Saisie-attribution : décision du 12 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/11469

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Saisie-attribution : décision du 12 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/11469

12 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/11469

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRÊT DU 12 JANVIER 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/11469 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4DB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Mai 2023 -Tribunal de Grande Instance de TJ DE CRETEIL – RG n° 23/00251

APPELANTES

Mme [D] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.A.R.L. NATIONALE 20 EXO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentées par Me Marcel Yannick MINSONGUI, avocat au barreau de PARIS, présent à l’audience

INTIMEE

Mme [S] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Henri ROUCH de la SELARL WARN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0335, substitué à l’audience par Me Lucie TEXIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 décembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

Par acte du 27 mai 2019, Mme [F] a consenti un bail commercial à la société Nationale 20 Exo portant sur des locaux situés [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 54.000 euros, hors taxes et hors charges, payable mensuellement et d’avance. Mme [T] s’est portée caution solidaire de la société pour l’ensemble des sommes dues au titre du bail.

Par acte du 18 novembre 2022, Mme [F] a fait délivrer à la locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire à hauteur de la somme de 35.484 euros au titre de l’arriéré locatif. Le commandement a été dénoncé à Mme [T] en qualité de caution le 14 novembre 2022.

Par acte du 26 janvier 2023, Mme [F] a assigné la société Nationale 20 Exo et Mme [T] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail, expulsion de la locataire et condamnation de celle-ci et de la caution au paiement d’une provision de 58.829 euros au titre de l’arriéré locatif, outre une indemnité d’occupation provisionnelle jusqu’à la libération des locaux.

Par ordonnance du 30 mai 2023, le juge des référés a :

rejeté la demande d’annulation du commandement de payer ;

constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 19 décembre 2022 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l’ordonnance, l’expulsion de la société Nationale 20 Exo et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sur ce point ;

fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par la société Nationale 20 Exo et Mme [T], à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et les a condamnées solidairement à la payer ;

condamné par provision la société Nationale 20 Exo à payer à Mme [F] la somme de 58.829 euros au titre du solde des loyers, charges et accessoires impayés au 18 novembre 2022, outre les indemnités d’occupation antérieures et postérieures, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2022 ;

condamné, en qualité de caution, Mme [T], solidairement avec la société Nationale 20 Exo, à payer à Mme [F] la somme de 58.829 euros à titre de provision à valoir sur la dette de loyers, charges, taxes, accessoires, outre indemnités d’occupations postérieures, avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2022;

dit n’y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;

condamné la société Nationale 20 Exo à payer les entiers dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer et l’état d’endettement qui a dû être levé auprès du greffe du tribunal de commerce de Créteil ;

condamné solidairement la société Nationale 20 Exo et Mme [T] à payer à Mme [F] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toutes les autres demandes des parties.

Par déclaration du 28 juin 2023, la société Nationale 20 Exo et Mme [T] ont relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 26 septembre 2023, elles demandent à la cour de :

les déclarer recevables et bien fondées en leur appel ;

infirmer l’ordonnance entreprise ;

statuant à nouveau,

constater l’existence d’une contestation sérieuse ;

dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [F] en raison des contestations sérieuses notamment sur la validité du commandement de payer du 18 novembre 2022 ;

prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire ;

en conséquence,

dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes en expulsion et condamnation provisionnelle au paiement d’une indemnité d’occupation, ainsi que la demande relative au dépôt de garantie ;

leur accorder des délais de paiement de 24 mois pour régler l’arriéré locatif non sérieusement contestable, en réduisant le montant demandé par Mme [F] au titre des loyers et charges impayés ;

dire que Mme [F] ne peut solliciter une majoration des sommes de 10% car le commandement ne mentionne ni taux d’intérêt, ni le décompte des intérêts afin de permettre à Mme [T] d’en vérifier le montant ;

débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes ;

condamner Mme [F] à leur payer la somme de 9.660 euros en réparation du préjudice subi en raison du caractère abusif de la présente procédure et en remboursement des frais d’avocat perçus indûment ;

condamner Mme [F] à leur verser la somme de 7.500 euros pour violation de son obligation de délivrance des quittances de loyers et charges locatives et pour le préjudice de jouissance subi en raison de la saisie-attribution entre les mains d’un locataire ;

condamner Mme [F] à leur payer la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [F] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 octobre 2023, Mme [F] demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures ;

y faisant droit,

déclarer la société Nationale 20 Exo et Mme [T] mal fondées en leur appel et les en débouter ;

en conséquence,

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

condamner solidairement la société Nationale 20 Exo et Mme [T] à lui payer la somme complémentaire de 43.088,41 euros au titre des loyers, charges et accessoires pour la période du 1er décembre 2022 au 30 novembre 2023, sauf à parfaire ;

les condamner solidairement à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens de la présente procédure.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et d’expulsion

Selon l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Sur les contestations des appelantes relativement à la validité du commandement de payer

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire (article 12) en vertu de laquelle un commandement de payer a été délivré à la société Nationale 20 Exo le 18 novembre 2022 pour un arriéré locatif de 35.484 euros en principal correspondant aux loyers, charges et taxes impayés au 31 mars 2022.

Celle-ci sollicite son annulation en raison d’irrégularités l’affectant.

Il est rappelé que la cour, statuant avec les pouvoirs du juge des référés, ne peut annuler un commandement de payer, mais qu’elle peut, le cas échéant, constater que les contestations du locataire sont suffisamment sérieuses pour priver cet acte de ses effets au regard de l’acquisition de la clause résolutoire du bail, qui n’est pas alors mise en oeuvre régulièrement.

La société Nationale 20 Exo soulève plusieurs contestations sérieuses, tenant à l’imprécision des sommes réclamées par la bailleresse, à l’absence d’état récapitulatif annuel des charges, à l’absence de remise des quittances de loyers de 2019 à 2022, à l’existence d’un accord verbal relatif à l’absence de paiement de la taxe foncière et des charges locatives, à l’absence de remise de facture concernant les frais d’avocat de 4.660 euros et les frais d’agence de 19.440 euros encaissés lors de la signature du bail, à l’absence de prise en considération de certains règlements (le loyer de février 2021, un versement de 1.000 euros, les règlements effectués entre les mains du commissaire de justice en raison de la saisie-attribution pratiquée entre ses mains en qualité de tiers saisi) et, enfin, à un accord de réduction du loyer (3.500 euros) pour la période de confinement sanitaire de février 2021 à mai 2021.

Cependant, un commandement de payer délivré pour un montant erroné n’est pas nul mais reste valable pour la partie non contestable de la dette.

Au cas présent, le commandement de payer visant la clause résolutoire était accompagné d’un décompte détaillé des sommes dues par la locataire, lui permettant de comprendre précisément les sommes qui lui étaient réclamées au titre du loyer principal, des charges et des taxes foncières de janvier 2020 à mars 2022.

Il rappelait ainsi les loyers impayés mensuellement, étant précisé que le loyer mensuel s’élève, aux termes du bail, à 4.500 euros hors charges et hors taxes et que s’y ajoute une provision pour charges mensuelle de 160 euros, qui n’a jamais été réglée par la locataire.

Mme [F] produit l’ensemble des justificatifs des régularisations de charges annuelles 2020, 2021 et 2022 ainsi que de la taxe foncière, dont le bail prévoit expressément le règlement par la locataire (article 4.10), stipulation contractuelle à laquelle la bailleresse n’a jamais renoncé, contrairement à ce que soutient la locataire.

S’agissant de l’accord verbal relatif au règlement d’un loyer de 3.500 euros pendant la période de la crise sanitaire liée au Covid-19, aucune pièce n’est produite pour en justifier, ainsi que l’a justement relevé le premier juge.

S’agissant de la somme de 850 euros qui aurait été réglée pour des travaux de plomberie et du chèque de 1.000 euros non déduit des versements de la locataire, c’est également par des motifs pertinents que le premier juge a retenu l’absence de toute preuve du règlement allégué de 850 euros ainsi que de l’encaissement du chèque de 1.000 euros de décembre 2022, que Mme [F] précise ne pas avoir encaissé car les loyers faisaient l’objet d’une saisie-attribution entre les mains de la locataire depuis le mois de juillet 2022.

S’agissant du règlement de 3.500 euros intervenu en février 2021, il est intégré dans les décomptes de Mme [F], notamment celui annexé au commandement de payer.

La société Nationale 20 Exo critique également l’absence de prise en considération des virements effectués directement auprès du commissaire de justice en exécution de la saisie-attribution à exécution successive pratiquée le 5 mai 2022 entre ses mains en qualité de tiers saisi. Mais ces virements n’ont commencé qu’en août 2022, ainsi qu’en atteste le décompte du commissaire de justice qu’elle produit. Ils n’entraient donc pas dans le décompte annexé au commandement de payer, arrêté au mois de mars 2022.

Pour le surplus, la locataire ne justifie d’aucun règlement effectif qui n’aurait pas été comptabilisé par la bailleresse.

Elle fait état d’une somme de 19.440 euros qui aurait été réglée lors de la signature du bail, ainsi que de frais d’avocats, pour lesquels elle n’aurait reçu aucune facture, mais la nature et le règlement effectif de ces sommes demeurent inconnus, l’intimée exposant qu’il s’agirait « vaisemblablement » des frais de l’agence immobilière. En tout état de cause, l’absence de remise de facture pour des sommes qui auraient été réglées lors de la signature du bail est sans incidence sur la validité du commandement de payer.

S’agissant de l’absence de délivrance des quittances de loyer, elle est également sans incidence sur la validité du commandement de payer et il ne peut qu’être constaté que, lorsque la locataire en a sollicité la délivrance en avril 2022, elles lui ont aussitôt été adressées par la bailleresse, par lettre du 28 avril 2022 versée aux débats.

Enfin, l’absence de mention des intérêts dans le décompte figurant au commandement est due à l’absence de réclamation d’intérêts par la bailleresse à cette date et ne saurait affecter l’acte d’un vice ou d’une irrégularité comme le soutiennent les appelantes, auxquelles, au contraire, aucun intérêt n’est réclamé avant le commandement.

Au regard des éléments qui précèdent, les contestations soulevées par les appelantes relativement aux causes du commandement de payer ne sont pas sérieuses et aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à Mme [F], qui s’est bornée à faire application des clauses du bail.

Sur les contestations des appelantes relativement aux conditions d’acquisition de la clause résolution du bail

La société Nationale 20 Exo et Mme [T] soutiennent que la clause résolutoire ne peut jouer car la société Nationale 20 Exo peut se prévaloir des dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et de l’impossibilité d’exploiter sereinement son commerce en raison de la saisie-attribution pratiquée entre ses mains et de circonstances imprévisibles liées à des mesures de police ayant affecté son activité postérieurement à la période de crise sanitaire justifiant l’application de l’article 1195 du code civil. Elles invoquent également l’exception d’inexécution en application de l’article 1219 du code civil, Mme [F] ayant manqué à ses obligations de remise de quittances et de récapitulatifs des charges ainsi qu’à son obligation de jouissance paisible en raison de la saisie-attribution pratiquée à son encontre.

Cependant, en premier lieu, les dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ne sont pas applicables en l’espèce, comme l’a rappelé le premier juge, et l’effet des mesures générales et temporaires d’interdiction de recevoir du public prévues par le Gouvernement pendant la période de crise sanitaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être imputable au bailleresse, de sorte qu’il ne peut lui être reproché un manquement à son obligation de délivrance (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié). Il ne s’agit pas davantage d’un changement de circonstances imprévisibles au sens de l’article 1195 du code civil, étant précisé qu’en tout état de cause, les parties ont expressément renoncé à se prévaloir des dispositions de ce texte dans le bail (article 10).

En deuxième lieu, le commandement de payer a été délivré le 18 novembre 2022, bien après la fin de l’ensemble des mesures de police administrative liées au Covid-19.

En troisième lieu, la mesure de fermeture qu’a subi le commerce de la société Nationale 20 Exo en août et septembre 2021 était liée à des mesures d’hygiène, au regard d’un risque de « danger pour la santé des consommateurs » selon l’arrêté municipal versé aux débats par les appelantes, de sorte que la bailleresse ne saurait en subir les conséquences.

En quatrième lieu, la saisie-attribution de mai 2022 a été pratiquée à la requête de la société BNP Paribas, créancier de Mme [F], entre les mains de la société Nationale 20 Exo en qualité de tiers saisi. Il en résulte que celle-ci doit régler son loyer entre les mains du commissaire de justice au lieu de le régler à sa propriétaire, ce qui est sans incidence sur ses obligations légales et sur la jouissance des lieux loués. L’appelante ne peut sérieusement soutenir que cette saisie l’empêche « d’exploiter sereinement son commerce à causes de plusieurs fermetures par semaine liées aux différents rendez-vous pour régler la dette de Mme [F] » et que les fermetures du magasin ont impacté son chiffre d’affaires au point de générer un manque à gagner de 7.500 euros, alors qu’il lui suffisait d’effectuer des virements entre les mains du commissaire de justice.

Ces contestations ne sont donc pas davantage sérieuses.

En l’absence de règlement des causes du commandement dans le délai d’un mois qui était imparti à la locataire, il y a lieu de constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail au 19 décembre 2022, comme retenu par le premier juge, dont l’ordonnance sera confirmée de ce chef, ainsi qu’en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de société Nationale 20 Exo et de tout occupant de son chef.

L’occupante sera tenue au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle correspondant au loyer majoré des charges, taxes et accessoires, qui aurait été dû en l’absence de résiliation du bail.

L’ordonnance sera donc également confirmée de ce chef.

Sur la demande de provision au titre de l’arriéré locatif

Selon l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Mme [F] demande la confirmation de l’ordonnance de référé lui ayant alloué une provision de 58.829 euros au titre du solde des loyers, charges et accessoires impayés au 1er décembre 2022, ainsi que la somme complémentaire de 43.088,41 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus pour la période du 1er décembre 2022 au 30 novembre 2023.

Les appelantes objectent que le montant réclamé est sérieusement contestable en raison du décompte imprécis et erroné présenté par la bailleresse.

Au vu du décompte précis produit par Mme [F] devant le premier juge, arrêté au 1er décembre 2022 (terme de décembre non inclus) et des pièces justificatives, l’obligation de paiement de la locataire à cette date n’est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 58.829 euros et l’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Au regard des décomptes et explications figurant dans ses conclusions, la somme supplémentaire de 41.182,41 euros est due au 30 novembre 2023 par la locataire, se décomposant comme suit :

– indemnités d’occupation impayées du 1er décembre 2022 au 30 novembre 2023 (le loyer étant payable d’avance) : 63.791 euros (13 x 4.907 euros) ;

– taxe foncière 2023 : 2.474 euros ;

– régularisation des charges 2022 : 2.377,41 euros (4.297,41 (charges récupérables) – 1.920 euros (provisions appelées : 12 x 160 euros, étant précisé que la bailleresse a omis dans son décompte la déduction des provisions appelées, qui sont comprises dans l’indemnité d’occupation de 4.907 euros) ;

– règlements effectués par la locataire entre les mains du commissaire de justice en exécution de la saisie-attribution : – 27.460 euros.

La société Nationale 20 Exo sera en conséquence condamnée au paiement d’une provision de 41.182,41 euros au titre des indemnités d’occupation impayées au 30 novembre 2023, terme de décembre 2023 inclus (le loyer étant payable d’avance).

Sur les demandes dirigées contre la caution

Mme [T] ne contestant pas sa qualité de caution, elle sera solidairement tenue au paiement des provisions dues par la locataire, ainsi que l’a retenu le premier juge.

Sur les demandes additionnelles formées par les appelantes

Les appelantes demandent le paiement d’une somme de 9.660 euros en réparation du préjudice subi en raison du caractère abusif de la procédure et au titre de frais d’avocat qui auraient été indûment versés à Mme [F].

Mais le bien fondé des demandes principales de Mme [F] implique le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et, s’agissant des frais d’avocat, leur règlement à l’intimée n’est pas établi.

Cette demande ne peut donc qu’être rejetée.

Les appelantes demandent également la condamnation de Mme [F] à leur payer une somme de 7.500 euros pour violation de son obligation de délivrance des quittances de loyers et pour le préjudice de jouissance lié à la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la société Nationale 20 Exo.

Mais, d’une part, cette demande n’est pas formée à titre provisionnel de sorte qu’elle ne relève pas des pouvoirs de la cour statuant en appel d’une décision de référé, d’autre part, les appelantes ne justifient d’aucun préjudice lié à l’absence de délivrance des quittances, celles-ci leur ayant été remises dès qu’elles l’ont sollicité, ni d’aucun préjudice lié à l’existence d’une saisie-attribution, qui a eu pour seule conséquence de modifier le destinataire du règlement des loyers, le commissaire de justice instrumentaire devenant le destinataire des virements, le temps de l’apurement de la dette de Mme [F] à l’égard de la BNP Paribas.

Cette demande ne peut donc également qu’être rejetée.

Sur la demande de rejet de la majoration de 10%

Les appelantes sollicitent le rejet de la majoration de 10% des sommes dues, mais celle-ci n’a pas été appliquée par le premier juge et n’est pas sollicitée par l’intimée en appel.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Les appelantes sollicitent des délais de paiement de 24 mois sans toutefois exposer les motifs fondant leur demande ni produire de pièces afin de l’étayer.

En outre, la cour relève que la dette ne cesse de croître et atteint à ce jour une somme de plus de 100.000 euros (41.182 + 58.829).

Les débitrices n’étant manifestement pas en mesure d’apurer la dette dans le délai légal de 24 mois, leur demande ne peut qu’être rejetée.

Sur les frais et dépens

Les appelantes, partie perdante, seront tenues aux dépens et condamnées à indemniser Mme [F] des frais qu’elle a de nouveau été contrainte d’exposer, à hauteur de la somme de 3.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne solidairement la société Nationale 20 Exo et Mme [T] à payer à Mme [F] une provision complémentaire de 41.182,41 euros au titre des indemnités d’occupation impayées pour la période du 1er décembre 2022 au 30 novembre 2023, terme de décembre 2023 inclus ;

Rejette l’ensemble des demandes de la société Nationale 20 Exo et Mme [T] ;

Condamne la société Nationale 20 Exo et Mme [T] aux dépens d’appel ;

Les condamne in solidum à payer à Mme [F] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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