Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/06333

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Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/06333

14 décembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/06333

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2023

N° 2023/ 414

Rôle N° RG 22/06333 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJKJA

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

C/

[L] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Walter VALENTINI

Me Anouck ARAGONES-BENCHETRIT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juridiction de proximité de MARSEILLE en date du 27 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11 19-3736.

APPELANTE

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG La société INTRUM DEBT FINANCE AG , SA de droit suisse, immatriculée au RCS de ZUG (Suisse) sous le numéro CHE 100.023.266, ayant son siege sis [Adresse 5] SUISSe) agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social, représentée par INTRUM CORPORATE inscrite au RCS sous le numéro B 797 546 769, dont le siège social est à [Adresse 1], anciennement INTRUM JUSTITIA et INTRUM,, VENANT AUX DROITS DE la SA FRANFINANCE, demeurant [Adresse 5] SUISSE

représentée par Me Walter VALENTINI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

INTIME

Monsieur [L] [O]

né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Anouck ARAGONES-BENCHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2023.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable signée le 15 juin 2007, la SA FRANFINANCE a consenti à M. [L] [O] un crédit renouvelable utilisable par fractions avec un découvert consenti de 5550 euros, au taux effectif global de 18,43% à 19,21%.

Suivant requête du 21 avril 2010, le tribunal d’instance de Marseille a, par ordonnance du 2 juin 2010, enjoint à M. [O] de payer à la SA FRANFINANCE la somme en capital de 3847,75 euros, la somme de 3302,20 euros de mensualités impayées, la somme de 571,99 euros d’indemnités avec intérêts à compter de la première mise en demeure, outre les dépens.

Par acte du 15 juin 2010 remis à étude, l’ordonnance susvisée a été signifiée à M. [O].

Par acte du 29 juillet 2010 remis à étude, la même ordonnance revêtue de la formule exécutoire avec commandement a été signifiée à M. [O].

Il est attesté d’une cession de créance par la SA FRANFINANCE au profit de la société INTRUM DEBT FINANCE AG par acte du 6 novembre 2018.

Un procès-verbal de saisie-attribution a été signifié par le 3 octobre 2019 à la Caisse d’Epargne et une dénonciation de saisie-attribution avec signification de cession de créance a été signifié par acte du 9 octobre 2019 remis à étude à l’endroit de M. [O].

Par lettre recommandée avec accusé de récpetion reçue au greffe le 15 octobre 2019, M. [O] a fait oppostion à l’ordonnance du 2 juin 2010.

Par jugement contradictoire du 23 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille a déclaré l’action de M. [O] en opposition d’injonction de payer recevable, déclaré l’action de la société INTRUM DBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE recevable, prononcé la déchéance du droit aux intérêts, avant dire droit ordonné la réouverture des débats aux fins de production d’un décompte expurgé et a renvoyé l’affaire à l’audience du 2 décembre 2021.

Par jugement contradictoire du 27 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille a statué ainsi :

– déboute la société INTRUM DBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE de l’intégralité de ses demandes,

– laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens,

– ordonne l’exécution provisoire.

Le jugement susvisé retient essentiellement que compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort ; que la société de crédit établit une réserve de crédit de 5500 euros, et qu’il reste 3847,75 euros au titre du capital restant dû et 3302,20 euros au titre des mensualités impayées ; que le décompte produit ne correspond pas à celui demandé ; qu’il n’est pas tenu compte des intérêts réglés à tort par le débiteur et les mensualités ne sont pas expurgées du droit aux intérêts.

Selon déclaration et son annexe du 29 avril 2022, la société INTRUM DBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 août 2023, auxquelles il sera référé plus amplement, la société INTRUM DBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE demande de voir :

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

– débouter M. [O] de l’ensemble de ses moyens de défense élevés en cause d’appel,

– le condamner à lui payer la somme de 7149,95 euros correspondant aux sommes restant dues en principal augmentée des intérêts au taux légal à partir de la signification du jugement à intervenir,

– le condamner à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

La société INTRUM DBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE fait valoir pour l’essentiel que le procès-verbal de saisie attribution a été signifié à la Caisse d’Epargne le 3 octobre 2019 et que ledit procès-verbal a été signifié à M. [O] le 9 octobre 2019 soit en même temps que la cession de créance du 6 novembre 2018 ; que la cession de créance lui est donc opposable ; que d’ailleurs le premier juge a estimé que ladite cession était opposable au débiteur; que l’offre de prêt mentionne les revenus et charges mensuels de l’emprunteur ; qu’il a donc renseigné ses éléments de solvabilité ; que le contrat est parfaitement lisible conformément à l’article R. 311-6 du code de la consommation applicable à l’époque de la conclusion du contrat ; que l’offre de prêt a bien été rédigée en caractères dont la hauteur n’est pas inférieure au corps 8 ; que le non respect de cette règle n’est d’ailleurs pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts ; qu’elle produit un nouveau décompte expurgé des intérêts et frais ; que l’intimé n’établit pas qu’au jour de la souscription du crédit, il existait une disproportion de son engagement eu égard à ses revenus et sa situation financière ; que d’ailleurs le premier juge a considéré que la banque n’avait pas l’obligation de vérifier, à l’époque, la réalité de la situation financière déclarée sauf anomalie flagrante.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, auxquelles il sera référé plus amplement, M. [O] demande de voir :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société INTRUM de l’ensemble de ses demandes,

– déclarer l’inopposabilité de la cession de créance,

– constater que la société INTRUM produit un décompte inchangé incluant le capital restant dû et les mensualités impayées ;

– constater que la société INTRUM n’a pas déduit du montant réclamé au titre du capital restant dû les intérêts payés à tort,

– constater que la société INTRUM ne justifie pas le montant de sa réclamation ;

– la condamner à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens,

– à titre subsidiaire,

– dire et juger que M. [O] reste redevable de la somme de 471 euros,

– déclarer la disproportion manifeste entre la situation financière de M. [O] et le montant du prêt ;

– en conséquence, débouter la société INTRUM de l’ensemble de ses demandes ;

– déclarer l’action de la société INTRUM irrecevable,

– déclarer la nullité du contrat de prêt.

M. [O] fait essentiellement valoir que la saisie attribution a été opérée le 3 octobre 2019 soit avant la signification de la cession de créance ; que le contrat de crédit ne prévoit aucune mention relative à la vérification des capacités financières de l’emprunteur et à sa solvabilité ; que la police du contrat est visiblement inférieure à huit contrairement aux dispositions de l’article R. 311-5 du code de la consommation ; que la société de crédit n’a pas remis de fiche d’information à M. [O] ; que le contrat ne prévoit pas les modalités de calcul du taux effectif global ni les conditions applicables à ce taux ; que le contrat ne comportait pas de bordereau détachable de rétractation ; que subsidairement, il est père de quatre enfants et est auto-entrepeneur, ce qui lui dégage très peu de revenus ; que selon sa déclaration d’impôt sur les revenus 2018, le revenu fiscal de référence de son couple est de 3535 euros ; que le montant du prêt est disproportionné eu égard aux capacités financières de son couple.

La procédure a été clôturée le 28 septembre 2023.

MOTIVATION :

Sur l’irrecevablité des conclusions de l’intimé pour défaut de paiement du trimbre fiscal prévu par l’article 1635 P du code général des impôts :

En vertu de l’article 963 du code de procédure civile selon lequel, lorsque l’appel rentre dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses, selon le cas, de l’acquittement du droit prévu à cet article.

En l’espèce, par message électronique adressé au conseil de M. [O] par le greffe le 23 mai 2023, celui-ci a été avisé de la fixation de l’affaire à l’audience du 12 octobre 2023.

Dans cet avis du conseiller de la mise en état, il est rappelé qu’en cas de non régularisation de la présente procédure au regard des timbres, l’irrecevabilité prévue par l’article 964 du code de procédure civile sera prononcée d’office.

En dépit de l’avis qu’il a reçu et en l’absence de justification d’un éventuel bénéfice de l’aide juridictionnelle, l’intimé ne s’est pas acquitté de ce droit.

En conséquence, il convient de prononcer l’irrecevabilité de ses conclusions.

En vertu de l’article 954 du code de procédure civile, dès lors que les conclusions de l’intimé ont été déclarées irrecevables, celui-ci est réputé s’être approprié les motifs du jugement.

Sur les demandes principales de l’appelante :

Au vu de ce qui précède, il convient de juger que la cession de créance en date du 6 novembre 2018 opérée entre la société FRANFINANCE et la société INTRUM DEBT FINANCE AG est opposable à M. [O].

De même, ne sont pas contestées la recevabilité de l’opposition formée par M. [O] à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du 2 juin 2010 ni la recevabilité de l’action de la société de crédit au sens de l’ancien article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat de crédit litigieux.

Il résulte de l’ancien article L. 311-33 du code de la consommation que le prêteur qui ne saisit pas l’emprunteur d’une offre préalable conforme aux dispositions d’ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

L’ancien article L. 311-8 du code de la consommation prévoit que les opérations de crédit visées à l’article L. 311-2 sont conclues dans les termes d’une offre préalable, remise en double exemplaire à l’emprunteur et, éventuellement, en un exemplaire aux cautions.

Il résulte de la combinaison des articles L. 311-13, L. 311-15 et R. 311-7 du code de la consommation que l’offre préalable de crédit doit comporter une bordereau détachable de rétractation conforme au modèle-type.

En l’espèce, si pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a retenu que l’offre de crédit signée le 15 juin 2007 disposait des mentions obligatoires, qu’elle était lisible et que la hauteur des caractères d’imprimerie était conforme, il a estimé que l’exemplaire de l’offre présentée par l’emprunteur ne comportait pas de formulaire détachable de rétractation régulier au sens des dispositions précitées.

Or, même en l’absence de production de l’exemplaire remis à M. [O], dont les conclusions en appel sont déclarées irrecevables, la cour n’est pas en mesure de vérifier que ledit formulaire est régulier à défaut de production dudit formulaire par la société INTRUM DEBT FINANCE AG.

En effet, le fait que l’emprunteur, en signant l’offre de crédit, a reconnu être en possession d’un formulaire détachable de rétractation ne peut avoir pour effet de renverser la charge de la preuve qui incombe au prêteur.

En effet, il lui appartient, au soutien de sa demande en paiement, de justifier que l’offre de crédit est régulière au sens des dispositions d’ordre public applicables en la matière.

Ainsi, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conforment au jugement rendu le 23 septembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille.

Concernant le montant de la créance de la société INTRUM DEBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE, il convient de faire application de l’ancien article L 311-33 du code de la consommation selon lequel ‘ Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ‘.

En l’espèce, les deux décomptes produits par la société de crédit sont identiques (ses pièces n°15 et 16) quant au calcul du montant du solde du prêt et il n’est pas déduit du capital restant dû les sommes perçues au titre des intérêts, comme l’avait demandé la juridiction de première instance.

Ainsi, la société appelante n’apporte pas plus en appel la preuve qui lui incombe, en vertu de l’article 1353 du code civil et de l’article 446-3 du code de procédure civile.

Par conséquent, il convient de la débouter de sa demande de paiement formée à l’encontre de M. [O] et par là même de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de l’appelante :

Compte tenu de l’issue du présent litige et en l’absence de preuve de la faute commise par M. [O] et du préjudice distinct des frais irrépétibles engagés par la société INTRUM DEBT FINANCE AG, il convient de la débouter de ce chef de demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, il convient de condamner la société INTRUM DEBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE, qui succombe, aux dépens d’appel.

En outre, il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur les dépens.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SA INTRUM DEBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE sera déboutée de sa demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera également confirmé sur les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

DÉCLARE irrecevables les conclusions de M. [L] [O] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu le 27 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille ;

Y AJOUTANT :

DÉBOUTE la société INTRUM DEBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE la société INTRUM DEBT FINANCE AG venant aux droits de la société FRANFINANCE aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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