Saisie-attribution : décision du 17 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/06703

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Saisie-attribution : décision du 17 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/06703

17 janvier 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/06703

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2024

N° 2024/ 017

N° RG 21/06703

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMWN

[M] [V] épouse [H]

C/

S.N.C. ROVAL

S.N.C. LA BOUGIE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Nathalie FAISSOLLE

Me Lionel ESCOFFIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 19 Mars 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/07217.

APPELANTE

Madame [M] [V] épouse [H]

née le 06 Juin 1973 à [Localité 3] (VAR), demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Nathalie FAISSOLLE, membre de l’ASSOCIATION WATCHI-FOURNIER FAISSOLLE, avocat au barreau de TOULON

INTIMEES

S.N.C. ROVAL

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social sis [Adresse 6]

S.N.C. LA BOUGIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social sis [Adresse 6]

représentées par Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, ayant pour avocat plaidant Me Benoît BRUGUIERE, membre de la SELEURL LAURENCE CURIEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Philippe COULANGE, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2024.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SNC LA BOUGIE et la SNC ROVAL, propriétaires d’un bien immobilier situé à [Localité 7], [Adresse 6], se plaignent d’être confrontées depuis plusieurs années à des troubles importants du voisinage résultant de l’exploitation d’une hélisurface dénommée ‘ Le Pin Maria ‘ située à moins de 100 mètres de leur propriété.

Diverses décisions de justice sont déjà intervenues relativement à ces préjudices pour des périodes antérieures.

Par assignation du 25 octobre 2019, la SNC LA BOUGIE et la SNC ROVAL ont fait citer Mme [M] [V] épouse [H] et Mme [N] [E] épouse [V] devant le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN pour obtenir la réparation de leur préjudice pour une période umtérieure à celle déjà indemnisée.

Par jugement rendu le 19 mars 2021, le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN a condamné Mme [M] [V] épouse [H] et Mme [N] [E] épouse [V] in solidum à payer à la SNC LA BOUGIE et la SNC ROVAL la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour le trouble de voisinage subi entre le 1er mai 2018 et jusqu’au 25 octobre 2019 outre intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 7 908 € au titre des frais d’établissement d’un constat d’huissier avec le concours d’un ingénieur acousticien et de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens.

Par déclaration au greffe en date du 4 mai 2021, Mme [M] [V] épouse [H] a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la Cour d’annuler l’assignation et de dire inexistant le jugement entrepris, subsidiairement de le réformer et de débouter la SNC LA BOUGIE et la SNC ROVAL de leurs demandes et très subsidiairement de réduire les sommes allouées.

Elle sollicite l’allocation de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et la condamnation de l’intimée aux dépens de première instance et d’appel.

A l’appui de son recours, elle fait valoir :

– que l’exploit introductif d’intance du 25 octobre 2019 est nul car délivré à une adresse incomplète qui n’a pas permis de toucher les intéressées lesquelles n’ont pu assurer leur défense.

– qu’au fond il n’y a aucun trouble anormal de voisinage.

– que si des troubles existent ceux-ci étaient présents au moment de l’acquisition par la SNC LA BOUGIE et la SNC ROVAL de leur bien immobilier.

La SNC LA BOUGIE et la SNC ROVAL concluent à la confirmation du jugement déféré concernant la régularité de la saisine de la juridiction. Au fond elles réclament sa réformation sur le montant des dommages-intérêts alloués et demande que ceux-ci soitent portés à la somme de 62 000 € outre les intérêts à compter du jugement.

Elle demande également que son préjudice moral soit fixé à la somme de 30 000 €. Elle sollicite l’allocation de la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elles soutiennent :

– que l’assignation introductive d’instance est valable et la juridiction régulièrement saisie.

– que l’utilisation de l’hélisurface de [Y] [V] est excessive et engendre un trouble important du voisinage.

– qu’elle est irrégulière et qu’aucune situation d’antériorité n’est établie.

– que la preuve de l’obtention des autorisations nécessaires n’est pas rapportée.

– que l’accroissement de l’exploitation de l’hélisurface est indéniable.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN, dans le jugement dont appel rendu le 19 mars 2021 ( procédure de première instance 19 / 07217 ), a condamné Mme [N] [E] épouse [V] et Mme [M] [V] épouse [H] à payer diverses sommes à la SNC ROVAL et à la SCI LA BOUGIE pour le trouble anormal de voisinage subi entre le 1er mai 2018 et jusqu’au 25 octobre 2019, outre intérêts au taux légal et frais de constat;

Que Mme [N] [E] épouse [V] étant décédée, seule Mme [M] [V] épouse [H] a interjeté appel;

Attendu que Mme [M] [V] épouse [H], soutient n’avoir jamais été destinataire de l’assignation du 25 octobre 2019, laquelle aurait été délivrée sur la base d’une adresse incomplète puisqu’il y serait simplement indiqué ‘ [Adresse 4] alors que sa véritable adresse, mentionnée par la suite dans le procès-verbal de saisie – attribution, serait ‘ [Adresse 5] ‘;

Qu’elle affirme en outre que l’huissier instrumentaire n’aurait pas procédé à des recherches suffisantes;

Qu’elle ajoute que sa mère Mme [N] [E] épouse [V] étant décédée en cours d’instance, la procédure aurait dû être régularisée à son égard;

Mais attendu qu’il ressort des éléments du dossier que, sur la base des éléments contenus dans l’assignation délivrée le 25 octobre 2019, l’adresse à laquelle a été assignée l’appelante est exacte puisque l’huissier constate qu’à l’appartement situé au Rez de chaussée porte 240, le nom de Mme [M] [V] figure bien sur la boite aux lettres et que celle-ci était absente au moment de son passage à 10 heures 39;

Qu’un avis de passage a été laissé dans cette boite aux lettres précisant les modalités de retrait de l’acte en l’étude;

Qu’en outre l’huissier a certifié que la lettre prévue par l’article 658 du Code de Procédure Civile, contenant les mêmes mentions que l’avis de passage, a bien été adressée au destinataire le premier jour ouvrable suivant;

Qu’il en résulte que l’adresse figurant dans l’assignation, qui est de surcroît celle indiquée par Mme [V] épouse [H] dans ses déclarations fiscales alors que celle-ci ne conteste pas recevoir ses avis d’imposition à cette adresse, qui doit être dès lors considérée comme suffisamment complète;

Que l’huissier avait bien procédé en l’espèce aux investigations nécessaires;

Qu’enfin au moment de la délivrance de l’assignation Mme [N] [E] épouse [V] était vivante et n’avait pas constitué avocat;

Qu’il convient en conséquence de déclarer régulier l’acte introductif d’intance délivré le 25 octobre 2019;

Attendu que sur le fond, Mme [M] [V] épouse [H] conteste la réalité du trouble de voisinage et évoque le contexte économique propre à la particularité tropézienne;

Attendu qu’il n’appartient évidemment pas à la Cour de se prononcer sur l’utilité sur le plan économique de l’implantation d’hélisurfaces dans la presqu’île de [Localité 7];

Attendu que le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN a justement rappelé que selon l’article 544 du Code Civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements et que la limite de ce droit est constitué par le trouble anormal de voisinage qui ouvre droit à réparation même en l’absence de faute;

Qu’il est constant que l’article L. 112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation pose une double condition à l’exonération de l’auteur de ce trouble de toute responsabilité, à savoir que l’activité nuisible doit avoir commencé antérieurement à l’acquisition ou à la prise de bail du fonds voisin et que cette activité s’exerce en conformité avec les lois et règlements en vigueur;

Qu’il n’est pas inutile en revanche de rappeler que la Cour de céans s’est déjà prononcée dans un arrêt du 16 mai 2019 sur la notion d’antériorité et a décidé que l’exploitante de l’hélisurface du ‘[Y] [V] ‘ ne rapportait pas la preuve de l’existence d’une activité s’exerçant en conformité avec les dispositions réglementaires en vigueur, lui interdisant de ce chef de se prévaloir de la règle d’antériorité prévue par l’article L. 112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation;

Qu’il résulte des pièces versées aux débats que l’hélisurface exploitée sur le terrain de l’appelante a été autorisée par des arrêtés préfectoraux rendus sur le fondement de l’arrêté interministériel du 6 mai 1995 relatif aux aérodromes et autres emplacements utilisés par des hélicoptères;

Que sur la base de cet arrêté, la sous préfecture de [Localité 2] n’a émis son premier arrêté relatif aux hélisurfaces que pour la saison 2006 de telle manière que l’autorisation accordée à l’appelante est nécessairement intervenue postérieurement à cet arrêté;

Que l’ensemble des arrêtés préfectoraux relatifs à l’installation d’hélisurfaces responsables a été succéssivement annulé par des décisions du Tribunal Administratif de TOULON qui a relevé que cette création relevait exclusivement du Ministère;

Attendu qu’il n’est pas établi par les pièces du dossier que l’appelante ait commencé une activité d’hélisurface avant l’année 1995;

Qu’il a déjà été indiqué que l’activité s’est exercée en dehors de la règlementation en vigueur;

Qu’il ressort des constats d’huissier dressés sur place en présence d’un ingénieur acousticien les 13, 14 et 16 août 2019 que les mouvements d’hélicoptères et les nuisances les accompagnant se sont poursuivis malgré l’arrêt de la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE du 16 mai 2019;

Qu’il a été notamment constaté que les hélicoptères au sol laissaient tourner les rotors et au décollage demeuraient stationnaires durant plusieurs minutes générant toujours des inconvénients sonores;

Qu’ainsi il n’est pas contestable que les nuisances générées par l’activité ‘ d’hélisurface responsable’ exploitée par l’appelante sont très largement supérieures aux normes acceptables telles que déterminées par des activités similaires, quand bien même ce mode de déplacement par transport aérien participerait au rayonnement de la presqu’île, et constituent des troubles anormaux de voisinage engageant la responsabilité de Mme [M] [V] épouse [H] sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code Civil;

Attendu que la somme globale de 50 000 € allouée à titre de dommages-intérêts à la SNC ROVAL et à la SNC LA BOUGIE correspond bien à l’exacte indemisation du préjudice qu’elles ont subi pour trouble anormal du voisinage entre le 1er mai 2018 et le 25 octobre 2019;

Que la réalité d’un préjudice moral distinct n’est pas démontrée;

Attendu que c’est donc à bon droit que le premier juge a en outre justement accordé aux intimées la somme de 7 908 € pour la prise en compte des frais d’établissement des constats d’huissier pour l’établissement desquels les compétences d’un ingénieur acousticien ont été nécessaires et a retenu des frais irrépétibles;

Qu’il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN ( procédure de première instance n° 19 / 07217 );

Attendu que toutes autres demandes plus amples ou contraires seront rejetées;

Attendu qu’il sera alloué aux intimées, qui ont dû mettre avocat à la barre pour assurer leur représentation en justice, la somme globale de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

Attendu que Mme [M] [V] épouse [H], qui succombe, supportera les dépens d’appel;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

DECLARE régulier l’acte introductif d’intance délivré le 25 octobre 2019;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN ( procédure de première instance n° 19 / 07217 );

Y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes;

CONDAMNE Mme [M] [V] épouse [H] à payer à la SNC ROVAL et à la SNC LA BOUGIE la somme globale de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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