Saisie-attribution : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04169

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Saisie-attribution : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04169

12 décembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/04169

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IA

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 DECEMBRE 2023

N° RG 22/04169

N° Portalis

DBV3-V-B7G-VIZW

AFFAIRE :

[Z] [C]

….

C/

LE PROCUREUR GENERAL

….

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2021L00479

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Niels

[F]

Me Franck LAFON

MP

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Niels ROLF-PEDERSEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291

Représentant : Me Jérémie DAZZA de la SELEURL JEREMIE DAZZA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1912

Monsieur [L] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Niels ROLF-PEDERSEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291

Représentant : Me COLLET, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND

APPELANTS

***************

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI – COUR D’APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 4]

[Localité 6]

Société ML CONSEILS prise en la personne de Me [J] [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société AXIM FIVE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20220252

Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80 –

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Octobre 2023, Madame Delphine BONNET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 21/07/2022 a été transmis le 27/07/2022 au greffe par la voie électronique.

La SARL Axim five, gérée par M. [Z] [C], exploitait une activité de technologie de haute précision et mécanique industrielle. Le capital de celle-ci était détenu par :

– la SARL Numi-technologie pour 958 parts ;

– la SARL Numeca pour 816 parts ;

– M. [Z] [C] pour 10 parts ;

– M. [L] [C] pour 20 parts ;

– M. [M] [C] pour 20 parts.

Par jugement du 29 octobre 2015, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Axim five et désigné par maître [O] et maître [I] respectivement en qualité de mandataire et d’administrateur judiciaires.

Un plan de redressement par voie de continuation a été adopté par le tribunal le 15 juin 2017 et dans ce cadre, par acte sous seing privé du 1er décembre 2017, une convention d’apport en nature du fonds de commerce de la société SERMP, elle-même ayant fait l’objet d’un plan de cession au profit de la société Numi-technologie, a été signée entre cette dernière et la société Axim five.

Par jugement du 29 mars 2018, le tribunal a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société Axim five, désigné la Selarl ML conseils, prise en la personne de maître [O], en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 15 novembre 2017.

Par ordonnance du 14 mai 2018, le juge-commissaire désigné dans la procédure de liquidation judiciaire de la société Axim five a nommé le cabinet Exponens en qualité de technicien en vue de mener des investigations sur la comptabilité de la société. Celui-ci a déposé son rapport le 29 janvier 2020.

Par actes du 18 mars 2021, la Selarl ML conseils, ès qualités, a assigné M. [Z] [C] et son fils, M. [L] [C], en responsabilité pour insuffisance d’actif, devant le tribunal de commerce de Versailles lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 14 juin 2022, a :

– débouté M. [L] [C] de toutes ses demandes ;

– débouté M. [Z] [C] de toutes ses demandes ;

– dit que M. [L] [C] a la qualité de gérant de fait de la société Axim five ;

– débouté la Selarl ML conseils, ès qualités, de sa demande de faire injonction de communiquer les éléments de patrimoine et de revenus de MM. [C] ;

– condamné M. [Z] [C], à payer la somme de 200 000 euros entre les mains de la Selarl ML conseils, ès qualités, pour être affectée à l’apurement de l’insuffisance d’actif de la société Axim five ;

– condamné M. [L] [C] à payer la somme de 50 000 euros entre les mains de la Selarl ML conseils, ès qualités, pour être affectée à l’apurement de l’insuffisance d’actif de la société Axim five;

– condamné M. [Z] [C] à payer à la Selarl ML conseils, ès qualités, la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [L] [C] à payer à la Selarl ML conseils, ès qualités, la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum MM. [C] aux dépens.

Par déclaration du 24 juin 2022, MM. [C] ont interjeté appel partiel de ce jugement.

Par arrêt du 10 janvier 2023, la présente cour a :

– déclaré l’appel principal de MM. [Z] et [L] [C] et l’appel incident de la Selarl ML conseils ès qualités recevables ;

– rejeté la demande de nullité du jugement présentée par M. [Z] [C] ;

– confirmé le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [Z] [C] de renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce d’Evry ;

– infirmé le jugement en toutes ses dispositions concernant M. [L] [C], sauf en ce qu’il a rejeté sa demande de sursis à statuer ;

– débouté la Selarl ML conseils ès qualités de ses demandes dirigées à l’encontre de M. [L] [C] ;

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et la réouverture des débats ;

– invité les parties à produire :

– la décision du juge-commissaire statuant sur la contestation de la créance déclarée par la société Numi-technologie,

– le jugement du tribunal de commerce d’Evry rendu dans le litige opposant la Selarl ML conseils ès qualités à la société Numi-technologie portant sur le paiement de la somme de 187 270,70 euros TTC,

– le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu dans le litige opposant la Selarl ML conseils ès qualités à la société LMVH portant sur la somme de 14 400 euros ;

– invité les parties à présenter leurs observations sur l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’attente des décisions définitives à intervenir dans les différentes instances évoquées ci-dessus ;

– réservé les autres demandes et les dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 octobre 2023, M. [Z] [C] demande à la cour de :

– infirmer les dispositions du jugement du 14 juin 2022 aux termes desquelles le tribunal de commerce de Versailles l’a condamné à contribuer à l’insuffisance de passif de la société Axim Five ;

statuant à nouveau,

– rejeter toutes demandes de la société ML conseils ès qualités ;

en tout état de cause,

– rejeter toutes demandes de la société ML conseils ès qualités ;

– infirmer les dispositions du jugement par le tribunal de commerce de Versailles du 14 juin 2022 relatives aux frais de procédure et des dépens ;

statuant à nouveau,

– rejeter toutes demandes de la société ML conseils ès qualités au titre des frais de procédure et des dépens;

– condamner la société ML conseils ès qualités à lui payer 7 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société ML conseils ès qualités aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 octobre 2023, la société ML conseils ès qualités demande à la cour de :

– prendre acte qu’elle ne s’oppose pas à un éventuel sursis à statuer, dans l’attente des décisions définitives à intervenir dans les différentes instances évoquées par la cour ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu les fautes de gestion relevant de l’absence de déclaration de cessation des paiements dans les délais et des détournements massifs d’actifs ;

– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas retenu la faute de gestion s’agissant du gage signé durant la période suspecte entre les sociétés Numi-technologie et Axim Five ;

– infirmer le jugement s’agissant du quantum de la condamnation prononcée à l’encontre de M. [Z] [C] ;

– condamner M. [Z] [C] à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif chiffrée à hauteur de

1 472 699,89 euros le tout avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– débouter M. [Z] [C] de l’ensemble de ses demandes ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [Z] [C] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [Z] [C] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [Z] [C] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure.

Le ministère public n’a pas notifié d’autre avis depuis l’arrêt du 10 janvier 2023 que celui précédemment notifié par RPVA le 27 juillet 2022 dans lequel il concluait à la confirmation du jugement.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 octobre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans son arrêt du 10 janvier 2023 la cour a déjà retenu que la responsabilité pour insuffisance d’actif de M. [C], dirigeant de droit, était susceptible d’être engagée.

* sur le montant de l’insuffisance d’actif

Le liquidateur soutient que le passif à prendre en compte pour le calcul de l’insuffisance d’actif s’élève à 1 594 187,74 euros et que l’actif réalisé s’élève à la somme de 220 326,21 euros en sorte que l’insuffisance d’actif est de 1 373 861,53 euros. Il détaille les décisions rendues depuis l’arrêt de réouverture.

M. [C] n’a pas présenté d’observation sur ce point dans ses dernières conclusions.

réponse de la cour

L’insuffisance d’actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l’actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s’apprécie à la date à laquelle le juge statue.

La cour, dans son arrêt précité, a dit qu’au jour où elle statuait l’insuffisance d’actif était de 312 720,42 euros.

La liste des créances déclarées actualisée au 17 octobre 2023 (pièce 90 du liquidateur), montre que le passif déclaré s’élève à 1 572 628,24 euros, montant sur lequel la somme totale de 631 884,99 euros a été rejetée et celle de 386 545,80 euros, correspondant à la créance déclarée par la société Numi-technologie est contestée, en sorte qu’à ce jour, le passif définitivement admis est de 554 197,45 euros. L’actif réalisé s’élève à 220 326,21 euros ; l’insuffisance d’actif s’établit donc à 333 871,24 euros et non pas à plus de 1 387 000 euros comme retenu par le tribunal.

* sur les fautes de gestion

– sur la déclaration tardive de la cessation des paiements

M. [C], après avoir rappelé que la jurisprudence écarte la faute de gestion lorsque le retard dans la déclaration de cessation des paiements résulte d’une négligence du dirigeant, prétend qu’au 15 novembre 2017 la société Axim five ne se trouvait pas en état de cessation des paiements et ce jusqu’au mois de mars 2018 comme le souligne M. [U], expert judiciaire en finance consulté par le groupe, puisque ce n’est que le 12 mars 2018 qu’il a reçu la lettre du groupe exigeant le paiement de ses factures pour le 15 mars 2018, raison pour laquelle il ignorait nécessairement qu’entre le 15 novembre 2017 et mars 2018 la société Axim five était en état de cessation des paiements en sorte qu’il n’a pas commis de faute à ce titre.

Après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal et souligné que M. [C] a déjà connu des procédures de redressement et liquidation judiciaires, la Selarl ML conseils ès qualités soutient que ce dernier connaissait la notion de cessation des paiements. Le liquidateur critique l’attestation de l’expert-comptable produite par l’appelant et affirme que M. [C] avait une parfaite connaissance des difficultés de la société Axim five et de son état de cessation des paiements qui a été définitivement fixé au 15 novembre 2017.

Après avoir relevé que le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements est de trois mois, le ministère public soutient que M. [C] avait connaissance de la situation financière de la société Axim five, l’exploitation étant déficitaire depuis le redressement judiciaire prononcé le 29 octobre 2015 et les dettes de la société étant en majorité constituées auprès des autres sociétés du groupe dirigé par M. [C].

réponse de la cour

Selon l’article L.640-4 du code de commerce, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s’apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.

En l’espèce, le jugement du 29 mars 2018 qui a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société Axim five, devenu définitif, l’a fixée au 15 novembre 2017, alors que la déclaration de cessation des paiements n’a été déposée que le 12 mars 2018. Le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements est donc établi.

Entre le 30 décembre 2017, date d’expiration du délai légal de quarante-cinq jours, et le 12 mars 2018, les déclarations de créance montrent que le passif a augmenté de 75 966,24 euros. En effet :

– le Trésor public a déclaré une créance de 52 322 euros dont 40 199 euros au titre de la TVA due pour la période du 1er janvier au 28 février 2018,

– Humanis a déclaré une créance de 2 000 euros au titre des cotisations dues pour la période du 1er janvier au 29 mars 2018,

– l’Urssaf a déclaré une créance de 32 060 euros au titre des cotisations dues pour la période du 1er janvier au 29 mars 2018,

– la société Métal contrôl a déclaré une créance de 1 947,24 euros dont 1 707,24 euros au titre de factures émises après le 1er janvier 2018.

Les situations de trésorerie établies par le cabinet d’expertise comptable ECC montrent qu’au 30 novembre 2017, le passif exigible était de 323 795,76 euros et l’actif disponible de 133,37 euros, les montants à encaisser (65 083,32 euros) ne constituant pas de l’actif disponible. Au 13 février 2018, le passif exigible s’élevait à 92 168,92 euros et la société ne disposait pas d’actif disponible.

M. [C] savait que la société n’était plus en mesure de régler les cotisations sociales et la TVA dès janvier 2018 et que l’échéancier de remboursement des AGS en 24 mensualités de 7 021,17 euros n’était plus respecté depuis le 15 novembre 2017, ce qu’il a admis à l’audience de prononcé de la liquidation judiciaire.

De plus, M. [C], dirigeant des autres sociétés du groupe qui soutenaient la société Axim five, connaissait parfaitement la situation financière de celle-ci, ce qui résulte de la lettre adressée par la société Numi-technologie à la société Axim five le 11 mars 2018.

Ainsi le retard apporté par le dirigeant à la déclaration de cessation des paiements, fût-il seulement de deux mois et demi, ne peut s’analyser en une simple négligence.

Tant la faute que sa contribution à l’insuffisance d’actif sont ainsi caractérisées. C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu cette faute de gestion.

– sur le détournement d’actif au profit des autres sociétés du groupe

M. [C] conteste toute faute de gestion, soutenant que lui et son groupe ont perdu des millions d’euros dans le gouffre qu’a représenté la société Axim five. Il considère que ce grief repose sur une série d’accusations infamantes et diffamatoires, fondées sur des propos volontairement mensongers que la partie intimée a développés en pleine connaissance de cause.

Après avoir rappelé la structure du groupe de sociétés dirigées par M. [C] et l’imbrication entre l’ensemble de ces sociétés liées par une convention de groupe organisant les relations commerciales et opérationnelles en date du 15 décembre 2013 et une convention de pool de trésorerie en date du 10 décembre 2013, le liquidateur prétend que le dirigeant de la société Axim five a ‘minutieusement’ organisé le détournement de l’actif de la société Axim five au profit des autres sociétés du groupe. Il considère qu’il s’agit d’un montage consciencieusement organisé afin de vider la société Axim five de ses actifs, au bénéfice des autres sociétés du groupe.

Le ministère public considère également que de nombreux actifs de la société Axim five ont été détournés au profit d’autres sociétés du groupe [C].

Il convient d’examiner successivement les différents détournements reprochés à M. [C] par le liquidateur.

sur le détournement de la machine Mori Seiki NH 4000 DGC

M. [C] affirme n’avoir jamais cherché à détourner la moindre machine. Il prétend que le contrat de crédit-bail portant sur cette machine ne figurait pas dans le périmètre des contrats cédés de la société SERMP à la société Numi-technologie et que le groupe qui a fait son affaire du rachat de ladite machine auprès de l’organisme de crédit-bail pouvait en disposer librement. Il souligne que les projets de convention d’apport, dans les discussions qui ont précédé l’adoption du plan de redressement de la société Axim five ne mentionnaient pas la machine Mori Seiki NH 400 DGC parmi les biens apportés.

Le liquidateur prétend que cette machine d’une valeur de 130 000 euros était présente dans les locaux de la SERMP, qu’elle fait partie du fonds de commerce repris par la société Numi-technologie et ensuite apporté à la société Axim five, qu’elle figure à l’inventaire dressé le 1er décembre 2015 à la suite de l’ouverture du redressement judiciaire de celle-ci, que la société Numica a revendiqué cette machine entre les mains de l’administrateur judiciaire, demande qui a été rejetée mais que cet actif n’a pas été inventorié le 19 avril 2018 par le commissaire-priseur dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Axim five.

réponse de la cour

Contrairement à ce que soutient le liquidateur, la machine Mori Seiki NH 4000 DGC n’a pas été cédée à l’occasion de la cession d’entreprise intervenue entre la SERMP et la société Numi-technologie. Outre le fait qu’elle ne figure pas à l’inventaire dressé par le commissaire-priseur le 17 décembre 2012 dans les locaux de la SERMP, le contrat de crédit-bail cédé visé à l’article 5 du contrat de cession d’entreprise concerne une machine Mori Seiki SV 540, laquelle figure bien à l’inventaire susvisé. Il s’ensuit que le raisonnement du liquidateur ne peut être retenu pour prouver le détournement d’actif allégué contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.

sur le paiement de factures indues au profit de la société Numi-technologie pour un montant total de 187 270,70 euros

M. [C] conteste ce grief et critique la motivation du tribunal qui a statué au vu du rapport du cabinet Exponens, technicien désigné par le juge-commissaire. Il fait valoir que ce cabinet n’a aucune indépendance, qu’il est intervenu hors de tout débat contradictoire dans la cadre d’une mission inopposable à la société Numi-technologie et/ou à la société LMVH destinataires des paiements critiqués, que ses travaux sont ‘à charge’ et que le rapport constitue un document unilatéral, sans force probante. Il se prévaut d’un rapport de M. [U], expert en finances, qui a estimé que la facturation correspondait à la réalité des prestations fournies. Ensuite, il prétend que la Selarl ML conseils ès qualités a inversé la charge de la preuve en remettant systématiquement en cause l’ensemble des factures émises par la société Numi-technologie alors que la société Axim five, comme toutes les sociétés filiales du groupe, a conclu des conventions intra-groupe avec les structures de tête du groupe, notamment avec la société Numi-technologie, lesquelles centralisent les tâches administratives et commerciales du groupe

et les refacturent ensuite aux différentes filiales. Il souligne par ailleurs qu’une partie importante des prestations dont le liquidateur entend contester la facturation s’est déroulée en 2017, pendant la période d’observation du redressement judiciaire de la société Axim five qui était sous la surveillance de l’administrateur judiciaire, qui validait les paiements, situation qui exclut toute facturation indue. Puis, il fait une analyse poste par poste des prestations facturées par la société Numi-technologie et concluent que les sommes facturées sont la contrepartie de prestations réelles en faveur de la société Axim five. Enfin, il fait valoir qu’en tout état de cause, la Selarl ML conseils ès qualités a entrepris des actions en restitution des sommes payées et que le succès de ces actions exclurait tout appauvrissement de la société Axim five tandis que leur échec tout paiement indu.

Le liquidateur soutient qu’un certain nombre de factures ont été payées par la société Axim five au profit de la société Numi-technologie alors qu’elles ne sont justifiées par aucun élément probant. Après avoir analysé la convention de prestations de services et de mise à disposition du personnel conclue entre la société Axim five et la société Numi-technologie, le liquidateur fait valoir que le technicien a conclu qu’un certain nombre de factures payées par la société Axim five s’avéraient non causées. Puis, il procède à une analyse de ces factures poste par poste en s’appuyant sur le rapport du technicien. A cet égard, il fait valoir que le rapport a été rédigé à l’appui des éléments communiqués par M. [C] lui-même et que celui-ci a été associé aux opérations d’expertise. Enfin, en réponse à M. [C] qui évoque une procédure en cours, il précise que la société Numi-technologie a été placée en liquidation judiciaire en sorte que l’espoir de recouvrement est nul ainsi que l’atteste les certificats d’irrécouvrabilité établis par le liquidateur de celle-ci.

réponse de la cour

Les factures litigieuses ont fait l’objet de la procédure introduite par la Selarl ML conseils ès qualités devant le tribunal de commerce d’Evry lequel, par jugement définitif du 14 septembre 2022 complété par jugement du 8 mars 2023 (rendu suite à une requête en omission de statuer), a considéré que trois postes avaient été indûment payés par la société Axim five en lieu et place de la société Numi-technologie et a fixé la créance de la Selarl ML conseils ès qualités au passif de cette dernière à hauteur de la somme totale de 52 545,86 euros HT. Le caractère indu de ces paiements d’une société du groupe de M. [C] par une autre est constitutif d’une faute de gestion, ce que la lecture du jugement du tribunal de commerce d’Evry révèle. M. [C] ne peut sérieusement invoquer ‘une croyance sincère’ que la société Axim five devait supporter les frais et honoraires d’avocat et du cabinet [R] exposés dans le cadre de l’appel interjeté par la société Numi-technologie contre la société Sermp. Il en est de même de la facture se rapportant à une affaire opposant la société Numi-technologie à la société Franfinance. M. [C] ne peut également s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui au motif que le paiement des factures litigieuses a été validé par l’administrateur judiciaire de la société Axim five, étant rappelé que maître [I] était investie uniquement d’une mission d’assistance. Il convient par conséquent de retenir cette faute, sans qu’il soit nécessaire de répondre aux autres moyens développés par M. [C] qui ont déjà été écartés par le tribunal de commerce d’Evry dans sa décision, que ce soit celui relatif aux critiques du rapport du cabinet Exponens ou celui concernant l’existence de conventions intra-groupe. Le liquidateur justifie qu’aucune somme ne pourra être perçue de la liquidation judiciaire de la société Numi-technologie. Ainsi, tant la faute de gestion que son lien avec l’insuffisance d’actif sont démontrés.

sur le paiement de factures indues au profit de la société Location matériel du Val d’Hubert (LMVH) pour un montant de 14 400 euros TTC

M. [C] fait valoir que la société Axim five a installé son siège dans les locaux situés à [Localité 8] qu’elle occupe en vertu d’un contrat de bail conclu avec la société LMVH, contrat enregistré auprès du service des impôts aux entreprises en sorte que les sommes payées par la société Axim five ont une cause légitime. Il souligne que c’est d’ailleurs cette adresse qui figure sur le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et celui de liquidation judiciaire. Il estime que la démarche de la Selarl ML conseils ès qualités relève d’une ‘absolue malhonnêteté intellectuelle’. Il estime en conséquence qu’aucune faute de gestion ne peut lui être reprochée à ce titre.

Le liquidateur prétend qu’à la lecture du rapport déposé par le cabinet Exponens, il apparaît que des détournements d’actif de la société Axim five ont également été opérés au profit d’une autre société du groupe, la société LMVH, au titre de frais de location d’un local situé à [Localité 8]. Il fait valoir que la société Axim five a signé en mars 2013 un bail professionnel avec la société LMVH, et ce avant même sa création, qu’il s’agit en réalité d’une maison d’habitation appartenant à M. [Z] [C], qu’ainsi le dirigeant a détourné l’actif de la société au profit d’autres sociétés dans lesquelles il est directement intéressé. Il précise qu’il a saisi le tribunal de commerce de Versailles qui par jugement du 30 avril 2021 a condamné la société LMVH à lui restituer la somme de 14 400 euros indûment perçue, jugement confirmé par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 janvier 2023.

réponse de la cour

La société LMVH a été assignée par la Selarl ML conseils ès qualités devant le tribunal de commerce de Nanterre lequel par jugement du 30 avril 2021 a condamné la société LMVH à payer à la Selarl ML conseils ès qualités la somme principale de 14 400 euros en restitution de la somme indûment perçue, outre celle de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été confirmée par arrêt du 26 janvier 2023.

Toutefois, la société LMVH a acquiescé à la saisie-attribution pratiquée le 27 juin 2023 par le liquidateur sur son compte bancaire en sorte qu’il n’est pas démontré que le recouvrement de cette somme est impossible, au contraire. Le lien de causalité avec l’insuffisance d’actif n’est ainsi pas démontré en sorte que cette faute ne peut pas être retenue à l’encontre de M. [C] contrairement à ce qu’a jugé le tribunal.

sur le paiement de factures aux sociétés du groupe [C] durant la période suspecte

M. [C] conteste avoir commis une faute au titre de paiements en période suspecte. Il fait valoir qu’il ne pouvait pas connaître l’état de cessation des paiements puisque la société Axim five ne l’était pas jusqu’au mois de mars 2018. Il soutient qu’en tout état de cause, la question de la nullité fait actuellement l’objet d’un débat au fond entre la partie intimée et les sociétés du groupe et qu’en outre, un paiement effectué pendant la période suspecte n’est pas nécessairement fautif, dès lors qu’il correspond à une réalité, ce qui était le cas. Il ajoute que ces paiements, à les supposer critiquables, n’ont pas eu pour effet d’appauvrir la société Axim five mais simplement de rompre l’égalité entre les créanciers en sorte que le lien avec l’insuffisance d’actif n’est pas établi.

Le liquidateur soutient qu’un certain nombre de factures ont été payées par la société Axim five à toutes les autres sociétés du groupe [C], à savoir Numi-technologie, Numeca, Sotem 3S et ce durant la période suspecte, le cabinet Exponens ayant noté qu’il y a eu un apurement des comptes intra-groupe essentiellement au 4ème trimestre 2017, soit peu de temps avant la liquidation judiciaire alors que ces sociétés dirigées par M. [C] avaient parfaitement connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Axim five au moment des paiements. Le liquidateur précise que par jugement du 10 février 2022 le tribunal de commerce de Versailles a fixé sa créance au passif des différentes sociétés et qu’ainsi les paiements préférentiels opérés par le dirigeant au bénéfice des sociétés de son groupe au détriment des créanciers de la société Axim five sont caractérisés. Il précise enfin que les sociétés Numi-technologie, Numeca et Sotem 3S ont été placées en liquidation judiciaire en sorte que l’espoir de recouvrement est nul.

réponse de la cour

Par jugement définitif du 10 février 2022, le tribunal de commerce de Versailles, après avoir annulé les paiements effectués en période suspecte, a condamnée la société LMVH à payer à la Selarl ML conseils ès qualités la somme de 14 220,24 euros et fixé la créance de la Selarl ML conseils ès qualités au passif de :

– la société Sotem 3S à la somme de 24 841 euros,

– la société Numeca à la somme de 112 160 euros,

– la société Numi-technologie à la somme de 289 251 euros.

Le tribunal a relevé que toutes les sociétés du groupe, dont M. [C] était le dirigeant commun et le représentant légal commun, avaient connaissance de l’état de cessation des paiements de leur société soeur, la société Axim five. A la lecture de ce jugement la faute de gestion est caractérisée.

Toutefois, il n’est pas démontré par le liquidateur judiciaire que ces paiements préférentiels, qui certes ont rompu l’égalité entre les créanciers, ont aggravé l’insuffisance d’actif de la société.

sur le défaut d’activation de la garantie à première demande

M. [Z] [C] n’a pas présenté d’observation sur ce point.

Le liquidateur soutient que le tribunal dans son jugement arrêtant le plan de continuation de la société Axim five a pris acte de la garantie à première demande des sociétés Numeca et Numi-technologie en date du 10 mai 2017. Il reproche au dirigeant de ne pas avoir contacté le commissaire à l’exécution du plan pour l’alerter de la difficulté relative à l’incapacité financière de la société Axim five de régler la première échéance du plan exigible le 15 juin 2018 et de ne pas avoir sollicité les sociétés Numeca et Numi-technologie afin qu’elle garantisse la première échéance impayée du plan. Il prétend que le dirigeant, afin de protéger les intérêts de ces sociétés a préféré, sans en aviser le commissaire à l’exécution du plan, déclarer l’état de cessation des paiements de la société Axim five et solliciter sa liquidation judiciaire.

réponse de la cour

Dans son jugement arrêtant le plan par voie de continuation de la société Axim five, le tribunal a pris acte de la signature d’une garantie à première demande des sociétés Numeca et Numi-technologie en date du 10 mai 2017. Aux termes de cet acte, ces dernières se sont engagées : ‘ Irrévocablement et inconditionnellement, d’ordre et pour le compte de la société Axim five (débiteur garanti) sans pouvoir

faire valoir d’exception d’objection ou de contestation, à régler directement auprès du commissaire à l’exécution du plan désigné, à première demande de sa part et dans la limite du montant des échéances du plan de redressement par voie de continuation non honorées, par la société Axim five le tout à hauteur d’un montant maximum de 725 193,86 euros.’

Il ne peut être reproché à M. [C] d’avoir déclaré la cessation des paiements de la société Axim five le 12 mars 2018, alors qu’il en avait l’obligation légale, sans avoir au préalable informé de la difficulté le commissaire à l’exécution du plan pour qu’il active la garantie à première demande des sociétés Numeca et Numi-technologie, étant observé que la première échéance du plan d’un montant équivalent à 2 % du passif admis (10 885 euros) n’était exigible que le 15 juin 2018.

Le commissaire à l’exécution a lui-même adressé aux deux sociétés garantes une lettre de mise en demeure le 29 mars 2018 puis les a assignées en paiement devant le tribunal de commerce de Versailles.

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la faute et son lien de causalité avec l’insuffisance d’actif ne sont pas caractérisés.

sur la convention de gage signée entre la société Axim five et la société Numi-technologie

M. [C] affirme ne pas avoir commis de faute de ce chef. Il rappelle que par convention du 10 décembre 2017 la société Numi-technologie, conformément à ses engagements pris dans le cadre du redressement judiciaire de la société Axim five, a apporté à celle-ci différents biens et qu’une clause a été insérée dans la convention d’apport pour constituer un gage sur les machines apportées. Il considère que ce gage profitait aux créanciers de la société Axim five dont les créances admises au passif de son redressement judiciaire faisaient l’objet d’un plan de redressement. Il relève que’en tout état de cause, le gage annulé n’a pas produit d’effet et ne pouvait donc appauvrir la société Axim five.

Le liquidateur rappelle que le 20 mars 2018, la société Numi-technologie, représentée par M. [Z] [C] et la société Axim five représentée par M. [L] [C], ont signé une convention de gage s’agissant des machines apportées à la société Axim five dans le traité d’apport du 1er décembre 2017, lequel gage a été annulé par jugement du 26 juillet 2018 du tribunal de commerce de Versailles confirmé par arrêt de la cour. Il estime qu’il est manifeste que le dirigeant a voulu réduire le gage commun des créanciers et qu’il s’agit d’une faute de gestion.

réponse de la cour

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu ce grief, dès lors que le lien de causalité entre la signature de la convention de gage par la suite annulée avec l’insuffisance d’actif est inexistant.

* sur la sanction

M. [C] fait valoir qu’il est âgé de 79 ans, qu’il a dû organiser sa défense dans le cadre de ces années de procédures collectives extrêmement éprouvantes et coûteuses, précisant les sommes importantes que lui-même et son groupe ont exposées pour reprendre et tenter de relancer l’activité puis pour financer un illusoire plan de redressement. Il estime que la présente action a été introduite de mauvaise foi par le liquidateur judiciaire.

Le liquidateur soutient que le montage mis en ‘uvre par M. [C] pour dépouiller la société Axim five de ses actifs a augmenté l’insuffisance d’actif à hauteur de 2 107 780,24 euros, se décomposant comme suit :

. paiements nuls : 426 251 euros

. paiements non causés (hors LMVH) : 60 330 euros

. paiements non causés LMVH : 14 400 euros

. diminution du gage commun : 842 000 euros

. non activation de la garantie à première demande : 661 470 euros

. détournement de la machine Mori Seiki NH 4000 : 15 000 euros.

réponse de la cour

Au vu des fautes de gestion retenues à l’encontre de M. [C] et de leur lien avec l’insuffisance d’actif, il convient, infirmant le jugement, de le condamner à payer à la Selarl ML conseils ès qualités la somme de 50 000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif de la société Axim five.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Vu l’arrêt du 10 janvier 2023 ;

Infirme le jugement en ce qu’il a condamné M. [Z] [C] à payer la somme de 200 000 euros entre les mains de la Selarl ML conseils, ès qualités ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne M. [Z] [C] à payer à la Selarl ML conseils ès qualités la somme de 50 000 euros au titre de sa responsabilité pour l’insuffisance d’actif de la société Axim five ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions concernant M. [Z] [C] ;

Condamne M. [Z] [C] aux dépens d’appel, lesquels pourront être recouvrés directement par maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure ;

Rejette les demandes formées par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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