Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 23/01550

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 23/01550

18 janvier 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
23/01550

N° RG 23/01550 – N° Portalis DBVX-V-B7H-OZ4R

Décision du Juge de l’exécution du TJ de LYON

du 06 décembre 2022

RG : 21/07411

Société EGYPTIAN GENERAL PETROLEUM CORPORATION « EGPC »

C/

Société NATIONAL GAS COMPANY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 18 Janvier 2024

APPELANTE :

LA SOCIETE EGYPTIAN GENERAL PETROLEUM CORPORATION «EGPC»

[Adresse 3]

[Localité 1] (EGYPTE)

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

assisté de Maîtres Mohamed SHELBAYA, Benjamin SIINO et François BORDES de GAILLARD BANIFATEMI SHELBAYA SIINO AARPI, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA SOCIETE NATIONAL GAS COMPANY ‘NATGAS’

[Adresse 2]

[Localité 1] (EGYPTE)

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

assistée de Me Jacques PELLERIN de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocats au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 14 Novembre 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 18 Janvier 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Joëlle DOAT, présidente

– Evelyne ALLAIS, conseillère

– Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

La société égyptienne National Gas Company a signé avec la société égyptienne Egyptian General Petroleum Corporation un contrat d’adduction de gaz naturel pour l’alimentation de deux régions à l’Est de l’Egypte.

Un différend s’est élevé entre les deux sociétés et, par sentence en date du 12 septembre 2009, le Centre régional d’arbitrage commercial du Caire statuant en qualité de tribunal arbitral a condamné la société Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC) à payer à la société National Gas Company (Natgas) une somme de 253 424 668,31 livres égyptiennes (équivalant à environ 30 millions d’euros à cette date).

Cette sentence a été revêtue de l’exequatur par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 mai 2010, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 24 novembre 2011, lequel a été cassé par arrêt en date du 26 juin 2013.

L’ordonnance d’exequatur a de nouveau été confirmée par arrêt de la cour d’appel de renvoi de Versailles en date du 29 octobre 2015, lequel a été cassé par arrêt en date du 1er juin 2017.

Par arrêt du 21 mai 2019, la cour d’appel de renvoi de Paris a de nouveau confirmé l’ordonnance d’exequatur.

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation en date du 13 janvier 2021.

Par acte du 19 juillet 2021, la société Natgas a fait pratiquer une saisie-attribution à l’encontre de la société EGPC entre les mains de la banque Crédit Lyonnais dont le siège est situé à Lyon, pour paiement d’une somme de 253 424 668,31 livres égyptiennes en principal, 379 226 853,66 livres égyptiennes en intérêts moratoires (total : 632 651 521,97 livres égyptiennes), au titre de la sentence arbitrale, et d’une somme de 150 000 euros au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mai 2019.

Par acte d’huissier en date du 19 novembre 2021, la société EGPC a fait assigner la société Natgas devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon pour voir ordonner la nullité et la mainlevée de la saisie-attribution.

Par jugement en date du 6 décembre 2022, le juge de l’exécution a :

– rejeté l’exception de connexité et d’indivisibilité, la demande de sursis à statuer et la fin de non-recevoir présentées par la société Natgas

– déclaré recevable la contestation de la société EGPC

– débouté la société EGPC de sa demande d’annulation et de mainlevée subséquente de la saisie-attribution pratiquée à son encontre et de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive

– condamné la société EGPC à payer à la société Natgas la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société EGPC a interjeté appel de ce jugement, le 23 février 2023.

Elle demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes aux fins d’annulation et de mainlevée de la saisie de créances pratiquée le 19 juillet 2021, sa demande aux fins de condamnation de la société Natgas à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie, sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Natgas la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens

statuant à nouveau,

– d’annuler la saisie-attribution de créances

– d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution de créances

– de condamner la société Natgas à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommage et intérêts pour abus de saisie

– de condamner la société Natgas à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– de débouter la société Natgas de l’ensemble des ses demandes

– de rejeter la demande de la société Natgas fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et de condamner cette société aux dépens

– de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions.

Elle fait valoir en substance que :

– la saisie est nulle car la société Natgas était déjà remplie de ses droits au titre de la créance dont elle se prévaut

– ‘dans l’hypothèse où la société Natgas considère que la société EGPC serait une émanation de l’Etat égyptien’, la saisie est nulle et caduque

– l’acte de dénonciation de la saisie-attribution ne contient pas l’indication prescrite à peine de nullité par l’article R211-3 2° du code des procédures civiles d’exécution

– la saisie est nulle au motif que la société Natgas a renoncé à poursuivre à son encontre le recouvrement de la créance au titre de la sentence exéquaturée, en application de l’article 26 de la convention CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats) et en ce qu’un différend ne peut être soumis à l’arbitrage sur le fondement de l’article XIII (3) (b) du TBI Canada-Egypte que si l’investisseur a renoncé à son droit d’introduire ou de poursuivre toute autre instance

– en pratiquant la saisie litigieuse et en décidant de la maintenir pendant plus de onze mois avant de prétendre devant le juge de l’exécution de Lyon qu’elle est infructueuse et /ou inexistante, alors que cette saisie est nulle, la société Natgas a commis une faute qui caractérise un abus de saisie et qui lui a causé un préjudice moral.

La société Natgas demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société EGPC au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu’à la suite de l’arrêt de rejet de la Cour de cassation, après plus de dix ans de procédure, elle a cherché, en 2021, à exécuter la sentence et elle a fait pratiquer diverses saisies dans les ressorts des tribunaux judiciaires de Paris, Nanterre et Lyon qui se sont toutes révélées infructueuses, que le Crédit Lyonnais a répondu le 21 juillet 2021 à la suite de la saisie-attribution pratiquée entre ses mains, objet du présent litige, que la société EGPC n’avait pas de compte dans ses livres.

Elle fait valoir que :

– dans l’ordre juridique français, sa créance ne pourrait être compensée que par un jugement définitif rendu par le juge égyptien ayant fait l’objet d’un exéquatur prononcé par le juge français

– les actes de saisie ont été diligentés à l’encontre de la société EGPC seule et celle-ci cherche à créer une confusion entre la condamnation prononcée par la sentence qui a tranché le litige entre les deux sociétés et les instances conduites devant le tribunal arbitral du CIRDI qui opposent ses propres actionnaires à l’Etat égyptien ; la condamnation qu’elle a obtenue dans la présente procédure ne concerne que la société EGPC sur le fondement du contrat de distribution de gaz conclu entre les deux parties

– la société EGPC ne démontre pas que l’irrégularité de forme affectant l’acte de dénonciation de la saisie lui cause un grief

– elle n’est pas soumise à la procédure d’arbitrage intentée par ses actionnaires dans le cadre du CIRDI, de sorte que la société EGPC ne peut se prévaloir d’une renonciation de sa part à l’exercice de tout autre recours, en application de l’article 26 de la convention CIRDI, cet article n’étant en tout état de cause pas applicable à la mesure d’exécution d’une décision juridictionnelle définitive

– elle n’est pas non plus partie à l’arbitrage ouvert sur le fondement du TBI Canada-Egypte.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2023.

SUR CE :

Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté les exceptions de procédure et la fin de non-recevoir soulevées par la société Natgas, laquelle n’a pas formé appel incident sur ces points.

La saisie-attribution contestée est fondée sur le titre exécutoire constitué de la sentence arbitrale du 12 septembre 2009 revêtue de l’exéquatur par l’ordonnance du 19 mai 2010 devenue irrévocable.

La société EGPC soutient en premier lieu que la société Natgas s’est payée en retenant à partir de juillet 2010 des sommes qui lui appartenaient, ce pour un montant total ‘dépassant largement’ celui de la condamnation prononcée aux termes de la sentence, de sorte que la créance est éteinte.

Toutefois, l’extinction de la créance ne saurait résulter que du paiement par la société EGPC de la condamnation prononcée par la sentence arbitrale, d’une compensation entre le montant de ladite condamnation et une autre créance constatée par un titre exécutoire au préjudice de la société Natgas et au profit de la société EGPC, enfin de l’infirmation ou de l’annulation de la sentence arbitrale.

Ainsi, la preuve de l’extinction de la créance n’est pas rapportée.

En deuxième lieu, d’une part, la notion ‘d’émanation de l’Etat égyptien’apparaît sans portée juridique, d’autre part, la sentence a été rendue entre la société Natgas et la société EGPC, si bien que la saisie n’est ni nulle, ni caduque au motif que le titre n’a pas été signifié à l’Etat égyptien et que la mesure de saisie n’a pas été dénoncée à ce dernier.

En troisième lieu, le juge de l’exécution a exactement relevé qu’aucun grief causé à la société EGPC par l’irrégularité de forme affectant l’acte de dénonciation soulevée par cette dernière n’était démontré.

En quatrième lieu, la société Natgas détenant un titre exécutoire à l’encontre de la société EGPC, en vertu duquel elle a pratiqué la saisie-attribution litigieuse, et non à l’encontre de l’Etat égyptien, la société EGPC n’est pas fondée à soutenir que la société créancière aurait renoncé à poursuivre l’exécution de son titre car ses dirigeants et actionnaires ont engagé en 2011 et en 2019 une procédure d’arbitrage CIRDI à l’encontre de l’Etat égyptien qu’ils estiment responsable du défaut d’exécution de la sentence et car une troisième demande a été introduite aux fins de recouvrement de la créance à l’encontre de l’Etat égyptien par MM. [I], actionnaires, président et vice-président de la société Natgas,de sorte que cette dernière société et ses actionnaires auraient également nécessairement renoncé à la mise en oeuvre d’autres voies de droit par l’introduction d’une procédure d’arbitrage à l’encontre de l’Etat égyptien sur le fondement du TBI Canada-Egypte.

Il convient dès lors de confirmer le jugement qui, par des motifs pertinents que la cour adopte, a rejeté le moyen tiré de la renonciation par le créancier au recouvrement de sa créance.

La demande de dommages et intérêts fondée sur le caractère abusif de la saisie doit être rejetée par voie de conséquence.

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure.

La société EGPC, dont le recours est rejeté, est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Natgas la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement

CONDAMNE la société Egyptian General Petroleum Corporation aux dépens d’appel

CONDAMNE la société Egyptian General Petroleum Corporation à payer à la société National Gas Company la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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