Saisie-attribution : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/07144

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Saisie-attribution : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/07144

19 décembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/07144

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 19 DÉCEMBRE 2023

N° RG 21/07144

N° Portalis DBV3-V-B7F-U3U4

AFFAIRE :

Société EMERY- LUCIANI-ALLIEL

C/

S.A.R.L. DANE COMMUNICATION ET FORMATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2021 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 18/07359

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Franck LAFON,

-la SELARL LPALEX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société EMERY-LUCIANI-ALLIEL

huissiers de Justice associés, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

N° SIRET : 306 244 427

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Franck LAFON, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20210451

Me Gérard VANCHET de la SCP LYONNET DU MOUTIER – VANCHET-LAHANQUE – GUYOT, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : P0190

APPELANTE

****************

S.A.R.L. DANE COMMUNICATION ET FORMATION

représentée par son gérant, domicilié ès qualités au siège social

N° SIRET : 384 409 975

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Sabine LAMIRAND de la SELARL LPALEX, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.455

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Dane et la société Viadeo ont conclu un contrat de prestations de service le 1er juillet 2006, modifié par un avenant du 20 avril 2011.

Les parties ont mis un terme à leurs relations au terme d’un protocole d’accord signé le 27 juin 2016, la société Viadeo s’engageant à verser à la société Dane un montant forfaitaire de 223 200 euros TTC pour solde de tout compte.

Ce protocole transactionnel a été homologué par ordonnance rendue par la présidente de la chambre du tribunal de grande instance de Strasbourg le 24 novembre 2016, signifiée le 25 novembre 2016 à la société Viadeo.

L’accord n’étant pas exécuté, la société Dane a mandaté la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, huissiers de justice, aux fins de recouvrer la somme arrêtée au terme du protocole.

Cette étude a procédé le 25 novembre 2016 à deux saisies-attributions entre les mains des sociétés GE Factor France et Parel.

Les saisies ont été dénoncées à la société Viadeo par acte du 29 novembre 2016.

Par jugement du même jour, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société Viadeo.

Par jugement rendu le 7 mars 2017, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a déclaré caduques les deux saisies-attribution pratiquées à l’encontre de la société Viadeo faute de dénonciation de la procédure à l’administrateur judiciaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

Dans ces circonstances, par exploits d’huissier de justice des 29 et 31 octobre 2018, la société Dane a fait assigner la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, huissier de justice, et la société Verspieren devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Versailles en responsabilité professionnelle pour faute.

Par un jugement rendu le 9 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– Mis hors de cause la société Verspieren,

– Débouté la société Dane de sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la SCP Emery-Luciani-Alliel et la société Verspieren d’avoir à communiquer les coordonnées de l’assureur responsabilité civile professionnelle de la SCP, ainsi que la déclaration de sinistre effectuée par celle-ci,

– Dit que la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel a engagé sa responsabilité à l’égard de la société Dane,

– Condamné la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel à payer à la société Dane la somme de 164.727,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2017 en réparation du préjudice subi,

– Ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– Condamné la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel à payer à la société Dane la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Dane à payer à la société Verspieren la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel aux dépens,

– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

La SCP Emery-Luciani-Alliel a interjeté appel de cette décision le 1er décembre 2021 à l’encontre de la société Dane.

Par dernières conclusions notifiées le 28 août 2023, la société Emery-Luciani-Alliel demande à la cour de :

Vu la décision entreprise,

Vu les pièces versées aux débats,

– Juger que ni le protocole du 27 juin 2016, ni l’ordonnance présidentielle du 24 novembre 2016 n’ont autorité de chose jugée à l’égard de la SCP Emery-Luciani-Alliel,

– Infirmer en tous points la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Vu l’article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1128, 1162,1163 et 1199 nouveaux et les articles 1126 et 1131 anciens du code civil,

Vu les articles 2044, 2048 et 2057 du code civil,

– Juger que le protocole en date du 27 juin 2016 ne prévoit aucune prestation qui rentre dans le domaine d’activité de Dane et que celle-ci justifierait d’avoir exécuté, ni de l’existence d’une rupture fautive par Viadeo du contrat en date du 1 er juillet 2006.

– Juger en conséquence qu’il n’existe aucune obligation licite, légitime et valablement souscrite entre Dane et Viadeo aux termes du protocole et qu’il n’existe aucune créance de Dane à l’égard de Viadeo.

En conséquence,

– Juger que Dane ne justifie d’aucune créance susceptible de lui être due.

Vu l’article 1240 du code civil,

– Juger qu’à défaut de justifier d’une quelconque créance, Dane est mal fondée à invoquer un quelconque préjudice résultant d’une éventuelle faute commise par l’Huissier dans le cadre du mandat de recouvrement qui lui avait été confié en l’absence de tout préjudice indemnisable,

En conséquence,

– Débouter Dane de l’intégralité de ses demandes,

– Juger que la décision à intervenir emportera créance de restitution au profit de la SCP Emery- Luciani- Alliel.

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour devait considérer que la responsabilité de l’Office d’Huissiers concluant est engagée,

– Juger que la créance résiduelle de Dane ne saurait excéder la somme de 127 527, 25 euros,

En tout état de cause,

– Condamner la société Dane Société au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Dane Société aux dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2023, la société Dane demande à la cour de :

– Déclarer l’appel de la SCP Emery-Luciani-Alliel irrecevable et, en tous les cas, mal fondé,

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles le 9 novembre 2021,

En tout état de cause :

– Condamner la SCP Emery-Luciani-Alliel à verser à la société Dane un montant de 6.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la SCP Emery-Luciani-Alliel en tous les frais et dépens des deux instances.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 septembre 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel,

Le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a :

– Mis hors de cause la société Verspieren,

– Débouté la société Dane de sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la SCP Emery-Luciani-Alliel et la société Verspieren d’avoir à communiquer les coordonnées de l’assureur responsabilité civile professionnelle de la SCP, ainsi que la déclaration de sinistre effectuée par celle-ci.

Ces dispositions sont devenues irrévocables.

Sur la recevabilité de l’appel

Si dans le dispositif de ses conclusions, la société Dane demande à la cour de ‘ Déclarer l’appel irrecevable ‘, elle n’invoque aucun moyen au soutien de cette prétention qui n’est même pas évoquée dans la partie ‘Discussion’.

Conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est donc valablement saisie de la question de la recevabilité de l’appel et ne statuera pas sur ce point.

Sur la faute commise par la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel

Pour retenir une faute professionnelle à l’encontre de la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, le tribunal a relevé que cette dernière n’avait pas dénoncé les saisies-attribution pratiquées à l’encontre de la société Viadeo à son administrateur judiciaire dans le cadre de la procédure collective qui venait de s’ouvrir, ce qui a directement conduit le juge de l’exécution à déclarer caduques lesdites saisies.

Moyens des parties

La SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel ne nie pas l’omission qui lui est reprochée.

La société Dane souligne l’absence de toute contestation quant à la faute commise par l’étude d’huissiers de justice.

Appréciation de la cour

C’est par des motifs exacts, adoptés par la cour, liés à l’absence de dénonciation de la saisie-attribution dans les 8 jours du placement en redressement judiciaire de la société Viadeo, que le tribunal a jugé que la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle, si tant est que les autres conditions soient réunies.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la validité du protocole transactionnel et l’autorité de l’ordonnance d’homologation

Moyens des parties

La SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel reproche pour l’essentiel au tribunal de ne pas avoir recherché si, comme elle le soutenait, la créance alléguée par la société Dane n’était pas dépourvue de toute cause, privant de tout effet l’accord transactionnel. Elle affirme également que l’ordonnance homologuant le protocole transactionnel est dépourvue de l’autorité de chose jugée. Elle fait de plus valoir que sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil. Enfin, elle affirme qu’il est inexact de prétendre que le protocole irrégulier ne lui cause aucun préjudice dès lors qu’elle est condamnée au paiement des sommes qui y sont indiquées.

La société Dane réplique pour l’essentiel que la responsabilité de la SCP SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, doit être retenue sur le fondement des articles 1991 et suivants du code civil relatifs au mandat. Elle poursuit en affirmant que l’huissier de justice, mandaté pour faire exécuter un titre exécutoire, n’a pas qualité pour le contester et ne peut donc valablement contester la validité du protocole transactionnel. Elle souligne encore que la mission confiée à la SCP était d’exécuter un jugement auquel est bien attachée l’autorité de la chose jugée et qui est opposable aux tiers.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, compte tenu des longs développements opérés par les parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites pour un exposé plus détaillé des moyens avancés.

Appréciation de la cour

Sur le fondement de la responsabilité de la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel,

En application de l’article 1991 du code civil, ‘ Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ‘.

Il ne saurait être contesté que l’huissier de justice qui pratique une saisie-attribution entre les mains d’un tiers détenteur agit en exécution d’un mandat qui le lie au créancier.

Le fait que l’huissier de justice soit tiers au protocole n’a aucune incidence sur le fondement de sa responsabilité.

Il est donc inexact de prétendre que la responsabilité de l’huissier de justice ne pourrait être engagée que sur le fondement délictuel.

Enfin, si effectivement le tribunal, à tort, a jugé que la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, cette erreur est indifférente dès lors que le mandat est un contrat particulier et que la responsabilité contractuelle et la responsabilité fondée sur le mandat obéissent aux mêmes principes, à savoir l’existence d’un manquement à une obligation de moyen ou de résultat, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Sur la validité du protocole transactionnel et la portée de l’ordonnance d’homologation

La SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel consacre de longs développements aux irrégularités qui affecteraient le protocole transactionnel et au fait que l’ordonnance l’ayant homologué n’aurait pas l’autorité de la chose jugée.

La cour constate que le tribunal a parfaitement répondu à ces moyens déjà soulevés en première instance et adopte les motifs pertinents du jugement.

Le tribunal a en effet exactement relevé que la SCP n’avait pas qualité pour contester le protocole transactionnel qualifié d’irrégulier, que celui-ci ne pouvait pas lui nuire ni lui profiter et qu’elle avait été investie d’un mandat pour faire exécuter une décision de justice et non pour examiner le bien fondé du protocole.

Il sera ajouté que quel que soit le mérite des critiques formées à l’encontre du protocole transactionnel, il ne revenait pas à la SCP de s’en faire juge.

Il doit être constaté que la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, tente de détourner l’objet du litige qui l’oppose à la société Dane pour porter le débat sur le contenu du protocole transactionnel, sa validité au regard des règles qui gouvernent la formation des contrats et l’autorité d’une ordonnance d’homologation.

Une telle argumentation est surprenante dans la mesure où si la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel estimait que le titre qui lui était demandé de mettre à exécution était irrégulier à un titre quelconque, soit qu’il ne soit pas exécutoire, soit que la créance qu’il contenait soit contestable, elle aurait dû refuser le mandat de recouvrement qui lui était confié.

Or, non seulement, elle a accepté ce mandat, mais encore elle a bien mis à exécution l’ordonnance d’homologation en pratiquant les saisies-attribution litigieuses et en les dénonçant au débiteur, la société Viadeo, tout en omettant de les dénoncer à l’administrateur judiciaire.

Toutefois, pour répondre aux moyens développés par la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, la cour souligne qu’outre les deux saisies-attribution litigieuses déclarées caduques, l’étude d’huissier a également pratiqué deux saisies conservatoires entre les mains de la Société Générale et la société HSBC, en exécution du même titre.

Le juge de l’exécution a été saisi de contestations portant sur les quatre saisies.

Il convient donc de rechercher si, sans cette erreur de la part de l’huissier de justice qui a conduit au prononcé de la caducité des deux saisies-attribution, le juge de l’exécution aurait validé ces deux actes ou au contraire s’il les aurait annulées en raison soit de l’irrégularité du protocole, soit de celle de l’ordonnance d’homologation.

Dans son jugement rendu le 7 mars 2017, relativement aux saisies conservatoires, le juge de l’exécution a rappelé qu’en application de l’article R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, il ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.

Il a donc déclaré irrecevables les demandes visant à faire remettre en cause le titre exécutoire et celles visant à contester le protocole.

Ainsi, si les deux saisies- attribution n’avaient pas été déclarées caduques, elles auraient nécessairement été validées, le titre servant de support ne pouvant pas être remis en cause pas plus que la régularité du protocole.

Il est donc vain pour la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, définitivement homologué par une ordonnance constitutive d’un titre exécutoire que, pas plus que le juge de l’exécution, la cour ne peut remettre en cause.

En outre, il sera rappelé que le référé rétractation de l’ordonnance d’homologation litigieuse a été déclaré irrecevable et qu’aucun appel n’a été formé pour faire annuler ladite ordonnance.

Enfin, il sera ajouté que contrairement à ce qu’elle soutient, le protocole n’est pas en soi susceptible de porter préjudice à la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel.

Il est en effet incontestable que la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel n’est pas la débitrice de la société Dane au titre des relations contractuelles de celle-ci avec la société Viadeo, mais en revanche, elle doit répondre des conséquences de ses fautes découlant de l’exécution défectueuse de son mandat.

Le débat doit donc être recentré sur ce qui est légitiment reproché à la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, à savoir le non respect d’une règle procédurale, dont il a d’ores et déjà été dit qu’il constituait une faute, les demandes indemnitaires et la recherche du lien de causalité entre ces deux éléments.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Le tribunal a estimé que la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, tiers au protocole transactionnel, avait pour seule mission de faire exécuter l’ordonnance d’homologation et n’avait pas qualité pour contester le protocole transactionnel. En ne dénonçant pas les saisies-attribution à l’administrateur judiciaire, le tribunal a jugé que l’étude avait causé une préjudice direct, actuel et certain à la société Dane par la perte définitive de sa créance.

Moyens des parties

La SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel fait valoir, à titre subsidiaire, que le préjudice ne serait que de 223 200 TTC soit 186 000 euros HT et que doivent être déduites les sommes perçues par la société Dane par le biais de deux saisies fructueuses, soit une créance résiduelle de 127 527,25 euros.

La société Dane de son côté conteste la déduction de la TVA de la somme qui doit lui être allouée et rappelle que le tribunal a déduit de l’indemnité qu’il a fixée les sommes qu’elle a perçues.

Appréciation de la cour

La SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel ne conteste pas le lien de causalité entre la faute commise et le préjudice revendiqué par la société Dane. Elle indique en effet dans ses conclusions ne pas contester ‘ le fait que la saisie avait porté et aurait permis de payer la créance ‘.

La caducité des deux saisies-attribution, prononcée en raison de l’absence de sa dénonciation auprès de l’administrateur judiciaire, a donc privé de manière directe et certaine la société Dane du paiement de sa créance.

S’agissant de la TVA : la somme mise à la charge de la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel est constitutive de dommages et intérêts à raison d’une faute commise. Elle ne représente pas le paiement des prestations effectuées. Elle n’est donc pas taxable au titre de la TVA.

Par ailleurs, en application des grands principes qui régissent le droit de la responsabilité, la victime doit être indemnisée de tout son préjudice, mais sans surplus. Elle ne doit pas s’enrichir à l’occasion de la procédure d’indemnisation.

Si la société Viadeo s’était acquittée des sommes dues au titre du protocole, la société Dane aurait dû reverser la TVA. Elle n’aurait donc pas bénéficié de la totalité de la somme arrêtée au protocole.

Dès lors, il y a lieu de déduire la TVA de l’indemnité qui sera allouée.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur le quantum de l’indemnité allouée qui sera fixée à la somme de 127 527,25 euros, soit le montant du protocole duquel ont été déduites les sommes perçues par ailleurs à ce titre et la TVA.

En application de l’article 1231-7 du code de procédure civile, s’agissant d’une indemnité, les intérêts ne commencent à courir qu’à compter de son prononcé par le juge, en l’espèce à compter du 9 novembre 2021 date du jugement déféré, mais uniquement sur la somme fixée par la cour.

La capitalisation des intérêts sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, qui n’obtient que très partiellement gain de cause en appel, supportera les dépens de cette procédure qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande de la condamner en outre à verser à la société Dane une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande sur ce fondement présentée par la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel, sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l’appel, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel à payer à la société Dane la somme de 164 727,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2017 en réparation du préjudice subi,

Le CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel à payer à la société Dane la somme de 127 527,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021 en réparation du préjudice subi,

CONDAMNE la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel aux dépens de la procédure d’appel, qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCP Stéphane Emery – Thierry Luciani – Jacques Alliel à payer à la société Dane la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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