Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00736

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Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00736

14 décembre 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
22/00736

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 575 DU 14 DECEMBRE 2023

N° RG 22/00736 –

N° Portalis DBV7-V-B7G-DO5N

Décision attaquée : jugement du tribunal de proximité de Saint Martin et Saint-Barthélémy en date du 2 mai 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 18/00238

APPELANTE :

S.A.R.L. Le TASTEVIN, prise en la personne de son représentant légal

Ayant siège à [Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Marc VAYRAC, de la SELARL Société d’Assistance Juridique et Sociale – SAJES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur [L] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Maxime CABRERA, de la SELARL CABRERA LEGAL, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Frank Robail, président de chambre ,

Mme Annabelle Clédat, conseiller,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 9 octobre 2023. Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier et de la surcharge des magistrats.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Armélida Rayapin, greffière.

Lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.

ARRÊT :

– contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– Signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 10 juin 1985, M. [Y] [E] et Mme [L] [D], alors épouse du précédent, ont donné à bail commercial à la S.A.R.L. LE TASTEVIN, dont les associés étaient alors les époux [K], à effet du 3 janvier 1985 et pour une durée de 9 ans expirant le 2 janvier 1994, un local constituant le rez-de-chaussée d’un immeuble sis à [Adresse 5], cadastré sous le n° [Cadastre 1] de la section AS pour une contenance de 3 a 49 ca;

Ce local y est décrit plus avant comme comprenant une salle avec bar, une cuisine, divers rangements, des réserves et débarras, une terrasse couverte et une terrasse extérieure aménagée donnant sur la plage, ainsi qu’une citerne ;

La destination de ce local était l’exercice d’une activité de restauration ;

Ce bail a été renouvelé par acte sous seing privé en date à [Localité 3] du 21 avril 1998, pour une durée de 9 ans à effet du 3 janvier 1994 expirant le 2 janvier 2003 ;

Un second renouvellement est intervenu par acte authentique du 18 février 2003 pour une nouvelle durée de 9 ans ayant pris effet rétroactivement au 3 janvier 2003 pour se terminer le 2 janvier 2012 ;

Le divorce d’entre les époux bailleurs a été prononcé par jugement du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE du 19 octobre 2006, confirmé par la cour d’appel de ce siège suivant arrêt irrévocable du 13 octobre 2008, en suite de quoi le local objet du bail renouvelé a été attribué à Mme [L] [D] dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial suivant actes notariés des 18 novembre 2005 et 17 décembre 2009, publiés au bureau des hypothèques de BASSE-TERRE le 4 février 2010 ;

Par acte authentique du 3 juillet 2012, le bail commercial du 10 juin 1985 a été renouvelé une troisième fois à effet, rétroactivement, du 3 janvier 2012 pour une durée de 9 ans expirant au 2 janvier 2021, moyennant un loyer annuel de 52 413,84 euros payables en 12 mensualités de 4 367,82 euros chacune ;

Par acte du 25 novembre 2014, les époux [K], hors la présence du bailleur du local commercial d’exploitation, ont cédé l’intégralité du capital social dans la société LE TASTEVIN à la société dénommée ‘RESTAURANT DEVELOPPEMENT’ ;

Par trois actes d’huissier de justice du 11 octobre 2016, Mme [D], bailleresse, a fait délivrer à la S.A.R.L. LE TASTEVIN trois sommations d’avoir à :

– mettre un terme à diverses infractions au bail constatées par huissier le 30 septembre précédent (occupation du premier étage du bâtiment non loué, défaut d’entretien des gouttières et cocotier, présence de câbles et tuyaux d’évacuation de climatiseurs au sol du hall d’entrée de l’appartement du 1er étage donnant accès au parking, présence d’une colonne de cheminée d’extraction à l’extérieur du bâtiment, empêchant la pose de double volet sur la fenêtre de l’étage),

– cesser l’utilisation illégale du parking en rez-de-chaussée par la présence de divers objets,

– retirer la structure en bois côté mer surmontée d’un toit en tôle, située sur un emplacement loué, mais non couvert à l’origine ;

Par acte d’huissier de justice du 10 novembre 2016, Mme [D] a fait délivrer à la même société locataire une sommation d’exécuter, sous un mois, les trois sommations précédentes, à peine de résiliation de plein droit du bail commercial en application de la claure résolutoire y insérée ;

En réponse, la société LE TASTEVIN, par acte d’huissier du 8 décembre 2016, a fait appeler Mme [D] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE aux fins de la voir contraindre à déposer sous astreinte la chaîne et le cadenas fermant une partie de la terrasse extérieure qu’elle avait installés, ce à quoi il a été fait droit par ordonnance de référé du 23 décembre suivant ;

*

Par acte d’huissier de justice du 22 février 2017, Mme [L] [D] a fait assigner la S.A.R.L. LE TASTEVIN devant le tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, au fond, à l’effet de voir :

– constater que ladite société n’a pas régularisé sa situation et ne s’est pas conformée aux sommations du 11 octobre 2016, ainsi qu’à la sommation d’exécuter du 10 novembre 2016,

– constater en conséquence la résiliation de plein droit du bail conformément aux stipulations de la clause résolutoire y insérée,

– condamner la société LE TASTEVIN à lui payer une indemnité d’occupation mensuelle de 4 444,69 euros plus les provisions sur charges,

– ordonner l’expulsion de la société LE TASTEVIN et de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec le concours de la force publique,

Subsidiairement, condamner la société LE TASTEVIN à remettre les lieux en l’état et régulariser sa situation conformément aux sommations du 11 octobre 2016 ainsi qu’à la sommation d’exécuter en date du 10 novembre 2016, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d’un mois après la signification du jugement à intervenir,

En tout état de cause, condamner la même société à lui payer les sommes suivantes:

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les infractions au bail qu’elle a commises,

– 1 284 euros au titre des frais d’huissier pour la délivrance des sommations du 11 octobre 2016, de la sommation d’exécuter, ainsi que des constats de la S.C.P. CAUCHEFER et de la S.C.P. EMICA-FONTBONNE,

– 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, sous distraction ;

Parallèlement, par acte d’huissier de justice du 23 février 2017, la société LE TASTEVIN a elle-même fait assigner Mme [L] [D] devant le même tribunal, à l’effet de voir :

– constater qu’elle a exécuté les sommations d’exécuter du 10 novembre 2016 concernant :

** la pose de deux sirènes d’alarme et d’une annexe WIFI sur la paroi extérieure du 1er étage de l’immeuble,

** la présence de moteurs de groupe de froid sur le toit du même immeuble,

** le prétendu défaut d’entretien d’un cocotier,

** l’entretien des gouttières,

** la présence d’une structure en bois côté mer, surmontée d’un toit en tôle, à un emplacement loué non couvert au niveau de la terrasse,

– dire que les sommations du 10 novembre 2016 sont devenues sans objet sur ces points,

– constater que ces sommations sont infondées concernant :

** la présence de câbles et tuyaux d’évacuation de climatiseurs dans une pièce située au rez-de-chaussée appelée hall d’entrée du 1er étage,

** la colonne d’extraction des fumées provenant de la cuisine,

– dire que les sommations du 10 novembre 2016 sont nulles et de nul effet sur ces points,

– ramener le loyer annuel des lieux loués à la somme de 48 903,22 euros (soit 4 075,96 euros x 12), payable mensuellement comme il est dit au bail,

– condamner Mme [D] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, sous distraction au profit de son avocat, en ce compris les frais d’établissement des PV de constat des 19 octobre, 10 et 23 novembre 2016 ;

Se plaignant enfin du non paiement par la société LE TASTEVIN du loyer de février 2017 et des charges de 2016, Mme [D], par acte d’huissier de justice du 10 avril 2017, lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire et, par acte d’huissier de justice du 11 avril 2016, a diligenté une procédure de saisie-attribution ;

Le 27 avril 2017, les deux instances nées des deux actes d’assignation sus-visés, ont été jointes par le tribunal, lequel, par décision du 7 juin 2018, a transféré le dossier résultant de cette jonction à la chambre détachée de SAINT-MARTIN – SAINT-BARTHELEMY ;

Par jugement contradictoire du 2 mai 2022, le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN/ SAINT-BARTHELEMY :

– a constaté l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial liant les parties et ayant pour objet un local constituant le rez-de-chaussée d’un immeuble sis à [Adresse 5], cadastré sous le n° [Cadastre 1] de la section AS de cette commune,

– a ordonné l’expulsion des lieux de la société LE TASTEVIN et de tous occupants de son chef dès la signification du commandement de quitter les lieux à intervenir,

– a ordonné restitution des clés des locaux à Mme [L] [D] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de cette décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois,

– a débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts et la société LE TASTEVIN de l’ensemble de ses demandes,

– a condamné la société LE TASTEVIN payer à Mme [L] [D] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ains qu’aux entiers dépens,

– et a rappelé que cette décision était exécutoire par provision de plein droit ;

Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 8 juillet 2023 par Maître Marc VEYRAC, avocat, la S.A.R.L. LE TASTEVIN a relevé appel de ce jugement, y intimant Mme [L] [D] et y critiquant expressément chacune de ses dispositions, hors le rappel de l’exécution provisoire de plein droit dudit jugement;

Cet appel a été orienté à la mise en état et Mme [D] a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l’avocat de l’appelante par RPVA le 6 octobre 2022 ;

L’appelante a conclu par acte remis au greffe et notifié à l’avocat de l’intimée par RPVA le 7 novembre 2022, et l’intimée, par acte remis au greffe et notifié à l’avocat adverse le 27 février 2023 ;

A l’issue de l’audience du 12 juin 2023, les parties ont été informées de la fixation du délibéré au 9 octobre suivant ; elles ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier et de la surcharge des magistrats;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Par ses uniques conclusions remises au greffe le 7 novembre 2022, la S.A.R.L. LE TASTEVIN, en la personne de son gérant, souhaite voir :

– constater :

** que Mme [D] ne pouvait ignorer l’obligation qui était la sienne en qualité de restauratrice d’équiper son restaurant d’un système d’extraction d’air, à telle enseigne qu’elle a cédé son fonds de commerce alors qu’il était ‘équipé de pareille installation’,

** qu’en louant un local commercial à une société dont l’objet social est l’exploitation d’un restaurant, Mme [D] ne pouvait ignorer son obligation légale de fournir un local équipé d’un système d’extraction d’air dès lors que le bail ne prévoit pas que cette installation soit à la charge du locataire,

** que Mme [D] a validé les travaux réalisés par la société LE TASTEVIN en octobre 2015 par devant huissier et ce alors même que la présence de la colonne d’extraction ne peut être ignorée puisqu’elle apparaît sous sa dernière forme sur les photographies du constat de cet huissier,

** et que les demandes d’acquisition de la clause résolutoire ne sont pas justifiées, Mme [D] ne respectant pas notamment la mise à disposition de la terrasse sur rue convenue avec son ancien époux qui était alors bailleur des lieux et les conditions particulières d’accès au 1er étage afin de maintenir la mise à disposition de ladite terrasse sur rue à disposition du Tastevin,

– réformer le jugement déféré en son intégralité,

– débouter Mme [D] de ses demandes d’acquisition de la clause résolutoire et des autres demandes,

– condamner la même à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Elle précise à ces fins notamment :

– que le restaurant exploité dans le local objet du bail litigieux avait été créé en 1985 par M. [Y] [E], restaurateur de profession, et son épouse, Mme [L] [D], également restauratrice, dans le cadre d’une S.A.R.L. CELAUB-EMITAS à l’enseigne LE TASTEVIN,

– qu’en 1993, cette société a donné le fonds de commerce de restauration en location-gérance à M. [J] [K],

– qu’en 1998, les époux [E] ont cédé la totalité de leurs parts sociales dans la société CELAUB-EMITAS à M. [J] [K] et son épouse, Mme [O] [U], laquelle société deviendra ensuite la société LE TASTEVIN,

– que le 25 novembre 2014, les époux [K] ont cédé leurs parts dans cette société à la société civile RESTAURANT DEVELOPPEMENT, laquelle possède et exploite bien d’autres restaurant à [Adresse 5],

– qu’ainsi, en sa qualité de restauratrice de 1985 à 1998, Mme [D] était-elle en mesure de connaître ce qui est obligatoire pour un restaurant en matière d’évacuation des odeurs de cuisine,

– que par surcroît, elle est propriétaire de locaux loués depuis le premier bail fait au profit de la société CELAUB-EMITAS, et, à ce titre, ne peut ignorer qu’elle n’a pas le droit de louer un local à vocation de restaurant sans qu’y ait été prévu un système d’évacuation des odeurs de cuisine, ainsi que l’a jugé la cour de cassation en un arrêt du 14 septembre 2017 (3ème chambre civile),

– que la présence et la conformité d’un tel système incombe au bailleur, en application de l’article 1719 du code civil, sauf stipulation expresse du contrat de bail, inexistante au cas d’espèce,

– que, dès lors, Mme [D], qui n’a pu se passer d’un tel système lorsqu’elle exploitait le restaurant en direct avec son époux (pendant 13 ans) et ment éhontément lorsqu’elle lui reproche la présence de la cheminée d’extraction et prétend n’en avoir jamais eu connaissance avant 2016,

– que, de même, les propriétaires du fonds n’auraient jamais pu le donner en location gérance s’il n’avait pas présenté l’ensemble des caractéristiques obligatoires,

– que de la même manière, Mme [D] n’a pu ne pas voir l’imposante colonne en façade gauche, puisqu’elle apparaît sur plusieurs photographies antérieures à 2016,

– que d’ailleurs, le gérant de la société FAUT LE FER qui a réalisé un treillis métallique afin de désolidariser la colonne du mur de l’appartement de l’étage, atteste que ces travaux n’étaient pas nécessaires mais que Mme [D] les avait exigés pour diminuer les bruits résiduels,

– que ces mêmes bruits résiduels ont conduit Mme [D] à faire intervenir en 2016 la société DESIGN WORKSHOP pour réaliser un support pour moteurs de climatisation car elle ne voulait plus de climatisation sur son toit et ses murs,

– qu’en outre, elle ment lorsqu’elle prétend, dans un PV de constat d’huissier qu’elle a fait établir, n’avoir pas été avertie des travaux actuellement en cours par de nouveaux acquéreurs, puisqu’elle indique dans le même temps que l’un de ses représentants les surveillait en les filmant avant que d’être refoulé,

– que si ce représentant a été refoulé, c’est parce qu’il passait son temps à filmer les ouvriers et perturbait leur travail tout en bafouant les règles de sécurité du chantier,

– que dans ce même constat, Mme [D] reconnaît que les travaux lui convenaient et étaient validés, en ce compris l’installation de la conduite d’aération dans son derrick après qu’elle a exigé qu’elle ne soit plus solidaire de la façade du bâtiment pour éviter toutes vibrations pour ses futurs locataires du premier étage,

– que, s’agissant de la terrasse extérieure (parking), elle est utilisée depuis 1985, date du bail initial, par le restaurant Le TASTEVIN comme un élément décoratif pour le restaurant, puisque deux baies vitrées de ce dernier donnent sur cette terrasse,

– que cet emplacement n’a donc jamais été utilisé comme parking pour véhicules, ce que Mme [D] indique elle-même au PV d’huissier du 12 octobre 2015,

– qu’il y a à cela plusieurs raisons objectives et impérieuses :

** la dalle de la terrasse est une protection pour la fosse septique du bâtiment,

** rien ne permet de garantir que cette dalle puisse supporter en permanence des véhicules,

** que le bailleur, M. [E], avait autorisé en 1993 la réalisation par son locataire gérant, M. [K], d’une fontaine décorative et de jardinières plantées d’arbres ou autres végétaux, afin de lui donner un côté jardin plus agréable pour les clients du restaurant installés près des baies vitrées, en lieu et place du spectacle des pots d’échappement et des véhicules,

– que dans l’acte de renouvellement du bail de 2012, Mme [D] a même accepté, pour maintenir cet agrément, qu’un passage particulier soit réservé pour permettre l’accès à l’escalier donnant au 1er étage, avec, pour contrepartie, la pose d’un revêtement anti-dérapant parfaitement inutile si des véhicules y avaient été autorisés,

– et qu’ainsi, le commandement visant la clause résolutoire était infondé à tous égards, qui n’a pu entraîner la résiliation de plein droit du bail en cause ;

2°/ Par ses uniques conclusions au fond remises au greffe le 27 février 2023, Mme [L] [D] conclut quant à elle aux fins de voir, au visa des articles L 145-41 du code de commerce et 1240 du code civil :

– confirmer le jugement querellé en ce qu’il a :

** constaté l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial liant les parties et ayant pour objet un local constituant le rez-de-chaussée d’un immeuble sis à [Adresse 5], cadastré sous le n° [Cadastre 1] de la section AS de cette commune,

** ordonné l’expulsion des lieux de la société LE TASTEVIN et de tous occupants de son chef dès la signification du commandement de quitter les lieux à intervenir,

** ordonné restitution des clés des locaux à Mme [L] [D] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de cette décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois,

– l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la société LE TASTEVIN à lui payer les sommes suivantes :

** 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

** 7 280 euros, soit 3 000 euros plus TGCA pour ceux de première instance et 4 000 euros plus TGCA pour les frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, en ce compris le coût du commandement visant la clause résolutoire et les procès-verbaux de constat ;

Mme [D] précise à ces fins, notamment :

– que l’immeuble où se situent les locaux loués à la société LE TASTEVIN a été construit en 1923 pour la partie qui est en bois et en 1960 pour celle qui est en béton, à des époques où le lieudit Grand Case n’était encore qu’un village de pêcheurs,

– qu’il est composé d’un rez-de-chaussée objet du bail commercial et d’un appartement de 3 chambres à l’étage non loué à la société LE TASTEVIN,

– qu’elle s’y est installée avec mari et enfants en 1979 et y a créé, avec ce même mari, un restaurant dénommé d’abord ‘L’AUBERGE GOURMANDE’, puis ‘LE TASTEVIN’,

– que cet immeuble été sinistré à deux reprises, en 1995 suite au passage du cyclone LUIS et en 1999 suite au passage du cyclone LENNY,

– que les propriétaires, elle et son mari avant leur divorce, ont toujours privilégié la remise en état du rez-de-chaussée commercial au détriment de l’étage, lequel est donc resté inoccupé à compter du cyclone LUIS,

– que l’entier bâtiment a fini par être complètement rénové, rez-de-chaussée et étage, cependant que cet étage est encore resté inoccupé puisqu’elle devait procéder à son aménagement intérieur,

– qu’en 2014, elle s’est décidée à l’aménager, mais a constaté que des travaux et aménagements avaient été réalisés sans son autorisation par le locataire et empêchaient les travaux envisagés dans l’appartement, ce pourquoi, par lettre remise en mains propres à l’ancien gérant de la société LE TASTEVIN le 15 juillet 2014, elle lui a demandé la dépose des compresseurs installés sur les murs extérieurs au niveau du 1er étage non loué et l’enlèvement d’une fontaine et de jardinières disposées sur le parking-terrasse,

– qu’elle n’a appris que par la rumeur publique que le capital social de la société LE TASTEVIN avait été cédé par les époux [K] à la société RESTAURANT DEVELOPPEMENT, puisqu’elle n’était pas partie à l’acte de cession du 25 novembre 2014, en suite de quoi, le 5 septembre 2015, les nouveaux associés l’ont informée de leur volonté de procéder à des travaux de rénovation, sans cependant que, malgré sa demande en ce sens, ils ne lui en adressassent une demande écrite, si bien qu’elle a été laissée dans l’ignorance de la teneur de ces travaux et n’a pu prévoir l’intervention d’un architecte pour les surveiller, lequel était pourtant prévu par les clauses du bail,

– qu’inquiète par des travaux sur une case créole ancienne dont la structure était fragile, elle a envoyé l’un de ses amis sur place pour qu’il l’informât de la nature de ces travaux, cependant que celui-ci s’est vu interdire l’accès aux locaux par les personnes présentes, en suite de quoi elle a fait dresser un constat par un huissier de justice,

– qu’un début de conciliation a eu lieu entre elle et les nouveaux associés de la société LE TASTEVIN, aux termes de laquelle :

** ils ont pris en charge le coût de ce constat,

** elle leur a envoyé deux devis de travaux destinés à rectifier leurs erreurs, afin de ne pas bloquer leur chantier,

** et elle leur a remis les clés de l’étage,

– que ces nouveaux associés ont cependant profité de sa gentillesse pour entreposer moult objets dans l’appartement, faire passer les câbles nécessaires à leurs travaux de rénovation, installer une antenne WIFI et construire une toiture sur une jardinière préalablement bétonnée, le tout sans aucune autorisation, ni de la bailleresse ni des services de l’urbanisme,

– qu’au surplus, si, en l’absence de locataire à l’étage, elle avait toléré que le restaurant utilisât la terrasse-parking qui desservait l’appartement, pourtant non comprise dans la location, pour servir un apéritif à ses clients en l’attente de la libération d’une table, la société LE TASTEVIN en a profité pour y installer une véritable terrasse de restaurant, avec tables et couverts dressés,

– qu’elle a donc adressé au gérant de la société, M. [V] [A], le 21 septembre 2016, un courrier recommandé avec accusé de réception pour protester contre la construction sans son autorisation, d’une charpente et d’un toit couvrant une partie de la terrasse louée non couverte, d’une colonne métallique de cheminée d’extraction de cuisine empêchant la pose de volets au 1er étage, d’un câble de climatiseur gênant l’accès au hall d’entrée de l’appartement, de caméras de surveillance portant atteinte à l’intimité de l’occupant de ce 1er étage et du maintien des compresseurs des chambres froides adossées à la façade de ce même étage,

– qu’un constat des désordres et infractions imputables à la locataire a été dressé par huissier le 30 septembre 2016, en suite de quoi, par trois sommations distinctes du même jour, soit le 11 octobre 2016, elle a sommé la société LE TASTEVIN de mettre un terme aux infractions qu’elle avait commises aux droits du bailleur et aux stipulations du bail, puis, par une sommation finale du 10 novembre 2016, elle l’a mise en demeure d’exécuter, dans le mois, les injonctions contenues dans les trois premières, en visant cette fois la clause résolutoire insérée au bail,

– que lorsqu’elle a reçu l’assignation que lui a fait délivrer, le 23 février 2017, la société LE TASTEVIN, juste après sa propre assignation aux fins de constat de la résiliation du bail pour inexécution des injonctions contenues à la sommation du 10 novembre 2016, elle a compris que sa locataire cherchait à lui racheter son immeuble à bas prix et s’employait ainsi à retarder ou empêcher les travaux de rénovation de l’appartement du 1er étage pour ne pas voir s’y installer un tiers qui aurait empêché l’exploitation illicite de la terrasse non louée,

– que, pour accentuer sa pression sur elle, la locataire a brusquement cessé de payer son loyer en février 2017, outre la régularisation des charges 2016, au faux prétexte d’un changement de coordonnées bancaires, lesquelles avaient pourtant changé dès 2015, si bien qu’elle a été contrainte de lui faire adresser un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 10 avril 2017 et de faire procéder à une saisie attribution le 11 suivant,

– que l’autorisation donnée par le bailleur au locataire de faire des travaux est une condition essentielle du bail, dont la société LE TASTEVIN a fait fi,

– que ladite société a reconnu devant le premier juge avoir installé la cheminée litigieuse et qu’elle n’avait pas déféré à la sommation du 10 novembre 2016 dans le mois de sa signification, ni quant au déplacement de la cheminée d’extraction, ni quant à l’occupation illicite de la terrasse de l’étage desservant l’appartement,

– que le même juge a constaté que la locataire ne justifiait ni d’une demande d’autorisation ni d’une autorisation de la bailleresse pour réaliser les travaux stigmatisés,

– que si, en ses écritures d’appelante, la société LE TASTEVIN soutient que ladite bailleresse, en tant qu’ancienne restauratrice elle-même, ne pouvait ignorer la nécessité légale d’un système d’évacuation des fumées ou odeurs de cuisine et se lance dans une longue diatribe à son encontre, elle ne développe aucune argumentation de droit à cet égard,

– que, de toute façon, la violation du bail en lien avec la cheminée d’extraction est parfaitement établie, qui l’empêche de poser des volets sur la fenêtre de la chambre de l’appartement du 1er étage,

– que les assertions de l’appelante en ce qui est de l’installation de ladite cheminée dès 1985 sont fausses, ce qu’elle démontre en produisant un Livret publié au 3ème trimestre 1985 sur les recettes du restaurant, lequel contient des photographies du bâtiment exemptes de cheminée en façade, à l’inverse de ce que montrent des photographies de 2017,

– qu’elle n’ignore pas qu’un système d’extraction est nécessaire pour exploiter un restaurant, cependant qu’elle n’en revendique pas la suppression, mais le simple déplacement pour la raison que s’il existait déjà en 1993, ainsi qu’il résulte de l’inventaire annexé du bail, il n’était pas au même endroit qu’aujourd’hui, n’était pas aussi imposant et n’empêchait pas la pose de volets à l’étage,

– que, s’agissant de la terrasse-parking dont la locataire continue de revendiquer le droit de l’utiliser, elle n’est pas mentionnée au descriptif des lieux loués figurant au bail,

– que c’est à tort que celle-ci tente par ailleurs d’exciper de la surface mentionnée au bail en lien avec celle du local et de la terrasse litigieuse mesurée par un géomètre expert pour environ 30 m2 de moins, pour en inférer que même avec cette terrasse la surface de 349 m2 du bail ne lui serait pas allouée et qu’une diminution de loyer s’imposerait, puisque, attestation du notaire à l’appui, la surface de 349 m2 figurant au bail n’est pas celle du local mais celle du terrain sur lequel le bâtiment qui l’abrite est construit,

– que la ‘terrasse couverte’ et la ‘terrasse extérieure aménagée donnant sur la plage’ décrites dans l’objet du bail, sont étrangères à la terrasse annexée illicitement par LE TASTEVIN, puisqu’en fait de terrasse il ne s’agit que d’une cour-parking non incluse audit bail,

– que si l’ancien gérant a pu attester de ce qu’il avait l’autorisation, depuis 1993, de l’exploiter, c’était, ainsi qu’il l’écrit, dans le seul but de faire patienter ses clients en l’attente d’une table et ce, tant que l’appartement du dessus constituait sa résidence principale, alors même que les nouveaux associés de la société cédée l’ont transformée en véritable terrasse en y installant tables et couverts pour y faire prendre des repas,

– qu’il s’agissait d’un simple accord verbal et temporaire et non pas d’un avenant au bail, lequel a été retiré expressément par le biais de deux notifications écrites, soit par un premier courrier à M. [K] du 15 juillet 2014 et par LRAR aux nouveaux locataires du 2 septembre 2016,

– et que c’est donc à juste titre que le premier juge a constaté l’acquisition des effets de la clause résolutoire mise en oeuvre le 10 novembre 2016, cependant qu’il a eu tort de lui refuser des dommages et intérêts justifiés par le fait les ‘velléités procédurales’ de l’appelante l’ont empêchée de reprendre possession de son bien depuis plus de 6 ans maintenant ;

*

Pour le surplus des explications de chacun des deux colitigants, il est expressément référé à leurs écritures ;

MOTIFS

I- Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que la société LE TASTEVIN a relevé appel le 8 juillet 2022 d’un jugement rendu le 5 mai précédent, sans qu’aucun acte de signification de ce jugement ne soit produit aux débats, ni même allégué ; qu’il y a donc lieu de la dire recevable en cet appel ;

II- Sur la résiliation du bail

Attendu qu’aux termes de ses conclusions d’intimée, Mme [D] fonde sa demande tendant au constat de la résiliation de plein droit du bail renouvelé portant sur un local commercial constituant le rez-de-chaussée d’un immeuble sis à [Adresse 5], cadastré sous le n° [Cadastre 1] de la section AS pour une contenance de 3 a 49 ca, sur une sommation visant la clause résolutoire insérée au bail initial et ses différents renouvellements écrits, signifiée à la société LE TASTEVIN par acte d’huissier de justice du 10 novembre 2016, laquelle lui faisait sommation d’exécuter, à peine de résiliation de plein droit du bail, trois sommations antérieures signifiées par huissier à la même société le même jour, soit le 11 octobre 2016 ;

Attendu que, en droit, il résulte de l’acte de renouvellement du bail initial du 10 juin 1985, conclu pardevant notaire ayant siège à [Localité 3], le 3 juillet 2012 entre Mme [L] [D], ‘bailleur’, et la S.A.R.L. LE TASTEVIN, ‘preneur’, qu’y est expressément stipulée, en page 7, une ‘CLAUSE RESOLUTOIRE’ aux termes de laquelle ‘il est expressément convenu qu’en cas de non-exécution par le preneur de l’un quelconque de ses engagements ou en cas de non paiement à son échéance de l’un quelconque des termes du loyer convenu ou des charges et impôts récupérables par le bailleur, (ce) bail sera résilié de plein droit un mois après une sommation d’exécuter ou un commandement de payer délivrés par acte extra-judiciaire au preneur de régulariser sa situation et contenant déclaration par le bailleur d’user du bénéfice de (cette) clause’ ;

Attendu qu’une telle clause est conforme aux dispositions d’ordre public de l’article L 145-41 du code de commerce aux termes desquelles toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, ce commandement devant, à peine de nullité, mentionner ce délai ;

Attendu que, en fait, la sommation du 10 novembre 2016 dont excipe Mme [D] pour fonder sa demande de constat de la résiliation du bail, contient la mention explicite de la volonté de celle-ci d’user du bénéfice de ladite clause résolutoire, laquelle y est entièrement reproduite, à défaut pour la société sommée de s’exécuter dans le délai, y rappelé, d’un mois à compter de la date portée en tête de cet acte ;

Attendu que si cette sommation fixe les obligations et régularisations à exécuter dans ce délai à celles qui avaient été préalablement signifiées à la société LE TASTEVIN en trois sommations précédentes du même jour, celles du 11 octobre 2016, la cour constate, outre que ladite société démontre ou n’est pas contestée en ce qu’elle affirme en avoir exécuté quelques-unes dans ce délai, qu’en ses écritures d’appel, Mme [D] limite expressément ses griefs à deux ‘motifs de constatation du jeu de la clause résolutoire’, d’une part, celui tenant à l’empiètement prétendu du locataire sur la terrasse-parking du rez-de-chaussée non incluse au bail et, d’autre part, celui tenant à l’existence, sur l’un des murs du bâtiment, d’une colonne d’extraction des fumées de la cuisine du restaurant ;

1°/ Mais attendu que c’est sur la base d’un raisonnement parfaitement logique en fait et en droit, que la cour adopte, que le premier juge observe que Mme [D] se contredit en soutenant que la terrasse-parking en cause ne fait pas partie des lieux loués, tout en reprochant au preneur, alors qu’il n’aurait ainsi aucun droit sur celle-ci, de violer les clauses du bail en l’occupant néanmoins illicitement ;

Attendu qu’en effet, si un tel empiètement illicite peut le cas échéant caractériser une faute délictuelle de nature, compte tenu de circonstances à définir, à fonder le prononcé de la résiliation du contrat liant par ailleurs l’auteur de cet empiètement et le propriétaire de l’objet de celui-ci, d’une part, Mme [D] ne demande pas le prononcé de la résiliation mais son seul constat et, d’autre part, cet empiètement ne peut en aucun cas fonder la mise en oeuvre d’une clause de résiliation de plein droit du bail pour manquement aux obligations en résultant, puisqu’une telle faute ne peut caractériser la violation d’une clause quelconque dudit bail ; que c’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté comme infondé ce premier motif de résiliation de plein droit;

2°/ Attendu qu’en revanche, il est manifeste que la colonne d’extraction des fumées et odeurs de cuisine dont se plaint Mme [D], est intrinsèquement liée à l’exploitation du fonds de commerce qu’abrite le local objet du bail en cause et a été installée à partir de ce local ; qu’elle devait donc répondre aux conditions d’installation de ce type d’équipements stipulées au bail ; qu’à cet égard, Mme [D] invoque à juste titre la clause 4 du chapitre du bail intitulé ‘CONDITIONS GENERALES – GARANTIES’, laquelle, elle-même intitulée ‘Travaux – embellissements’, stipule que ‘le preneur ne pourra faire dans les lieux loués aucuns travaux de quelque nature que ce soit, constructions nouvelles, améliorations, percements de murs, cloisons et planchers, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur (…)’ ;

Attendu que le procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé à la demande de Mme [D] le 30 septembre 2016 (pièce 9 de son dossier) contient diverses photographies, notamment les photographies numéros 18 à 24, qui révèlent, sans contestation de la part de l’appelante en ce qui est de la réalité de leurs représentations, la présence sur l’un des murs du bâtiment, d’une énorme colonne de métal enserrée dans une structure métallique qui en accroît encore le périmètre et qui passe devant l’une des fenêtre de l’appartement du premier étage, interdisant, de façon là encore incontestée, la pose de volets extérieurs, étant observé qu’en ses propres conclusions la société appelante la qualifie elle-même d”imposante’ ;

Attendu que par l’une des trois sommations du 11 octobre 2016, il a été demandé à la société LE TASTEVIN, non pas d’enlever cette colonne d’extraction dont Mme [D] ne nie pas la nécessité s’agissant de l’exploitation d’un restaurant dans le local qu’elle lui loue, mais son seul déplacement en sorte, conclut-elle aujourd’hui, qu’elle puisse jouir pleinement de l’appartement qu’elle possède au premier étage et dont ladite colonne obstrue en partie l’une des ouvertures ;

Attendu que la société appelante reconnaît expressément n’avoir pas déféré à cette sommation, de quoi il résulte qu’elle n’a pas davantage déféré à celle qui vise au surplus le jeu de la clause résolutoire en cas de non déplacement de ladite colonne dans le mois à compter de sa délivrance du 10 novembre 2016 ;

Attendu qu’elle ne prétend pas ne pas être à l’origine de cette colonne telle qu’elle existe aujourd’hui, puisqu’en page 4 de ses écritures, elle indique que si elle existait au même emplacement sur des photographies d’avant 2014, elle s’est bornée à la renforcer par un treillis métallique pour la désolidariser du mur de l’appartement ; et que, outre que lesdites photographies, produites en pièces 20 et 21 du dossier de l’appelante, ne sont aucunement attestées en leur date et représentations par un huissier de justice ou de quelconques attestations et demeurent par suite incertaines en leur origine, il est permis d’y voir, si l’on adopte la thèse de la société locataire, que ledit treillis en change totalement l’aspect et l’empattement ou l’emprise sur la partie du mur concernée ;

Or, attendu que de tels travaux, fussent-ils limités à un tel treillis métallique, imposaient, aux termes des stipulations ci-avant rappelées du bail, une autorisation écrite de Mme [D], bailleresse ;

Or, encore, attendu qu’il est constant que la société LE TASTEVIN ne produit aucune autorisation de ce type, cependant que pour pallier cette carence, elle invoque le fait que Mme [D] :

– en tant qu’ancienne restauratrice elle-même dans ce même local, ne pouvait ignorer son obligation d’équiper son restaurant d’un extracteur d’air, non plus que celle, en qualité cette fois de bailleresse d’un local destiné à une activité de restaurant, de livrer ce local équipé d’un tel système,

– et a validé les travaux réalisés en octobre 2015 pardevant un huissier qui en établissait un constat, puisque cette colonne était très visible ;

Mais attendu que Mme [D], en tant qu’ancienne restauratrice dans le même local ou en tant que bailleresse de ce local toujours destiné à cette activité, ne conteste nullement, en ses écritures d’intimée, ni avoir toujours su qu’un système d’extraction des fumées et odeurs était obligatoire pour tout restaurant, ni son obligation de bailleresse de permettre à la société locataire d’en bénéficier ; qu’elle ne conteste pas davantage qu’un tel système équipait son local avant que celui-ci ne fût loué ; qu’en effet, aux termes de ses écritures d’intimée, elle se borne, d’une part, à se plaindre de la violation d’une clause du contrat qui obligeait sa locataire à solliciter son autorisation expresse et écrite pour opérer les travaux qui ont donné à la colonne d’extraction litigieuse son aspect et ses dimensions d’aujourd’hui et ont généré, pour l’appartement du premier étage, un réel handicap, et, d’autre part et subséquemment, à en demander le simple déplacement, et non pas l’enlèvement pur et simple, en considération de la gêne qu’elle lui occasionnait pour l’exploitation de l’appartement du premier étage ;

Attendu que, par ailleurs, à l’encontre de l’opinion de l’appelante, il n’est pas permis de considérer que la visibilité de la construction réalisée par la société LE TASTEVIN concernant ledit extracteur, notamment lorsque, le 12 octobre 2015, Mme [D] a fait constater par huissier, en sa présence, tous les travaux réalisés par ladite société, serait de nature, à la fois, à suppléer l’absence d’autorisation écrite de la bailleresse, à valider rétroactivement la construction de cet extracteur ou les modifications y apportées et à justifier le refus par la locataire d’exécuter la sommation du 10 novembre 2016 à cet égard ; qu’en effet, outre que ce constat et les travaux y mentionnés sont étrangers à cette colonne d’extraction, le silence immédiat de Mme [D] la concernant ne peut valoir acceptation rétroactive et, surtout, celle-ci n’a pas attendu très longtemps avant que de sommer la société LE TASTEVIN de déplacer la colonne qu’elle avait, pour ce faire, nécessairement vue auparavant et dans un délai qui n’encourt aucune prescription, la sommation du 11 octobre 2016 n’étant que de 12 mois postérieure à ce procès-verbal de constat ;

Attendu qu’enfin, la société LE TASTEVIN ne fait pas la preuve de ce que Mme [D] ait elle-même demandé l’installation, ‘au cours du mois de septembre 2015″, de la conduite d’aération litigieuse dans un derrick afin qu’elle ne soit plus solidaire de la façade de l’immeuble et d’éviter toutes vibrations ; qu’en effet, l’attestation de M. [S], de l’entreprise ‘FAUT LE FER’, produite aux débats par l’appelante (pièce 28), ne dit rien de tel, puisque si son auteur évoque un ‘accord avec la propriétaire du bâtiment’, il ne dit pas que cet accord lui aurait été donné directement par Mme [D] et il résulte bien plutôt des termes employés qu’il n’a eu de relations commerciales qu’avec la société LE TASTEVIN et que ce sont ses représentants qui lui ont fait part d’un tel accord ;

Attendu qu’il résulte de ces éléments que la société LE TASTEVIN est bel et bien à l’origine de la construction litigieuse, celle de l’extracteur dans sa configuration actuelle; qu’elle ne justifie pas d’une autorisation expresse et écrite de la bailleresse conforme aux exigences du bail, non plus que d’une acceptation expresse ou même tacite, postérieure à l’exécution de cette construction ; qu’elle a refusé de procéder au déplacement de la colonne d’extraction dans le délai d’un mois qui lui avait été donné dans la sommation du 10 novembre 2016 ; qu’il y a là une violation manifeste de ses obligations de preneur qui a entraîné la résiliation de plein droit du bail à effet du 10 décembre 2016 ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal y a constaté cette résiliation et en a tiré les conséquences qui s’imposaient au titre de l’expulsion et de la restitution des clés sous astreinte ;

III- Sur la demande de Mme [D] en dommages et intérêts pour résistance abusive

Attendu que, compte tenu des considérations ci-avant, si la société locataire a commis envers la bailleresse une faute contractuelle caractérisée et caractérisant une réelle résistance abusive au regard des stipulations du bail litigieux, justifiant le constat de sa résiliation, Mme [D] ne démontre pas que cette faute, retenue pour la seule présence d’une colonne d’extraction des odeurs et fumées de la cuisine du restaurant non autorisée, l’ait réellement empêchée d’exploiter l’appartement du premier étage; qu’en effet, seule la pose des volets, selon ses propres indications, lui a été interdite par la présence de cet extracteur ; qu’aucun préjudice n’est donc à ce jour démontré, en lien de causalité direct et certain avec la cause de la résiliation du bail, si bien que le jugement déféré sera encore confirmé en ce que le tribunal y a débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

IV- Sur les dépens et frais irrépétibles

Attendu que, succombant en cette instance, la société LE TASTEVIN doit en supporter tous les dépens, tant de première instance que d’appel, si bien que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux premiers de ces dépens ; qu’il sera toutefois ajouté audit jugement, qui l’a jugé à juste titre en ses motifs sans le reprendre en son dispositif, que les dépens de première instance incluront le coût de la sommation visant la clause résolutoire du 10 novembre 2016 ;

Attendu que si, en première instance, Mme [D] demandait d’y inclure en outre les frais des 3 sommations du 11 octobre 2016, elle se borne, en ses conclusions d’intimée devant cette cour désormais, à demander l’inclusion aux dépens d’appel du coût des procès-verbaux de constat ; mais qu’il y a lieu de l’en débouter, puisque ces constats ont été faits à sa seule initiative et à son seul choix pour affermir les preuves lui incombant, alors que d’autres voies moins coûteuses lui étaient ouvertes;

Attendu que des considérations d’équité justifient par ailleurs, d’une part, de confirmer le même jugement du chef des frais irrépétibles de première instance mis à la charge de la société LE TASTEVIN pour 2 000 euros, et, d’autre part, de condamner la même société appelante à indemniser Mme [D] de ses frais irrépétibles d’appel à hauteur de la somme de 3 000 euros, le surplus de sa demande de ce chef étant rejeté;

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Dit recevable l’appel formé par la S.A.R.L. LE TASTEVIN à l’encontre du jugement n° 22/74 du tribunal de proximité de SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHELEMY en date du 2 mai 2022,

– Confirme ce jugement en toutes ses dispositions déférées,

Y ajoutant,

– Dit que le coût de la sommation visant la clause résolutoire, en date du 10 novembre 2016, est inclus aux dépens de première instance mis à la charge de la société LE TASTEVIN,

– Déboute la S.A.R.L. LE TASTEVIN de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d’appel,

– Condamne la S.A.R.L. LE TASTEVIN à payer à Mme [L] [D] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de cette même instance,

– Déboute Mme [L] [D] du surplus de ses demandes à ce titre.

Et ont signé,

La greffière, Le président

 


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