Saisie-attribution : décision du 2 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06606

·

·

Saisie-attribution : décision du 2 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06606

2 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/06606

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 02 Février 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/06606 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPGV

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Septembre 2020 par le Pole social du TJ d’EVRY RG n° 19/01593

APPELANT

Monsieur [B] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne

INTIMEE

CIPAV

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Christophe LATIL, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par d’un jugement rendu le 22 septembre 2020 par le tribunal judiciaire d’Evry (RG19/01593) dans un litige l’opposant à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [B] [E] est affilié auprès de la caisse interprofesionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (ci-après désignée ‘la Caisse’ ou la ‘CIPAV’) en sa qualité de conseil en informatique.

Le 8 juin 2019, la Caisse a établi à l’encontre de M. [E] une mise en demeure d’avoir à payer la somme de 37 817,46 euros afférent à la régularisation des cotisations 2016 (171,97 euros), aux cotisations provisionnelles dues pour l’année 2017 (21 625,35 euros) et à celles dues au titre de l’année 2018. Cette mise en demeure a été notifiée à l’intéressé le 5 juillet 2019.

Par courrier du 8 juillet 2019, M. [E] a saisi la commission de recours amiable indiquant, en substance, que depuis près d’un an, il envoie des courriers à la CIPAV pour faire rectifier l’adresse à laquelle on lui envoie des courriers et qu’elle persiste à lui adresser des appels de cotisations à cette adresse où il ne réside pas. Ne pouvant donc en avoir connaissance, il ne peut lui être reproché de ne pas s’être acquitté des cotisations. Il sollicitait un échéancier sur 48 mois.

La CRA a accusé réception de ce recours le 24 juillet 2019 et a déclaré la demande irrecevable au motif que « les demandes d’état de compte et de délai de règlement ne relèvent pas de la compétence de la commission ».

Par courrier du 8 juillet 2019, M. [E] a contesté la mise en demeure auprès de la CRA estimant devoir la somme de 36 691 euros qu’il proposait de payer en 36 mensualités de 708 euros.

La décision de la CRA n’a pas été produite aux débats mais, par courrier du 4 septembre 2019, M. [E] a pris acte de la proposition d’échelonnement de sa dette tout en contestant devoir les majorations de retard, au motif que l’absence de paiement des cotisations à temps relevait de la responsabilité de la CIPAV qui lui a toujours adressé les appels de cotisations à une adresse à laquelle il ne résidait pas. Il sollicitait par ailleurs « un ajustement des cotisations en tenant compte des chiffres d’affaire 2016 et 2017 ». Après un nouveau chiffrage, il proposait de verser la somme de 25 491 euros en 24 mensualités de 1 062,12 euros.

Le 23 septembre 2019, la CIPAV a émis une contrainte à l’encontre de M. [E] pour un montant de 37 692,46 euros réclamé au titre des cotisations et majorations de retard normalement dues au titre des années 2017 et 2018. La contrainte a été signifiée à l’intéressé le 16 octobre 2019.

Par courrier du 9 octobre 2019, la CIPAV a rejeté la demande de délais de paiement, soulignant que de tels délais lui avaient déjà été accordés mais non respectés et que les périodes de contestation faisaient l’objet d’un recouvrement contentieux.

C’est dans ce contexte que, par requête du 28 octobre 2019, M. [E] a formé opposition à la contrainte devant le pôle social du tribunal de grande instance d’Evry, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020.

Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal :

– s’est déclaré incompétent pour statuer sur les frais résultants de la saisie attribution réalisée par la CIPAV à l’égard de Monsieur [B] [E] ;

– a déclaré M. [E] recevable en son opposition mais l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;

– a validé la contrainte émise à l’encontre de M. [B] [E] le 23 septembre 2019 par la CIPAV à hauteur de son entier montant, soit la somme de 37 692,46 euros réclamée au titre des cotisations et majorations de retard dues pour les années 2017 et 2018, soit 33 040 euros de cotisations et 4 652,46 euros de majorations de retard.

Le jugement a été notifié aux parties le 24 septembre 2020 et M. [E] en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 28 septembre 2020.

L’affaire a alors été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 15 novembre 2023 lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.

M. [E], qui comparaît en personne, demande à la cour de :

– constater que la contrainte a été notifiée sans avoir fait l’objet d’appels à cotisations réguliers,

– enjoindre à la Caisse de recalculer le montant des cotisations et majorations de retard.

La Caisse, représentée par son Conseil, au visa de ses conclusions déposées à l’audience, demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner M. [E] à lui verser la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Après s’être assurée de l’effectivité d’un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l’affaire et mis son arrêt en délibéré au 2 février 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Au soutien de son appel, M. [E] fait valoir que l’appel de cotisation 2017 lui a été envoyé à une mauvaise adresse et que pour l’année 2018 n’ayant pas reçu d’appel de cotisation il n’a pas pu s’en acquitter. Il en conclut que la contrainte doit être annulée et que le montant de ses cotisations doit être recalculé.

La CIPAV sollicite pour sa part la validation de la contrainte pour son entier montant et produit dans ses écritures un décompte détaillé des sommes réclamées, rappelant que les cotisations sont portables et non quérables. Elle fait valoir que M. [E] est affilié à titre personnel auprès de la CIPAV et qu’il lui appartenait de s’informer sur le montant des cotisations dont il était redevable.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 621-1 du code de la sécurité sociale dans ses versions applicable au litige :

Au titre de la couverture des risques d’assurance maladie et maternité, les travailleurs indépendants entrant dans le champ d’application de l’article L. 622-1 sont redevables d’une cotisation assise sur leurs revenus d’activité selon les modalités prévues aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 et L. 133-6-8, dont le taux est fixé par décret.

Ce taux peut être réduit par décret, sans toutefois pouvoir être inférieur au taux fixé à l’article L. 621-2, pour la fraction de ces revenus qui dépasse un plafond fixé par décret.

Pour les travailleurs indépendants ne relevant pas des dispositions prévues à l’article L. 133-6-8 dont les revenus sont inférieurs à un montant fixé par décret, cette cotisation est calculée sur ce montant. Dans ce cas, le taux mentionné au premier alinéa du présent article fait l’objet d’une réduction qui décroît, dans des conditions fixées par décret, en fonction des revenus des personnes concernées. Le bénéfice de cette réduction s’ajoute à celui de la réduction mentionnée à l’article L. 621-3 sans toutefois que le total des deux réductions puisse conduire à l’application d’un taux inférieur à celui fixé à l’article L. 621-2.

L’article L. 621-3 du même code précisant :

Le taux des cotisations mentionnées aux articles L. 621-1 et L. 621-2 dues par les travailleurs indépendants dont les revenus d’activité sont inférieurs à un seuil fixé par décret fait l’objet d’une réduction, dans la limite de 5 points, qui décroît à proportion de ces revenus, dans des conditions fixées par décret. Le bénéfice de cette réduction ne peut être cumulé avec aucun autre dispositif de réduction ou d’abattement applicable à ces cotisations, à l’exception de ceux prévus aux articles L. 131-6-4 et L. 613-1.

Pour sa part, l’article L. 622-5 du code de la sécurité sociale dans ses versions en vigueur du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2017 :

Les professions libérales groupent les personnes exerçant l’une des professions ci-après ou dont la dernière activité professionnelle a consisté dans l’exercice de l’une de ces professions :

(…)

3°) et d’une manière générale, toute personne autre que les avocats, exerçant une activité professionnelle non-salariée et qui n’est pas assimilée à une activité salariée pour l’application du livre III du présent code, lorsque cette activité ne relève pas d’une autre organisation autonome en vertu des articles L. 622-3, L. 622-4, L. 622-6 ou d’un décret pris en application de l’article L. 622-7.

L’article R. 641-1 du code de la sécurité sociale alors en vigueur disposant :

La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales comprend onze sections professionnelles :

(…) 11° La section professionnelle des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l’article L. 382-1, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques, et de toute profession libérale non rattachée à une autre section.

L’article 1er du décret n°79-263 du 21 mars 1979 dans sa version modifiée par le décret n°2004-461 du 27 mai 2004 dispose que :

A compter du 1er janvier 1979, il est institué un régime d’assurance invalidité-décès obligatoire commun aux architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques affiliés à la section professionnelle des professions libérales mentionnée à l’article R. 641-6 (11°) du code de la sécurité sociale.

Ce régime comporte des avantages en faveur des assurés atteints d’une invalidité permanente définitive, totale ou partielle, et en faveur notamment de leur conjoint survivant et de leurs enfants à charge.

L’article 2 du même décret, dans sa version applicable à la cause, dispose que :

Le régime d’assurance invalidité-décès institué par l’article 1er est financé par des cotisations dont les personnes mentionnées à l’article 1er sont obligatoirement redevables en sus de la cotisation du régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales prévu au livre VIII, titre Ier, du code de la sécurité sociale et de la cotisation du régime d’assurance vieillesse complémentaire institué par le décret susvisé du 21 mars 1979.

Ces cotisations sont versées à la section professionnelle mentionnée à l’article 1er dans les mêmes formes et conditions que la cotisation du régime d’assurance vieillesse de base.

Aux termes de l’article 3.7 – Exigibilité de la cotisation (régime de retraite complémentaire) – des statuts de la Cipav approuvés par arrêté du 3 octobre 2006 « La cotisation, qui est portable, est exigible pour l’année entière dès le 1er janvier ». Il en est de même s’agissant du régime de l’invalidité décès, l’article 4.5 des statuts disposant « qu’elle est portable dès le 1er janvier et est due pour l’année entière, même si l’adhérent est radié en cours d’exercice ».

Il résulte de ces dispositions que M. [E], en tant que conseil en informatique exerçant à titre libéral, était tenu de cotiser aux régimes obligatoires des professions libérales (assurance vieillesse de base, retraite complémentaire et assurance invalidité-décès) auprès de la CIPAV.

M. [E] ne remet pas en cause le principe de son affiliation, qui est donc acquis aux débats.

Il conteste en réalité le fait que n’ayant pas eu connaissance des appels à cotisations et s’en étant acquitté tardivement, non seulement il lui a été appliqué des majorations de retard mais surtout, l’absence de paiement des cotisations en 2017 et 2018 a eu pour conséquence qu’il n’a pu les déduire de son chiffre d’affaires ce qui a majoré l’assiette de ses cotisations l’année suivante.

Or, les cotisations étant portables et non quérables, la CIPAV n’était pas tenue de lui adresser des appels de cotisations. Dès lors, aucune négligence ni dysfonctionnement qui résulterait de l’absence d’envoi d’appels de cotisations à l’adresse où il demeurait ne peut être reproché à la Caisse et cette circonstance ne remet pas davantage en cause la validité ou la régularité de la mise en demeure et de la contrainte objet du présent recours, lesquelles au demeurant ont été régulièrement notifiées à M. [E], qui en a accusé réception.

Ce faisant, la charge de la preuve du caractère infondé de la contrainte litigieuse pèse sur l’opposant (Cass., Civ. 2, 19 décembre 2013, n° 12-28.075).

Or, la cour ne peut que constater que M. [E] n’apporte aucun élément de ce chef, ne remettant en cause ni la nature des cotisations appelées, ni les taux retenus par Caisse. M. [E] ne propose d’ailleurs aucun calcul des cotisations qu’il estime devoir acquitter. En tout état de cause, s’agissant de l’assiette des cotisations, s’il indique que l’absence de paiement dans les temps de ses cotisations ne lui ont pas permis de diminuer le montant de l’assiette des cotisations de l’année suivante, ce fait résultant de sa propre carence, il ne saurait remettre en cause les calculs de la Caisse.

Il résulte de ce qui précède que la contrainte, valablement notifiée au regard de l’envoi préalable d’une mise en demeure lui permettant de connaître la nature, la cause et le fondement de son obligation, doit être validée pour son entiers montant.

M. [E] sera enfin débouté de sa demande d’exonération des majorations de retard qu’il estime infondées alors qu’il est constant qu’il n’a pas payé les cotisations dans les temps. Au demeurant, il ne résulte pas des pièces produites qu’il aurait préalablement saisi la CRA de ce chef de demande après le refus opposé par la CIPAV le 9 octobre 2019.

Le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [E], qui succombe à l’instance, supportera les dépens.

Par contre, ni la nature de l’affaire ni l’équité ne commande qu’il soit fait droit à la demande de la CIPAV de condamner M. [E] à lui verser la somme de 250 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 22 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d’Evry (RG : 19/01593) en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;

DÉBOUTE la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [E] aux dépens.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x