Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18333

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18333

18 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/18333

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRET DU 18 JANVIER 2024

(n° 17, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/18333 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTPS

Décision déférée à la cour

Jugement du 04 octobre 2022-Juge de l’exécution d’Evry-Courcouronnes-RG n° 21/05317

APPELANT

Monsieur [O] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Sandrine JEAND’HEUR de la SELARL JMB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0694

INTIMÉE

Madame [L] [T] épouse [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Aurore CRESSENT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 décembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance de non-conciliation en date du 11 avril 2019 et d’une ordonnance rendue par le juge de la mise en état d’Evry le 7 janvier 2021, Mme [P] a, le 10 août 2021, mis en place une saisie-attribution entre les mains de la société BNP Paribas et à l’encontre de M. [P], pour avoir paiement de la somme de 10 244,66 euros (dont 7 899,08 euros + 1 500 euros en principal). Cette mesure d’exécution a été dénoncée au débiteur le 16 août 2021.

Saisi de contestations par M. [P] selon assignation datée du 14 septembre 2021, le juge de l’exécution d’Evry a par jugement daté du 4 octobre 2022 :

– débouté M. [P] de ses demandes ;

– condamné M. [P] à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [P] aux dépens.

Pour statuer ainsi, il a relevé :

– que la contestation de la saisie-attribution était recevable pour avoir été formée dans le mois de sa dénonciation ;

– que les titres exécutoires détenus par la créancière ne pouvaient pas être remis en cause ;

– que le procès-verbal de saisie-attribution contenait un détail des postes de créances, distinguant le principal, les intérêts et les frais ; que seule une absence de décompte pouvait avoir pour conséquence la nullité de cet acte ;

– que de plus, Mme [P] produisait un décompte détaillé de sa créance.

Selon déclaration en date du 26 octobre 2022, M. [P] a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 15 décembre 2022, il expose :

– que l’ordonnance de non-conciliation du 11 avril 2019 l’a condamné à payer à Mme [P] un devoir de secours de 1 500 euros par mois, outre une avance de part sur communauté de 20 000 euros, une provision ad litem de 10 000 euros, et une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants de 1 000 euros par mois ; qu’il devait également prendre en charge le crédit immobilier au titre du devoir de secours ;

– qu’en son ordonnance susvisée, le juge de la mise en état a rejeté les demandes des parties, et inclus dans la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants les frais de mutuelle (84 euros par mois), la mère devant prendre en charge les frais médicaux concernant les deux enfants, ceux non remboursés exposés d’un commun accord étant laissés à la charge du père sur justificatifs ;

– qu’il a dû cesser de régler la pension alimentaire due à Mme [P] en raison de sa situation financière ;

– qu’il conteste le caractère certain, liquide et exigible des sommes réclamées alors que le juge de l’exécution n’a pas répondu à ses contestations ;

– que le 10 novembre 2021, il a payé à Mme [P] la somme de 10 168 euros correspondant aux pensions de juin à octobre 2021 ainsi que le devoir de secours du mois de juin 2021 (1 500 euros) le 10 novembre 2021 ;

– que Mme [P] ne justifie pas de la somme de 7 899,08 euros par elle réclamée correspondant à des frais de santé, de transport et de permis de conduire ;

– qu’il convient de rechercher si Mme [P] a recueilli son accord avant d’engager les dépenses dont s’agit ;

– que s’agissant des frais médicaux, Mme [P] n’établit pas qu’ils sont restés à sa charge, les remboursements de sécurité sociale lui revenant ;

– que les dépenses d’orthodontie n’ont pas été avalisées par lui même ;

– que s’agissant des lunettes et lentilles, il a donné son accord de principe sur la base du remboursement par la sécurité sociale et la mutuelle, et non pas au-delà ;

– qu’il s’acquitte des frais de transport ;

– qu’il a réglé les frais de permis de conduire pour leur fille [I].

M. [P] demande en conséquence à la Cour de :

– réformer le jugement ;

– constater que Mme [P] ne rapporte pas la preuve du caractère certain, liquide et exigible de la créance, et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution ;

– condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 29 décembre 2022, Mme [P] réplique :

– qu’en vertu de l’ordonnance de non-conciliation, M. [P] doit prendre en charge les dépenses engagées pour les enfants d’un commun accord tels que les frais de santé, de transport et de permis de conduire ; que l’ordonnance du juge de la mise en état y a ajouté la somme de 2 x 84 euros par mois au titre de la mutuelle ;

– que M. [P] a réglé le devoir de secours du mois de juin 2021 (1 500 euros) ainsi que des mois de juillet à octobre 2021, et le complément de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants ;

– qu’en revanche, reste impayée la contribution des mois d’avril et mai 2019 (500 euros par enfant) ; que la somme de 1 667 euros est due (soit une partie du mois d’avril 2019, et mai) ;

– que c’est la mutuelle de l’appelant qui prend en charge les dépenses de santé si bien que c’est lui qui perçoit les remboursements ;

– que s’agissant des frais d’orthodontiste, M. [P] a signé l’entente préalable ; que des sommes sont dues au titre des deux enfants ;

– que s’agissant des frais de lunettes et lentilles, elle n’avait pas à se pourvoir de l’accord de M. [P] pour engager la dépense ;

– qu’elle a également acquitté des frais médicaux, de même que des frais de transport ;

– que s’agissant du permis de conduire de [I], la dépense s’élevait à 2 984 euros, la somme de 720 euros réclamée dans la saisie-attribution n’en représentant qu’une partie ; -que la somme de 1 200 euros versée par M. [P] à [I] correspond à un cadeau d’anniversaire pour ses 18 ans et non pas au permis de conduire, et n’a ainsi pas à être déduite de ce poste de créance ;

– qu’en tout état de cause, elle produit un tableau des dépenses.

Mme [P] demande en conséquence à la Cour de :

– débouter M. [P] de ses demandes ;

– confirmer le jugement ;

– autoriser la saisie-attribution ;

– condamner M. [P] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux dépens.

MOTIFS

Selon les dispositions de l’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de saisie-attribution doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions obligatoires.

Il sera constaté que le procès-verbal de saisie-attribution litigieux comporte bien un décompte de créance, même si celui-ci n’est pas détaillé. M. [P] n’en sollicite plus l’annulation devant la Cour.

L’ordonnance de non-conciliation rendue par le juge aux affaires familiales d’Evry le 11 avril 2019 a condamné M. [P] à payer à Mme [P] une pension alimentaire de 1 500 euros par mois au titre du devoir de secours, outre une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants de 2 x 500 euros par mois, et a dit que M. [P] prendra en charge les dépenses engagées pour les enfants et d’un commun accord, concernant leurs frais de transport, leurs frais de scolarité en établissement privé, de voyages scolaires, d’activités extra-scolaires, leurs frais de santé, et les frais de permis de conduire.

L’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 7 janvier 2021, qui sera signifiée le 6 mai 2021, a fixé la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants à 2 x 584 euros par mois, et dit que Mme [P] prendra seule en charge les frais médicaux des enfants, les frais médicaux non remboursés exposés d’un commun accord étant seuls laissés à la charge de M. [P], sur présentation de justificatifs.

Mme [P] réclamait dans le procès-verbal de saisie-attribution les sommes suivantes :

– 7 899,08 euros ; il était mentionné ‘impayé selon décompte’ mais aucun décompte n’était annexé à l’acte ; dès le 18 août 2021 M. [P] avait contesté devoir cette somme auprès de l’huissier de justice instrumentaire ;

– 1 500 euros au titre du devoir de secours du mois de juin 2021 ; M. [P] soutient avoir payé cette dette le 10 novembre 2021 et dans ses écritures, Mme [P] reconnaît qu’il a réglé la pension du titre du devoir de secours du mois de juin 2021 (1 500 euros) ; cette somme est donc à déduire de l’assiette de la saisie-attribution.

S’agissant du premier poste de créance, M. [P] ne réclame plus que la somme de 6 775,13 euros dans ses conclusions.

Concernant la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, Mme [P] soutient dans ses écritures que restent impayés les mois d’avril et mai 2019 (500 euros par enfant) et qu’en conséquence la somme de 1 667 euros est due (soit une partie du mois d’avril 2019 et mai) ; le débiteur ne démontre pas avoir payé cette somme qui est donc exigible. D’ailleurs dans ses écritures, il explique qu’il a réglé à Mme [P] la somme de 10 168 euros incluant les termes de pensions de juin à octobre 2021.

Il résulte des deux décisions de justice précitées que M. [P] n’aurait à régler des dépenses concernant les frais de transport des deux enfants, leurs frais de scolarité en établissement privé, de voyages scolaires, d’activités extra-scolaires, les frais de permis de conduire, qu’avec son accord. Mme [P] doit donc démontrer, pour chaque poste de créance, qu’elle a recueilli l’assentiment de M. [P] quant à la dépense, qui est une condition d’application des deux titres exécutoires par elle détenus. S’agissant des frais médicaux, il existait une condition supplémentaire à leur engagement d’un commun accord, et ce, uniquement sur la période postérieure au 7 janvier 2021 : il était nécessaire qu’ils ne soient pas remboursés

Le 2 août 2020, Mme [P] a indiqué qu’à la suite de la consultation des enfants auprès d’un ophtalmologiste, les intéressés avaient besoin de faire faire de nouvelles lunettes et des lentilles ; elle demandait à M. [P] son accord. Il l’a donné le 16 août 2020, mais uniquement sur la base du remboursement de l’assurance maladie et de la mutuelle. Ensuite il a exigé que Mme [P] règle la moitié de ses frais de mutuelle, cette contrepartie étant présentée comme une condition de son accord. Dans un autre message, M. [P] avait souligné que depuis le mois de mai 2019, ses frais de mutuelle n’étaient plus pris en charge par son employeur, si bien que la dépense y relative lui restait personnelle ; il rappelait que cette mutuelle couvrait les dépenses de santé des deux enfants. Il résulte de ce qui précède que M. [P] n’a donné son accord, s’agissant des dépenses d’ophtalmologie, que pour autant que la dépense soit prise en charge par la mutuelle. Les frais dont Mme [P] réclame le remboursement remontent au 27 août 2020 (lentilles pour 300 euros et lunettes pour 500 euros). Ces frais ont été engagés postérieurement à l’accord de M. [P], et il n’est pas contesté que c’est lui qui perçoit les remboursements de la mutuelle. La somme de 800 euros est donc due.

S’agissant du permis de conduire de [M], M. [P] a indiqué à Mme [P] le 10 novembre 2021 qu’il comprenait qu’elle refuse de participer à la dépense, et lui annonçait un règlement de 6 x 1 500 euros et de 1 168 euros pour les enfants (au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants du mois de novembre 2021). Ces sommes n’incluaient nullement les frais de permis de conduire.

S’agissant du permis de conduire de [I], Mme [P] avait soutenu le 21 octobre 2021 avoir réglé tous les frais ; quelques jours avant, elle lui avait indiqué que le budget était de 1 500 euros et lui avait demandé s’il acceptait d’en prendre en charge la moitié soit 750 euros. Si M. [P] a versé à [M] la somme de 1 000 euros, le 10 septembre 2020, cette date coïncide avec l’anniversaire des 18 ans de l’intéressé, et il s’agit là manifestement d’un cadeau pour cette occasion et non pas d’un remboursement de frais.

En tout état de cause, M. [P] n’a pas donné son assentiment quant aux dépenses dont s’agit, si bien qu’aucune somme n’est due du chef des frais de permis de conduire.

S’agissant des frais de kinésithérapeute, M. [P] a donné son accord par SMS en 2019, le mois ne pouvant être déterminé, car il est inscrit en hébreu sur l’email et les parties ne l’ont pas traduit. Des attestations du 19 décembre 2022 établissent qu’ont été réglées à un kinésithérapeute les sommes de 175 euros pour [M] et de 150 + 175 euros pour [I]. Ne sauraient être prises en compte les dépenses concernant Mme [P] que M. [P] n’avait pas à assumer. La mutuelle Generali a pris en charge des frais à hauteur de 179 euros, mais il s’agit là de soins autres que ceux susvisés, remontant au mois de juin 2020. Le montant de la dette est donc de 500 euros.

Il résulte de ce qui précède que l’assiette de la saisie-attribution doit être ramené à 2 967 euros (soit 1 667 euros + 800 euros + 500 euros). Il sera ordonné la mainlevée partielle de la saisie-attribution à concurrence de cette somme, l’huissier de justice devant recalculer le coût de l’acte ainsi que le montant des intérêts.

L’équité ne commande pas d’allouer une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile à M. [P] au titre des frais de première instance. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa prétention. Pour les mêmes raisons, sa demande au titre des frais exposés en appel sera rejetée.

Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu’il a condamné M. [P] à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Mme [P] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

– INFIRME le jugement en date du 4 octobre 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. [O] [P] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau :

– ORDONNE la mainlevée partielle de la saisie-attribution du 10 août 2021 ;

– DIT qu’elle produira ses effets pour une somme principale de 2 967 euros, outre les intérêts et frais que le commissaire de justice devra recalculer ;

– CONFIRME le jugement pour le surplus ;

– REJETTE la demande de M. [O] [P] en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles occasionnés par l’instance d’appel ;

– CONDAMNE Mme [L] [P] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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