Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/81656

·

·

Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/81656

11 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
23/81656

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
N° RG 23/81656 – N° Portalis 352J-W-B7H-C27DL

N° MINUTE :

CE à Me Boutmy
CCC à Me Hascoet
CCC aux parties en LRAR
Le :
PÔLE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT rendu le 11 janvier 2024

DEMANDEUR

Monsieur [R] [F]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Me Paul-Emile BOUTMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C280

DÉFENDERESSE

La SAS CABOT FINANCIAL FRANCE, anciennement dénommée NEMO CREDIT MANAGEMENT
RCS LYON 488 862 277
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET, avocat au barreau D’ESSONNE,

JUGE : Monsieur Cyril ROTH, 1er Vice-Président adjoint, juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER : Madame Camille RICHY lors des plaidoiries
Madame Amel OUKINA lors de la mise à disposition

DÉBATS : à l’audience du 29 Novembre 2023 tenue publiquement,

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoire, susceptible d’appel

EXPOSE DU LITIGE

Par un jugement contradictoire du 20 septembre 2005, le tribunal d’instance de Bobigny a condamné M. [F] à verser diverses sommes à la banque BNP Paribas.

Sur le fondement de cette décision, la société Cabot Financial France (Cabot) a, le 16 juin 2018, fait délivrer à M. [F] un commandement de payer aux fins de saisie vente.

Puis, le 3 janvier 2022, elle a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de M. [F] dans les livres du Crédit Agricole Loire – Haute Loire. Cette saisie a été dénoncée à M. [F] le 6 janvier suivant.

Le 4 février 2022, M. [F] a assigné Cabot devant le juge de l’exécution.

Le 7 avril 2022, l’affaire a été radiée en raison du manque de diligence des parties.

Le 5 octobre 2023, M. [F] a demandé sa réinscription au rôle.

M. [F] sollicite l’annulation du commandement de payer aux fins de saisie vente du 16 juin 2018, le constat de la prescription de l’exécution du jugement du 20 septembre 2005 ; soutenant que Cabot ne justifie pas de sa qualité à agir, il conclut à l’annulation de la saisie-attribution et à l’irrecevabilité de ses prétentions ; subsidiairement, il demande à être exonéré de la majoration du taux de l’intérêt légal, le cantonnement de la saisie-attribution à la somme de 13.366,89 € ; en tout cas, il demande l’allocation de 1.759,69 € de dommages intérêts pour saisie abusive, avec intérêts au taux légal majoré à compter du 3 janvier 2022, 1€ de dommages intérêts pour pratique commerciale déloyale, enfin une indemnité de procédure de 2.500 €.

En défense, Cabot conclut à l’irrecevabilité de la contestation, à défaut au rejet des prétentions de M. [F], à défaut à la limitation à deux ans des intérêts moratoires, soit à 1.397,37 € au lieu de 5.5696,62 € ; enfin, elle réclame 2.000 € de dommages intérêts pour résistance abusive, outre une indemnité de procédure de 2.000 €.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait référence à leurs conclusions écrites respectives visées à l’audience.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la contestation

La contestation a été introduite dans le mois de la dénonciation de la saisie-attribution à la partie débitrice.

L’assignation introductive d’instance a été dénoncée à l’huissier l’ayant instrumentée par lettre recommandée avec accusé de réception, avant l’expiration du premier jour ouvrable suivant sa délivrance.

Contrairement à ce qui est soutenu en défense, la contestation est donc recevable au regard des dispositions de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution.

Sur la qualité pour agir de Cabot

Par un acte sous seing privé du 19 octobre 2017, la banque BNP Paribas a cédé à la société Nemo Credit Management, dont la dénomination sociale est aujourd’hui Cabot Financial France, une créance contre M. [F] de 18.026,65 € référencée sous le numéro 9057467.

Le jugement du 20 septembre 2005 dont l’exécution est poursuivie mentionne (p. 2) que la banque agit en recouvrement du solde d’un compte de dépôt n°[XXXXXXXXXX01] et d’un prêt n°604.836/57 ; comme le relève M. [F], aucune de ces deux références ne correspond à la référence figurant à l’acte de cession de créance du 19 octobre 2017 ; les contrats ayant donné lieu à ce jugement ne sont pas produits.

Le jugement du 20 septembre 2005 alloue à la banque les sommes de 1.62474 €, de 11.522,55 € et de 1 €, soit un total de 13.148,29 €.

Le commandement de payer aux fins de saisie vente du 16 juin 2018 a été délivré sur le fondement du jugement du 20 septembre 2005 pour paiement d’une somme globale de 17.753,52 €, dont, en principal, les trois sommes allouées à la banque par ce jugement.

Cabot n’explique pas comment la créance d’un montant supérieur qu’elle a acquis le 19 octobre 2017, huit mois avant ce commandement, pourrait se rapporter à l’exécution du jugement du 20 septembre 2005.

De surcroît, la saisie-attribution critiquée se présente comme pratiquée le 3 janvier 2022 sur le fondement du jugement du 20 septembre 2005, mais pour le recouvrement d’un principal global de 18.026,65 €, non détaillé, qui correspond au montant de la cession de créance mais non aux sommes allouées à la banque créancière par ce jugement.

Or il est établi par l’ordonnance rendue le 12 septembre 2006 par le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris déclarant nul l’appel interjeté par M. [F] contre le jugement du 20 septembre 2005 que celui-ci a été condamné à verser diverses sommes à la banque BNP Paribas par un arrêt du 15 décembre 2005, ce qui accrédite la thèse selon laquelle M. [F] avait souscrit auprès de la même banque au moins un autre crédit.

Il convient donc de retenir que Cabot échoue dans la preuve lui incombant de ce qu’elle a la qualité de cessionnaire de la créance résultant pour la banque BNP Paribas du jugement du 20 septembre 2005.

Il s’ensuit que doivent être annulés le commandement de payer aux fins de saisie vente du 16 juin 2018 et la saisie-attribution du 3 janvier 2022, ce qui emporte annulation de la dénonciation subséquente.

Sur la prescription de l’exécution du titre exécutoire

Si Cabot n’a pas qualité pour poursuivre l’exécution du jugement du 20 septembre 2005, la prescription de ce titre exécutoire ne saurait être constatée dans une instance dirigée contre elle.

Cette demande doit donc être considérée comme mal dirigée et écartée.

Sur la demande de dommages intérêts pour saisie abusive

Selon l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution peut condamné le créancier à des dommages intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, l’abus s’évince de l’absence de qualité de Cabot pour recouvrer les sommes allouées à la banque BNP Paribas par le jugement du 20 septembre 2005.

La saisie-attribution contestée a permis d’appréhender la somme de 1.759,69 €.

La faute du saisissant a ainsi causé au saisi un déficit de trésorerie lié à la privation de l’usage de cette somme entre le 3 janvier 2022 et ce jour, soit durant deux ans.

Toutefois, la durée de l’instance est également liée à l’inertie de M. [F], qui, à la suite de la radiation de l’affaire prononcée le 7 avril 2022, n’a sollicité sa réinscription au rôle qu’en octobre 2023.

Le préjudice causé à M. [F] sera en conséquence justement réparé par l’allocation d’une somme forfaitaire de 250 € à titre de dommages intérêts.

Sur la demande de dommages intérêts pour pratique commerciale déloyale

Cabot n’établissant pas sa qualité pour poursuivre contre M. [F] l’exécution du jugement du 20 septembre 2005, aucune pratique commerciale déloyale ne peut lui être imputée dans le recouvrement de la créance d’intérêts moratoires découlant de ce titre exécutoire.

La demande de dommages intérêts correspondante sera en conséquence écartée.

Sur les demandes accessoires

L’équité commande d’allouer à M. [F] l’indemnité de procédure fixée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

le juge de l’exécution

Dit que Cabot n’a pas qualité pour agir en recouvrement sur le fondement du jugement du 20 septembre 2005 ;

Dit n’y avoir lieu de constater la prescription de l’exécution de ce jugement ;

Annule le commandement de payer aux fins de saisie vente du 16 juin 2018 et la saisie-attribution du 3 janvier 2022 ;

Condamne la société Cabot Financial France à verser à M. [F] la somme de 250 € à titre de dommages intérêts, pour saisie abusive ;

Rejette la demande de dommages intérêts pour pratique commerciale déloyale ;

Condamne la société Cabot Financial France à verser à M. [F] la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cabot Financial France aux dépens.

Le greffierLe juge de l’exécution

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x