Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/15347

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/15347

18 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/15347

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 18 JANVIER 2024

(n° /2024)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/15347 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIH3M

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Août 2023 du TJ de MEAUX – RG n° 23/00567

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Laurent NAJEM, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.R.L. MAISONS.COM

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud D’HERBOMEZ de l’AARPI D’HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517

à

DÉFENDEURS

Monsieur [H] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [M] [C]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Frédéric GUERREAU de la SELARL PONTAULT LEGALIS, avocat au barreau de MELUN, toque : 55

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 05 Décembre 2023 :

Par ordonnance en date du 18 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a :

– Déclaré recevables les demandes de M. [H] [C] et Mme [M] [C] ;

– Ordonné à la société MAISONS.COM de procéder à ses trais exclusifs aux travaux nécessaires de remise en état de l’immeuble avant réception tels que décrits dans le rapport d’expertise judiciaire du 16 février 2023 ;

– Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [H] [C] et Madame [M] [C] de voir prononcer une astreinte et de condamner la société MAISONS.COM, à l’issue du délai de deux mois, à leur payer la somme principale de 156.824,44 euros TTC outre indexation sur la variation de l’indice BT01 du coût de la construction entre décembre 2022 et le règlement de ladite somme le tout avec intérêts au taux légal ;

– Autorisé M. [Z] [F], expert conseil, à assister aux opérations de remise en état de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 5] avant réception ;

– Condamné la société MAISONS.COM à payer à M. [H] [C] et Mme [M] [C] la somme provisionnelle de 86.054,94 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice causé par le retard de livraison ;

– Condamné la société MAISONS.COM aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

– Condamné, la société MAISONS.COM à payer à M. [H] [C] et Mme [M] [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

La société MAISONS.COM a fait appel de cette décision par déclaration du 5 septembre 2023.

Par acte en date du 2 octobre 2023, elle a fait assigner M. et Mme [C], en référé, devant le premier président de la cour d’appel de Paris aux fins de voir :

– Dire recevable l’action de la société MAISONS.COM ;

A titre principal,

. Juger qu’il existe des moyens sérieux de réformation de l’ordonnance du 18 août 2023 du tribunal judiciaire de Meaux et des conséquences manifestement excessives à maintenir son exécution provisoire compte tenu de l’absence de faculté de remboursement des époux [C],

. Par conséquent, arrêter l’exécution provisoire l’ordonnance du 18 août 2023 du tribunal judiciaire de Meaux.

A titre subsidiaire,

– Ordonner aux époux [C] de constituer une garantie – réelle ou personnelle – afin de garantir en cas de réformation de l’ordonnance attaquée et/ou de décision significativement différente qui serait rendue par le tribunal judiciaire de Meaux, saisi au fond, la restitution des sommes qui leur seront versées par la concluante en exécution de l’ordonnance du 18 août 2023 du tribunal judiciaire de Meaux;

– Autoriser la société MAISONS.COM à consigner ou séquestrer le montant correspondant aux condamnations prononcées par l’ordonnance du 18 août 2023 du tribunal judiciaire de Meaux, dans l’attente de la décision d’appel.

En tout état de cause,

– Réserver les dépens dont le sort suivra celui des dépens de l’appel.

A l’audience du 5 décembre 2023, la société MAISONS.COM, représentée par son conseil, maintient ses demandes initiales qu’elle développe oralement.

S’agissant des moyens sérieux d’annulation ou de réformation, elle fait valoir que le premier juge a excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 835 du code de procédure civile en ce qu’il a alloué des sommes aux époux [C], en procédant à une estimation des dommages et intérêts, alors qu’il est constant que le juge des référés est incompétent pour connaître une telle demande et qu’une provision ne peut être accordée qu’au regard de la créance en cause, laquelle doit apparaître incontestable.

Elle considère que le juge des référés a procédé à une analyse de la date de réception potentielle de l’ouvrage litigieux, alors qu’une telle demande excède également ses pouvoirs. Elle fait état de ce que le litige opposant les parties est pendant au fond. Elle en déduit qu’il existe des contestations sérieuses, d’autant que les pénalités de retard incluent tous les préjudices liés au retard, sauf à prouver un préjudice distinct.

S’agissant des conséquences manifestement excessives, elle fait valoir qu’il n’est pas garanti que les époux [C] seront en mesure de restituer les fonds, compte tenu des sommes en jeu ; qu’elle n’a aucune idée de leur situation financière.

A titre subsidiaire, elle expose qu’elle souhaite se prémunir contre les risques d’insolvabilité des époux [C] en cas de réformation d’une ordonnance critiquable notamment en ce qu’elle a accordé la quasi-totalité des sommes qu’ils réclamaient au titre des préjudices dont l’analyse ressortait du seul juge du fond ; qu’elle entend solliciter la constitution d’une garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions.

Suivant conclusions déposées à l’audience et développées oralement par leur conseil, M et Mme [C] demandent de :

– débouter la société MAISONS.COM de sa demande de suspension des effets de l’exécution provisoire de droit attachée à l’ordonnance de référé du 18 août 2023 du tribunal judiciaire de Meaux ;

subsidiairement,

– débouter la société MAISONS.COM de sa demande d’aménagement de l’exécution provisoire laquelle est devenue sans objet par suite de la saisie attribution sur les comptes bancaires définitive effectuée à leur requête ;

en tout état de cause

– condamner la société MAISONS.COM à payer aux époux [C] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la présente instance.

Ils font valoir que le juge des référés n’a nullement excédé ses pouvoirs puisqu’il a alloué une provision à valoir sur un préjudice de jouissance et un retard de livraison d’ores et déjà constitué à la date de délivrance de l’assignation, puisqu’il résultait clairement du rapport d’expertise judiciaire dont les conclusions n’étaient pas discutées. Ils contestent le fait que le premier juge ait prononcé la réception judiciaire de l’ouvrage.

Ils allèguent que les deux instances pendantes devant le tribunal judiciaire de Meaux au fond ont été introduites postérieurement à l’ordonnance de référé et sont des actions en paiement mais ne concernent pas les désordres, non-façons et inachèvements qu’ils dénoncent. Ils soutiennent que le juge des référés a tenu compte de la créance de la société MAISONS.COM qui a fait l’objet d’une consignation.

Ils contestent également le fait que l’exécution provisoire de la décision entraînerait des conséquences manifestement excessives en ce que la saisie attribution opérée a laissé apparaître une trésorerie très confortable de la société demanderesse.

Ils exposent qu’ils sont solvables et que la société MAISONS.COM peut déjà bénéficier de la consignation CARPA de 65 000 euros.

A titre subsidiaire, s’agissant de la demande d’aménagement, ils mettent également en exergue ladite consignation outre la procédure d’hypothèque ou de saisie sur immeuble. Ils font valoir que la saisie attribution fructueuse emporte attribution immédiate des fonds se trouvant sur le compte bancaire ; que cette saisie n’a fait l’objet d’aucune contestation dans le délai d’un mois de sorte que la demande formulée à titre subsidiaire est sans objet.

MOTIVATION

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, en ses deux premiers alinéas :

” En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance”

Le moyen sérieux de réformation, au sens de l’article 514-3 précité, est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu’il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l’ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l’examen, au fond, de la cour d’appel.

En l’espèce, la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas discutée.

En premier lieu, il sera relevé que si le juge des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, condamner une partie à payer une somme à titre de dommages-intérêts (Cass., 2e chambre civile, 2 Juin 2016 – n° 15-15.083), il peut en revanche allouer une provision à valoir sur un préjudice, dans la mesure où cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse au sens de l’article 835 du code de procédure civile.

En l’espèce, le juge des référés a condamné la société MAISONS.COM à payer la somme provisionnelle de 86 054,94 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice causé par le retard dans la livraison.

Contrairement à ce que soutient la société MAISONS.COM, l’ordonnance ne se prononce pas sur une date de réception judiciaire mais constate l’existence d’un retard dans la livraison de la maison qui devait contractuellement intervenir au plus tard 14 mois après l’ouverture du chantier, intervenue le 28 février 2020, soit le 30 juin 2021, relevant qu’aucune cause légitime de prorogation n’était invoquée par la société MAISONS.COM.

L’expert judiciaire dans son rapport déposé le 16 février 2023 conclut que la maison n’était pas habitable, ni receptionnable à la date du 30 juin 2021 (p. 20 du rapport), avec de graves malfaçons et non-façons portant atteinte à la sécurité des personnes. La maison n’était pas davantage habitable ni réceptionnable à la date du dépôt du rapport soit plus de 18 mois plus tard.

Le premier juge a relevé qu’aucune contestation sérieuse ne remettait en cause les conclusions de l’expert, de sorte que le caractère objectivement non habitable de la maison et le retard étaient manifestement établis et que l’obligation de la société MAISONS.COM d’indemniser ce retard n’était pas sérieusement contestable.

L’ordonnance de référé en a tiré les conséquences directes en retenant le préjudice distinct découlant des loyers de la location provisoire à laquelle les époux [C] ont du recourir, les frais de location et de stockage, les frais d’étude géotechnique et d’assistance par un technicien, d’expertise amiable de première part, justifiés par des pièces, et de seconde part, les pénalités de retard fondées sur le contrat de construction, sur le base de 720 jours au jour de l’assignation et 78,93 euros par jour, soit la somme totale de 86 054,94 euros. Le juge a rejeté en revanche les frais bancaires intercalaires, le lien de causalité n’étant pas évident.

Il n’est pas justifié d’une instance au fond ayant le même objet, la somme dont les époux [C] sont eux-mêmes redevables a fait l’objet d’une consignation, dont l’existence n’est pas expressément contestée, les droits de la société MAISONS.COM étant de ce fait préservés.

Il n’est donc pas justifié d’un moyen sérieux de réformation de l’ordonnance.

S’agissant des circonstances manifestement excessives, la société MAISONS.COM ne donne aucune élément sur sa situation financière et comptable. Les époux [C] versent quant à eux un procès-verbal de saisie-attribution en date du 9 octobre 2023 en vertu de l’ordonnance de référé fait apparaître que le compte de la demanderesse ouvert dans les livres du Crédit Agricole Brie Picardie révèle un solde disponible de 769 893,48 euros.

Les époux [C] sont propriétaires de la maison et du terrain sur lequel elle est construite, garantissant une certaine solvabilité et ils relèvent par ailleurs légitimement l’existence de la consignation de 65 000 euros au profit de la société MAISONS.COM.

Les circonstances manifestement excessives ne sont pas davantage démontrées.

Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société MAISONS.COM.

Sur la mesure d’aménagement sollicitée subsidiairement

Aux termes de l’article 514-5 du code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

L’article 519 du même code précise que lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

Il est rappelé que, si la consignation n’impose pas de caractériser le risque de conséquences manifestement excessives, le demandeur à la consignation doit cependant justifier de la nécessité de cette mesure, eu égard aux circonstances de l’espèce, s’agissant d’une disposition qui déroge à l’exécution provisoire attachée à la décision.

Au cas présent, ainsi qu’il a été précédemment retenu, le risque de non restitution des causes de l’ordonnance, en cas d’infirmation de celle-ci, n’est pas établi, au regard en particulier de la somme séquestrée auprès de la CARPA.

En outre, il résulte de l’article L.211-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie-attribution emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires.

Or, en l’espèce, M et Mme [C] justifient d’une saisie-attribution, fructueuse, en exécution de l’ordonnance de référé. Il n’est pas démontré que cette saisie ait été contestée de sorte que la demande d’aménagement de l’exécution provisoire ne présente aucune pertinence alors même que les sommes objets de la première décision ont été attribuées immédiatement et de plein droit par cette mesure d’exécution.

Il n’y a pas lieu d’aménager l’exécution provisoire de la décision entreprise.

Sur les demandes accessoires

La société MAISONS.COM sera condamnée aux dépens de la présente instance, ainsi qu’à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société MAISONS.COM ;

Rejetons la demande subsidiaire d’aménagement ;

Condamnons la société MAISONS.COM aux dépens de la présente instance ;

Condamnons la société MAISONS.COM à payer à M et Mme [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNANCE rendue par M. Laurent NAJEM, Conseiller, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Conseiller

 


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