Saisie-attribution : décision du 2 février 2024 Tribunal judiciaire de Lille RG n° 23/00211

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Saisie-attribution : décision du 2 février 2024 Tribunal judiciaire de Lille RG n° 23/00211

2 février 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
23/00211

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 02 Février 2024

N° RG 23/00211 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XGKG

DEMANDEURS :

Monsieur [G] [Y], représenté par l’AGSS de l’UDAF, ès qualité de tuteur
[Adresse 3]
[Localité 5]

AGSS DE L’UDAF, ès qualité de tuteur de M. [G] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Me Amélie MACHEZ, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Sly CROQUELOIS-AMRI

DÉFENDERESSE :

Société INTRUM DEBT FINANCE AG, représentée par INTRUM, anciennement dénommée INTRUM JUSTITIA France, venant aux droits de FRANFINANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Charles DELEMME

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Etienne DE MARICOURT, Juge du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIER : Sophie ARES

DÉBATS : A l’audience publique du 15 Décembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 02 Février 2024

JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00211 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XGKG

EXPOSE DU LITIGE

Par actes d’huissier de justice du 14 avril 2023, la SA INTRUM DEBT FINANCE AG a fait dénoncer à Monsieur [G] [Y] deux saisies-attributions exécutées le 6 avril 2023 sur ses comptes bancaires ouverts au sein de la BANQUE POSTALE et du CREDIT MUTUEL, ce en exécution d’une ordonnance d’injonction de payer rendue par le président du tribunal d’instance de Lille du 11 février 2000.

Par acte d’huissier de justice du 15 mai 2023, l’AGSS de l’UDAF, en qualité de tuteur de Monsieur [Y], a fait assigner la SA INTRUM DEBT FINANCE AG devant ce tribunal à l’audience du 16 octobre 2023 afin de contester ces actes d’exécution.

Après plusieurs renvois à l’initiative des parties, l’affaire a été retenue à l’audience du 15 décembre 2023 au cours de laquelle les parties étaient représentées par leurs conseils, lesquels ont déposé leurs dossiers de plaidoirie en invitant le tribunal à se référer à leurs conclusions écrites.

L’affaire a été mise en délibéré à la date du 2 février 2024.

Dans ses conclusions, l’AGSS de l’UDAF, en qualité de tuteur de Monsieur [Y], présente les demandes suivantes :
-DECLARER caduque la saisie-attribution réalisée entre les mains de la Banque Postale par la SCP ROY-LEMOINE-GALY le 6 avril 2023 ;
-ORDONNER la main levée de la saisie attribution pratiquée sur le compte Banque Postale de Monsieur [Y] ;
-DECLARER caduque la saisie-attribution réalisée entre les mains du Crédit Mutuel par la SCP ROY-LEMOINE-GALY le 6 avril 2023 ;
-ORDONNER la main levée de la saisie attribution pratiquée sur le compte Crédit Mutuel de Monsieur [Y] ;
-CONSTATER la prescription de l’exécution de l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 11 février 2000 par le Tribunal d’instance de LILLE ;
-CONDAMNER la société INTRUM à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
-CONDAMNER la Société INTRUM à payer à Monsieur [Y] la somme de 1500 euros en application de l’articles 700 du Code de procédure civile ;
-CONDAMNER la Société INTRUM aux entiers dépens.

Dans ses conclusions, la société INTRUM DEBT FINANCE AG présente les demandes suivantes :
-Débouter Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes,
-Autoriser l’huissier instrumentaire à poursuivre les opérations de saisie,
-Condamner Monsieur [Y] à lui verser 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

Pour un exposé de l’argumentation des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à ces conclusions et aux éléments repris dans la motivation du présent jugement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la caducité des saisies-attributions litigieuses.

L’article R211-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose qu’ “à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier de justice dans un délai de huit jours”.

Aux termes de l’article 473 du code civil, la personne placée sous tutelle est représentée dans tous les actes de la vie civile par son tuteur.

Selon l’article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
Le défaut de capacité d’ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Enfin, en vertu de l’article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

En l’espèce, l’UDAF reproche à la défenderesse de ne pas lui avoir fait dénoncer les actes de saisies-attributions litigieux.

La société INTRUM ne conteste pas l’irrégularité mais soutient que celle-ci constituerait une nullité de forme de la dénonciation soumise à la preuve d’un grief.

Cependant, le défaut de capacité de la personne placée en tutelle pour recevoir un acte constitue une nullité de fond de l’acte d’huissier en application des articles 117 et 649 du code de procédure civile, nullité qui doit être prononcée sans qu’il soit exigé la démonstration d’un grief.

Dès lors, en l’absence de dénonciation valable des saisies-attributions litigieuses, il y a lieu d’en prononcer la caducité et d’en ordonner mainlevée.

Sur la prescription alléguée du titre.

En application de l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

L’article 26 de la loi du 17 juin 2008 ayant réformé les délais de prescription civile prévoit que les dispositions de la réforme qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l’espèce, l’UDAF soutient que le délai de prescription décennale du titre a commencé à courir le 19 juin 2008 pour s’achever le 19 juin 2018 et que la société INTRUM n’a pas fait délivrer d’acte interruptif de prescription valable avant cette date comme la défenderesse le soutient dès lors que l’acte de cession de créance avec commandement aux fins de saisie-vente du 13 avril 2018 ne lui avait pas non plus été dénoncé, alors que Monsieur [Y] était déjà placé sous tutelle à cette date.

Il faut relever en effet que l’acte du 13 avril 2018 dont se prévaut la société INTRUM n’a été délivré qu’à Monsieur [Y] alors qu’il est justifié que ce dernier se trouve sous régime de tutelle depuis un jugement du 17 février 2017. Il y a lieu de retenir le même raisonnement que tenu précédemment s’agissant des actes de saisies-attributions du 6 avril 2023 pour considérer que le commandement du 13 avril 2018 n’est pas valide et n’a pu interrompre le délai de prescription décennale. La prescription du titre exécutoire est ainsi acquise depuis le 19 juin 2018.

Par conséquent, il sera dit que l’ordonnance du 11 février 2000 est prescrite.

Sur la demande au titre du préjudice moral.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, «tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». L’engagement de la responsabilité civile d’autrui nécessite d’apporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.

En l’espèce, la délivrance d’actes d’exécution irréguliers constitue en soi une faute civile. Néanmoins, l’UDAF se contente d’évoquer le préjudice moral de Monsieur [Y] sans indiquer comment se serait manifesté ce préjudice. Faute de préjudice démontré, la demande ne peut qu’être rejetée.

Sur les dépens.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la société INTRUM DEBT FINANCE AG sera condamnée aux dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
 
Condamnée aux dépens, la société INTRUM DEBT FINANCE AG versera à Monsieur [Y] une somme qu’il est équitable de fixer à 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement prononcé par mise à disposition au greffe, contradictoire et susceptible d’appel,
PRONONCE la caducité et ordonne la mainlevée des saisies-attributions mises en oeuvre le 6 avril 2023 à l’encontre de Monsieur [G] [Y] sur ses comptes ouverts au sein de la BANQUE POSTALE et du CREDIT MUTUEL ;

DIT que l’action en recouvrement de l’ordonnance portant injonction de payer du 11 février 2000 est prescrite ;

CONDAMNE la société INTRUM DEBT FINANCE AG à payer à Monsieur [G] [Y] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE la société INTRUM DEBT FINANCE AG aux dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution ;

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier,

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Sophie ARESEtienne DE MARICOURT

 


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