Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Nancy RG n° 23/01831

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Nancy RG n° 23/01831

18 janvier 2024
Cour d’appel de Nancy
RG n°
23/01831

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Chambre de l’Exécution – JEX

ARRÊT N° /24 DU 18 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/01831 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FHIF

Décision déférée à la cour :

Jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Verdun, R.G.n° 23/00344, en date du 03 août 2023,

APPELANTE :

Madame [P] [U] [R]

née le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 7] (55), domiciliée [Adresse 6] – [Localité 5]

Représentée par Me Hervé MERLINGE de la SCP SIBELIUS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIME :

Monsieur [J] [T] [R]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7] (55), domiciliée [Adresse 4] – [Localité 5]

Représenté par Me Christophe HECHINGER, avocat au barreau de la MEUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 18 janvier 2024, date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

La convention de divorce sous signatures privées de M. [J] [R] et Mme [M] [E] enregistrée par acte notarié du 27 décembre 2019 a prévu le versement direct à leur fille [P] (née le [Date naissance 3] 2001) d’une pension mensuelle de 450 euros au titre de son entretien et de son éducation à la charge de M. [J] [R], au plus tard le 10 de chaque mois.

Suivant procès-verbal de commissaire de justice dressé le 2 mai 2023, dénoncé à M. [J] [R] le 9 mai 2023, Mme [P] [R] a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes détenus par M. [J] [R] dans les livres du Crédit Agricole de Lorraine pour avoir paiement de la somme de 1 345,77 euros correspondant à 951,04 euros de pension échue impayée et 394,73 euros de frais de procédure. L’assiette de la saisie a été évaluée à 20 109,25 euros en laissant à M. [J] [R] une somme à caractère alimentaire de 607,75 euros.

-o0o-

Par acte de commissaire de justice en date du 1er juin 2023, M. [J] [R] a fait assigner Mme [P] [R] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Verdun afin de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2023.

M. [J] [R] a fait valoir qu’aucun décompte de créance n’était joint au procès-verbal de dénonciation de la saisie. Il a ajouté qu’il justifiait avoir réglé les pensions dues jusqu’en août 2023 au moyen de deux virements de 2 700 euros intervenus les 5 septembre 2022 et 5 octobre 2022 au titre de l’année scolaire 2022/2023.

Mme [P] [R] n’a pas comparu et n’a pas été représentée en première instance.

Par jugement en date du 3 août 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Verdun a :

– dit que la saisie attribution réalisée sur les comptes bancaires de M. [J] [R] à la requête de Mme [P] [R] entre les mains du Crédit Agricole de Lorraine le 2 mai 2023 est nulle,

– ordonné la mainlevée totale de la saisie-attribution réalisée sur les comptes bancaires de M. [J] [R] à la requête de Mme [P] [R] entre les mains du Crédit Agricole de Lorraine le 2 mai 2023,

– condamné Mme [P] [R] à verser à M. [J] [R] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [P] [R] à supporter les entiers dépens de la procédure, qui comprendront le coût des actes nécessaires à la saisie-attribution,

– rappelé que le présent jugement est exécutoire par provision de plein droit.

Le juge de l’exécution a constaté l’absence de décompte joint à l’acte de saisie et à sa dénonciation, estimant en outre que les pensions prétendument impayées pouvaient concerner l’année 2022/2023. Il a jugé qu’en vertu de deux virements de 2 700 euros en septembre et octobre 2022, M. [J] [R] s’était acquitté des pensions dues jusqu’au mois d’août 2023. Il a retenu par ailleurs que Mme [P] [R] n’avait pas justifié à la demande de M. [J] [R] d’un certificat de scolarité ou de formation depuis juillet 2021, en violation des termes de la convention de divorce prévoyant cette communication au 1er octobre de chaque année sous peine de déchéance du droit de percevoir la pension.

-o0o-

Le 19 août 2023, Mme [P] [R] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.

Dans ses dernières conclusions transmises le 21 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [P] [R], appelante, demande à la cour :

– de juger son appel recevable et bien fondé,

Par conséquent,

– d’infirmer dans son intégralité la décision rendue en première instance par le juge de l’exécution de Verdun en date du 3 août 2023,

Statuant à nouveau,

– de juger que la saisie attribution opérée sur les comptes de M. [J] [R] entre les mains du Crédit Agricole de Lorraine par acte en date du 2 mai 2023 pour un total de 1 345,77 euros est régulière,

– de condamner M. [J] [R] à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M. [J] [R] aux entiers dépens de première instance comprenant notamment le coût des actes nécessaires à la saisie attribution, et aux dépens à hauteur de cour.

Au soutien de ses demandes, Mme [P] [R] fait valoir en substance :

– que la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2023 pour un total de 1 345,77 euros est parfaitement régulière ; que M. [J] [R] n’a pas honoré son obligation alimentaire de septembre 2021 à février 2022 inclus, puis a opéré un règlement de 2 800 euros le 8 mars 2022 au lieu de 3 150 euros correspondant à huit mois de pension jusqu’en mars 2022 inclus, soit un impayé de 350 euros ; qu’il n’a plus réglé la pension d’avril à août 2022, soit un impayé de 2 600 euros ; que le premier versement de 2 700 euros intervenu le 5 septembre 2022 a comblé une partie de l’arriéré de pension, laissant subsister un impayé de 250 euros et l’absence de paiement de 100 euros au titre de la pension courante de septembre 2022 ; que le second règlement de 2 700 euros intervenu le 5 octobre 2022 a purgé l’arriéré de pension de 350 euros et a permis de payer les pensions d’octobre 2022 à février 2023 (2 250 euros) et la pension de mars 2023 à hauteur de 100 euros ; que M. [J] [R] restait lui devoir en avril 2023 le reliquat de 350 euros sur la pension de mars 2023 ainsi que la pension du mois d’avril 2023 (450 euros), soit la somme de 800 euros hors indexation ;

– qu’elle justifie d’une attestation de réussite en licence STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives).

Dans ses dernières conclusions transmises le 16 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [J] [R], intimé, demande à la cour :

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 3 août 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Verdun,

– de débouter Mme [P] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– de condamner Mme [P] [R] à lui payer une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens exposés à hauteur d’appel.

Au soutien de ses demandes, M. [J] [R] fait valoir en substance :

– qu’aucun décompte n’était joint à l’acte de saisie-attribution et à sa dénonciation, de sorte qu’il en a déduit qu’il s’agissait d’une partie des pensions de l’année scolaire 2022/2023, alors qu’il avait effectué les deux versements annuels à hauteur de 2 700 euros les 5 septembre 2022 et 5 octobre 2022 au titre de cette année scolaire, en l’absence de revenus mensuels (étant agriculteur) ; qu’aucune mise en demeure préalable ne lui a été envoyée afin de faire le compte entre les parties avant de mettre en place une saisie-attribution ;

– que le décompte produit uniquement à hauteur d’appel a pour point de départ le 10 septembre 2021 alors que les relevés de compte de Mme [P] [R] communiqués commencent au 8 novembre 2021 ; que les relevés d’avril 2022, octobre et novembre 2022 ne sont pas communiqués ;

– que Mme [P] [R] devait justifier au 1er octobre de chaque année de sa situation, sous peine de déchéance du droit à pension ; qu’il n’a plus de contact avec sa fille depuis deux ans (dont il ignore l’adresse et qui ne répond pas à ses SMS), et qu’elle ne lui a transmis aucun document scolaire ou fiche d’inscription à l’université ou résultats ; que le dernier bulletin a été transmis le 13 juillet 2021 ; qu’il a été informé du déroulement des études de Mme [P] [R] à hauteur d’appel et qu’un justificatif des études supérieures pour l’année 2023/2024 lui a été transmis ; que néanmoins, aucun justificatif ne lui a été communiqué sur ses frais de location avec une éventuelle prise en charge au titre des APL ;

– qu’il vient de mettre en place des virements mensuels de 450 euros sur le compte de Mme [P] [R] à compter du 5 septembre 2023.

-o0o-

La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la saisie-attribution

L’article R. 211-1, 3°, du code des procédures civiles d’exécution dispose que ‘ le créancier procède à la saisie par acte d’huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité : (…) 3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation (…) ‘.

Or, ces dispositions qui prescrivent à peine de nullité de faire figurer dans l’acte de saisie un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts, n’exigent pas que chacun de ces postes soit détaillé.

Aussi, la circonstance qu’un de ces postes s’avère injustifié n’affecte que la portée de la saisie-attribution et non sa validité.

En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution a été signifié à M. [J] [R]

‘ pour avoir paiement de la somme de :

– pension alimentaire 951,04,

– les actes de procédure 120,04

– le présent acte 109,20

outre les frais à venir

– provisions pour intérêts à venir (sur un mois)

– dénonciation de saisie-attribution 51,78

– certificat de non contestation 25,54

– signification du certificat 48,55

– mainlevée quittance 39,62

soit un total de 1 345,77 euros ‘.

Aussi, il en résulte que l’acte de saisie-attribution dont la copie a été remise à M. [J] [R] avec la dénonciation contient un décompte des sommes dont Mme [P] [R] a sollicité paiement, et que ce décompte permet au débiteur saisi de vérifier les calculs que lui oppose le créancier saisissant.

Dans ces conditions, la nullité de l’acte de saisie-attribution n’est pas encourue sur ce fondement.

Sur l’existence de la créance du saisissant

Il ressort des relevés de compte produits par Mme [P] [R], que le 16 octobre 2021, M. [J] [R] a effectué un virement de 2 600 euros sur son livret A, non reporté au décompte de créance qu’elle a établi.

Or, ce versement de 2 600 euros avait vocation à payer les pensions de septembre 2021 à janvier 2022, outre 350 euros de la pension de février 2022, puis que le versement de 2 800 euros le 8 mars 2022 avait vocation à apurer le reliquat de la pension de février (100 euros) ainsi que les pensions courant de mars 2022 à août 2022.

Par suite, les deux virements de septembre 2022 et octobre 2022 (2 x 2 700 euros) étaient destinés à payer les douze mois suivants, jusqu’en septembre 2023.

Aussi, Mme [P] [R] ne pouvait se prévaloir de l’existence d’une créance exigible à l’encontre de M. [J] [R] au jour de l’acte de saisie pratiquée le 2 mai 2023, de sorte que l’annulation de la saisie-attribution doit être prononcée.

Au surplus, la convention de divorce sous signatures privées contresignée par avocat et enregistrée par acte notarié du 27 décembre 2019 a prévu que ‘ la pension alimentaire est due au-delà de la majorité du ou des enfants en cas d’études normalement poursuivies et justifiées ou jusqu’à l’obtention d’un emploi rémunéré lui permettant de subvenir à ses besoins. Le créancier de la pension devra justifier de la situation de l’enfant majeur encore à charge (certificat de scolarité ou formation) le 1er octobre de chaque année sur réquisition du débiteur.’

En l’espèce, il ressort d’un message téléphonique (SMS) transmis par M. [J] [R] à Mme [P] [R] le 4 décembre 2022 les propos suivants : ‘ il t’a été viré 2 fois 2 700 en septembre 22 puis octobre 22. Tu as donc reçu une année complète…je n’ai à ce jour reçu aucun résultat de ton année ‘.

Or, il y a lieu de constater que Mme [P] [R] n’a pas justifié de l’envoi d’un certificat de scolarité pour les années 2021/2022 et 2022/2023, malgré la demande de M. [J] [R].

Il en résulte qu’au jour de la saisie pratiquée le 2 mai 2023, l’absence de communication par Mme [P] [R], créancière de la pension, d’un certificat de scolarité ou de formation pour l’année scolaire 2022/2023, autorisait en tout état de cause M. [J] [R] à ne pas s’acquitter des pensions dues en mars et avril 2023, selon le décompte établi par Mme [P] [R].

Aussi, Mme [P] [R] ne pouvait se prévaloir d’une créance à l’encontre de M. [J] [R] à la date de la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2023.

Dans ces conditions, il convient d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution réalisée sur les comptes de M. [J] [R] ouverts dans les livres du Crédit Agricole le 2 mai 2023.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Mme [P] [R] qui succombe à hauteur de cour supportera la charge des dépens d’appel et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [J] [R] a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir ses droits de sorte qu’il convient de lui allouer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [P] [R] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [P] [R] à payer à M. [J] [R] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [P] [R] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Minute en sept pages.

 


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