Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18286

·

·

Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18286

11 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/18286

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 11 JANVIER 2024

(n° 5, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/18286 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTMJ

Décision déférée à la cour

Jugement du 11 octobre 2022-Juge de l’exécution de Melun-RG n° 21/04017

APPELANTS

Monsieur [N] [B]

[Adresse 3]

[Localité 5]

S.A.R.L. ILE DE FRANCE ASSUR’

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Pierre SEGUIN de la SELARL AAPS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0536

INTIMÉE

S.A.R.L. SOCIETE DE COURTAGE ET DE GESTION D’ASSURANCES (SC GA)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yadhira STOYANOVITCH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0483

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 30 novembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 19 mai 2021, la société de Courtage et de Gestion d’assurances a, le 6 juillet 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution à l’encontre de M. [B], entre les mains de la Bnp Paribas, pour avoir paiement de la somme de 211 163,09 euros. Cette mesure a été dénoncée à M. [B] le 15 juillet 2021.

Saisi de contestations par assignation datée du 16 août 2021, le juge de l’exécution de Melun a selon jugement en date du 11 octobre 2022 :

– débouté les parties de leurs prétentions ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

Pour statuer ainsi, il a relevé :

– que la société de Courtage et de Gestion d’assurances détenait des titres exécutoires, à savoir des décisions de justice ; que selon l’article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, il ne pouvait pas modifier le dispositif de celles-ci ;

– qu’une difficulté existait quant au sens de l’expression ‘y ajoutant’ figurant dans l’arrêt susvisé, la question de savoir si les sommes en cause devaient s’ajouter à celle de 100 000 euros, qui avait fait l’objet d’une condamnation par un précédent arrêt daté du 7 juin 2017, restant en suspens ;

– qu’il ne pouvait pas interpréter cet arrêt sous peine de modifier son dispositif.

Selon déclaration en date du 25 octobre 2022, M. [B] et la SARL Ile de France Assur ont relevé appel de ce jugement. La déclaration d’appel a été signifiée à la partie adverse le 21 novembre 2022.

En leurs conclusions notifiées le 21 novembre 2023, M. [B] et la Sarl Ile de France Assur exposent :

– que le Tribunal de commerce de Créteil, par jugement du 18 novembre 2013, les a condamnés solidairement à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances la somme de 205 000 euros outre les intérêts, et 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– que l’exécution provisoire a été ordonnée sous réserve que la société de Courtage et de Gestion d’assurances produise une caution bancaire ;

– que M. [B] a payé les sommes de 1 011,71 euros et 208 988,29 euros, et en outre, une saisie-attribution a été pratiquée à son encontre pour la somme de 2 179,23 euros ; qu’il a donc payé en tout celle de 212 179,23 euros ; qu’il a bien exécuté le jugement susvisé ;

– que la Cour d’appel de Paris, par arrêt du 7 juin 2017, a infirmé le jugement et les a solidairement condamnés à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances les sommes de 100 000 euros en principal et 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, mais a condamné solidairement la société de Courtage et de Gestion d’assurances et d’autres parties à leur payer la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal ; que la compensation devait jouer ;

– que par arrêt du 10 avril 2019, la Cour de cassation a cassé cet arrêt uniquement du chef de la condamnation au paiement de la somme de 100 000 euros ;

– que la Cour d’appel de Paris, statuant comme cour de renvoi le 19 mai 2021, les a condamnés solidairement à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances la somme principale de 200 000 euros, outre 9 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– qu’à l’occasion de la contestation de la saisie-attribution, la société de Courtage et de Gestion d’assurances a prétendu que les sommes de 200 000 euros et 100 000 euros devaient se cumuler alors qu’il n’en est rien, la Cour d’appel de Paris ayant d’ailleurs rendu un arrêt interprétatif le 9 novembre 2023, selon lequel c’était la seule somme de 200 000 euros qui était due ;

– que l’appel incident de la société de Courtage et de Gestion d’assurances est irrecevable pour avoir, dans ses premières conclusions du 2 janvier 2023, omis de réclamer l’infirmation du jugement dont appel ; que par ailleurs, elle a invoqué une exception de procédure après avoir conclu au fond ;

– que leur propre appel est recevable, la déclaration d’appel comportant l’énonciation des chefs de jugement attaqués ; que par ailleurs, le jugement dont appel ne statuait pas sur la compétence, n’ayant pas désigné de juridiction devant laquelle l’affaire serait renvoyée ; qu’ils n’avaient donc pas à suivre les règles de procédure applicables en cas d’appel d’un jugement statuant uniquement sur la compétence ;

– que pour leur part, ils ont bien intérêt à agir ;

– que postérieurement au prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation, M. [B] était créancier des sommes de 15 000 euros, 1 011,71 euros et 208 988,29 euros 2 179,23 euros outre les intérêts, ainsi que les frais de recouvrement (5 035,57 euros) ; qu’il était en revanche débiteur de celle de 8 000 euros ;

– que lors de la saisie-attribution, il n’était plus redevable que de la somme de 96 099,70 euros (soit 200 000 euros + 9 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, moins 107 864,73 euros, représentant les sommes déjà payées avec les intérêts, moins 5 035,57 euros représentant le frais de récupération des sommes séquestrées).

M. [B] et la SARL Ile de France Assur demandent en conséquence à la Cour de :

– déclarer irrecevable les exceptions de procédure soulevées par les parties adverses ;

– déclarer l’appel incident irrecevable faute par les intimés d’avoir sollicité la réformation du jugement ;

– déclarer irrecevables les exceptions de procédure basées sur l’article 74 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement ;

– dire que la condamnation en principal prononcée à l’encontre de M. [B] s’élève à 200 000 euros ;

– annuler la saisie-attribution ; subsidiairement ordonner sa mainlevée partielle à hauteur de 96 199,06 euros ;

– condamner la société de Courtage et de Gestion d’assurances au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– la condamner au paiement des intérêts légaux sur la somme de 18 812,68 euros depuis le 6 juillet 2021 jusqu’à la mainlevée de la saisie-attribution ;

– condamner la société de Courtage et de Gestion d’assurances au paiement de la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens ;

– ordonner la compensation entre les sommes dues en vertu du présent ‘jugement’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens et leur propre dette.

Dans ses conclusions notifiées le 20 novembre 2023, la société de Courtage et de Gestion d’assurances réplique :

– qu’elle soulève la caducité et l’irrecevabilité de l’appel ;

– qu’en effet le jugement dont appel est une décision statuant sur la compétence et qui n’a pas statué au fond, et les appelants n’ont pas respecté la procédure prévue aux articles 83 et suivants du code de procédure civile ; qu’ils n’ont pas usé de la procédure d’appel à jour fixe et n’ont pas précisé que ce jugement statuait seulement sur la compétence ;

– que les conclusions d’appelants se bornent à solliciter l’infirmation du jugement sans préciser quels en sont les chefs critiqués ; que la déclaration d’appel ne les mentionnait pas non plus ;

– que si le juge de l’exécution et le juge du fond disposent d’un pouvoir concurrent pour interpréter la décision fondant les poursuites, la Cour d’appel de Paris a finalement rendu un arrêt à ce sujet le 9 novembre 2023 ;

– que les causes du jugement se sont élevées à 212 448,52 euros alors que le débiteur n’a réglé que celle de 212 179,23 euros ; que 189,80 euros restaient dus ; que M. [B] et la SARL Ile de France Assur devaient en outre assumer les frais d’exécution ;

– que l’ordonnance du premier président de cette Cour datée du 11 juillet 2014 a condamné les appelants au paiement de deux sommes de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile qui n’ont pas été payées, outre les intérêts ;

– qu’à la suite de l’arrêt du 7 juin 2017, les sommes dues ont été réglées par M. [B] par compensation, mais les appelants restaient redevables d’un trop perçu ;

– que si elle a été condamnée à payer la somme de 15 000 euros, celle-ci a été réglée par voie de saisie-attribution le 9 octobre 2017 ;

– qu’à la suite de l’arrêt du 19 mai 2021, M. [B] et la SARL Ile de France Assur étaient redevables de la somme de 200 000 euros, outre 9 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

– que la somme en application de l’article 700 du code de procédure civile allouée par la Cour de cassation a été réglée ;

– que M. [B] ne peut invoquer utilement aucun préjudice, étant rappelé que c’était lui qui avait détourné la clientèle ; qu’il s’est rendu coupable d’une résistance abusive.

La société de Courtage et de Gestion d’assurances demande en conséquence à la Cour de :

– déclarer l’appel irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ;

– déclarer l’appel irrecevable et prononcer sa caducité ;

– débouter M. [B] et la SARL Ile de France Assur de leurs prétentions ;

– renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution de Melun ;

– condamner M. [B] et la SARL Ile de France Assur à rembourser la somme de 5 631,16 euros (représentant des frais de signification et de recouvrement) avec intérêts au taux légal à dater de son prélèvement ;

– subsidiairement, ordonner une vérification des états de frais des huissiers de justice ;

– condamner solidairement M. [B] et la SARL Ile de France Assur au paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– les condamner solidairement aux dépens de la saisie-attribution ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner solidairement aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par Maître Stoyanovitch.

Par ordonnance en date du 29 juin 2023, le conseiller délégué a dit que les contestations de la société de Courtage et de Gestion d’assurances, de M. [B] et de la Sarl Ile de France Assur, portant sur la procédure, devaient être soumises à la cour.

MOTIFS

En cas d’appel d’une décision sur la compétence, l’appelant doit, conformément aux articles 83 et suivants du code de procédure civile, déposer une requête à fin d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe et préciser dans la déclaration d’appel que le jugement dont appel est une décision statuant sur la compétence. La sanction de ces règles est l’irrecevabilité de l’appel ; il s’agit donc d’une fin de non-recevoir qui, conformément à l’article 123 du code de procédure civile, peut être proposée en tout état de cause. Il importe donc peu que le moyen y relatif n’ait pas été soulevé par la société de Courtage et de Gestion d’assurances dans ses premières conclusions déposées devant la Cour le 2 janvier 2023.

Le jugement dont appel a débouté les parties de leurs prétentions ; il n’a nullement désigné une autre juridiction devant laquelle devait être portée l’affaire. Même si dans sa motivation, il a été relevé que le juge de l’exécution n’avait pas compétence pour interpréter l’arrêt de la Cour d’appel de Paris fondant les poursuites, il ne s’agissait pas d’un jugement statuant sur la compétence mais d’un jugement au fond. Il s’ensuit que les textes susvisés n’étaient pas applicables.

Par ailleurs, les débiteurs ont intérêt à agir en ce qu’ils critiquent la saisie-attribution dont ils ont fait l’objet, dès lors que le juge de l’exécution ne l’a pas annulée ni n’en a ordonné la mainlevée. L’appel principal est donc recevable. La Cour statuera sur le fond dont elle est saisie et il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution de Melun.

Il résulte de la lecture de la déclaration d’appel que les chefs du jugement attaqués sont bien mentionnés. L’effet dévolutif opère en conséquence.

Les demandes à fin de ‘dire et juger’ ou de ‘constater’ présentées par les parties ne sont pas de véritables prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, si bien que la Cour n’a pas à y répondre.

En vertu de l’article 542 du même code, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

Ainsi, dans la procédure d’appel avec représentation obligatoire, les prétentions des parties sont déterminées par leurs écritures régulièrement déposées et signifiées, qui définissent l’objet du litige (article 910-1 du code de procédure civile). En outre, conformément à l’alinéa 3 de l’article 954 du même code, la juridiction n’est saisie que des prétentions reprises dans le dispositif et n’est tenue de répondre qu’aux moyens expressément présentés dans la partie discussion des dernières conclusions et non à des moyens implicitement réitérés ou figurant par erreur dans les autres parties des conclusions. Ces exigences ont été fortement accentuées par le nouvel article 910-4 du code de procédure civile issu du décret du 6 mai 2017, qui impose la concentration des prétentions dès les premières conclusions.

Au cas présent, les appelants sollicitent bien l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ; par contre, il n’est pas demandé au dispositif des dernières conclusions de l’intimée d’infirmer ou d’annuler en tout ou partie le jugement en date du 11 octobre 2022. Il en résulte que la Cour est bien saisie d’un appel principal mais non pas d’un appel incident. Elle ne saurait donc statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par la société de Courtage et de Gestion d’assurances qui avait été rejetée en première instance, ni sur ses contestations portant sur le montant de la saisie-attribution.

La société de Courtage et de Gestion d’assurances demande à la Cour de condamner M. [B] et la SARL Ile de France Assur à lui rembourser la somme de 5 631,16 euros (représentant des frais de signification et de recouvrement). Le juge de l’exécution ne pouvant délivrer de titre exécutoire hors les cas prévus par la loi, cette demande doit être déclarée irrecevable. Celle de M. [B] et la Sarl Ile de France Assur à fin de condamnation de la société de Courtage et de Gestion d’assurances au paiement des intérêts légaux sur la somme de 18 812,68 euros, depuis le 6 juillet 2021 jusqu’à la mainlevée de la saisie-attribution, doit suivre le même sort ; le jugement sera confirmé de ce chef.

La saisie-attribution litigieuse a été régularisée le 6 juillet 2021. Elle était pratiquée en vertu de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 mai 2021 ayant condamné solidairement M. [B] et la Sarl Ile de France Assur à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances la somme de 200 000 euros en principal, et celle de 9 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Le précédent arrêt du 7 juin 2017 a été cassé par la Cour de cassation uniquement en ce qu’il avait condamné solidairement M. [B] et la Sarl Ile de France Assur au paiement de la somme de 100 000 euros. Les autres condamnations prononcées par cet arrêt subsistent, à savoir celle de la société de Courtage et de Gestion d’assurances à payer à M. [B] la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2011, et celle, solidaire, de M. [B] et de la Sarl Ile de France Assur à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Une difficulté est née de la question de savoir si les deux condamnations au paiement des sommes de 200 000 euros et 100 000 euros devaient se cumuler ou non, question que le premier juge a refusé de trancher, alors même que la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît au juge de l’exécution le pouvoir d’interpréter la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites.

Par arrêt en date du 9 novembre 2023, la Cour d’appel de Paris saisie de cette difficulté a dit que le dispositif de l’arrêt du 19 mai 2021 rédigé comme suit : ‘Vu l’arrêt du 7 juin 2017 de la Cour d’appel de Paris, troisième chambre pôle cinq ; vu l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2019 de cassation partielle de l’arrêt précité ; statuant à nouveau et y ajoutant, condamne solidairement M. [B] et la Sarl Ile de France Assur à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances la somme de 200 000 euros’ devait être libellé en ce sens : ‘Vu l’arrêt du 7 juin 2017 de la Cour d’appel de Paris, troisième chambre pôle cinq ; vu l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2019 de cassation partielle de l’arrêt précité ; statuant à nouveau, condamne solidairement M. [B] et la Sarl Ile de France Assur à payer à la société de Courtage et de Gestion d’assurances la somme de 200 000 euros’ . La suppression des mots ‘y ajoutant’ démontre que le principal dû est de 200 000 euros et non pas de 100 000 euros + 200 000 euros. Il a été correctement calculé dans le procès-verbal de saisie-attribution.

Par ailleurs, celle-ci se basant sur l’arrêt de la Cour d’appel de Paris daté du 19 mai 2021, elle ne peut servir de fondement pour réclamer des sommes, telles que des indemnités procédurales, qui ont été allouées à la société de Courtage et de Gestion d’assurances par d’autres juridictions notamment le magistrat délégataire du premier président de cette Cour.

Dans cette saisie-attribution ont donc été réclamées à bon droit la somme de 200 000 euros en principal et celle de 9 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et les frais d’exécution dont il sera rappelé qu’ils sont à la charge du débiteur conformément à l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution. Aucun litige n’existant sur le montant proprement dit de ces frais d’exécution, il n’y a pas lieu d’en ordonner la vérification. Ces frais incluent ceux d’exécution de l’arrêt du 7 juin 2017 qui sera ultérieurement cassé, car les sommes qu’il a allouées à la société de Courtage et de Gestion d’assurances sont d’un montant inférieur à celles qui lui seront finalement accordées par le second arrêt. Ils incluent également les frais d’exécution provisoire du jugement de première instance, dont il sera rappelé que s’il a été infirmé, il prononçait des condamnations de M. [B] et de la Sarl Ile de France Assur en faveur de la société de Courtage et de Gestion d’assurances d’un montant très proche de celles qui seront prononcées par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris statuant après cassation. La somme de 5 035,57 euros dont il sera fait état ci-après n’a donc pas à être restituée à M. [B]. La créancière n’a pas réclamé, dans l’acte de saisie-attribution querellé, la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile qui lui avait été allouée dans le précédent arrêt de la Cour d’appel de Paris, et ne peut le faire dans le cadre de ses conclusions, car en raison de l’effet attributif immédiat, la saisie-attribution ne saurait produire effet à raison de sommes qui n’ont pas été réclamées dans l’acte, fût-ce par erreur ou par oubli.

Il résulte de la lecture d’un décompte de l’huissier de justice qu’au 17 novembre 2017 M. [B] avait réglé la somme de 212 179,23 euros ; il n’existe pas de contestations sur ce point, l’intéressé reconnaissant dans ses écritures avoir payé pareille somme. Mais il s’avère que l’huissier de justice a reversé à la société de Courtage et de Gestion d’assurances seulement celle de 115 758,71 euros, distraction faite de celle de 5 035,57 euros représentant le droit de recouvrement et d’encaissement. Cet acompte, qui est d’un montant proche de celui de la créance, n’est pas pris en compte dans le procès-verbal de saisie-attribution. M. [B] indique dans ses écritures avoir sollicité et obtenu le remboursement de la somme de 120 794,28 euros représentant les acomptes susvisés sous déduction de la dette due à la société de Courtage et de Gestion d’assurances en vertu de l’arrêt du 7 juin 2017 (91 384,97 euros), le courrier de l’huissier de justice adressé au conseil de M. [B] étant versé aux débats. Il faut nécessairement en déduire que la société de Courtage et de Gestion d’assurances a perçu, en définitive, la somme de 91 384,95 euros. De plus, une saisie-attribution ayant été mise en place par la société de Courtage et de Gestion d’assurances à l’encontre de M. [B], ce dernier y a acquiescé à hauteur de 2 179,23 euros le 21 janvier 2015. Ces deux sommes sont à déduire de la dette.

Conformément à l’article 1347-1 du code civil, sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.

La compensation peut intervenir même si le créancier détient un titre exécutoire.

En l’espèce, diverses contre-créances sont alléguées par les appelants, en ce que :

– la société de Courtage et de Gestion d’assurances a été condamnée, solidairement avec d’autres parties, à régler à M. [B] la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2011 ; l’intéressée indique dans ses écritures qu’il en a été tenu compte lorsque la somme de 91 384,97 euros (et non pas celle de 108 280,37 euros) lui a été remise, et que cette somme est ainsi réglée ; dès lors que l’ensemble des comptes sont refaits et que seuls les acomptes effectivement perçus par la société de Courtage et de Gestion d’assurances sont déduits de la dette de M. [B], il faut considérer que cette somme de 15 000 euros n’a pas été réglée par la société de Courtage et de Gestion d’assurances par voie de compensation ; elle doit être déduite des causes de la saisie-attribution, outre les intérêts à dater du 6 novembre 2011 ;

– la somme de 5 035,57 euros susvisée n’a pas à être déduite de la créance de la société de Courtage et de Gestion d’assurances, comme indiqué supra ;

– s’agissant des dépens, M. [B] ne peut utilement soutenir qu’ils viennent en déduction de sa dette, dans la mesure où le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 18 novembre 2013, l’ordonnance du magistrat délégataire du premier président de cette Cour datée du 11 juillet 2014, l’arrêt du 7 juin 2017, celui du 19 mai 2021, et l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2019 ont systématiquement condamné M. [B] et la Sarl Ile de France Assur aux dépens.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] et la Sarl Ile de France Assur de leurs demandes, de ne pas annuler la saisie-attribution car l’indication d’un montant de créance erroné, ou contesté, n’en constitue pas une cause de nullité, mais d’en ordonner la mainlevée partielle, au vu des éléments qui précèdent.

M. [B] et la Sarl Ile de France Assur réclament la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie. Dès lors que les intéressés gardent la qualité de débiteurs, même pour partie, ils ne peuvent pas se plaindre d’un abus de saisie ni d’une faute de la créancière. Le jugement sera confirmé en ce qu’il les a déboutés de ce chef.

La société de Courtage et de Gestion d’assurances demande à la Cour de condamner solidairement M. [B] et la Sarl Ile de France Assur aux frais de saisie. Ceux-ci étant de plein droit à la charge du débiteur en vertu de l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, il est inutile de prononcer de condamnation expresse et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens, et la société de Courtage et de Gestion d’assurances sera condamnée aux dépens de première instance, et d’appel.

La société de Courtage et de Gestion d’assurances sera également condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dès lors que des condamnations sont prononcées par le présent arrêt à l’encontre de la société de Courtage et de Gestion d’assurances, il y a lieu de dire qu’elles se compenseront avec sa créance à l’encontre de M. [B].

PAR CES MOTIFS

– DECLARE l’appel recevable ;

– INFIRME le jugement en date du 11 octobre 2022 en ce qu’il a rejeté les contestations de M. [N] [B] et de la Sarl Ile de France Assur portant sur la saisie-attribution du 6 juillet 2021, et en ce qu’il a partagé les dépens entre les parties ;

et statuant à nouveau :

– ORDONNE la mainlevée partielle de la saisie-attribution du 6 juillet 2021 en fonction des éléments suivants :

* la somme de 200 000 euros est due en principal, outre 9 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

* M. [N] [B] est redevable des dépens antérieurs et frais d’exécution réclamés dans le procès-verbal de saisie-attribution ;

* il est redevable des frais de saisie-attribution qui devront être recalculés par le commissaire de justice ;

* les acomptes s’élèvent à :

¿ 91 384,97 euros, payés le 17 novembre 2017 ;

¿ 2 179,23 euros, payés le 21 janvier 2015 ;

¿ 15 000 avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2011 ;

* le commissaire de justice devra recalculer les intérêts ;

– CONFIRME le jugement pour le surplus ;

y ajoutant :

– DECLARE irrecevable la demande en paiement de la somme de 5 631,16 euros présentée par la société de Courtage et de Gestion d’assurances ;

– CONDAMNE la société de Courtage et de Gestion d’assurances à payer à M. [N] [B] et à la Sarl Ile de France Assur la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la société de Courtage et de Gestion d’assurances aux dépens de première instance et d’appel ;

– DIT que les condamnations prononcées par le présent arrêt à l’encontre de la société de Courtage et de Gestion d’assurances se compenseront avec sa créance à l’encontre de M. [N] [B].

Le greffier, Le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x