Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Rennes RG n° 23/05660

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Rennes RG n° 23/05660

18 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n°
23/05660

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 8] – tél : [XXXXXXXX03]
JUGE DE L’EXÉCUTION

Audience du 18 Janvier 2024
Affaire N° RG 23/05660 – N° Portalis DBYC-W-B7H-KQFP

RENDU LE : DIX HUIT JANVIER DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

ENTRE :

– Monsieur [B] [N]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 13],
Madame [S] [R] ÉPOUSE [N]
née le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 12], demeurant ensemble [Adresse 6]
représentés par Me Jean-pierre DEPASSE, avocat au barreau de RENNES

Partie(s) demanderesse(s)

ET :

– Monsieur [F] [I]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 11],
– Madame [M] [Y]
née le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 11],
demeurant ensemble [Adresse 7]
représentés par Me Christophe DAVID, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me Aurélie CARFANTAN, avocat

Partie(s) défenderesse(s)

DEBATS :

L’affaire a été plaidée le 09 Novembre 2023, et mise en délibéré pour être rendue le 18 Janvier 2024 .

JUGEMENT :

En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique en date du 24 mai 2004, monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] ont acquis une maison d’habitation de type longère située lieu-dit [Adresse 10] à [Localité 9] moyennant le prix de 79.270 €.

Ils ont entrepris des travaux de rénovation en 2004-2005 puis transformé une dépendance en extension en 2007. Ils ont réalisé eux-mêmes les travaux de menuiserie, plâtrerie-cloisons-isolation, électricité-ventilation et revêtements de murs et sols et confié à des professionnels les lots chape, couverture, plomberie-chauffage.

Par acte authentique en date du 20 août 2010, les époux [N] ont vendu leur maison à monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] moyennant le prix de 232.000€.

Se plaignant d’un inconfort thermique et d’une surconsommation énergétique, monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] ont fait procéder à une étude thermique en février 2011 et à une expertise amiable par le cabinet Polyexpert en mars 2012.

Ils ont obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes la désignation d’un expert par une ordonnance du 18 octobre 2012. L’expertise a été étendue à de nouveaux désordres le 30 mai 2013. Madame [T] [W] [K] a déposé son rapport le 2 décembre 2014.

Par acte d’huissier en date du 19 janvier 2016, monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] ont fait assigner les époux [N] devant le tribunal de grande instance de Rennes en application de l’article 1792 du Code civil, subsidiairement de l’article 1147.

Par un jugement en date du 10 février 2020, le tribunal judiciaire les a déboutés de l’ensemble de leurs prétentions et condamnés aux dépens comprenant ceux de l’instance en référé et la rémunération de l’expert judiciaire. Il a débouté les époux [N] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par arrêt du 10 mars 2022, la cour d’appel de Rennes a infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau a :
– condamné les époux [N] à payer à monsieur [F] [I] et à madame [M] [Y] les sommes suivantes :
– 93.890,62 € TTC au titre des travaux de reprise de l’extension,
– 23.048,49 € TTC au titre des travaux de reprise des désordres de la longère,
ces sommes étant actualisées en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 entre le 2 décembre 2014 et l’indice le plus proche de la date du présent arrêt,
– 9.800 € à titre de dommages-intérêts en réparation des autres chefs de préjudice,
– 8.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– débouté monsieur [F] [I] et à madame [M] [Y] du surplus de leurs demandes,
– condamné les époux [N] aux dépens de première instance comprenant les frais de référé et d’expertise et aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’arrêt a été signifié à avocat le 17 mars 2022 et aux époux [N] le 31 mars 2022.

Suivant acte authentique au rapport de maître [J] en date du 25 janvier 2023, monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] ont revendu le bien immobilier situé lieu-dit [Adresse 10] à [Localité 9].

Le conseil de monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] a adressé par courrier du 5 avril 2023 au conseil des époux [N] un décompte des sommes dues représentant 177.698,42 € à la suite duquel un règlement de 26.629,86 € correspondant au montant des dommages et intérêts, de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens a été effectué.

C’est dans ces conditions qu’en exécution de l’arrêt de la cour d’appel, monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] ont fait délivrer le 22 mai 2023 un commandement aux fins de saisie-vente pour un montant de 152.529,20 € aux époux [N].

Ils ont également fait pratiquer, le 22 juin 2023, une saisie-attribution entre les mains de l’office notarial (la SAS OFFICE DU CARRE) en charge de la vente du bien immobilier appartenant aux époux [N] pour le recouvrement de la somme totale de 155.882,49 € en principal, intérêts et frais.

Le 26 juin 2023, cette mesure a été dénoncée à monsieur [B] [N] et à madame [S] [R] épouse [N] qui l’ont contestée par assignation délivrée le 11 juillet 2023 devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes.

Après un renvoi destiné à permettre aux parties d’échanger leurs pièces et conclusions, l’affaire a été retenue à l’audience du 9 novembre 2023, à laquelle les parties ont repris oralement leurs écritures respectives.

Aux termes de conclusions en réponse et récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 octobre 2023, monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] demandent au juge de l’exécution de:

Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 121-1 et suivants, L. 211-1 et suivants du Code des
procédures civiles d’exécution,
Vu la possibilité pour le juge de l’exécution de fixer le sens de la décision dont
l’exécution est poursuivie lorsqu’une interprétation est nécessaire,
Vu le principe selon lequel les décisions de justice doivent s’exécuter de bonne foi,
Vu le dispositif de l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 10 mars 2022, Vu la production en cours de procédure par Mr [I] et Mme [Y] de leur acte de vente du 25 janvier 2023 confirmant que les travaux de reprise de l’extension et de la longère visés expressément dans le dispositif de l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 10 mars 2022 n’ont pas été réalisés et qu’ils ont constitué une moins-value sur le prix de vente ;

– Dire et juger que les consorts [I]-[Y] ne peuvent prétendre à la prise en compte dans cette moins-value de la TVA sur des travaux dont ils n’ont pas assumé la charge ;
– Cantonner la saisie aux sommes suivantes : 75.112,50 euros pour les travaux de reprise de l’extension et 18.439,60 euros pour les travaux de reprise de la longère ;
– Dire et juger que le montant des condamnations sera actualisé sur la base de l’intérêt légal et non pas sur l’indice BT 01 applicable uniquement à des travaux de bâtiment ;
– Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pour les sommes liées à l’actualisation d’un montant de 16.891,33 euros et 4.146,52 euros dans l’attente de la production d’un décompte calculé sur la base de l’intérêt légal ;
– Dire et juger que cette actualisation commencera à courir à compter de la date de l’arrêt soit le 10 mars 2022 et non pas à compter de la date d’établissement des devis le 2 décembre 2014 ;
– Condamner solidairement Mr [F] [I] et Mme [M] [Y] à payer à Monsieur [B] [N] et Mme [N] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile ;
– Condamner Mr [I] et Mme [Y] aux dépens de la présente procédure et dire et juger que tous les frais liés à la saisie pratiquée le 23 mai 2023 resteront à leur charge.

Les époux [N] soutiennent en substance que dans la mesure où le bien immobilier a été revendu par les défendeurs au début de l’année 2023 sans que les travaux objets des condamnations prononcées par la cour d’appel de Rennes aient été réalisés, ces derniers ne peuvent prétendre au paiement ni de la part de TVA des sommes dues ni du montant afférent à l’indexation sur l’indice BT 01, lesquels sont liés à l’exécution des travaux.
Aux défendeurs qui leur opposent le principe de l’intangibilité du titre exécutoire, ils rétorquent que le juge de l’exécution a le pouvoir d’interpréter ce titre.

En réplique, par écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2023, monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] demandent de :

Vu les articles L. 111-1 et suivants du Code de procédure civile d’exécution,
Vu les faits de l’espèce rappelée dans les présentes écritures,
Vu le dispositif de l’arrêt de la Cour d’appel de RENNES du 10 mars 2022,

– Valider le commandement aux fins de saisie-vente du 22 mai 2023,
– Juger parfaitement valable et licite ainsi que bien fondée la saisie-attribution pratiquée par la SCP HUBERT GRAIVE ET BRIZARD le 22 juin 2023 entre les mains de la société OFFICE DU CARRE et dénoncée aux époux [N] le 26 juin 2023, avec toutes conséquences de droit,
– Condamner solidairement Monsieur et Madame [N] à payer à Monsieur et Madame [I] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Débouter Monsieur et Madame [N] de toutes leurs demandes fins et conclusions,
– Condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL QUADRIGE AVOCATS par application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Pour s’opposer à la demande des époux [N] et conclure à la validité des mesures d’exécution forcée, monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] rappellent l’interdiction faite au juge de l’exécution de modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites.
Ils admettent ne pas avoir fait procéder aux travaux de reprise mais précisent que le prix de vente du bien immobilier a été réduit à due concurrence des indemnités TTC et indexées qui doivent leur être versées par les époux [N].

Ils font observer que si leur indemnisation prend en compte la TVA et comporte une indexation, c’est en raison de la nature décennale des désordres de construction qui affectent le bien immobilier, et que la perception des indemnités n’est pas conditionnée à la démonstration de la réalisation des travaux pour y remédier.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la contestation de la saisie attribution

En vertu de l’article R. 211-11 du Code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience.

En l’espèce, monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] ont contesté la saisie-attribution qui avait été pratiquée le 22 juin 2023 par assignation du 11 juillet 2023, soit dans le mois de la dénonciation qui lui en a été faite par acte du 26 juin 2023.

Il est en outre versé aux débats la lettre recommandée en date du 12 juillet 2023 adressée au commissaire de justice ayant pratiqué la saisie, l’informant d’une assignation en contestation de ladite mesure.

Les dispositions de l’article R. 211-11 du Code des procédures civiles et d’exécution prévues à peine d’irrecevabilité sont ainsi respectées.

La contestation sera en conséquence déclarée recevable.

II – Sur le bien-fondé des demandes principales

Sur la saisie-attribution du 22 juin 2023

Selon l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution , tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Aux termes de l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.

En l’espèce, selon le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 10 mars 2022 les époux [N] ont été condamnés à payer à monsieur [F] [I] et à madame [M] [Y] les sommes de 93.890,62 € TTC au titre des travaux de reprise de l’extension et de 23.048,49 € TTC au titre des travaux de reprise des désordres de la longère, avec actualisation de ces sommes en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 entre le 2 décembre 2014 et l’indice le plus proche de la date de l’arrêt.

Le dispositif de l’arrêt qui sert de fondement aux poursuites engagées par les défendeurs est donc dépourvu d’ambiguïté : les condamnations sont prononcées TTC et sont assorties d’une indexation.

La circonstance tenant à l’inexécution des travaux de reprise est inopérante, dès l’instant que l’obligation des époux [N] au paiement du coût de la TVA et du montant dû au titre de l’actualisation de ces indemnités n’est pas subordonnée à l’obligation de faire exécuter lesdits travaux.

Ce faisant, le titre exécutoire n’a pas lieu d’être soumis à interprétation, sauf à le modifier et porter ainsi atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] doivent donc être déboutés de leur demande tendant au cantonnement et à la mainlevée partielle de la saisie-attribution pratiquée le 22 juin 2023 entre les mains de la société OFFICE DU CARRE.

Sur le commandement aux fins de saisie-vente du 22 mai 2023

Il a déjà été statué sur la validité de cette mesure d’exécution forcée dans le cadre de l’affaire enrolée sous le numéro RG 22/04511, de sorte que cette demande est sans objet.

III – Sur les mesures accessoires

Monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] qui perdent le litige seront condamnés in solidum au paiement des dépens de la présente instance et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera fait application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile au profit de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, conformément à la demande.

Ils seront également condamnés in solidum à payer à monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] une somme au titre des frais non compris dans les dépens que l’équité commande de fixer à 1.000 €.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et par jugement contradictoire,

– DÉCLARE recevable la contestation formée par monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] à l’encontre de la saisie-attribution pratiquée le 22 juin 2023 entre les mains de la société OFFICE DU CARRE ;

– DÉBOUTE monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] de leur demande tendant au cantonnement et à la mainlevée partielle de cette saisie-attribution ;

– DIT que la demande tendant à voir déclarer valide le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 22 mai 2023 à monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] est sans objet ;

– CONDAMNE in solidum monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] à payer à monsieur [F] [I] et madame [M] [Y] une indemnité de mille euros (1.000 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNE in solidum monsieur [B] [N] et madame [S] [R] épouse [N] au paiement des dépens de la présente instance ;

– AUTORISE la SELARL QUADRIGE AVOCATS à recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens, dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

– RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

Le Greffier,Le Juge de l’Exécution,

 


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