Saisie-attribution : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00425

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Saisie-attribution : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00425

21 mars 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
21/00425

ARRET N°

N° RG 21/00425

N°Portalis DBWA-V-B7F-CH7H

M. [M] [I]

C/

LA SELARL BCM & ASSOCIÉS

LA SELARL MONTRAVERS [T]

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 21 MARS 2023

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Fort de France, en date du 13 Juillet 2021, enregistré sous le n° 20/00042 ;

APPELANT :

Monsieur [M] [I]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Seydou DIARRA, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

LA SELARL BCM & ASSOCIÉS, ès qualités d’administrateur judiciaire de l’association OMASS

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Gladys RANLIN, avocat au barreau de MARTINIQUE

LA SELARL MONTRAVERS [T], ès qualités de mandataire judiciaire de l’association OMASS,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Gladys RANLIN, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Janvier 2023 sur le rapport de Claire DONNIZAUX, devant la cour composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 21 mars 2023 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [M] [I] a été embauché le 22 janvier 1996 en qualité d’adjoint de direction niveau III par l’association office des missions d’action sociale et de santé de la ville du [Localité 4] (OMASS) qui exerce une activité d’hébergement médicalisé de personnes âgées. Il a été promu en juillet 1996 directeur adjoint avant de devenir à compter de mars 2002 directeur général de l’association.

Après avoir été convoqué le 25 juillet 2016 à un entretien préalable fixé au 8 août 2016 avec mise à pied conservatoire, il a été licencié le 12 août 2016 pour faute grave.

Contestant cette rupture, il a saisi la juridiction prudhommale pour obtenir le paiement de diverses indemnités et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 13 septembre 2018, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a dit le licenciement fondé et a débouté M. [I] de ses demandes, à l’exception d’une indemnité à titre de rappel de salaire pour la période du 11 août 2013 au 31 juillet 2016, et a condamné l’employeur à lui payer la somme 13 364,93 euros à ce titre.

Par arrêt rendu le 29 novembre 2019, la cour d’appel de Fort-de-France a infirmé ce jugement, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des faits reprochés et condamné l’association OMASS à payer à M. [I] diverses sommes au titre des astreintes, de l’indemnité compensatrice de préavis, des indemnités conventionnelles et contractuelles de licenciement, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice économique.

Le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt a été rejeté le 31 mars 2021 par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Entre décembre 2019 et juin 2020, M. [I] a fait pratiquer entre les mains de la CACEM, la CTM et la CGSSM au vu de cette décision à des saisies attribution pour une somme totale de 751 094,73 euros.

Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’OMASS et désigné la SELARL Montravers [T] en la personne de Me [V] [T], en qualité de mandataire judiciaire de l’association et la SELARL BCM & associés en la personne de Me [Y] [K], en qualité d’administrateur judiciaire avec mission d’assistance.

Cette décision a fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2019.

Par exploit délivré le 8 septembre 2020, la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités de mandataire et d’administrateur judiciaires de l’OMASS, ont fait assigner M. [I] devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France aux fins de voir prononcer la nullité de l’intégralité des saisies opérées pendant la période suspecte, le voir condamner à rembourser l’intégralité des sommes saisies et à leur verser des dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité procédurale.

Par jugement contradictoire du 20 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :

– ordonné la nullité des saisies pratiquées par M. [M] [I] à l’encontre de l’association OMASS entre décembre 2019 et juin 2020, pour la somme totale de 751 094,73 euros,

– condamné M. [M] [I] à rembourser entre les mains de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [Y] [K], la somme de 751 094,73 euros,

– condamné M. [M] [I] à payer entre les mains de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [Y] [K], la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné M. [M] [I] à payer entre les mains de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [Y] [K], la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration électronique du 22 juillet 2021, M. [M] [I] a interjeté appel de cette décision dans les termes suivants, contenus sur une page jointe à la déclaration d’appel :

« chefs du jugement critiqué :

– sur la non prise en compte la demande de M. [I] tendant au rejet du bordereau de communication notifié le 21 juin 2021,

– en ce que le tribunal a ordonné la nullité des saisies opérées par M. [I], au motif que celui-ci a en considération du commissaire aux comptes le 29 mars 2016 et en connaissance avérée de l’état de cessation de paiement de l’association OMASS, procédé à des saisies,

– en ce que l’ensemble de saisies opérées par M. [I] l’ont été pour la somme de 751 094,73 euros et l’a condamné à rembourser à la SELARL BCM la somme de 751 094,73 euros,

– condamner M. [I] à payer entre les mains de la SELARL BCM la somme de 75 000 euros,

– condamner M. [I] à payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [I] aux entiers dépens de l’instance. »

La SELARL BCM et associés et la SELARL Montravers [T] se sont constituées intimées le 25 août 2021.

M. [M] [I] a obtenu la levée de l’exécution provisoire de cette décision, suivant ordonnance du référé du premier président rendue le 9 décembre 2021.

******

Aux termes de ses conclusions d’appelant n° 7, notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022 et auxquelles il convient de renvoyer pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M.[M] [I] demande à la cour de :

au visa des articles L. 632-2 et suivants du code de commerce,

– accueillir M. [I] en son appel et l’y déclarer bien fondé,

– lui donner acte de ce qu’il a saisi le CNB afin qu’un contrôle de sa clé RPVA confirme l’existence d’une difficulté technique,

déclarer irrecevables les conclusions de l’OMASS en date du 21 avril 2022,

– enjoindre les organes de la procédure à produire les pièces suivantes :

– procès-verbal du conseil d’administration du 14 février 2020,

– requête en désignation d’un mandataire ad hoc,

– déclaration de cessation de paiement,

– déclarer que la cour tirera toutes les conséquences de droit de son refus de communiquer lesdites pièces,

– déclarer que M. [I] disposait au moment de la mise en ‘uvre des procédures d’exécutions contestées, d’éléments publics et objectifs justifiant de la pérennité de l’activité de l’OMASS,

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

débouter l’OMASS de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions ;

statuant à nouveau,

– déclarer que la connaissance par M. [I] d’un éventuel état de cessation des paiements de l’OMASS n’est pas établie ;

En conséquence,

– juger qu’il ne peut être fait application des dispositions de l’article L. 6322 du code de commerce,

– débouter la SELARL BCM et associés, en qualité d’administrateur judiciaire de l’association OMASS, la SELARL Montravers [T], en qualité de mandataire judiciaire de l’association OMASS, et l’association OMASS, de leur demande en nullité des procédures d’exécution diligentées par M. [I],

– ordonner à l’OMASS la restitution des sommes ayant fait l’objet d’une mesure de saisie conservatoire convertie en saisie exécution,

– condamner « in solidum ” les organes de la procédure au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour man’uvres abusives,

– débouter les organes de la procédure de leur demande en paiement de dommages et intérêts et des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les intimés « in solidum ” au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner « in solidum » les intimés aux entiers dépens tant de première instance que d’appel dont distraction au profit de Maître S. Diarra pour la SELARL Lex Universales ;

Subsidiairement,

– déclarer en tout état de cause qu’il ne peut y avoir de condamnation à paiement pour des sommes non-perçues.

******

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL BCM et ASSOCIES et la SELARL Montravers [T], en qualités respectives d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de l’OMASS, demandent à la cour de :

Sur la déclaration d’appel :

– juger nulle et de nul effet la déclaration d’appel de M. [I], en date du 22 juillet 2021, faute de précision des chefs de jugement expressément critiqués,

– juger qu’aucune régularisation de ladite déclaration d’appel n’est intervenue avant les conclusions au fond régularisées par M. [I],

– juger l’absence d’effet dévolutif sur le fond de l’appel,

– juger que la cour n’est saisie d’aucune demande,

Sur l’irrecevabilité des conclusions d’appel :

– juger que des demandes sont formées à l’encontre d’une partie non attraite à la procédure ;

– juger que des demandes nouvelles non justifiées par une évolution du litige, sont formées en cause d’appel,

– juger que les chefs de jugement expressément critiqués ne sont pas indiqués,

– juger que la cour n’est pas saisie des demandes de « constater », « dire » ‘ constituant des éléments de motivation et non de saisine,

– juger irrecevables l’ensemble des demandes formées en cause d’appel comme ne saisissant pas la cour ;

Au fond, et si par extraordinaire, la cour entendait voir statuer sur les prétentions de M. [I],

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme non ou mal fondées,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et ce faisant,

– prononcer la nullité des saisies pratiquées par M. [M] [I] à l’encontre de l’association OMASS entre décembre 2019 et juin 2020 pour la somme totale de 751.094,73 euros,

– tenant compte de l’évolution du litige en ce que l’OMASS a bénéficié d’un plan de continuation,

– condamner M. [I] à restituer entre les mains de la SELARL BCM, toutes les sommes perçues au-delà de celle de 542 655,52 euros,

– confirmer la condamnation de M. [I] au paiement de la somme de 75 000 euros de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

– condamner M. [I] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée le 28 juillet 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 27 janvier 2023.

MOTIFS :

1/ Les incidents de procédure

a/ Sur la recevabilité des dernières conclusions des intimés

M. [M] [I] soulève l’irrecevabilité des dernières conclusions des intimés en ce que celles-ci ont été notifiées le 21 avril 2022, alors que la présidente de chambre avait, par ordonnance

du 3 février 2022, établi un calendrier de procédure aux termes duquel les intimés devaient conclure avant le 10 mars 2022 et l’appelant avant le 21 avril 2022 en vue d’une clôture au 19 mai 2022.

Si le calendrier d’échange des conclusions établi le 3 février 2022 n’a pas été respecté par les intimés, il doit cependant être observé qu’à la conférence du 19 mai 2022, la présidente de chambre n’a pas prononcé la clôture mais a accordé un délai supplémentaire à l’appelant pour répondre aux conclusions des intimés notifiées le 21 avril 2022, renvoyant successivement l’affaire pour clôture à la conférence du 16 juin 2022, à celle du 7 juillet 2022 puis à celle du 21 juillet 2022 et n’a finalement prononcé la clôture que le 28 juillet 2022, de sorte que l’appelant, qui a d’ailleurs conclu à trois reprises, le 18 mai 2022, le 9 juin 2022 puis le 5 juillet 2022, en réponse aux conclusions des intimés du 21 avril 2022, a disposé d’un délai suffisant pour y répondre et que le principe du contradictoire a été respecté.

Le moyen tiré de l’irrecevabilité des dernières conclusions des intimés doit donc être écarté.

b/ Sur la recevabilité de la déclaration d’appel et l’effet dévolutif de l’appel

Les intimés soulèvent l’irrecevabilité de la déclaration d’appel et demandent à la cour de constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel au motif que la déclaration d’appel ne comporte pas les chefs de jugement critiqués, qui figurent sur une feuille annexe qui n’a pas été jointe à l’avis qui leur a été adressé, et alors que ce procédé est réservé aux déclarations d’appel comportant plus de 4080 caractères.

Or l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version modifiée par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022, dispose que « la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

(‘)

4° les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Les dispositions du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ayant introduit à l’article 901 précité la possibilité pour la déclaration d’appel de comporter une annexe – possibilité non subordonnée comme auparavant au dépassement d’un certain nombre de caractères – sont applicables aux instances en cours.

Il s’ensuit que la déclaration d’appel de M. [M] [I] ne comporte aucune irrégularité, dès lors qu’elle renvoie expressément à une « note sur les chefs de jugement expressément critiqué jointe à la déclaration d’appel », cette note comportant elle-même la liste des dispositions du jugement qu’elle critique, en ces termes :

« – sur la non prise en compte la demande de M. [I] tendant au rejet du bordereau de communication notifié le 21 juin 2021,

– en ce que le tribunal a ordonné la nullité des saisies opérées par M. [I], au motif que celui-ci a en considération du commissaire aux comptes le 29 mars 2016 et en connaissance avérée de l’état de cessation de paiement de l’association OMASS, procédé à des saisies,

– en ce que l’ensemble de saisies opérées par M. [I] l’ont été pour la somme de 751 094,73 euros et l’a condamné à rembourser à la SELARL BCM la somme de 751 094,73 euros ;

– condamner M. [I] à payer entre les mains de la SELARL BCM la somme de 75 000 euros,

– condamner M. [I] à payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [I] aux entiers dépens de l’instance. »

Les demandes tendant à faire constater la nullité et l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel seront donc rejetées.

c/ Sur la régularité des conclusions de l’appelant

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, « les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. »

Les intimés soulèvent le fait que l’appelant ne précise pas, aux termes de ses conclusions d’appel, les chefs de jugement critiqués, puisqu’il ne contente de demander à la cour d’ « infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions », et que le dispositif de ses conclusions comporte des moyens qui ne saisissent pas la cour.

Or, si l’alinéa 2 de l’article 954 précité énonce que les conclusions comprennent l’énoncé des chefs de jugement critiqués, ces dispositions ne sont sanctionnées d’aucune irrecevabilité ou nullité.

Les intimés ajoutent aux exigences du code de procédure civile, qui n’exigent pas de la déclaration d’appel qu’elle comporte le visa détaillé des chefs critiqués, laquelle emporte l’effet dévolutif de l’appel.

De plus, le dispositif des conclusions de l’appelant, qui comportent bien une demande d’infirmation du jugement querellé, récapitulent une série de prétentions qui, combinées aux chefs de jugement critiqués visés dans la déclaration d’appel, déterminent l’étendue de la saisine de la cour.

En outre, si l’appelant fait figurer à tort au dispositif de ses conclusions un certain nombre de moyens, qui n’y ont pas leur place en vertu de l’article 954 précité, ce dispositif comporte également des prétentions qui saisissent valablement la cour, consistant notamment à solliciter que l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire de l’OMASS soient déboutés de leur demande de nullité des procédures d’exécution diligentées par M. [M] [I], et qu’ils soient condamnés à lui payer 10 000 à titre de dommages et intérêts pour man’uvres abusives et 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin le fait que le dispositif des conclusions comporte des moyens n’est pas une cause de nullité ou d’irrecevabilité desdites conclusions.

Les moyens tendant à faire juger les conclusions de l’appelant nulles ou irrecevables sont donc écartés.

d/ Sur la recevabilité des demandes formulées à l’encontre d’une partie non intimée

Les intimés reprochent à M. [M] [I] de formuler plusieurs demandes à l’égard de l’OMASS, laquelle n’a pas été appelée à la cause en appel, puisque la déclaration d’appel n’est dirigée que contre le mandataire judiciaire et l’administrateur judiciaire de l’OMASS.

Or même si l’OMASS a été placée en redressement judiciaire par jugement du 12 mai 2020, celle-ci conserve sa personnalité juridique, qui n’est pas confondue avec celle des organes de la procédure, d’autant que l’administrateur judiciaire a, aux termes du jugement d’ouverture du 12 mai 2020, reçu une simple mission d’assistance de l’association, et non de représentation.

Il convient donc de constater l’irrecevabilité des demandes de M. [M] [I] dirigées contre l’OMASS, c’est-à-dire celles consistant à demander à la cour de :

– débouter l’association OMASS de sa demande en nullité des procédures d’exécution diligentées par M. [I],

– ordonner à l’OMASS la restitution des sommes ayant fait l’objet d’une mesure de saisie conservatoire convertie en saisie exécution.

Les autres prétentions de M. [M] [I] sont toutes dirigées contre les organes de la procédure, régulièrement intimés.

e/ Sur la recevabilité des demandes nouvelles

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »

Les intimés estiment que l’appelant formule des demandes nouvelles, donc irrecevables en appel.

Il en est ainsi de la prétention tendant pour M. [M] [I] à solliciter en appel qu’il soit fait injonction aux organes de la procédure de produire un certain nombre de pièces (le procès-verbal du conseil d’administration du 14 février 2020, la requête en désignation d’un mandataire ad’hoc et la déclaration de cessation de paiement) et d’en tirer toutes conclusions utiles en cas de refus.

Ces demandes de l’appelant, qui ont pour objectif de démontrer que celui-ci n’avait pas connaissance de l’état de cessation des paiements de l’OMASS, voire que l’OMASS n’était pas en état de cessation des paiements au moment des saisies litigieuses, tendent en réalité à faire écarter les prétentions adverses qui consistent à obtenir la nullité des saisies pratiquées par M. [M] [I] pendant la période suspecte, parce qu’il aurait eu connaissance de l’état de cessation des paiements.

Indépendamment de toute appréciation sur leur pertinence, ces demandes sont donc recevables en appel.

La cour observe que les autres demandes présentées comme nouvelles par les intimés ne figurent plus au dispositif des dernières conclusions de l’appelant, qui sont les seules auxquelles la cour doit répondre.

2/ Sur le fond

L’article L. 632-2 du code de commerce dispose que :

« les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.

Toute saisie administrative, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulée lorsqu’elle a été délivrée ou pratiquée par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci. »

Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation des preuves qui leurs sont soumises pour admettre, ou non, que le créancier avait connaissance, au jour des paiements ou des saisies, de l’état de cessation des paiements du débiteur.

Le créancier doit avoir eu connaissance du fait précis de l’état de cessation des paiements du débiteur, la connaissance d’une situation financière très obérée étant insuffisante.

Il s’agit en outre d’une nullité facultative.

La charge de la preuve incombe au demandeur : il appartient en l’espèce aux organes de la procédure collective de l’OMASS de rapporter la preuve que M. [M] [I] avait connaissance de l’état de cessation des paiements, et non à M. [M] [I] d’établir qu’il n’en avait pas connaissance. Il n’est toutefois pas nécessaire d’établir la mauvaise foi de celui-ci.

Enfin l’état de cessation des paiements est défini par les dispositions de l’article L. 631-1 du code de commerce de la façon suivante : « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. »

a/ Sur la demande de production de pièces

La charge de la preuve incombant aux organes de la procédure, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de production de pièces de M. [I], étant en outre précisé que le procès-verbal du conseil d’administration du 14 février 2020 est finalement produit par l’appelant lui-même.

b/ Sur la demande de nullité des saisies et la demande de remboursement

Dans son jugement du 20 juillet 2021, dont les intimés sollicitent la confirmation, le tribunal mixte de commerce a considéré que M. [I], en qualité d’ancien dirigeant de l’OMASS, ne pouvait pas ignorer les très grandes difficultés rencontrées par l’association, lesquelles étaient explicitées dans un rapport du commissaire au comptes du 29 mars 2016, soit avant son licenciement, et qu’il ressortait de l’arrêt de la cour d’appel du 29 novembre 2019, rendu dans le cadre de la contestation du motif sérieux du licenciement, que M. [I] avait conscience de la situation financière dramatique de l’association.

Face à la contestation de la réalité de l’état de cessation des paiements de l’association par M. [I], le tribunal a considéré qu’il n’était pas possible de remettre en cause l’autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal mixte de commerce ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire et fixé la date de cessation des paiement.

En appel, M. [M] [I] soutient qu’il ignorait l’état de cessation des paiements.

Il fait valoir que sa qualité d’ancien dirigeant de l’association, licencié plus de 3 ans auparavant, et sa connaissance du rapport du commissaire au compte du 29 mars 2016, portant sur l’exercice 2015, ne peuvent justifier à elles seules sa connaissance de l’état de cessation des paiements au jour des saisies.

Il justifie que l’agence régionale de santé (ARS) et la collectivité territoriale de la Martinique (CTM) ont autorisé par arrêté du 18 juillet 2019 la création par l’OMASS d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes « hors les murs » sur la commune du [Localité 4], cet arrêté prévoyant expressément un retrait d’autorisation en cas de déséquilibre financier significatif et prolongé.

Selon lui, la délivrance de cette autorisation implique nécessairement le fait qu’à cette date, l’OMASS ne se trouvait pas en état de cessation des paiements, ou à tout le moins que l’ARS et la CMT n’avaient pas connaissance d’un état de cessation des paiements. Il soutient qu’il ne pouvait lui-même être mieux informé de cette situation que les institutions ayant procédé à l’instruction de la demande d’autorisation.

Il produit un rapport du commissaire aux comptes déposé le 20 décembre 2019 par M. [A], intitulé « rapport de synthèse sur l’appréciation du contrôle interne exercice 2019 », qui est le compte-rendu d’une mission d’audit confiée chaque année au commissaire au compte, comme le précise le directeur de l’OMASS pendant le conseil d’administration du 14 février 2020. Établi avant la clôture de l’exercice et n’ayant pas vocation à présenter de manière exhaustive la situation comptable de l’association, il s’agit néanmoins d’un document préparatoire à la clôture des comptes de l’exercice 2019 établi par M. [A] dans le cadre de son mandat de commissaire aux comptes. Dans ce rapport, le commissaire aux comptes rappelle que depuis plusieurs exercices il alerte sur la situation très préoccupante de l’association et que plusieurs procédures d’alerte successives ont été déclenchées. Il énonce que « la situation comptable établie en date du 30.09.19 fait ressorti une nouvelle perte comptable d’un montant de 1 339 K€, portant ainsi les fonds propres à -2 120 K€. Au 05 décembre 2019, la trésorerie présentée en C. A. s’élève à -42 K€. » Il précise que des actions pour un plan de retour à l’équilibre ont été énoncées, mais que les modalités de suivi des mesures annoncées ne sont pas adaptées à la gravité de la situation et formule à ce titre un certain nombre de recommandations. Pour autant, à aucun moment le commissaire au compte ne fait état d’une situation ou d’un risque d’état de cessation des paiements. Il évoque en outre un certain nombre de créances à récupérer, notamment auprès de la ville du [Localité 4], et de nouveaux marchés obtenus pour lesquels il est nécessaire de connaître le résultat financier afin de s’assurer de la marge bénéficiaire.

Ce document confirme par ailleurs que l’OMASS ne respecte pas l’obligation de dépôt des comptes annuels et qu’en conséquence M. [I] ne pouvait par ce biais connaître la situation financière de l’entreprise.

M. [I] fait ensuite valoir que lors d’un débat télévisé, le maire de [Localité 4] a déclaré le 18 février 2020 que la dette de l’OMASS avait été réglée, en tenant les propos suivants : « concernant la dette de l’OMASS, c’est une affaire qui est réglée depuis l’année passée, et [Z] [J] peut en témoigner, nous avons passé en conseil municipal une délibération pour accorder 258 000 euros à l’OMASS, et en décembre le solde des 634 000 euros, et l’avocat dont il fait référence a déjà reçu la réponse, et la ville du [Localité 4] honore ses dettes, au contraire.

La ville du [Localité 4] a une signature, la ville du [Localité 4] aujourd’hui paye à 32 jours les entreprises, elle est réglo. » Le fait que l’élu affirme que la dette de l’OMASS est réglée a pu conforter M. [I] dans l’idée que l’association était in bonis. Pour autant, les intimés soutiennent que dans cet entretien, le maire évoque la situation de M. [I] et que le seul fait que la commune ait dû augmenter les dotations de l’association pour faire face aux mesures d’exécution de l’appelant démontre que celle-ci était en état de cessation des paiements.

Si les propos du maire, tenus dans le cadre d’une campagne électorale et cités en dehors de leur contexte, peuvent ici susciter plusieurs interprétations, il n’en demeure pas moins que le fait que la mairie a versé des dotations supplémentaires à l’OMASS ne suffit pas à démontrer que celle-ci était en situation de cessation des paiements. Elles peuvent tout au plus signifier que la ville a entendu répondre au besoin de financement de l’association, le cas échéant pour éviter une situation de cessation des paiements.

Par ailleurs, M. [I] signale et justifie que la SELARL BCM a été désignée en qualité de mandataire ad’hoc par ordonnance présidentielle du 7 avril 2020, ce qui ne pouvait que le conforter dans l’idée que l’OMASS n’était pas en état de cessation des paiements, cette procédure amiable ayant notamment pour objectif d’aider l’association à redresser sa situation financière en prenant des mesures destinées à éviter de se retrouver en état de cessation des paiements.

M. [I] produit en outre le procès-verbal du conseil d’administration de l’OMASS du 14 février 2020, qui a précédé la demande de désignation du mandataire ad’hoc, dont il ressort que la situation financière de l’association était particulièrement tendue mais pas au point de solliciter l’ouverture d’un redressement judiciaire, et que plusieurs procédures d’alerte ont été engagées mais sans aller à leur terme. Au cours de cette réunion, il est envisagé par la direction de s’engager dans une phase amiable consistant en la désignation d’un mandataire ad’hoc. A aucun moment n’est évoqué un état de cessation des paiements. Le mandataire ad’hoc pressenti précise d’ailleurs qu’au regard de sa connaissance de la situation de l’association, une mesure de redressement judiciaire n’est pas encore à l’ordre du jour. A plusieurs reprises est évoquée la possibilité de provoquer l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, non pas en raison d’un état de cessation des paiements, mais pour « bloquer » les procédures d’exécution engagées par M. [I].

Il produit enfin une attestation de M. [W] [X], trésorier de l’OMASS jusqu’au 16 janvier 2020, date de sa démission, qui témoigne de ce qu’à son départ, l’association ne se trouvait pas en état de cessation des paiements. Il précise que durant sa mission, il n’a jamais été question de cessation des paiements car la ville du [Localité 4] s’est toujours portée garante de la situation de l’association et avait décidé de rembourser les sommes dues à l’OMASS.

A supposer, comme le soutiennent les intimés, que M. [X] ait été un ancien subordonné de M. [I] pour avoir été trésorier lorsque l’appelant dirigeait l’association, ce rapport de subordination a cessé depuis le licenciement de celui-ci en août 2016.

L’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, qui sollicitent la confirmation du jugement pour les motifs qui y sont exposés, font valoir que M. [I] ne pouvait ignorer l’état de cessation des paiements en ce qu’il a eu connaissance de la lettre du commissaire au compte, adressée le 29 mars 2016 à la présidente du conseil d’administration, faisant état de résultats annuels négatifs depuis 2007, et d’un résultat provisoire négatif de 1,114 millions d’euros au titre de l’année 2015. Ce courrier mentionne que ces résultats ont obéré de façon significative le niveau des fonds propres de l’association et que la continuité d’exploitation de l’association est compromise, justifiant le déclenchement du niveau 1 de la procédure d’alerte, à savoir l’envoi d’un courrier au dirigeant pour l’alerter sur cette situation et lui demander de prendre des mesures pour y faire face.

Au vu des pièces produites par les parties, la procédure d’alerte n’a pas été poursuivie et le commissaire aux comptes n’a pas eu à saisir le président du tribunal mixte de commerce, laissant ainsi entendre que la réponse apportée au commissaire aux comptes par les organes dirigeants lui a semblé satisfaisante.

Les intimés soutiennent que seules les subventions de fonctionnement et d’équilibre permettaient de maintenir le fonctionnement de l’association, en dépit de ces déficits structurels, ce que M. [I] savait parfaitement, ce qu’il l’a conduit à procéder à des saisies attributions consistant à capter ces subventions d’équilibre.

Ils prétendent ainsi que le seul fait que M. [I] ait engagé des saisies attributions pour capter ces subventions signifie qu’il avait une parfaite connaissance du mécanisme de financement de l’OMASS et qu’il ne pouvait ignorer que ces saisies révéleraient un état de cessation des paiements préexistant.

Toutefois, si le fait d’avoir engagé des saisies attributions fructueuses auprès de la CACEM (payeur de la ville du [Localité 4]) pour un montant de 741 048,59 euros et auprès de la CGSSM pour un montant de 10 046,14 euros, démontre en effet que M. [I] connaissait le mode de financement de l’OMASS et savait comment recouvrer de manière efficace le montant de sa créance, cette décision n’est pas à elle-seule de nature à démontrer qu’il connaissait l’état de cessation des paiements de l’association, qui ne publie pas ses comptes annuels et dont il avait été écarté plus de trois ans auparavant.

M. [I] conteste d’ailleurs avoir capté les subventions d’équilibre évoquées par les intimés et explique que l’OMASS est principalement financé par une dotation annuelle octroyée par la ville du [Localité 4] et versée par douzième chaque mois au titre de l’action sociale. Il soutient ainsi que les sommes qui ont fait l’objet de la saisie du 20 décembre 2019 concernaient la dotation annuelle, et non la subvention d’équilibre, dont il précise que celle-ci consistait en un complément budgétaire réclamé par l’OMASS à la ville en raison de l’augmentation de la masse salariale et qui a été mise en place en 2011 et versée jusqu’en 2012, date à laquelle elle a été suspendue au moins jusqu’à son départ en 2016.

Face à ces explications, les intimés ne fournissent aucun élément permettant de démontrer que les sommes captées par M. [I] étaient des subventions d’équilibre plutôt que la dotation annuelle.

Enfin, pour que la nullité soit prononcée, il est nécessaire d’établir que M. [I] avait connaissance de l’état de cessation des paiements avant les saisies litigieuses, et non qu’il avait conscience que les saisies pratiquées placeraient le débiteur dans une situation de cessation des paiements, de sorte que le moyen des intimés est inopérant.

Or, M. [I] démontre de son côté qu’il disposait d’éléments publics de nature à lui faire penser que l’OMASS n’était pas en état de cessation des paiements (agrément CTM et ARS en juillet 2019, rapport du commissaire aux comptes du 20 décembre 2019, déclarations publiques du maire du [Localité 4] en février 2020). En outre, il produit des pièces qui révèlent que le directeur de l’association, le commissaire aux comptes et le mandataire ad’hoc eux-même n’ont, à la date des saisies litigieuses, jamais évoqué d’état de cessation des paiements (rapport du commissaire aux comptes du 20 décembre 2019, procès-verbal du conseil d’administration du 14 février 2020), alors qu’il est incontestable qu’un ancien dirigeant, qui n’est plus aux responsabilités depuis plus de 3 ans, ne peut avoir de meilleure connaissance qu’eux de l’impossibilité pour l’association de faire face au passif exigible avec son actif disponible, ou des moratoires ou réserves de crédit lui permettant d’éviter l’état de cessation des paiements.

La désignation d’un mandataire ad’hoc, par ordonnance du présidente du tribunal du 7 avril 2020, dont la mission est notamment « d’entreprendre et de poursuivre des négociations avec les principaux créanciers en vue de la finalisation d’échéanciers de remboursement », laisse en outre présumer d’une absence d’état de cessation des paiements.

La cour constate de plus qu’aucun élément comptable n’est produit par les intimés au soutien de leur demande de nullité des saisies, à l’exception de la lettre du commissaire aux comptes du 29 mars 2016, relatif à l’exercice 2015, attestant de déficits structurels anciens et persistants, qui reste un document très ancien au regard de la date des saisies litigieuses.

Ils ne produisent notamment aucune pièce qui permettrait de démontrer que la situation d’état de cessation des paiements était apparente au moment des saisies, en particulier la déclaration de cessation des paiements et leur analyse comptable de la demande de fixation de la date de l’état de cessation des paiements au 30 novembre 2019.

Même le courrier du trésorier de la CACEM (payeur de la ville du [Localité 4]) du 18 mai 2020, qui a manifestement différé l’exécution de la saisie attribution du 20 décembre 2019 « pour préserver l’ensemble des parties » et ne s’est exécuté qu’en mai 2020 après avoir été menacé par l’huissier instrumentaire d’engager sa responsabilité personnelle, est insuffisant à établir que l’OMASS se trouvait en cessation des paiements en décembre 2019 avant cette saisie, et surtout que M. [I] avait connaissance de cette situation.

Seul le courrier du mandataire ad’hoc en date du 21 avril 2020, adressé au conseil de M. [I] pour lui proposer un échéancier, a valablement attiré l’attention de celui-ci sur le risque d’état de cessation des paiements, puisqu’il y est mentionné que « cette solution, sous réserve que d’autres échéanciers puissent être mis en place avec les autres créanciers, permettra d’éviter l’ouverture d’un redressement judiciaire et la mise en jeu des nullités prévues par les dispositions de l’article L. 631-32-2 du code de commerce. »

Cependant au regard des pièces produites par la SELARL BCM et associés et la SELARL Montravers [T], les saisies visées par la demande de nullité sont toutes antérieures à ce

courrier :

– procès-verbal de saisie attribution du 20 décembre 2019 entre les mains du trésorier de la ville du [Localité 4],

– procès-verbal de saisie attribution du 20 décembre 2019 entre les mains de la trésorerie de la CACEM,

– procès-verbal de saisie attribution du 12 février 2020 entre les mains du payeur de la CTM,

– procès-verbal de saisie attribution du 10 mars 2020 entre les mains de la BRED Banque populaire,

– procès-verbal de saisie de droits d’associé ou de valeurs mobilières du 10 mars entre les mains de la BRED Banque populaire, – procès-verbal de saisie de droits d’associé ou de valeurs mobilières du 9 mars 2020 entre les mains de la caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Martinique,

– procès-verbal de saisie de droits d’associé ou de valeurs mobilières du 9 mars 2020 entre les mains de la BNP Paribas Antilles Guyane.

Il est certes établi que M. [M] [I], de par ses anciennes fonctions de dirigeant de l’association et le rapport du commissaire aux comptes du 26 mars 2016 reçu avant son licenciement, avait connaissance de la situation financière dramatique et structurellement déficitaire de l’OMASS, ce qui est confirmé par la lecture de l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 29 novembre 2019.

Pour autant, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour démontrer qu’il avait la connaissance du fait précis que la structure se trouvait, au moment où il a fait pratiquer les saisies litigieuses pour récupérer sa créance dans les mains des créanciers de l’OMASS, en situation de cessation des paiements.

Outre que le tribunal n’a pas suffisamment caractérisé le fait que M. [I] avait connaissance de l’état de cessation des paiements de l’OMASS, les éléments de preuve avancés par les organes de la procédure, qui reposent essentiellement sur la contestation de l’interprétation des pièces produites par l’appelant lui-même, sont insuffisants à l’établir.

Le seul fait, à le supposer avéré, que M. [I] ait eu conscience de ce que les saisies pratiquées placeraient l’association en cessation des paiements, n’est pas suffisant, puisqu’il est nécessaire de démontrer que le débiteur avait connaissance de cet état au moment des saisies.

Les organes de la procédure, qui ont la charge de la preuve, échouent donc à démontrer que les conditions de l’article L. 632-2 du code de commerce sont réunies.

Il convient donc d’infirmer le jugement querellé en ce qu’il a annulé les saisies pratiquées et condamné M. [I] au remboursement des sommes correspondantes.

c/ Sur les demandes de dommages et intérêts

Les conditions de l’article L. 632-2 du code de commerce n’étant pas réunies, la faute de [I] n’est pas caractérisée, de sorte que la demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [I] doit être rejetée.

Le jugement sera réformé en ce sens.

La demande de dommages et intérêts de M. [I] sera également rejetée en ce qu’il ne démontre pas avoir subi de préjudice distinct que celui qui est réparé par le versement d’indemnités de procédure, tant dans le cadre de la présente affaire que dans le cadre des procédures distinctes qui l’ont opposé à l’OMASS et aux organes de la procédure.

3/ Sur les demandes accessoires

Succombant, la SELARL BCM et associés et la SELARL Montravers [T] seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

Elles seront déboutées de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et condamnées in solidum à verser à M. [M] [I] une indemnité d’un montant de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de M. [M] [I] tendant à faire constater l’irrecevabilité des dernières conclusions des intimés ;

REJETTE les demandes de la SELARL Montravers [T] et de la SELARL BCM et associés tendant à faire constater la nullité de la déclaration d’appel et l’absence d’effet dévolutif de l’appel ;

REJETTE les demandes de la SELARL Montravers [T] et de la SELARL BCM et associés tendant à faire constater l’irrecevabilité et à la nullité des conclusions de l’appelant ;

DECLARE irrecevables les demandes de M. [M] [I] dirigées contre l’OMASS, non appelée à la cause en appel ;

REJETTE les autres demandes de la SELARL Montravers [T] et de la SELARL BCM et associés tendant à faire déclarer irrecevables les autres demandes de M. [M] [I] ,

INFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE M. [M] [I] de sa demande de production de pièces ;

DEBOUTE la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de l’OMASS, de leur demande de nullité des saisies pratiquées par M. [M] [I] à l’encontre de l’OMASS entre décembre 2019 et juin 2020 pour la somme totale de 751 094,73 euros ;

DEBOUTE la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de l’OMASS, de leur demande de condamnation de M. [M] [I] au remboursement des sommes correspondantes ;

DEBOUTE la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de l’OMASS, de leur demande de dommages et intérêts ;

DEBOUTE M. [M] [I] de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de l’OMASS, à payer à M. [M] [I] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de l’OMASS, de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SELARL Montravers [T] et la SELARL BCM et associés, en qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de l’OMASS, aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Diarra pour la SELARL Lex Universalis.

Signé par Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre, et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière lors du prononcé, à qui la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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