatement exigible et recouvrable par les voies d’exécution légales ;

– condamné la Scp à payer à la société Blc3 et à la société H2O, chacune, la somme mensuelle de 4380 euros toutes taxes comprises (ttc), en deniers ou quittances, au titre des loyers impayés, à compter du 1er octobre 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– condamné Monsieur [F] à payer à Madame [R] la somme de 29 200 euros au titre de la quote-part des loyers dus pour la période de mars 2018 à décembre 2018 qu’elle avait réglés en intégralité aux sociétés Blc3 et H2O, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts échus en application de l’article 1343-2 du code civil;

– condamné Madame [J] payer à Madame [R] la somme de 29 200 euros au titre de la quote-part des loyers dus pour la période de mars 2018 à décembre 2018 qu’elle avait réglés en intégralité aux sociétés Blc3 et H2O, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts échus en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamné la société Blc3 et la société H2O, in solidum, à payer à Madame [R] la somme de 3454,61 euros en remboursement des charges non justifiées et qu’elle avait payées, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts échus en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamné Monsieur [F] à payer à Madame [R] la somme de 2920 euros par mois, au titre de leur quote-part pour les loyers restés impayés et dus à compter du 1er janvier 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– condamné Madame [J] à payer à Madame [R] la somme de 2920 euros par mois, au titre de leur quote-part pour les loyers restés impayés et dus à compter du 1er janvier 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– condamné Madame [R] à payer à Monsieur [F] et à Madame [J], chacun, la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral pour rupture brutale des pourparlers ;

– débouté les sociétés Blc3 et H2O de leur demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral et d’un préjudice financier ;

– débouté Monsieur [F] et Madame [J] de leur demande de demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral dirigée contre la Scp;

– ordonné à la société Blc3 et à la société H2O de délivrer à Madame [R] les factures mensuelles comportant toutes les mentions légales et notamment le montant de la taxe sur la valeur ajoutée (tva) ;

– dit n’y avoir lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte ;

– condamné solidairement la société Blc3 et à la société H2O à payer à Madame [R] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– débouté la société Blc3 et à la société H2O, ainsi que Monsieur [F] et Madame [J] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

– condamné la société Bcl3 et la société H2O aux dépens;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 21 janvier 2022, ce jugement a été signifié entres parties et nulle n’en a relevé appel.

Le 25 mars 2022, au visa de ce titre, Madame [R] a fait pratiquer une saisie-attribution sur les valeurs détenues pour le compte de Madame [J], en recouvrement de la somme totale de 148 761,85 euros entre les mains du Crédit Agricole.

Le 21 avril 2022, Madame [J] a assigné Madame [R] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Poitiers.

En dernier lieu, Madame [J] a demandé de :

– dire et juger nulles les saisies effectuées sur ses comptes bancaires le 25 mars 2022 ainsi que l’acte les dénonçant ;

– subsidiairement, dire que la défenderesse ne pouvait poursuivre le recouvrement d’une somme supérieure à 61 320 euros, et en ordonner mainlevée pour le surplus ;

– condamner la défenderesse à lui payer :

– 10 000 euros en réparation du préjudice moral dont elle était à l’origine ;

– 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, Madame [R] a demandé de :

– valider les saisies-attribution pratiquées sur les comptes bancaires de la demanderesse et la débouter de l’intégralité de ses demandes ;

– la condamner à lui payer :

– 10 000 euros pour procédure abusive ;

– 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 12 juillet 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Poitiers :

– a déclaré recevable l’action en contestation de saisie-attribution ;

– a validé en son principe la saisie-attribution pratiquée le 25 mars 2022 par Madame [R] entre les mains du Crédit Agricole sur les valeurs détenues pour le compte de Madame [J], mais en a cantonné le montant en principal à 75 801,76 euros en principal et intérêts, sauf à parfaire du chef des intérêts au taux légal majoré applicable entre professionnels selon la véritable date d’assignation de la demanderesse, avec ajustement du droit proportionnel dû à l’huissier instrumentaire, ainsi que retranchement des ‘frais de procédure’ de 117,46 euros, des ‘provisions sur frais de signi.non.Contes’ de 79,04 euros et du ‘certificat non contest.’ de 51,07 euros ;

– en a ordonné mainlevée pour le surplus ;

– a condamné Madame [R] à payer à Madame [J] 5000 euros à titre de dommages-intérêts ;

– a condamné Madame [R] à payer à Madame [J] 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 26 juillet 2022, Madame [R] a relevé appel de ce jugement, en intimant Madame [J].

Le 7 octobre 2022, Madame [R] a demandé à la cour de :

confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– validé en son principe la saisie-attribution pratiquée le 25 mars 2022 par Madame [R] entre les mains du Crédit Agricole sur les valeurs détenues pour le compte de Madame [J];

L’infirmer pour le surplus, en ce qu’il a :

– cantonné le montant en principal de la dite saisie-attribution qu’elle avait pratiquée à la somme de 75 801,76 euros en principal et intérêts, avec ajustement du droit proportionnel dû à l’huissier instrumentaire, ainsi que retranchement des ‘frais de procédure’ de 117,46 euros, des ‘provision sur frais de non contestation’ de 79,04 euros et du ‘certificat de non contestation’ de 51,07 euros ;

– ordonné la mainlevée de ladite saisie pour le surplus ;

– l’a condamnée à payer à Madame [J] 5000 euros à titre de dommages-intérêts ;

– l’a condamnée aux dépens et à payer à Madame [J] 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;

et statuant à nouveau :

– débouter Madame [J] de l’intégralité de ses demandes ;

– confirmer la validité de la saisie qu’elle avait pratiquée le 25 mars 2022 entre les mains du Crédit Agricole sur les valeurs détenues pour le compte de Madame [J] ;

– juger qu’il n’y avait pas lieu à cantonnement de la dite saisie ;

– condamner Madame [J] à lui rembourser la somme de 7000 euros qu’elle a payée en exécution du jugement déféré ;

– condamner Madame [J] à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 3 novembre 2022 à 16 heures 57, Madame [J] a demandé de :

Confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a :

– cantonné la saisie à 71 597,52 euros (principal et intérêts) ;

– limité les dommages-intérêts à la somme de 5000 euros ;

Statuant à nouveau sur ces deux chefs :

– cantonner la saisie-attribution pratiquée le 25 mars 2022 à 70 506 euros (en principal et intérêts) ;

– condamner Madame [R] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner Madame [R] à lui payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

Le 10 janvier 2023, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

MOTIVATION:

Sur les demandes de Madame [J], intimée:

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Cette règle de procédure, résultant de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, est applicable pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, soit à une date à laquelle cette règle de procédure, affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié le même jour, était prévisible pour les parties (Cass. 2e civ. 17 septembre 2020, n°18-23.626, publié, et Cass. 2e civ., 20 mai 2021, n°19-22.316 et n°20.13.210, publiés).

Selon le dispositif de ses dernières écritures, Madame [J] a demandé de :

confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a :

– cantonné la saisie à 71 597,52 euros (principal et intérêts) ;

– limité les dommages-intérêts à la somme de 5000 euros ;

statuant à nouveau sur ces deux chefs :

– cantonner la saisie-attribution pratiquée le 25 mars 2022 à 70 506 euros (en principal et intérêts) ;

– condamner Madame [R] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner Madame [R] à lui payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Une lecture littérale de ce dispositif révèle que Madame [J] n’a pas demandé l’infirmation du jugement.

Dès lors, sur la base des seuls moyens et prétentions de Madame [J], la cour ne pourra que confirmer le jugement.

Sur le cantonnement de la saisie-attribution :

Selon l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution,

Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.

Selon l’article 461 du code de procédure civile,

Il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est frappée d’appel.

Par dérogation à cette disposition, il est admis que le juge de l’exécution puisse procéder à la nécessaire interprétation de la décision dont l’exécution est poursuivie.

Mais sous couvert d’interprétation, il lui est interdit d’apporter une modification quelconque aux dispositions de la décision ainsi interprétée, et de modifier ainsi les droits et obligations des parties résultant de la décision interprétée.

Avec le premier juge, la cour s’attachera aux seules dispositions du jugement dont l’exécution est poursuivie qui sont précisément de nature à permettre à Madame [R] de procéder à leur exécution forcée à l’encontre de Madame [J], c’est à dire aux dispositions prononçant des condamnations respectives de l’une à l’égard de l’autre, et réciproquement.

Les autres dispositions du jugement, étrangères à des condamnations, ou ne prononçant pas des condamnations entre les deux parties présentes à l’instance suivie devant le juge de l’exécution, seront indifférentes.

Dans cette limite, il sera rappelé que le jugement du 14 décembre 2021 avait:

– condamné Madame [R] à payer à Monsieur [F] et à Madame [J], chacun, la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral pour rupture brutale des pourparlers ;

– condamné Madame [J] à payer à Madame [R] la somme de 29 200 euros au titre de la quote-part des loyers dus pour la période de mars 2018 à décembre 2018 qu’elle avait réglés en intégralité aux sociétés Blc3 et H2O, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts échus en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– condamné Madame [J] à payer à Madame [R] la somme de 2920 euros par mois, au titre de leur quote-part pour les loyers restés impayés et dus à compter du 1er janvier 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Madame [R] expose que la saisie-attribution litigieuse, pratiquée pour un montant de 148 761,85 euros (comprenant frais et intérêts), se fonde sur un principal de 143 080 euros, selon elle conforme au jugement dont elle poursuit l’exécution, se décomposant en :

– 29 200 euros, correspondant à la condamnation de Madame [J] à lui payer la somme 29 200 euros au titre de la quote-part des loyers dus pour la période de mars 2018 à décembre 2018, qu’elle-même avait intégralement versés ;

– 113 880 euros, correspondant à la condamnation de Madame [J] à payer à Madame [R] la somme de 2920 euros par mois, au titre de sa quote-part pour les loyers restés impayés et dus à compter du 1er janvier 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, arrêté au mois de mars 2022, soit pendant 39 mois (2920 euros x 39 mois = 113 880 euros).

Il conviendra d’observer que la première partie du principal sur lequel Madame [R] fonde ses poursuites, à hauteur de 29 200 euros, est en tous points conforme aux dispositions claires et non équivoques du jugement, et ne fait l’objet d’aucune discussion adverse.

Le premier juge a estimé que Madame [J] devait être considérée comme première assignée devant le tribunal judiciaire de Paris, de sorte que les intérêts au taux légal sur la somme susdite devaient être calculés à compter de la première assignation délivrée le 17 décembre 2018.

Et dans ces écritures à hauteur d’appel (page 15/18), Madame [J] vient elle-même reconnaître avoir été assignée le 17 décembre 2018.

Les parties ne présentent aucune observation sur le calcul exposé par le premier juge, ayant retenu, notamment eu égard au taux légal devant être retenu entre professionnels, à l’anatocisme légal, et à la majoration de 5 points au titre de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, qu’au jour où les saisies litigieuses ont été réalisées, le montant de cette condamnation prononcée pour 29 200 euros en principal s’élevait à 31 043,83 euros à la date du 17 mars 2022, jour où Madame [J] a réalisé un paiement.

Pour exercer des poursuites à l’encontre de Madame [J] à hauteur de 148 724,12 euros s’agissant de sa condamnation, à compter du 1er janvier 2019, à lui payer la somme de 2920 euros par mois au titre de sa quote-part pour les loyers restés impayés et dus, Madame [R] soutient qu’il ressort du jugement que ce dernier a entendu faire porter cette condamnation, qui dans son dispositif, ne comporte pas de terme, pendant toute la durée du bail: elle a ainsi poursuivi son calcul jusqu’au loyer du au titre du mois de mars 2022.

Selon elle, nonobstant l’acte par lequel elle aurait apporté le bail à la Scp, avec effet au 1er octobre 2020, il résulterait de l’inopposabilité de cet acte d’apport à Monsieur [F] et à Madame [J] que ces derniers demeureraient à son propre égard des co-preneurs à bail, et dès lors tenus solidairement avec elle au paiement des loyers, même après la prise d’effet de l’acte d’apport susdit.

Mais Madame [J] ne se reconnaît débitrice à ce titre qu’à hauteur de 61 320 euros, correspondant à sa quote part des loyers des mois de janvier 2019 à septembre 2020 inclus, soit pendant 21 mois (21 mois x 2920 euros): elle soutient qu’eu égard au transfert du bail à la Scp à compter du 1er octobre 2020 comme suite à l’acte d’apport à effet au 30 septembre 2020, la Scp serait seule à compter de cette date débitrice des loyers, de telle sorte que Madame [R], qui elle-même n’y serait plus tenue, serait malhabile à se prévaloir d’une quelconque solidarité à son égard, puisque tous trois (Monsieur [F], Madame [R], Madame [J]) auraient ainsi perdu la qualité de co-preneurs à bail à compter du 1er octobre 2020.

Avec Madame [R], il conviendra d’observer que le dispositif du jugement condamnant Madame [J] à payer sa quote-part des loyers à compter du mois de janvier 2019, ne comporte aucun terme.

Mais il conviendra d’observer que le dispositif de ce jugement, rendu le 14 décembre 2021, vise sa quote-part pour les loyers ‘restés impayés et dus’ (sic) à compter du 1er janvier 2019 : ce dispositif vise donc les loyers passés, et non les loyers à venir.

Au surplus, cette condamnation doit être mise en relation avec les autres dispositions du jugement, et notamment celles :

– condamnant Madame [R] à payer aux deux sociétés bailleresses chacune la somme de 61 320 euros représentant les loyers impayés du 1er janvier 2019 au mois de septembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– condamnant la Scp à payer aux deux sociétés bailleresse chacune la somme de 4380 euros ttc, en deniers ou quittances, au titre des loyers impayés, à compter du 1er octobre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Dès lors, par la seule lecture du dispositif, il est déjà manifeste que la condamnation de Madame [J] à payer sa quote-part pour les loyers impayés et dus à compter du 1er janvier 2019, avec intérêts légaux à compter de l’assignation, ne pouvait porter que sur un période s’achevant au 30 septembre 2020.

Au surplus, cette analyse est renforcée par une lecture littérale des motifs du premier juge qui a :

– rappelé que, selon les stipulations du contrat de bail passé entre la société Y notaire en formation et les deux sociétés bailleresse, si l’immatriculation de la société notariale au registre du commerce et des sociétés n’intervenait pas dans les 3 mois suivant son agrément par le garde des Sceaux, le bail se trouverait conclu définitivement avec les associés, indivisément entre eux dans les proportions de leur droit au capital social ;

– relevé qu’il était constant que la société notariale n’avait pas été immatriculée dans ce délai (page 10) ;

– en a déduit qu’à défaut d’immatriculation de la société notariale, les parties avaient stipulé être co-titulaires du bail et régir les rapports entre elles non par les règles de la solidarité, mais par celles de l’indivision, étant ainsi tenues solidairement entre elles pour toutes les obligations nées du bail (page 13);

– mais observé que par l’acte notarié du 11 septembre 2020, Madame [R] avait fait apport à la Scp de son droit au bail, sans avoir recueilli l’accord des deux autres co-preneurs (page 14) ;

– a rejeté la demande de Madame [J] et de Monsieur [F] en nullité de l’acte d’apport ;

– a accueilli la demande en impayé de loyer dirigée par les deux sociétés bailleresse contre Madame [R] à compter du mois de janvier 2019 jusqu’au mois de septembre 2020 inclus, puisque selon acte authentique du 11 septembre 2020, elle avait fait apport à la Scp de son office et de son droit au bail (page 15) ;

– a relevé qu’à compter du 1er octobre 2020, la Scp venait aux droits de Madame [R], et devenait redevable des loyers dus envers chacune des sociétés bailleresses, soit de la somme mensuelle de 4380 euros (page 15) ;

– et a accueilli la demande de Madame [R] tendant au remboursement par Madame [J] et Monsieur [F] de leur quote-part des loyers à compter du janvier 2019, pour lesquels la première, qui était solidairement tenue avec les co-preneurs du paiement des loyers, n’avait réglé que sa propre quote-part, alors qu’elle avait été condamnée à payer l’intégralité des loyers réclamés par les sociétés bailleresses.

Il ressort en effet des motifs sus rapportés que le premier juge a considéré que Madame [J] et Monsieur [F] devaient être solidairement tenus aux obligations résultant du contrat de bail en leur qualité de co-preneurs avec Madame [R] jusqu’au 30 septembre 2020, mais que l’acte d’apport réalisé par cette dernière à la Scp, en lui transférant son droit au bail, avait fait acquérir à la Scp la qualité de preneuse à bail à compter du 1er octobre 2020, et comme telle seule tenue au paiement des loyers.

Il en ressort qu’à compter du 1er octobre 2020, Madame [R], qui avait perdu la qualité de preneuse à bail, tout comme Madame [J] et Monsieur [F], ne pouvait se prévaloir à l’encontre de ces derniers d’aucune solidarité s’agissant du paiement des loyers qui n’incombait plus à aucun d’eux.

Dès lors, le chef du jugement portant la condamnation de Madame [J] à payer sa quote-part pour les loyers impayés et dus à compter du 1er janvier 2019, avec intérêts légaux à compter de l’assignation, ne peut porter que sur un période s’achevant au 30 septembre 2020.

Il s’ensuit que la condamnation y afférente ne peut être que de 61 320 euros en principal.

Les parties ne présentent aucune observation sur le calcul exposé par le premier juge, ayant retenu, notamment eu égard au taux légal devant être retenu entre professionnels, à l’anatocisme légal, et à la majoration de 5 points au titre de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, qu’au jour où les saisies litigieuses avaient été réalisées, le montant de la condamnation à payer la quote-part des loyers à raison de 2920 euros pour la période de janvier 2019 à septembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, prononcée pour 29 200 euros en principal, s’élevait à 65 589,65 euros, à la date du 17 mars 2022, jour où Madame [J] avait réalisé un paiement.

Dès lors, au jour de son paiement, Madame [J] demeurait redevable envers Madame [R] de la somme de 96 633,48 euros (31 043,83 + 65 589,65 euros, dont 1157,24 euros d’intérêts), étant là encore observé sur ce dernier point l’absence d’observations des parties quant au calcul réalisé par le premier juge.

Le 17 mars 2022, Madame [J] a réalisé un paiement à hauteur de 20 927,30 euros, qui s’imputera en priorité sur les intérêts.

Il s’ensuit qu’au jour où la saisie a été pratiquée, Madame [R] ne pouvait se prévaloir que d’une créance exécutoire à hauteur de 75 706,18 euros (96 633,48 euros – 20 927,30), cette dernière somme n’étant plus constituée, eu égard à l’apurement total des intérêts du fait du paiement partiel, que par le seul capital.

En outre, il sera observé que le jugement du 14 décembre 2021 n’a pas prononcé compensation.

Si l’intimée justifie avoir réalisé un paiement de 20 927,30 euros le 16 mars 2022, elle n’a présenté aucune prétention ou moyen remettant en cause les exactes appréciations du premier juge selon lequel la compensation, qui n’a pas été ordonnée par le premier juge, et qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution de prononcer, ne peut s’appliquer en l’espèce.

Les parties ne présentent aucune observation sur le calcul exposé par le premier juge, ayant retenu que du 17 mars 2022 au 25 mars 2022, jour de la saisie, la dette, qui ayant produit les intérêts au taux légal majoré à compter du 21 mars 2022, s’élevait alors à 75 801,76 euros.

Il conviendra donc de retenir que la première saisie attribution était justifiée au moins en son principe, mais devait être cantonnée à la somme de 75 801,76 euros en principal et intérêts.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé en son principe la saisie-attribution pratiquée le 25 mars 2022 par Madame [R] entre les mains du Crédit Agricole sur les valeurs détenues pour le compte de Madame [J], mais en a cantonné le montant à 75 801,76 euros en principal et intérêts, avec ajustement du droit proportionnel dû à l’huissier instrumentaire, ainsi que retranchement des ‘frais de procédure’ de 117,46 euros, des ‘provision sur frais de signi.non.Contes’ de 79,04 euros et du ‘certificat non contest.’ de 51,07 euros.

Mais alors qu’à hauteur de cour, la débitrice a reconnu avoir été assignée le 17 décembre 2018, date constituant le point de départ du calcul des intérêts par le premier juge, il y aura lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le cantonnement de cette somme demeurait à parfaire du chef des intérêts au taux légal majoré applicable entre professionnels selon la véritable date d’assignation de la demanderesse.

Sur la demande de dommages-intérêts de Madame [J]:

Selon l’article L. 111-7 du code des procédures civiles d’exécution,

Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution de la conservation de sa créance.

L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

L’article L. 121-2 du code des procédures civiles donne au juge de l’exécution le pouvoir de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Il appartient à celui se prévalant d’un préjudice de le démontrer.

Madame [R] a pratiqué la saisie litigieuse le 25 mars 2022 pour un montant de 148 724,12 euros.

Mais cette saisie, qui a été cantonnée à la somme de 75 801,76 euros, a porté sur un compte alors créditeur de 278 260,69 euros saisissables, selon des indications du tiers saisi données à l’huissier instrumentaire, figurant dans la saisie signifiée, produite aux débats.

Il s’en déduira que la saisie ainsi pratiquée a excédé ce qui se révélait nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

En outre, la saisie litigieuse a été pratiquée alors que les parties étaient en discussion sur leurs comptes respectifs, Madame [R] proposant une interprétation erronée du titre exécutoire, telle que développée plus haut, et proposant compensation (courrier du 14 février 2022), tandis que Madame [J] a contesté cette interprétation (réponse du 21 février 2022), pour ensuite annoncer un règlement à hauteur de 20 927,30 euros (courrier du 17 mars 2022), auquel il a été effectivement procédé par virement du même jour, et dont Madame [R] pouvait constater l’effectivité avant de procéder à la saisie litigieuse le 25 mars.

Et il sera observé que si Madame [R] avait annoncé opérer compensation des créances respectives des parties – dans la mesure où elle avait été condamnée à payer à Monsieur [F] une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts – il échet d’observer que l’assiette des saisies litigieuses, au surplus erronée, n’a pas été calculée par Madame [R] déduction faite de la compensation susdite.

Il en sera déduit que Madame [R], en pratiquant la saisie litigieuse, a brutalement interrompu les pourparlers entre parties sur leurs comptes respectifs.

L’ensemble de ces circonstances caractérise suffisamment un abus fautif de Madame [R] dans l’exercice de la saisie litigieuse.

Et le préjudice, au moins moral, de Madame [J] constitué par la saisie sur son compte, d’une somme plus de deux fois supérieure à celle effectivement due, outre son aspect vexatoire, sera entièrement réparé par une indemnité de 5000 euros, que Madame [R] sera condamnée à lui payer: le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts de Madame [R] pour procédure abusive:

En l’état de l’accueil des prétentions de Madame [J], son action en contestation de la saisie litigieuse est exclusive de tout abus de procédure.

Madame [R] sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et le jugement sera complété de ce chef.

* * * * *

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné Madame [R] aux dépens de première instance, à l’exclusion de ceux inhérents aux saisies attributions dans la mesure qu’il a précisée, et l’a condamnée à payer à Madame [J] la somme de 2000 euros une somme au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il y sera ajouté pour dire que Madame [R] sera déboutée de sa demande au même titre.

Madame [R] sera condamnée aux entiers dépens d’appel, ainsi qu’à payer à Madame [J] la banque la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, tout en étant déboutée de sa demande au même titre.

L’issue du litige à hauteur de cour conduira à débouter Madame [R] de sa demande en restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que la saisie-attribution pratiquée le 25 mars 2022 par Madame [R] entre les mains du Crédit Agricole sur les valeurs détenues pour le compte de Madame [J], cantonnée à 75 801,76 euros en principal et intérêts, restait à parfaire du chef des intérêts au taux légal majoré applicable entre professionnels selon la véritable date d’assignation de la demanderesse ;

Infirme le jugement de ce seul dernier chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déboute Madame [Z] [R] épouse [A] de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne Madame [Z] [R] épouse [A] aux entiers dépens d’appel, et à payer à Madame [M] [J] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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