Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 23/00080

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Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 23/00080

11 janvier 2024
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
23/00080

Ordonnance n 1

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11 Janvier 2024

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N° RG 23/00080 –

N° Portalis DBV5-V-B7H-G5IG

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[N] [L]

C/

[E] [V], [K] [Z], [W] [M] épouse [Z]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le onze janvier deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière,

Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le vingt et un décembre deux mille vingt trois, mise en délibéré au onze janvier deux mille vingt quatre.

ENTRE :

Madame [N] [L]

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparante, assisté de Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D’UNE PART,

ET :

Madame [E] [V]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Paul-henri BOUDY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Monsieur [K] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

Madame [W] [M] épouse [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEURS en référé ,

D’AUTRE PART,

Faits et procédure :

Madame [N] [L] est propriétaire d’un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 5].

Ladite parcelle jouxte une parcelle acquise par les consorts [Z] en 2010, sur laquelle ces derniers ont fait édifier une maison d’habitation, en limite de propriété, suivant permis de construire délivré le 26 novembre 2010.

Arguant que ladite propriété lui causerait un grave préjudice, Madame [N] [L] a saisi le président du tribunal de grande instance de La Rochelle, statuant en référé, d’une demande de suspension des travaux et d’expertise judiciaire.

Sa demande ayant été rejetée par le président du tribunal de grande instance de La Rochelle, Madame [N] [L] a interjeté appel devant la cour d’appel de Poitiers, laquelle a réformé l’ordonnance contestée et ordonné une mesure d’expertise judiciaire partielle.

Madame [N] [L] a formé un pourvoi en cassation.

Monsieur et Madame [Z] ont poursuivi Madame [N] [L] devant le tribunal de grande instance de La Rochelle en réparation de leur préjudice économique et moral.

Par jugement en date du 7 août 2018, le tribunal judiciaire de La Rochelle a retenu, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, un abus du droit d’agir de la part de Madame [N] [L] et l’a condamnée à réparer le préjudice subi par les époux [Z].

Parallèlement, selon acte notarié en date du 16 octobre 2017, les époux [Z] ont vendu leur maison à Madame [E] [V].

Par exploit en date du 19 février 2019, Madame [N] [L] a fait assigner Madame [E] [V] devant le tribunal judiciaire de La Rochelle en réparations des préjudices subis.

Madame [E] [V] a fait assigner les époux [Z] en garantie.

Par jugement en date du 17 mai 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :

déclaré Madame [N] [L] irrecevable en son action en responsabilité fondée sur les désordres de la porte de garage, les pavés du sol de la terrasse, les vues, l’occultation du jour dans la salle de bain, l’humidité, les défauts d’enduit extérieur et la laine de verre endommagée en raison de l’autorité de la chose jugée,

déclaré recevable l’action de Madame [N] [L] fondée sur les plantations ;

débouté Madame [N] [L] de ses demandes fondées sur les plantations ;

déclaré prescrite l’action de Madame [N] [L] au titre des autres demandes ;

condamné Madame [N] [L] à verser à Monsieur et Madame [Z] 10 000 euros en réparation du préjudice lié à l’abus de procédure ;

condamné Madame [N] [L] à verser à Madame [E] [V] 5 000 euros en réparation du préjudice lié à l’abus de procédure ;

condamné Madame [N] [L] à payer à chacun de Madame [E] [V] et des époux [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné Madame [N] [L] aux dépens ;

ordonné l’exécution provisoire de droit.

Madame [N] [L] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 23 juin 2022.

Par requête en date du 15 novembre 2022, Madame [E] [V] a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de radiation de l’appel en application des dispositions de l’article 524 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 20 décembre 2022, les époux [Z] ont sollicité la radiation de l’appel.

Selon ordonnance en date du 21 février 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire du rôle de la cour pour défaut d’exécution du jugement déféré.

Par exploit en date du 30 octobre 2023, Madame [N] [L] a fait assigner Madame [E] [V] et Monsieur et Madame [Z] devant la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d’obtenir, par application des dispositions de l’article 524 ancien du code de procédure civile, l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision dont appel.

L’affaire, appelée une première fois à l’audience du 16 novembre 2023, a été renvoyée à l’audience du 21 décembre 2023.

Madame [N] [L] indique ne pas être en mesure de régler les condamnations financières mises à sa charge.

Elle fait valoir qu’à la suite d’un commandement de payer aux fins de saisie vente en date du 4 août 2022, elle a donné assignation à Madame [E] [V] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle, aux fins d’obtenir, outre des délais de paiement, qu’il ordonne la mainlevée de l’indisponibilité du certificat d’immatriculation du véhicule lui appartenant.

Elle expose que par jugement en date du 26 mai 2023, le juge de l’exécution l’a déclaré recevable en sa demande, fait droit à sa demande de mainlevée du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation et l’a autorisé à se libérer du paiement de la dette à l’égard de Madame [E] [V] en mensualité de 450 euros par mois pendant 23 mois et le solde au 24ème mois et ce à compter du 5 octobre 2023.

Elle fait valoir que le juge de l’exécution aurait retenu qu’il lui restait, après la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2022, un reste à vivre de 1 337,04 euros, de sorte qu’il serait démontré qu’elle ne dispose d’aucune épargne et que son reste à vivre ne lui permettrait pas de s’acquitter non seulement de la dette à l’égard de Madame [E] [V], mais également des époux [Z].

Madame [N] [L] soutient que sa situation financière serait encore plus obérée que celle retenue par le juge de l’exécution.

Elle indique devoir supporter des charges mensuelles de l’ordre de 3 197 euros et que le montant total des condamnations mises à sa charge s’élèverait à 31 800 euros avec l’indemnisation des époux [Z].

Elle indique être âgée de 77 ans et devoir faire face à des problèmes de santé, lesquels seraient aggravés par les désordres causés par la construction édifiée par les époux [Z].

Elle sollicite, à titre subsidiaire, l’arrêt de l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile et soutient qu’elle justifie de moyens sérieux de réformation du jugement.

Madame [E] [V] s’oppose à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Elle fait valoir que Madame [N] [L] ne justifierait d’aucune conséquence manifestement excessive au sens de l’ancien article 524 du code de procédure civile.

Elle sollicite la condamnation de Madame [N] [L] à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [K] [Z] et Madame [W] [M] épouse [Z] soutiennent que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de Madame [N] [L] ne pourrait qu’être présentée sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile.

Ils indiquent, en outre, que la demande de Madame [N] [L] tendant à la « suspension » de l’exécution provisoire ne serait pas prévue par les textes.

Ils font enfin valoir que la demande de Madame [N] [L] serait irrecevable en ce que l’appel aurait été radié, de sorte que la cour ne serait saisie d’aucun appel et que Madame [N] [L] n’aurait d’autre choix que d’exécuter la décision dont appel pour prétendre à la réinscription de l’affaire au rôle, seule diligence prévue par l’ancien article 526 du code de procédure civile.

Il en résulterait, selon eux que si la demande d’arrêt de l’exécution provisoire devait prospérer, l’appel s’achèverait par une décision de péremption au terme d’un délai de deux ans.

Monsieur [K] [Z] et Madame [W] [M] épouse [Z] soutiennent que la demande de Madame [N] [L] présentée en de pareilles circonstances constituerait une tentative de détournement des pouvoirs de la juridiction du premier président en tentant d’en faire une juridiction de recours contre les ordonnances du conseiller de la mise en état, mais également en demandant des délais de paiement, demande qui relèverait du juge de l’exécution.

Ils sollicitent la condamnation de Madame [N] [L] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience, les parties se sont accordées sur l’application des articles 524 et 526 du code de procédure civile.

Motifs :

En droit, l’article 524 du code de procédure civile dispose que « lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.

Le même pouvoir appartient, en cas d’opposition, au juge qui a rendu la décision.

Lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l’article 521 et à l’article 522.

Le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ».

La radiation est un incident d’instance qui ne met pas fin à cette dernière, mais la suspend. Ainsi, l’affaire est supprimée du rôle des affaires en cours, mais l’appel subsiste, la cour d’appel n’étant pas dessaisie.

S’agissant de l’articulation entre une procédure d’incident de radiation de l’appel devant le conseiller de la mise en état, et la saisine du premier président aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire, la cour de cassation a jugé que la radiation du rôle de l’affaire ne fait pas obstacle à l’application de l’article 524 du code de procédure civile.

Cependant, lorsque le premier président est saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire et à titre reconventionnel d’une demande de radiation sur le fondement de l’article 526 ancien du code de procédure civile ou inversement, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ne saurait prospérer si le premier président ordonne la radiation de l’affaire du rôle de la cour, laquelle suppose qu’il n’existe pas de risque de conséquences manifestement excessives liées à l’exécution alors que l’arrêt de l’exécution provisoire requiert que soit établi un tel risque.

Il est également admis que le premier président doit apprécier le risque de conséquences manifestement excessives sans avoir à se référer à la décision du conseiller de la mise en état. Toutefois, le premier président n’est pas juridiction d’appel du conseiller de la mise en état et, à l’examen des éléments présentés par la demanderesse, aucun élément nouveau quant à sa situation ne permet de caractériser des conséquences excessives à l’exécution de la décision litigieuse. Etant précisé que l’arrêt de l’exécution provisoire ne permet pas une réinscription d’office au rôle de la cour, l’arêt de l’exécution provisoire de la décision litigieuse empêcherait toute poursuite du créancier jusqu’à péremtion éventuelle de l’instance, ce qui constitue de fait une atteinte excessive aux droits de ce dernier.

Il en résulte que Madame [N] [L] doit être déboutée de sa demande d’arrêt d’exécution provisoire présentée le 30 octobre 2023, postérieurement à la radiation prononcée par le conseiller de la mise en état.

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu’en cas de faute démontré de la part de celui qui agit.

En l’espèce, Madame [E] [V] ne justifie pas de l’abus qu’elle allègue et doit donc être déboutée de sa demande à ce titre.

Succombant à la présente instance, Madame [N] [L] sera condamnée à payer à Madame [E] [V] d’une part et les époux [Z] d’autre part, la somme de 1 000 euros chacun ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déboutons Madame [N] [L] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;

Déboutons Madame [E] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamnons Madame [N] [L] à payer à Madame [E] [V] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [N] [L] à payer à Monsieur [K] [Z] et Madame [W] [Z] la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamnons Madame [N] [L] aux entiers dépens.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, Le conseiller,

Inès BELLIN Estelle LAFOND

 


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