Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05547

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05547

18 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/05547

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 18 JANVIER 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05547 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHK5A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Janvier 2023 – Cour de Cassation de PARIS – RG n°

APPELANTE

Madame [D] [P]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Abdoulaye CISSE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 191

INTIMES

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [Z] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Carole JOSEPH WATRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0791

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

François LEPLAT, président

Anne-Laure MEANO, président

Aurore DOCQUINCOURT, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, au lieu et place de François LEPLAT et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat de bail sous seing-privé du 27 septembre 2016, M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] ont loué à Mme [D] [P] et Mme [U] [J] [H] un logement situé [Adresse 2].

Par acte d’huissier du 7 août 2017, M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] ont fait assigner Mme [D] [P] et Mme [U] [J] [H] devant Ie tribunal d’instance de Villejuif afin que celui-ci, outre l’exécution provisoire :

– constate à titre principal l’acquisition de la clause résolutoire prévue à l’engagement de location ;

– ordonne l’expulsion immédiate de Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] ainsi que de tout occupant de leur chef, avec le concours de la force publique si nécessaire ;

– condamne solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] à leur payer la somme de 6.852,30 euros au titre des loyers et charges impayés au 7 août 2017, avec interéts au taux légal ;

– condamne solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] à leur payer les loyers, charges et indemnités échus impayés depuis cette date jusqu’au jour du jugement ;

– condamne solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] à leur payer une indemnite d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et des charges, depuis le jugement et jusqu’à la libération effective des lieux,

– condamne Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] au versement d’une somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 30 novembre 2017, le tribunal d’instance de Villejuif a ainsi statué :

– constate que la clause résolutoire prévue au contrat de bail du 27 septembre 2016 portant sur le logement situé [Adresse 2]”, comprenant un appartement et un parking – [Localité 5], est acquise par M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] depuis le 27 juin 2017;

– condamne solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] à payer à M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] la somme de 1.763,37 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation au 30 novembre 2017, échéance d’octobre 2017 incluse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– ordonne la suspension des effets de la clause résolutoire permettant la continuation du contrat de bail et autorise Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] à se libérer de leur dette en 35 versements mensuels consécutifs de 50 euros chacun, en plus du loyer et des charges courantes, et un 36ème versement soldant la dette ;

– dit que chaque versement devra avoir lieu, au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du présent jugement, le dernier versement réglant le solde du principal, des intérêts et des frais dus à cette date, sauf meilleur accord des parties sur ces dates d’échéances ;

– rappelle que ces mensualités sont payables en plus du loyer courant,

– dit qu’en cas de respect de cet échéancier :

* les poursuites et procédures d’exécution seront suspendues,

* la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué,

– dit qu’à défaut de paiement de tout ou partie des sommes dues, loyer courant ou arriéré locatif, à leur échéance :

* le solde de la dette sera immédiatement exigible et les poursuites et procédures d’exécution pourront reprendre,

* la clause résolutoire reprendra immédiatement son effet et le bail sera réputé résilié à la date d’acquisition de cette clause,

* Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] seront alors tenues de quitter les lieux,

* M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] pourront faire procéder à l’expulsion de Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] et à celle de tout occupant de leur chef avec, si nécessaire, l’assistance de la force publique deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux,

* s’agissant des meubles et objets mobiliers laissés dans les lieux, il devra être procédé conformément aux dispositions de l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

* Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] seront tenues in solidum, jusqu’à leur depart effectif des lieux caractérisé par la restitution effective des clefs au bailleur, ou à defaut par la reprise des lieux par ce dernier, au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer courant, majoré des charges et taxes applicables, qui aurait été dû en cas de non résiliation,

– déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

– condamne in solidum Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] à verser à M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne in solidum Mme [D] [P] et Mme [H] [U] [J] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer ;

– ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 27 mai 2020, Mme [D] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance sur incident du 3 décembre 2020, le conseiller de la mise en état a ainsi statué :

– déclarons l’appel irrecevable,

– condamnons Mme [D] [P] aux dépens.

Par arrêt contradictoire du 21 mai 2021, la cour d’appel de Paris, saisie d’une requête en déféré formée par Mme [D] [P] le 18 décembre 2020, a ainsi statué :

– confirme l’ordonnance d’irrecevabilité de l’appel en date du 3 décembre 2020,

– condamne Mme [D] [P] à payer à M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamne Mme [D] [P] à verser à M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne Mme [D] [P] aux entiers dépens.

Mme [D] [P] s’est pourvue en cassation.

Par un arrêt du 12 janvier 2023, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a ainsi statué:

“Vu les articles 655 et 656 du code de procédure civile,

4. ll résulte de ces textes que si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile, l’huissier de justice devant relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances qui l’en

ont empêché, ainsi que les vérifications effectuées pour s’assurer que le destinataire de l’acte demeure bien à l’adresse indiquée.

5. Pour rejeter l’exception de nullité de la signification du jugement du 30 novembre 2017, l’arrêt retient que l’huissier de justice s’est assuré de la réalite de l’adresse de Mme [P] correspondant à celle du jugement signifié, en obtenant confirmation par un voisin, de sorte qu’il n’avait pas à rechercher par d’autres moyens une adresse.

6. En statuant ainsi, alors que la constatation de la seule vérification auprès d’un voisin est insuffisante à caractériser les diligences requises pour s’assurer de la réalite de ce domicile, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. et Mme [Y] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procedure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [Y] et les condamne à payer à Mme [P] la somme globale de 2 500 euros(…)”.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu la déclaration de saisine du 24 mars 2023 formée par Mme [D] [P],

Vu l’article 631 du code de procédure civile, selon lequel ‘devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation’,

Vu l’article 634 selon lequel ‘les parties qui ne formulent pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée ; il en est de même de celles qui ne comparaissent pas’.

Les parties n’ont pas reconclu sur le déféré dans le cadre de la saisine de la cour d’appel sur renvoi. Mme [P] n’avait pas conclu devant la cour qui a prononcé l’arrêt cassé.

Vu la requête du 18 décembre 2020 par laquelle Mme [D] [P] a saisi la cour d’un déféré, au visa de l’article 916 du code de procédure civile, aux fins de voir :

– dire et juger recevable la présente requête,

– relever l’appelante de l’irrecevabilité de son appel prononcée par le conseiller de la mise en état,

– dire et juger que l’appel de Mme [D] [P] est recevable.

Vu les ‘conclusions sur requête déférant l’ordonnance de caducité’ remises au greffe le 12 janvier 2021 par lesquelles M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] demandent à la cour de :

– Confirmer dans son intégralité l’ordonnance déférée rendue le 3 décembre 2020 par le conseiller de la mise en état ;

Y ajoutant,

– Condamner Madame [D] [P] à payer à M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sans préjudice de l’amende civile qui pourra être prononcée ;

– Condamner Madame [D] [P] à payer à M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Madame [D] [P] aux entiers dépens de l’incident.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

Selon l’article 538 du code de procédure civile, “le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse”.

L’article 528 dispose que “le délai à l’expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n’ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement”.

Au soutien de son déféré, Mme [D] [P] fait valoir que le conseiller de la mise en état a dénaturé ses conclusions en y relevant qu’elle affirmait que la signification du jugement faite en l’étude d’huissier était régulière, alors qu’elle soutenait le contraire, au motif que la seule mention dans l’acte de signification de la confirmation du domicile par un voisin était insuffisante à caractériser les vérifications imposées à l’huissier de justice par l’article 656 du code de procédure civile. Elle souligne qu’elle justifie résider à [Localité 6] (95) depuis octobre 2017. Elle ajoute que le conseiller de la mise en état a encore dévoyé les éléments de la cause en relevant qu’elle avait eu connaissance du jugement par la saisie-attribution dénoncée le 13 juillet 2018, alors que le délai d’appel n’a pu courir à partir d’une signification de jugement nulle.

En réplique et pour la confirmation, M. et Mme [Y] exposent que le premier président saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement avait stigmatisé la tromperie commise à la signature du bail par Madame [D] [P], consistant à leur faire croire qu’elle résiderait dans les lieux loués, ce qui a provoqué une signification à l’adresse du bien loué comme étant le dernier domicile connu des bailleurs, dédouanant l’huissier de la nécessité de rechercher une autre adresse.

Il convient d’examiner les diligences de l’huissier lors de la signification à étude du 2 mars 2018 du jugement du tribunal d’instance de Villejuif du 30 novembre 2017.

Il résulte des articles 655 et 656 du code de procédure civile que, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile, l’huissier de justice devant relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances qui l’en ont empêché, ainsi que les vérifications effectuées pour s’assurer que le destinataire de l’acte demeure bien à l’adresse indiquée.

En l’espèce, l’acte de signification à étude du 2 mars 2018 comporte les mentions suivantes:

“n’ayant pu, lors de mon passage, avoir de précisions suffisantes sur le lieu où rencontrer le destinataire de l’acte, les circonstances rendant impossible la signification à personne et le domicile est certain ainsi qu’il résulte des vérifications suivantes :

– l’adresse est confirmée par un voisin,

– le destinataire de l’acte est absent”.

Or, la seule mention dans l’acte de signification de la confirmation de l’adresse par un voisin est insuffisante à caractériser les vérifications requises de l’huissier de justice par les articles 655 et 656 précités pour s’assurer que le destinataire de l’acte demeure bien à l’adresse indiquée.

Il en résulte que la signification du 2 mars 2018 du jugement du tribunal d’instance de Villejuif du 30 novembre 2017, effectuée sans que les diligences requises par les articles 655 et 656 du code de procédure civile aient été effectuées, est nulle.

Le délai de recours ne pouvant commencer à courir qu’à partir d’une signification régulière, il en résulte que l’appel interjeté par Mme [P] le 27 mai 2020 est recevable.

L’ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a déclaré l’appel irrecevable.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les époux [Y]

Mme [P] n’a commis aucun abus en saisissant la cour de la présente procédure de déféré, puisqu’elle est déclarée recevable en son appel, et que l’ordonnance du conseiller de la mise en état est infirmée.

En conséquence, il convient de débouter M. et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M.et Mme [Y], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens.

Ils seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme l’ordonnance déférée du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2020,

Statuant à nouveau,

Déclare Mme [D] [P] recevable en son appel formé par déclaration du 27 mai 2020 contre le jugement du tribunal d’instance de Villejuif du 30 novembre 2017,

Y ajoutant,

Déboute M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [I] [Y] et Mme [Z] [Y] née [B] aux dépens.

La Greffière Pour le Président empêché

 


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