Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/04511

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Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/04511

23 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/04511

N° RG 22/04511 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OL3Y

Décision du Juge de l’exécution du TJ de LYON

du 07 juin 2022

RG : 21/8085

[T]

C/

[T]

[T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 23 Mars 2023

APPELANT :

M. [P] [T]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 14]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représenté par Me Amaury PLUMERAULT, avocat au barreau de LYON, toque : 2760

assisté de Me Arnaud COUSIN, avocat au barreau de RENNES

INTIMES :

Mme [Z] [T] épouse [F]

née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 9]

M. [X] [T]

né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentés par Me Julien MARGOTTON de la SELARL PRIOU – MARGOTTON, avocat au barreau de LYON, toque : T.1287

assisté de Me Catherine MORVANT VILLATTE de la SELAS VILLATTE ET ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 14 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Février 2023

Date de mise à disposition : 23 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Clémence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

[L] [E] veuve [T] est décédée le [Date décès 5] 2008, laissant pour lui succéder ses enfants, [X] [T], [P] [T] et [Z] [T] épouse [F], lesquels n’ont pu s’entendre sur le règlement amiable de la succession de leur mère.

Par jugement du 1er avril 2015, le tribunal de grande instance de Lorient a notamment :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [E] veuve [T],

– désigné pour y procéder Me [O] [S], notaire à [Localité 13],

– ordonné au notaire commis d’intégrer à l’actif de la succession de Mme [L] [E] veuve [T] les sommes de 476.574, 24 euros et de 8.525 euros qui ont bénéficié à [P] [T],

– prononcé la sanction civile du recel successoral à l’encontre de [P] [T] et dit qu’il ne pourra prétendre à aucune part dans ces sommes.

Par arrêt du 10 septembre 2019, la cour d’appel de Rennes, statuant sur appel de [P] [T], a confirmé le jugement précité, sauf en ce qu’il a :

– ordonné au notaire commis d’intégrer à l’actif de la succession les sommes de 476.574,24 euros et 8.525 euros qui ont bénéficié à [P] [T] et prononcé à son encontre la sanction civile du recel successoral à concurrence de ces sommes.

– et rejeté les demandes principales et reconventionnelles contraires au dispositif du jugement.

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant, la cour a :

– rejeté la demande de nouvelle expertise présentée par [X] [T] et [Z] [T] épouse [F],

– condamné [P] [T] à rapporter à l’actif de la succession de [L] [E] veuve [T] la somme de 285.201,01 euros,

– dit qu’il ne pourra prétendre à aucune part sur cette somme en application de la sanction civile du recel successoral.

[P] [T] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Dans le cadre de cette procédure, [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] ont sollicité la radiation du pourvoi sur le fondement de l’article 1009-1 du code de procédure civile.

Le 28 août 2020, le conseil de [P] [T] a adressé par voie officielle au conseil de [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] un règlement de 75.595,18 euros en réglement des sommes dues au titre des indemnités allouées par les juridictions précitées et des dépens.

Il précisait que « Les sommes sujettes à rapport à la succession par décision de la cour d’appel ne sont pas exigibles avant la fin des opérations de partage (article 864 et suivants du code civil) ».

En suite de ce paiement, [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] se sont désistés de leur requête en radiation du pourvoi.

Par arrêt du 9 juin 2021, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi inscrit par [P] [T] sur l’arrêt du 10 septembre 2019.

Le 29 octobre 2021, [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] ont fait pratiquer une saisie-attribution auprès de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes, en vertu « d’un arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2021 » pour la somme de 285.201,01 euros en principal,

19.122,45 euros en intérêts et divers frais, soit au total une somme de 306.351,49 euros.

La saisie a été dénoncée à [P] [T] par acte du 5 novembre 2021.

D’autres saisies-attribution, opérées le même jour auprès de BNP Paribas, la Banque Postale et Fortunéo, sont restées infructueuses.

Selon décompte d’huissier de justice du 4 novembre 2021, [P] [T] a réglé la somme de 285.201,21 euros en règlement du principal de la créance, un solde restant dû à hauteur de 48.846,75 euros au titre des intérêts, frais et émoluments.

Le 2 décembre 2021, [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] ont fait pratiquer deux saisies-attribution, d’une part auprès de la Société Générale – [Adresse 11], et d’autre part auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est – [Adresse 11], en vertu « d’un arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2021 »

pour la somme de 285.201,01 euros en principal, 45.283,76 euros en intérêts, au taux de 8,12 % comprenant la majoration de cinq points de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, et divers frais, et déduction faite de la somme de 285.201,01 euros ayant d’ores et déjà fait l’objet d’un règlement par le débiteur.

Soit, en définitive, pour la somme de 46.978,71 euros réclamée en intérêts et frais et émoluments.

Les deux saisies ont été dénoncées à [P] [T] par acte du 6 décembre 2021.

D’autres saisies-attribution, opérées le même jour auprès de Boursorama et ING Bank, sont restées infructueuses.

Par actes d’huissier de justice des 3 décembre 2021 et 5 janvier 2022, [P] [T] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de contester les saisies-attribution.

Il a demandé notamment au juge :

– de dire que les saisies-attribution pratiquées les 29 octobre et 2 décembre 2021 sont de nul effet et irrégulières et d’ordonner leur mainlevée,

– de condamner [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] à lui payer la somme de 285.201,01 euros outre intérêts au taux légal à compter du versement indû,

à titre subsidiaire,

– dire que la majoration prévue à l’article L.313-3 du code monétaire et financier n’est pas applicable,

à titre plus subsidiaire,

– l’exonérer de cette majoration.

[X] [T] et [Z] [T] épouse [F] ont soulevé la nullité des assignations délivrées les 3 décembre 2021 et 5 janvier 2022 et se sont opposés aux demandes adverses, soutenant qu’ils ont droit aux intérêts sur les sommes dues et demandant la condamnation de [P] [T] à leur verser à ce titre la somme de 90.682,28 euros.

Par jugement du 7 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon a :

– ordonné la jonction des instances,

– rejeté la demande de [Z] et [X] [T] tendant à voir déclarer nulles les assignations délivrées les 3 décembre 2021 et 5 janvier 2022,

– débouté [P] [T] de l’intégralité de ses demandes et moyens de contestations,

en conséquence,

– dit que les saisies-attributions pratiquées les 29 octobre et 2 décembre 2021 à la demande de [Z] et [X] [T] par le ministère de la Selarl Chastagnaret Roguet Magaud sur les avoirs détenus par la SA Caisse d’Epargne Rhône-Alpes, la SA Société Générale et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est pour le compte d'[P] [T] produiront leur plein et entier effet,

– condamné [P] [T] à payer à [Z] [T] et [X] [T] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [P] [T] aux dépens de l’instance,

– et rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision.

[P] [T] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 17 juin 2022.

Par ordonnance du 24 juin 2022, le président de la chambre, faisant application des dispositions des articles 905 du code de procédure civile et R.121-20 al.2 du code des procédures civiles d’exécution a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 21 février 2023 à 13h30.

En ses conclusions du 22 juillet 2022, [P] [T] demande à la Cour ce qui suit :

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– débouté [P] [T] de l’intégralité de ses demandes et moyens de contestations ;

en conséquence,

– dit que les saisies-attributions pratiquées les 29 octobre et 2 décembre 2021 à la demande de [Z] et [X] [T] par le ministère de la Selarl Chastagnaret Roguet Magaud sur les avoirs détenus par la SA Caisse d’Epargne Rhône-Alpes, la SA Société Générale et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est pour le compte d'[P] [T] produiront leur plein et entier effet,

– condamné [P] [T] à payer à [Z] [T] et [X] [T] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [P] [T] aux dépens de l’instance,

statuant à nouveau dans les limites de l’appel, vu les articles L211-1 du code des procédures civiles d’exécution et 864 et suivants du code civil,

vu la jurisprudence,

constater et le cas échéant, juger que :

– la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes en date du 29 octobre 2021 par la SCP Chastagnaret et associés ne repose sur aucune créance liquide et exigible ;

– la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Société Générale Paris en date du 2 décembre 2021 par la SCP Chastagnaret et associés ne repose sur aucune créance liquide et exigible ;

– la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la CRCAM Centre-Est en date du 2 décembre 2021 par la SCP Chastagnaret et associés ne repose sur aucune créance liquide et exigible ;

en conséquence,

– juger lesdites saisies de nul effet, et irrégulières ;

en conséquence,

ordonner la mainlevée de :

– la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes en date du 29 octobre 2021 par la SCP Chastagnaret et associés ;

– la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Société Générale Paris en date du 2 décembre 2021 par la SCP Chastagnaret et associés ;

– la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la CRCAM Centre-Est en date du 2 décembre 2021 par la SCP Chastagnaret et associés ;

vu l’article 1302 du code civil ;

– condamner [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] à verser à [P] [T] la somme de 285.201,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du versement indu ;

subsidiairement,

– dire que la majoration prévue à l’article L.313 -3 du code monétaire et financier n’est pas applicable ;

plus subsidiairement,

– exonérer [P] [T] de ladite majoration ;

– condamner [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] à verser à [P] [T] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et la même somme en cause d’appel ;

– condamner les mêmes aux dépens dont les frais de saisie ;

– rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions.

– rejeter tout appel incident.

Par conclusions du 29 juillet 2022, [Z] [T] et [X] [T] demandent à la Cour de statuer comme suit, au visa notamment des dispositions des articles 56, 768, 910-1, 954 du code de procédure civile et L.111-3 1° du code des procédures civiles d’exécution :

– recevoir [Z] [T] épouse [F] et [X] [T] en leurs écritures, fins et conclusions ;

y faire droit, en conséquence,

réformer le jugement du juge de l’exécution de Lyon en date du 7 juin 2022 en tant qu’il a refusé de déclarer nulles les assignations délivrées à [Z] [T] épouse [F] et [X] [T] les 3 décembre 2021 et 5 janvier 2022 ;

statuant à nouveau,

– juger nulle les assignations délivrées par [P] [T] les 3 décembre 2021 et 5 janvier 2022 à [Z] [T] épouse [F] et [X] [T] ;

– confirmer pour le surplus le jugement du juge de l’exécution de Lyon en date du 7 juin 2022 ;

– débouter [P] [T] de l’ensemble de ses demandes visant à voir la Cour « constater », « dire et juge » ;

– débouter [P] [T] de sa demande présentée au titre de la restitution d’indu ;

– condamner [P] [T] à payer à [Z] [T] épouse [F] et [X] [T] la somme de 90.682,28 euros à titre d’intérêts sur les sommes dues ;

plus généralement,

– débouter [P] [T] de l’ensemble de ses prétentions ;

– condamner [P] [T] à verser à [Z] [T] épouse [F] et [X] [T] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation des assignations délivrées à [Z] et [X] [T]

A titre préliminaire, la Cour observe que les demandes formulées par les intimés sont contradictoires, en ce qu’ils ne tirent pas la conséquence de la prétendue nulllité des assignations, qui ne pourrait que conduire à l’annulation du jugement alors qu’ils sollicitent la confirmation de ses autres dispositions.

Sur ce, les intimés soutiennent vainement que les assignations seraient nulles à raison du défaut d’indication de moyens en fait et en droit dans leur dispositif.

Le premier juge a répondu avec justesse que l’article 56.2°, auquel se réfèrent les intimés, n’impose aucunement de faire figurer ces éléments dans le dispositif de l’acte introductif d’instance. La revendication des intimés correspond en réalité à une pratique fâcheuse qui, trop souvent, rend confus les dispositifs des écritures des parties alors que la motivation en fait et en droit doit être explicitée dans le seul corps de ces écritures, le dispositif ne devant contenir que les demandes saisissant la juridiction.

Au surplus, il convient de rappeler que, selon les dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée que sur démonstration d’un grief qui, en l’occurrence, est inexistant dès lors que les termes du litige ont été parfaitement compris par les parties.

Il est à noter qu’en suite du reproche formulé par les intimés, l’appelant a cru bon de compléter le dispositif de ses conclusions par des formules ‘constater’ ou ‘dire et juger’. Ces formules ne constituent pas des demandes et la Cour n’a pas à statuer sur celles-ci, notamment par voie de débouté comme l’y invitent les intimés.

Sur la nullité des saisies-attribution

Le premier juge, sans dénier que l’arrêt de la cour d’appel de Rennes condamne [P] [T] à rapporter la somme de 285.201,01 euros à l’actif de la succession de sa mère, a estimé que [X] et [Z] [T] sont seuls titulaires de la créance à hauteur de cette somme et en mesure de poursuivre son recouvrement.

Toutefois, il résulte des articles 864 et 865 du code civil que, sauf lorsqu’elle est relative aux biens indivis, la créance de la masse successorale à l’encontre d’un copartageant n’est pas exigible avant la clôture des opérations de partage, l’héritier débiteur pouvant néanmoins décider à tout moment de s’en acquitter.

L’arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d’appel de Rennes est explicite en ce qu’il condamne [P] [T] à rapporter les fonds à l’actif successoral et non à les régler directement à ses co-héritiers. Il ne constitue donc pas un titre exécutoire portant obligation d'[P] [T] au paiement de la dette entre les mains de ses co-héritiers, ce titre ne pouvant être constitué que par un acte notarié de partage ou un jugement clôturant les opérations de partage.

Le fait que la créance soit fondée sur une décision privant [P] [T] de tout droit sur la somme recelée est sans incidence sur le défaut de titre exécutoire. Il est constant que le rapport d’une somme au titre du recel successoral ne peut s’exercer que dans le cadre des opérations de partage de l’indivision successorale, quand bien même la somme recelée doit être distraite de l’actif successoral dans le calcul des droits des parties. En outre, selon la consistance de l’actif successoral, le rapport peut s’effectuer en moins prenant, conformément aux dispositions de l’article 858 al.1er du code civil.

Dès lors, sans qu’il y ait lieu de débattre du visa erroné dans les actes de saisie-attribution de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2021 au lieu de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 10 septembre 2019, le jugement doit être réformé en ses dispositions déboutant [P] [T] de l’intégralité de sa contestation et validant les saisies-attribution litigieuses.

Les saisies-attribution litigieuses sont nulles comme n’étant pas fondées sur un titre exécutoire et il convient d’en ordonner la mainlevée.

Sur la demande de condamnation à paiement

Comme il a été dit, l’héritier débiteur peut décider à tout moment de s’acquitter de sa dette envers la masse successorale sans attendre la clôture des opérations de partage.

Le paiement par [P] [T] de la somme de 285.201,01 euros entre les mains de l’huissier de justice mandaté par ses frère et soeur, quand bien même il est intervenu quelques jours après la saisie-attribution du 29 octobre 2021, ne constitue pas le produit d’une voie d’exécution mais un règlement spontané qui a pour lui l’avantage d’arrêter le cours des intérêts.

Il est en effet rappelé que le conseil d'[P] [T] avait, au préalable, déjà fait connaître sa position dans son courrier du 28 août 2020 quant au défaut d’exigibilité de la somme avant la fin des opérations de partage.

Dès lors, le réglement effectué par [P] [T], qui a fait choix de prendre directement attache avec le conseil des parties adverses, ne relève pas d’un vice de son consentement, par erreur ou contrainte, et ne constitue pas un indu.

En conséquence, [P] [T] n’est pas fondé à demander la condamnation de ses co-héritiers à le rembourser de la somme de 285.201,01 euros.

Sur les intérêts

L’article 866 du code civil prévoit que les sommes rapportables produisent intérêts au taux légal, sauf stipulation contraire.Ces intérêts courent depuis l’ouverture de la succession lorsque l’héritier en était débiteur envers le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l’indivision.

Se fondant sur ces dispositions, [P] [T] soutient que les intérêts réclamés par ses co-héritiers ne sont pas dus et ne pourraient courir qu’à compter du partage rendant la somme exigible.

Cependant, la jurisprudence précise que celui qui s’est rendu coupable de recel doit les intérêts sur la somme détournée à compter de l’appropriation injustifiée. En l’espèce, il résulte des termes de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 10 septembre 2019 que les détournements reprochés à [P] [T] sont, en quasi-totalité, antérieurs au décès de sa mère, le surplus correspondant à des retraits d’espèces le jour même de ce décès.

Il importe peu que la cour d’appel de Rennes, qui n’était pas saisie d’une demande de ce chef, n’ait pas statué sur les intérêts puisque ceux-ci courent de plein droit sur la somme détournée dont elle a déterminé le montant.

En conséquence, c’est à bon droit que [Z] et [X] [T] calculent, pour un total de 90.682,28 euros, les intérêts sur la somme totale détournée à compter du 21 octobre 2008, jour de l’ouverture de la succession, jusqu’au jour du réglement de la somme due en principal, le 28 octobre 2021.

En revanche, l’exigibilité des intérêts suivant celle de la créance, les intérêts réclamés ne sont pas exigibles avant le jour du partage et, par conséquent, ne peuvent fonder des voies d’exécution telles que les saisies-attribution litigieuses.

Comme il a été dit, la créance n’est exigible qu’au jour du partage, de sorte que les dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, relatives à la majoration du taux d’intérêt légal, ne sont pas applicables. Cela étant, comme le font valoir [Z] et [X] [T], les demandes de leur frère sur ce point sont sans objet, les intérêts réclamés ayant été calculés au taux légal non majoré, ainsi qu’il résulte du décompte qu’ils versent aux débats.

Sur les demandes accessoires

Les parties échouant toutes partiellement en leurs prétentions, il convient qu’elles conservent leurs dépens d’instance et d’appel et il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme le jugement prononcé le 7 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de [Z] et [X] [T] tendant à voir déclarer nulles les assignations délivrées les 3 décembre 2021 et 5 janvier 2022 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare nulles les saisies-attribution pratiquées par la SCP Chastagnaret et associés

– entre les mains de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes en date du 29 octobre,

– entre les mains de la Société Générale en date du 2 décembre 2021,

– entre les mains de la CRCAM Centre-Est en date du 2 décembre 2021 ;

Ordonne la mainlevée de ces saisies-attribution, aux frais de [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] :

Déboute [P] [T] de sa demande en paiement de la somme de 285.201,01 euros avec intérêts au taux légal ;

Dit que [P] [T] est redevable de plein droit de la somme de 90.682,28 euros au titre des intérêts sur la somme détournée ;

Dit que cette somme de 90.682,28 euros doit être rapportée à l’actif successoral au jour du partage et n’est pas exigible à ce jour et, en conséquence, déboute [X] [T] et [Z] [T] épouse [F] de leur demande de condamnation de [P] [T] à son paiement ;

Déclare sans objet les demandes subsidiaires de [P] [T] tendant à dire que la majoration du taux d’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier n’est pas applicable ou à le dispenser de cette majoration ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens et frais irrépétibles qu’elle a exposés, en première instance et en appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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