Saisie-attribution : décision du 13 décembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 23/00069

·

·

Saisie-attribution : décision du 13 décembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 23/00069

13 décembre 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
23/00069

N° RG 23/00069 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JPC4

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 13 DECEMBRE 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal judiciaire de Rouen en date du 11 juillet 2023

DEMANDERESSE :

SARL AMA 76

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-GREGOIRE LECLERC, avocat au barreau de Rouen

DÉFENDERESSE :

SCI JCH

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Maxime DEBLIQUIS, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS  :

En salle des référés, à l’audience publique du 15 novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2023, devant Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 13 décembre 2023, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Par acte sous seing privé du 15 novembre 2006, la Sci JCH a consenti un bail commercial à la Sas Les Ateliers de métallerie et d’aluminium portant sur des bâtiments situés [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de neuf ans à compter du 15 novembre 2006.

Par acte sous seing privé du 27 juillet 2016, la Sas Les Ateliers de métallerie et d’aluminium a cédé à la Sarl Ama 76 son fonds de commerce incluant notamment le droit au bail.

Par acte d’huissier du 5 décembre 2022, la Sci JCH a fait délivrer à la Sarl Ama 76 un commandement de payer la somme de 16 194,71 euros, visant la clause résolutoire.

Pour exploit d’huissier du 5 décembre 2022, la Sci JCH a fait assigner la Sarl Ama 76 aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner son expulsion et la condamner à lui régler la somme de 18 521,97 euros au titre des loyers et chargés impayé, une indemnité d’occupation jusqu’à libération complète et effective des lieux.

Par jugement du 11 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au contre de bail commercial étaient réunies,

– prononcé la résiliation du bail commercial à la date du 5 janvier 2023,

– ordonné la libération immédiate des lieux,

– dit qu’à défaut, il serait procédé à l’expulsion de la Sarl Ama 76 et à celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si nécessaire,

– condamné la Sarl Ama 76 à payer à la Sci JCH une indemnité d’occupation égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges, qui aurait été payé en cas de son résiliation du bail et ce jusqu’à à la libération effective des lieux,

– condamné la Sarl Ama 76 à payer à la Sci JCH la somme de 18 521,97 euros au titre des des loyers, charges et indemnités d’occupation, arrêtés au 1er février 2023, échéance du mois de février 2023 incluse,

– condamné la Sarl Ama 76 aux dépens,

– condamné la Sarl Ama 76 à payer à la Sci JCH la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande,

– rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 13 janvier 2023, la Sarl Ama 76 a interjeté appel de la décision de première instance.

Par assignation en référé délivrée le 21 septembre 2023 puis dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2023, la Sarl Ama 76 demande au premier président de la cour, au visa des articles 514-3 et 654 du code de procédure civile et de l’article 1104 du code civil, de :

– constater que l’exécution provisoire ordonnée par le tribunal judiciaire à l’encontre de la Sarl Ama 76 risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives eu égard aux moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement litigieux ;

– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 11 juillet 2023 constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, ordonnant la résiliation de ce bail commercial et l’expulsion de la Sarl Ama 76 ;

– condamner la Sci JCH à payer à la Sarl Ama 76 la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter la Sci JCH de toutes ses demandes ;

– statuer ce que de droit sur les dépens.

La Sarl Ama 76 fait valoir un moyen sérieux d’annulation du jugement fondé sur la nullité du commandement de payer en ce qu’il est lui-même fondé sur une créance injustifiée et imprécise. Elle estime que le loyer de mai 2022 n’est pas dû à la Sci JCH et la créance de 16 194,71 euros dont il est demandé paiement dans le commandement visant la clause résolutoire est erronée et infondée. Elle produit des échanges par mails pour prouver le caractère indu du paiement réclamé.

Elle précise que la somme litigieuse n’a pas pu être payée en raison de l’erreur matérielle alléguée par la Sci JCH portant sur le montant de la quote-part de la taxe foncière. Elle invoque la nécessité de réévaluer cette quote-part eu égard aux dires de la Sci JCH qui a avoué qu’une partie des locaux pour lesquels la Sarl Ama 76 paye la taxe foncière a en réalité été prêtée à un voisin. Enfin, elle estime détenir une créance sur la Sci JCH au titre des factures d’eau qui seraient d’un montant supérieur au montant de la taxe foncière. Des comptes sont à faire entre les parties.

Elle considère notamment que la Sci JCH a refusé d’encaisser les chèques afin de créer une dette locative fictive, obligeant la Sarl Ama 76 a procédé à deux virements pour le paiement des mois de novembre et décembre 2022. Le commandement de payer ayant pour objet le paiement de ces deux sommes est donc délivré de mauvaise foi.

Concernant la nullité du commandement irrégulièrement signifié le 5 décembre 2022, elle indique qu’aucun commissaire de justice n’a procédé réellement à la délivrance d’une signification du commandement de payer visant la clause résolutoire, et ce sans qu’aucun avis de passage ou courrier n’ait été laissé. Elle invoque l’existence d’un grief en ce qu’elle n’a pas pu défendre ses intérêts en première instance alors qu’elle s’est vue condamnée à quitter les lieux et donc à déménager.

La Sarl Ama 76 invoque également certains manquements aux obligations de la Sci JCH comme la mise en danger de la santé du personnel ou le refus de rembourser les sommes dues à la Sarl Ama 76 de sorte que la mauvaise foi de la Sci JCH n’aurait pas dû permettre de retenir l’acquisition de la clause résolutoire.

S’agissant des conséquences manifestement excessives, la Sarl Ama 76 argue des difficultés pour retrouver un local pouvant accueillir ses machines et matériels au regard des délais qui se sont imposés entre la signification du jugement du 11 juillet 2023 faite auprès d’un voisin le 5 septembre 2023 et la date de commandement de quitter les lieux ordonnée pour le 13 septembre 2023.

Cette situation rend délicat le respect de ses engagements contractuels portant sur des sommes importantes à l’égard de ses clients. Notamment, le montant des pénalités à hauteur de 1 300 euros par jour en raison des retards sur les chantiers pour lesquels elle s’était engagée, la place dans une situation d’extrême urgence, d’autant plus qu’elle emploie plusieurs salariés qui reçoivent un salaire tous les mois.

Par conclusions notifiées le 14 novembre 2023, la Sci JCH demande à la juridiction, au visa de l’article 122 du code de procédure civile, de :

– déclarer irrecevable la demande présentée par la Sarl Ama 76 car dépourvue d’objet ;

en conséquence,

– débouter la Sarl Ama 76 de l’intégralité de ses demandes ;

en tout état de cause,

– condamner la Sarl Ama 76 à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la Sarl Ama 76 aux dépens.

La Sci JCH estime que la demande de la Sarl Ama 76 est irrecevable en ce qu’elle est devenue sans objet suite à l’expulsion de la Sarl Ama 76 le 6 octobre 2023. En effet, le jugement du 11 juillet 2023 dont il est demandé d’arrêter l’exécution provisoire a ordonné l’expulsion de la Sarl Ama 76 des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4].

À titre subsidiaire, la Sci JCH conteste l’invalidité du commandement de payer allégué par la Sarl Ama 76. Elle estime que celui-ci détaille suffisamment les sommes réclamées que le sigle TTC est explicite.

Elle précise également n’avoir jamais reçu des chèques à son intention pour le paiement des sommes litigieuses, contrairement aux allégations de la Sarl Ama 76 qui estime que c’est la Sci JCH qui ne les a pas encaissés. Elle n’est pas de mauvaise foi de sorte que l’invalidité du commandement de payer n’est pas encourue.

Elle estime que la signification du commandement de payer ne serait pas entachée de nullité au regard des prescriptions observées par le commissaire de justice. Elle considère que l’attestation produite par la Sarl Ama 76 de la part de son salarié ne suffit pas à remettre en cause les mentions apposées par le commissaire dans son acte, lesquelles valent jusqu’à inscription de faux.

La Sci JCH considère que la Sarl Ama 76 ne justifie pas de conséquences manifestement excessives en raison du fait qu’elle est dans la possibilité de récupérer son matériel, ses archives et ses machines pour exécuter ses contrats.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire pour défaut d’objet

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose que, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le jugement critiqué a été signifié le 5 septembre 2023.

La Sarl Ama 76 demande expressément à la juridiction d”ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 11 juillet 2023 constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, ordonnant la résiliation de ce bail commercial et l’expulsion de la Sarl Ama 76 ‘.

Une saisie-attribution a été effectuée le 18 septembre 2023 : la Sarl Ama 76 ne sollicite aucune mesure relative aux condamnations pécuniaires prononcées par le tribunal judiciaire. Par acte du 20 septembre 2023, la société a saisi le juge de l’exécution afin que soit examiné la régularité des actes signifiés.

Dans ce contexte, de son propre aveu, le jour même de la délivrance de l’assignation en référé et dès lors sans attendre le sort réservé à la procédure, soit le 21 septembre 2023, la Sarl Ama 76 a quitté volontairement les lieux loués et ce, à la suite de la délivrance d’un commandement le 13 septembre 2023.

Par acte du 6 octobre 2023, de 9 heures à 10 heures dans des locaux manifestement dépourvus d’occupants, l’huissier de justice mandaté à cette fin a dressé un procès-verbal d’expulsion qu’il a signifié le 17 octobre 2023. Il a repris les termes de l’article L. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution en rappelant l’obligation de l’occupant de récupérer les biens laissés dans les lieux dans le délai réglementaire de deux mois.

La mise en demeure adressée par le conseil de la société le 10 octobre 2023 au conseil de la Sci JCH ne porte pas sur la poursuite de l’occupation des lieux mais sur la créance que pense détenir la preneuse à bail à l’encontre de la propriétaire.

Compte tenu de l’exécution de la décision entreprise au jour de notre décision, étant rappelé que l’arrêt de l’exécution provisoire ne pourrait pas avoir pour effet d’autoriser la Sarl Ama 76 à réinvestir les lieux, la demande est irrecevable faute d’intérêt à agir en l’absence d’objet de la demande.

Sur les frais de procédure

La Sarl Ama 76 succombe à l’instance et sera condamnée aux dépens de l’instance.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à la Sci JCH la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 11 juillet 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Rouen ;

Condamne la Sarl Ama 76 à payer à la Sci JCH la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl Ama 76 aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x