Saisie-attribution : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04821

·

·

Saisie-attribution : décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04821

12 décembre 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/04821

GLQ/KG

MINUTE N° 23/937

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 12 DECEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04821

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWZJ

Décision déférée à la Cour : 21 Octobre 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [P] [U]

[Adresse 2]

Représenté par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000555 du 08/03/2022

INTIMEES :

S.A.R.L. ASTUCE SERVICE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 503 761 553

[Adresse 3]

Représentée par Me Abba Ascher PEREZ, avocat au barreau de STRASBOURG

S.A.R.L. POLYGARD

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Sébastien BENDER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par M. PALLIERES, Conseiller, faisant fonction de Président,

– signé par M. PALLIERES, Conseiller et Mme WALLAERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A.R.L. ASTUCE SERVICE est une société spécialisée dans la sécurité, la surveillance, la prévention incendie et la sécurité. Elle a embauché M. [P] [U] en qualité d’agent de sécurité en contrat à durée déterminée à compter du 24 juillet 2015 puis en qualité d’agent d’exploitation en contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2015.

M. [P] [U] était affecté à la surveillance des locaux du conseil général du Bas-Rhin à [Localité 5].

Courant 2018, le département du Bas-Rhin a attribué le marché de gardiennage de ses différents sites à la S.A.R.L. POLYGARD.

Par courrier du 10 avril 2018, la société POLYGARD a demandé à la société ASTUCE SERVICE de transmettre la liste des salariés concernés par une éventuelle reprise du personnel en application de la convention collective. Par courrier du 26 avril 2018, la société ASTUCE SERVICE a transmis une liste des salariés transférables qui ne mentionnait pas M. [P] [U].

Le 09 octobre 2018, M. [P] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg pour solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail et la condamnation de la société ASTUCE SERVICE au paiement de différentes indemnités.

Par jugement du 12 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a débouté M. [P] [U] de l’ensemble de ses demandes.

M. [P] [U] a interjeté appel de ce jugement le 10 octobre 2019.

Par ordonnance du 18 juin 2020, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d’appel et a dit que M. [P] [U] n’était plus recevable à former un appel principal contre le jugement du 12 septembre 2019 qui s’en trouve définitif.

Le 17 juillet 2020, M. [P] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg pour faire constater que le contrat de travail n’a pas été rompu, que, s’il y a eu rupture, elle s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir par ailleurs la condamnation de la société ASTUCE SERVICE au paiement des salaires mensuels à compter du mois de juillet 2018 jusqu’à la résiliation du contrat de travail à intervenir et, à titre subsidiaire, la condamnation de la société ASTUCE SERVICE au paiement d’indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, à titre très subsidiaire, celle de la société POLYGARD au paiement d’une indemnité pour licenciement abusif.

Par jugement du 21 octobre 2021, le conseil de prud’hommes a :

– rejeté la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,

-débouté M. [P] [U] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné M. [P] [U] à payer à la société POLYGARD la somme de 1 000 euros pour procédure abusive,

– débouté M. [P] [U] de ses demandes au titre du maintien du salaire,

– condamné M. [P] [U] à payer à la société ASTUCE SERVICE la somme de 4 020,53 euros au titre du remboursement de l’indu,

– condamné M. [P] [U] à payer à la société ASTUCE SERVICE la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus d’ester en justice,

– condamné M. [P] [U] à payer à la société ASTUCE SERVICE la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [U] à payer à la société POLYGARD la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [U] aux dépens.

M. [P] [U] a interjeté appel le 25 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 02 septembre 2022, M. [P] [U] demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

– juger que le contrat de travail n’a pas été rompu,

– condamner la société ASTUCE SERVICE, au titre du maintien des salaires, au paiement de l’intégralité des salaires mensuels à compter du mois de juillet 2018 jusqu’à la résiliation à intervenir, soit à la somme arrêtée au 30 mars 2021 de 75 804,47 euros.

Subsidiairement, il demande à la cour de :

– juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société ASTUCE SERVICE au paiement des sommes suivantes :

* 9 282,18 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement abusif,

* 3 094,06 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 258,13 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 1 933,80 euros bruts au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– ordonner la transmission des bulletins de salaire par la société ASTUCE SERVICE ainsi que les documents de fin de contrat sous astreinte de

50 euros par jour de retard, passé le délai de dix jours après notification de la décision à intervenir,

– condamner la société ASTUCE SERVICE au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens des deux instances,

Subsidiairement, il demande à la cour de :

– juger que le licenciement par la société POLYGARD est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société POLYGARD au paiement de la somme de 9 282,18 euros au titre de l’indemnité pour licenciement abusif,

– condamner la société POLYGARD aux dépens des deux instances ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter les parties intimées de toute demande formée au titre d’un appel incident.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 07 juin 2022, la société ASTUCE SERVICE demande à la cour de :

– dire que les conclusions d’appel prises pour le compte de M. [P] [U] en date du 25 février 2022 sont irrecevables,

– en conséquence, déclarer l’appel de M. [P] [U] caduc,

– en tout état de cause, dire que les demandes formulées par M. [P] [U] dans ses conclusions d’appel du 25 février 2022 sont irrecevables, de même que l’ensemble des pièces produites,

– à titre infiniment subsidiaire, au fond, sur l’appel principal, déclarer l’appel formé par M. [P] [U] irrecevable et, en tous les cas, mal fondé,

– confirmer partiellement le jugement, sauf en ce qu’il a déclaré recevables les conclusions de M. [P] [U], rejeté les conclusions de la société ASTUCE SERVICE en ce qui concerne l’autorité de la chose jugée et condamné Monsieur [U] à un montant de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus d’ester en justice.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– déclarer les demandes de M. [P] [U] irrecevables du fait de l’autorité de la chose jugée et de la prescription,

– débouter M. [P] [U] de ses demandes,

– dire que les demandes additionnelles de M. [P] [U] formulées dans ses écritures du 17 mars 2021 sont irrecevables,

– condamner M. [P] [U] à payer à la société ASTUCE SERVICE la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour abus du droit d’ester en justice,

– en tout état de cause, condamner M. [P] [U] aux dépens des deux procédures ainsi qu’à payer à la société ASTUCE SERVICE la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 mars 2022, la société POLYGARD demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé recevables les demandes de M. [P] [U] et, par conséquent, de :

– juger irrecevables les demandes nouvelles de M. [P] [U] formulées à l’encontre de la société POLYGARD, intervenues en cours de procédure au titre du licenciement abusif et de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

– déclarer les demandes de M. [P] [U] à l’encontre de la société POLYGARD irrecevables du fait de la prescription,

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [U] de l’intégralité de ses demandes et condamné M. [P] [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile (première instance).

En tout état de cause, elle demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande reconventionnelle de la société POLYGARD et condamner en conséquence M. [P] [U] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [P] [U] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (appel) ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 27 juin 2023. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 10 octobre 2023 et mise en délibéré au 12 décembre 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions de l’appelant

Il résulte des articles 960 et 961 du code de procédure civile que les conclusions ne sont pas recevables tant que les indications relatives, pour une personne physique, à ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance n’ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture.

La société ASTUCE SERVICE soulève l’irrecevabilité des conclusions d’appel du 25 février 2022 qui ne mentionnent pas la profession, la nationalité, les date et lieu de naissance de M. [P] [U]. Il convient toutefois de constater que l’appelant a précisé ces éléments dans les conclusions transmises le 02 septembre 2022. Dès lors que la cause d’irrecevabilité a été régularisée avant la clôture, il convient de rejeter la fin de non-recevoir.

Sur la recevabilité des demandes de l’appelant

Selon l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

L’article 954 précise que les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion (…).

La S.A.R.L. ASTUCE SERVICE fait valoir que, dans les conclusions du 25 février 2022, M. [P] [U] n’énonce pas les chefs de jugement critiqués, n’invoque aucune pièce au soutien de ses prétentions et ne motive pas les demandes figurant dans le dispositif des conclusions.

Il convient toutefois de constater que, dans le dispositif des conclusions datées du 25 février 2022, l’appelant énonce les chefs du jugement critiqués de la manière suivante :

« INFIRMER en conséquence le jugement du Conseil de Prud’hommes de STRASBOURG du 21 octobre 2021 en ce qu’il a débouté Monsieur [U] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre du maintien des salaires, en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 1 000 € à la société POLYGARD pour procédure abusive et 1 250 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il l’a condamné à verser à la société ASTUCE SERVICE les sommes de 4 020,53 € à titre de remboursement de l’indu, 1 000 € à titre de dommages et intérêts, 1 250 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il l’a condamné aux entiers frais et dépens ; »

Par ailleurs, l’examen de ces conclusions permet de constater qu’elles contiennent une motivation succincte. Enfin, si les pièces produites par ailleurs ne sont pas visées dans le corps des conclusions, il ne résulte pas de l’article 954 du code de procédure civile que cet élément serait susceptible d’être sanctionné par une irrecevabilité des conclusions. La fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité des conclusions sera donc rejetée.

Sur la demande de rappel de salaire

Sur l’autorité de la chose jugée

Vu l’article 1355 du code civil et l’article 480 du code de procédure civile,

l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif (Ass. plén., 13 mars 2009, pourvoi n° 08-16.033).

La société ASTUCE SERVICE oppose l’autorité de la chose jugée au motif que, dans le cadre de la première instance prud’hommale, M. [P] [U] soutenait que le contrat de travail n’avait pas été transféré à la société POLYGARD, contestait sa réaffectation par la société ASTUCE SERVICE sur un nouveau site pour obtenir la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Dans le dispositif du jugement du 12 septembre 2019, le conseil de prud’hommes déboute M. [P] [U] de ses demandes. Il résulte des énonciations du jugement qu’outre une demande de paiement d’heures supplémentaires, M. [P] [U] sollicitait la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et la condamnation de l’employeur au paiement des indemnités et dommages et intérêts afférents à cette rupture.

Il convient donc de constater que la demande de rappel de salaires pour la période qui court à compter du mois de juillet 2018 a un objet différent de celle qui a été tranchée dans le cadre de la première instance prud’hommale et qu’elle ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée.

Sur la prescription

Vu les articles L. 1471-1 et L. 3245-1 du code du travail,

la demande de paiement des salaires à compter du mois d’août 2018 est soumise au délai de prescription de trois ans prévu à l’article L. 3245-1 du code du travail et non au délai de deux ans en matière d’exécution du contrat de travail ou au délai d’un an applicable en matière de rupture du contrat de travail. La demande de M. [P] [U], introduite par requête déposée au conseil de prud’hommes le 17 juillet 2020, n’est donc pas prescrite.

Sur le bien-fondé de la demande

L’employeur n’est tenu de verser une rémunération à un salarié qui n’est pas en mesure d’accomplir son travail que si des dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles lui en font obligation (Soc., 10 juin 2008, pourvoi n° 06-46.000).

Il résulte du jugement du 12 septembre 2019 et de la requête introductive d’instance que, suite à la perte du marché du conseil départemental du Bas-Rhin et en l’absence de transfert du contrat de travail à la S.A.R.L. POLYGARD, l’employeur a informé M. [P] [U] qu’à compter du 06 juin 2018, il exercerait ses fonctions dans les locaux du conseil départemental du Haut-Rhin à [Localité 4] en lui adressant son planning.

Il n’est pas contesté par le salarié qu’il n’a pas pris ses nouvelles fonctions à [Localité 4] à la date prévue. Dans un courrier adressé à l’employeur le 1er août 2018, il confirme à l’employeur qu’il ne peut pas prendre le poste proposé à [Localité 4]. Si M. [P] [U] reproche à la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE de ne pas avoir apporté de réponse à ce courrier, force est de constater qu’il ne fait état d’aucun manquement imputable à cette dernière susceptible de le dispenser de l’obligation d’accomplir son travail. Il sera relevé à ce titre que, dans le jugement définitif du 12 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a écarté les griefs invoqués par le salarié contre l’employeur pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Aucun élément ne permet en outre de considérer que M. [P] [U] aurait repris son poste auprès de la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE depuis le mois d’août 2018. Il résulte de ces éléments que l’employeur n’était plus tenu à l’obligation de verser le salaire et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] [U] de cette demande.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement des sommes saisies en exécution de l’ordonnance du 26 avril 2019

Aux termes de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaire au moment où ils ont été exposés.

Par ordonnance du 28 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Strasbourg statuant en référé a condamné la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE à payer à M. [P] [U] la somme de 3 000 euros à titre de provision sur salaire, la demande portant sur les salaires dûs du 17 juillet 2018 au 31 janvier 2019.

La S.A.R.L. ASTUCE SERVICE produit par ailleurs le procès-verbal de la saisie-attribution pratiquée à la demande de M. [P] [U] en exécution de cette ordonnance. Il en résulte que la somme de 1 020,53 euros a été mis à la charge de l’employeur au titre des intérêts et des frais de l’exécution.

M. [P] [U] étant débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période correspondante, il doit donc restituer le montant de la provision de 3 000 euros versée par l’employeur à ce titre.

S’agissant des frais d’exécution et des intérêts versés par la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE, celle-ci ne fait état d’aucun élément susceptible de justifier que ces montants soient mis à la charge de M. [P] [U]. Il apparaît au contraire que la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE n’a pas exécuté spontanément l’ordonnance du 26 avril 2019 qui lui avait pourtant été signifiée le 05 juillet 2019. Si le salarié n’a par la suite formé aucune demande au fond au titre du paiement des salaires dans le cadre de la première instance prud’hommale qui a abouti au jugement du 12 septembre 2019, force est de constater que la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE n’a pas formé de recours contre l’ordonnance du 26 avril 2019 et qu’elle n’a pas davantage formé de demande de restitution de cette provision dans le cadre de la première instance au fond.

Aucune faute ne peut par ailleurs être reprochée à M. [P] [U] dans la poursuite de l’exécution de l’ordonnance de référé, une telle faute ne pouvant résulter du seul rejet de la demande de rappel de salaires dans le cadre de la présente instance. La demande de remboursement n’apparaît donc pas justifiée s’agissant des intérêts échus et des frais de l’exécution forcée.

Au vu de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [P] [U] au paiement de la somme de 4 020,53 euros correspondant au principal et aux frais. M. [P] [U] sera uniquement condamné au paiement de la somme de 3 000 euros au titre du remboursement de la provision versée par la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE.

Sur la demande formée au titre de la rupture du contrat de travail conclu avec M. [P] [U]

Pour solliciter à titre subsidiaire la requalification de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, M. [P] [U] se borne à indiquer que, si la cour devait considérer que le contrat a pris fin au mois d’août 2018, le licenciement devrait être considéré comme abusif. Il apparaît toutefois que la cour n’est saisie d’aucune demande tendant à ce que soit constatée ou prononcée la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, le jugement du 12 septembre 2019 a déjà définitivement débouté M. [P] [U] des demandes formées contre la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE au titre du licenciement. Celles-ci se heurtent donc à l’autorité de la chose jugée opposée par l’employeur. Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il a débouté M. [P] [U] des demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse qui seront déclarées irrecevables.

Sur les demandes dirigées contre la société POLYGARD

Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

La société POLYGARD soulève la prescription des demandes formées par M. [P] [U] à son encontre dès lors qu’elles sont toutes relatives à l’absence de transfert du contrat de travail.

Il résulte d’un courrier de la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE du 26 avril 2018 que la reprise du marché relatif aux sites du conseil départemental du Bas-Rhin par la S.A.R.L. POLYGARD a pris effet le 04 juin 2018, entraînant la reprise des contrats de travail de certains salariés de la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE mais pas de celui de M. [P] [U].

Il convient de constater que l’ensemble des demandes du salarié contre la S.A.R.L. POLYGARD sont fondées sur l’existence d’un transfert du contrat de travail à cette société.

La saisine du conseil de prud’hommes contre la S.A.R.L. POLYGARD étant intervenue le 17 juillet 2020, soit plus de deux ans après la date à laquelle le transfert aurait dû être réalisé, les demandes formées par M. [P] [U] contre cette société sont donc prescrites. Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il a débouté M. [P] [U] de ces demandes qui seront déclarées irrecevables.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour procédure abusive

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénèrent en abus que s’ils constituent un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grossière équipollente au dol. La seule appréciation erronée qu’une partie fait de ses droits n’est pas, en soi, constitutive d’une faute susceptible de justifier l’octroi de dommages et intérêts pour procédure ou résistance abusive.

En l’espèce une telle faute n’est pas caractérisée à l’égard de M. [P] [U]. Au surplus, la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE et la S.A.R.L. POLYGARD ne justifient d’aucun préjudice distinct de celui réparé par l’octroi des sommes sur lesquelles il va être statué ci-après, résultant des frais engagés par elles et afférents à la présente instance.

Il y a dès lors lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [P] [U] au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et de débouter la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE et la S.A.R.L. POLYGARD de leurs demandes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [P] [U] aux dépens et à verser à la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE et la S.A.R.L. POLYGARD la somme de 1 250 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, il convient de condamner M. [P] [U] aux dépens de l’appel.

Par équité, il sera en outre condamné à payer à la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE et à la S.A.R.L. POLYGARD la somme de 1 500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et il sera par ailleurs débouté de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l’absence de mention de la profession, la nationalité, les date et lieu de naissance de l’appelant dans ses conclusions ;

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité des conclusions ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 21 octobre 2021 en ce qu’il a :

– débouté M. [P] [U] de sa demande de rappel de salaire,

– condamné M. [P] [U] aux dépens,

– condamné M. [P] [U] à payer à la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [U] à payer à la S.A.R.L. POLYGARD la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

CONDAMNE M. [P] [U] à payer à la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre du remboursement de la provision versée en exécution de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 26 avril 2019 ;

DÉCLARE irrecevables du fait de l’autorité de la chose jugée les demandes formées par M. [P] [U] contre la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉCLARE irrecevables du fait de la prescription les demandes formées par M. [P] [U] contre la S.A.R.L. POLYGARD au titre du transfert du contrat de travail ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE et la S.A.R.L. POLYGARD de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE M. [P] [U] aux dépens de la procédure d’appel ;

CONDAMNE M. [P] [U] à payer à la S.A.R.L. ASTUCE SERVICE la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [P] [U] à payer à la S.A.R.L. POLYGARD la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [P] [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023, signé par Monsieur Edgard PALLIERES, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, et Madame Caroline WALLAERT, Greffier.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x