Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/09367

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Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/09367

11 janvier 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/09367

N° RG 21/09367 – N° Portalis DBVX-V-B7F-OA26

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 15 novembre 2021

RG : 2020j804

[T] NÉE [R]

C/

S.A.R.L. TAXI AMBULANCE LES HAUTS DU LYONNAIS

E.U.R.L. ASM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Janvier 2024

APPELANTE :

Mme [W] [R] divorcée [T]

née le 09 Avril 1974 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle à hauteur de 55 % numéro 2022/000606 du 03/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

Représentée par Me Christian BIGEARD de la SELARL BIGEARD – BARJON, avocat au barreau de LYON, toque : 1211

INTIMEES :

S.A.R.L. TAXI AMBULANCE LES HAUTS DU LYONNAIS au capital de 10 000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 753 435 403, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.A.R.L. ASM au capital de 12 000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 479 681 181, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentées par Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 350

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 24 Janvier 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 11 Janvier 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Taxi Ambulance Les Hauts du Lyonnais (ci-après « la société Taxi Ambulance ») exerce une activité de transport de personnes.

L’EURL ASM a une activité identique. Son capital social était détenu par Mme [W] [R] (divorcée [T]) pour 599 parts sociales, M. [O] [Z] pour 599 parts sociales et M. [I] [H] pour 2 parts sociales.

Par acte sous-seing privé du 7 juillet 2017, la société Taxi Ambulance a régularisé un compromis de cession de parts, réitéré par acte du 28 août 2017, avec Mme [R], M. [Z] et M. [H] portant sur la société ASM. Le prix provisoire a été fixé à 93.000 euros révisable en fonction de la situation comptable au 31 juillet 2017 établie par le cabinet Fiducial. Il était également convenu la mise en place d’une garantie d’actif et de passif.

Le 4 janvier 2018, la société Fiducial a indiqué à la société Taxi Ambulance qu’elle était dans l’incapacité d’établir la situation comptable dans des conditions de fiabilité suffisantes et satisfaisantes en raison d’irrégularités dans l’arrêté des comptes au 31 décembre 2016.

Par courriers recommandés du 14 mars et du 12 juin 2018, la société Taxi Ambulance a notifié à chacun des cédants les faits susceptibles de mobiliser la garantie d’actif et de passif à hauteur de 38.411,35 euros et les a mis en demeure d’y répondre dans un délai de 15 jours.

Par requête du 12 juin 2018, la société Taxi Ambulance a sollicité du président du tribunal de commerce de Lyon la désignation d’un expert estimateur chargé de fixer le prix définitif. Par ordonnance du 28 juin 2018, le président du tribunal de commerce de Lyon a désigné un tiers-évaluateur. Dans son rapport final du 15 mars 2019, l’expert a valorisé la société ASM à hauteur de 46.927 euros, soit une différence avec le prix provisoire de 46.073 euros.

Le 18 juin 2019, la société Taxi Ambulance a notifié à Mme [R] une demande en paiement de la somme de 38.411,35 euros au titre de la garantie d’actif et de passif et de 9.071,36 euros au titre du trop perçu.

Par ordonnance de référé du 30 octobre 2019, le président du tribunal de commerce de Lyon a condamné Mme [R] à rembourser à la société Taxi Ambulance la somme de 9.071,36 euros au titre du trop-perçu, à lui payer la somme de 4.140 euros au titre des frais et honoraires de l’expert, la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance rectificative d’erreur matérielle du 16 décembre 2019, il a été rajouté la somme de 542,41 euros au titre des frais d’huissier et de greffe. Mme [R] a interjeté appel.

Le 6 janvier 2020, une saisie-attribution a été effectuée sur les comptes de Mme [R] à hauteur de 4.786,61 euros.

Par acte d’huissier du 30 juillet 2020, les sociétés Taxi Ambulance et ASM ont assigné Mme [R] devant le tribunal de commerce de Lyon afin d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 38.411,35 euros au titre de la garantie d’actif et de passif.

Par jugement contradictoire du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

– rejeté la demande de désignation d’un expert-comptable présentée par Mme [R] sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile,

– jugé que la garantie d’actif et de passif prévue dans le contrat de cession de parts conclu entre les associés de la société ASM et la société Taxi Ambulance trouve matière à s’appliquer,

– condamné Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 38.411, 35 euros au titre de la garantie d’actif et de passif,

– rejeté la demande présentée par la société Taxi Ambulance sur le fondement du dol et l’a débouté de sa demande de paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamné Mme [R] à payer à la société ASM la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi en raison des fautes de gestion, à charge de recours contre son ancien co-gérant,

– condamné Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 2.500 euros pour résistance abusive,

– condamné Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [R] aux entiers dépens de l’instance.

Mme [R] a interjeté appel par acte du 30 décembre 2021.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 avril 2022 fondées sur les articles 1103 et suivants du code civil, Mme [R] demande à la cour de :

– juger recevable son appel formé à l’encontre de la décision déférée,

– la juger recevable et fondé en ses dires, conclusions et fins,

à titre principal,

– infirmer la décision déférée,

– juger qu’elle n’a nullement admis de façon implicite la validité de l’application de la garantie d’actif et de passif aux termes de sa correspondance datée du 16 juin 2018,

– juger que la somme de 38.411,35 euros, réclamée par la gérance actuelle des sociétés ASM et Taxi Ambulance au titre de la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif telle que prévue au sein de l’acte définitif de cession des 1.200 parts sociales composant le capital social de la société ASM, correspond à des dettes soit existantes soit courantes lors de ladite cession des 1.200 parts sociales que les trois anciens associés de la société ASM étaient détenteurs et dont avait été informée la gérance actuelle des sociétés ASM et Taxi Ambulance,

– de ce qui précède, juger que la clause de garantie d’actif et de passif insérée au sein de l’acte définitif de cession des 1.200 parts sociales composant le capital social de la société ASM ne lui est donc pas applicable,

à titre subsidiaire,

– en vue d’éclairer la cour d’appel de Lyon, notamment sur l’applicabilité ou non de la clause contractuelle de la garantie d’actif et de passif à son encontre et de l’autre ancien co-gérant de la société ASM, sur l’état de cessation des paiements de la société ASM lors de la signature en date du 31 juillet 2017 de la convention définitive de la cession des 1.200 parts sociales de la société ASM ainsi que sur l’existence ou non de fautes de gestion intentionnelles et caractérisée de sa part, désigner un expert judiciaire inscrit près la cour d’appel de Lyon (à savoir : un expert-comptable) sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile,

– condamner le représentant légal actuel des sociétés Taxi Ambulance et ASM à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le représentant légal actuel des sociétés Taxi Ambulance et ASM aux entiers dépens de la présente instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 juin 2022 fondées sur les articles 1103, 1104, 1137 et 1240 du code civil, la société Taxi Ambulance et la société ASM demande à la cour de :

– constater que la seule prétention élevée par Mme [R] au titre du dispositif de ses conclusions d’appelante est constituée par sa demande d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, cependant mal fondée,

– débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et moyens,

– confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a :

rejeté la demande de désignation d’un expert-comptable présentée par Mme [R] sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile,

jugé que la garantie d’actif et de passif prévue dans le contrat de cession de parts conclu par elles,

condamné Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance somme de 38.411,35 euros au titre de la garantie d’actif et de passif,

condamné Mme [R] à payer à la société ASM la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi en raison de ses fautes de gestion, à charge de recours contre son ancien cogérant,

condamné Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 2.500 euros pour résistance abusive,

condamné Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [R] aux entiers dépens de l’instance,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande présentée par la société Taxi Ambulance sur le fondement du dol, et l’a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

faisant droit à l’appel incident et statuant à nouveau de ce chef,

– dire que Mme [R] a manqué à son obligation d’information et de loyauté et a commis un dol à la fois positif mais également par réticence en communiquant des informations bilancielles inexactes et insincères ainsi qu’en dissimulant des informations de nature à influer le consentement de la société Taxi Ambulance,

– condamner en conséquence Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des man’uvres dolosives, à charge de recours contre ses anciens associés,

ajoutant au jugement entrepris,

– condamner Mme [R] à payer aux sociétés Taxi Ambulance et ASM la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [R] aux dépens d’appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2023, les débats étant fixés au 15 novembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’office de la cour d’appel

La société Taxi Ambulance et la société ASM font valoir à titre liminaire que :

– le dispositif des conclusions de l’appelante est peu conforme aux prescriptions du code de procédure civile ; le dispositif contient notamment des demandes de ‘dire et juger’ qui sont assimilées à des rappels de moyens sur lesquels la cour ne peut statuer,

– s’agissant de la garantie d’actif et de passif, l’appelante ne demande pas que les intimées soient déboutées de leurs demandes ; par conséquent, le jugement doit être nécessairement confirmé,

– l’appelante ne formule aucune prétention s’agissant de ses condamnations au titre des fautes de gestion commise, de l’abus d’agir en justice et de l’article 700 du code de procédure civile ; le jugement doit être nécessairement confirmé sur ces points,

– la sollicitation par l’appelante d’une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des ‘dépens de la présente instance’ est dirigée contre le ‘représentant légal’ des sociétés intimées ; or, il est tiers à l’instance ; la demande est donc irrecevable,

– en tout état de cause, aucune demande n’est faite au titre des dépens de première instance,

– la seule demande de l’appelante susceptible d’être examinée par la cour est la demande de désignation d’un expert.

Mme [R] ne fait pas valoir de moyen à ce titre.

Sur ce,

Selon l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Il résulte de ce texte qu’il appartient au juge de restituer aux conclusions des parties leur véritable portée juridique. Ainsi, les ‘demandes’ tendant à voir ‘constater’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 précité et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des ‘demandes’ tendant à voir ‘dire et juger’ lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

En l’espèce, si Mme [R] forme, dans le dispositif de ses conclusions, plusieurs ‘demandes’ de ‘dire et juger’ qui constituent en réalité des moyens, elle sollicite néanmoins, à titre principal, l’infirmation du jugement et qu’il soit jugé que la clause de garantie d’actif et de passif ne lui est pas applicable. En d’autres termes, Mme [R] demande à la cour d’infirmer le jugement et de rejeter la demande en paiement de société Taxi Ambulance au titre de la garantie d’actif et de passif. Le dispositif des conclusions de l’appelante contient donc bien une prétention qui saisit la cour, et non uniquement des moyens.

La demande d’expertise n’est formée par Mme [R] qu’à titre subsidiaire, de sorte qu’elle ne sera examinée que si sa demande principale ne prospère pas.

Sur la garantie d’actif et de passif

Mme [R] conteste l’application de la garantie d’actif et de passif à son encontre. Elle fait valoir que :

– l’acte définitif de cession des 1.200 parts sociales de la société ASM conclu en date du 28 juillet 2017, comprenant la garantie d’actif et de passif, a été valablement formé,

– la clause de garantie de passif est claire et sans aucune ambiguïté,

– les allégations des intimées à son encontre sont non fondées, voire diffamatoires,

– les registres obligatoires étaient en possession du cabinet d’expertise comptable de la société ASM avant la cession ; le registre unique du personnel était à jour avant la cession,

– la société ASM n’a jamais été en cessation des paiements ; elle a toujours respecté le maximum de découvert autorisé auprès de sa banque ; jusqu’à la signature de l’acte de cession définitif, ni la gérance de la société ASM ni aucun créancier n’avaient demandé au bénéfice de celle-ci l’ouverture d’une procédure collective de redressement ou liquidation judiciaire,

– les comptes annuels 2015 et 2016 n’étaient pas inexacts ; le cessionnaire ne fait que procéder par affirmation sans produire de preuve comptable,

– elle reconnaît qu’elle n’a pas effectué cinq déclarations de taxe sur la valeur ajoutée durant l’exercice 2017 ; les déclarations fiscales et sociales étaient effectuées par le cabinet d’expertise comptable de la société ASM,

– avant la signature de l’acte définitif de cession, elle avait un retard de six mois maximum de cotisations sociales impayées ; aucun organisme social n’a saisi le tribunal de commerce en vue de demander l’ouverture d’une procédure collective au bénéfice de la société ASM,

– préalablement à la signature de l’acte définitif de cession, le cabinet d’expertise comptable de la société avait effectué un nettoyage du compte ‘clients’ avec constitution de provisions ; l’appelante l’avait informé de certaines incohérences ou anomalies au sein des compte annuels établis par le cabinet d’expertise comptable précédent ; une réunion de travail a été organisée après la cession en présence de l’expert comptable qui avait en charge les comptes de la société avant la cession,

– le cessionnaire avait été mis au courant de la procédure de licenciement à l’encontre de M. [M] [J] ; l’allégation contraire des intimées est infondée,

– elle n’a jamais été destinataire en date du 18 juin 2019 d’une sommation d’exécuter ses obligations au titre de la garantie d’actif et de passif ainsi que du complément de prix,

– ensuite de la requête en date du 12 juin 2018 en vue de la désignation d’un expert-estimateur en charge de fixer le prix définitif de la cession, elle n’a jamais été convoquée par le Président du tribunal de commerce de Lyon ; elle n’a jamais accepté la réclamation formulée en première instance par les intimées, notamment relative à la mise en jeu de la clause de garantie d’actif et de passif.

Les sociétés Taxi Ambulance et ASM répliquent que :

– le compromis de cession incluait une clause de garantie d’actif et de passif stipulant que chaque cédant garantit solidairement l’exactitude et le caractère complet d’un certain nombre de déclarations relatives aux caractéristiques de la société ASM, à son activité, son actif et passif, à son personnel, ses baux ainsi qu’à l’absence de changements négatifs et s’oblige, en conséquence, à indemniser intégralement le cessionnaire de toute perte, dommage ou préjudice que ce dernier et/ou la société ASM pourrait subir en raison de l’inexactitude de l’une quelconque des déclarations ou de l’omission d’informations significatives concernant la société ASM ; cette clause est claire et sans ambiguïté,

– contrairement aux déclarations des cédants, la société ASM se trouvait en cessation des paiement à la date d’entrée en jouissance du cessionnaire ; la société ASM n’était pas à jour des approbations et dépôts de ses comptes sociaux ; les comptes étaient inexacts et il était impossible d’établir l’ampleur de ces inexactitudes ; en l’absence de provision constituée apparaissant dans les comptes sociaux, le cessionnaire faisait toutes réserves ; concernant le passif de la société, le cessionnaire a été rendu destinataire de diverses réclamations de créanciers après la cession ; les déclarations obligatoires de la TVA n’avaient pas été effectuées ; les registres obligatoires relatifs au personnel n’ont pas été communiqués ; les obligations de déclarations sociales n’avaient pas été respectées ; une procédure judiciaire de licenciement était en cours avec M. [J],

– les déclarations inexactes des cédants portent a minima sur le montant de 38.411,35 euros,

– l’appelante reconnaît expressément dans ses conclusions que plusieurs de ses déclarations étaient inexactes,

– le cessionnaire, entendant se prévaloir de la garantie d’actif et de passif, a régulièrement observé les modalités de notification prévues par le contrat,

– en réponse à la notification, l’appelante a accepté la réclamation et la demande d’indemnisation formulée par le cessionnaire,

– l’appelante est tenue en application de la clause de garantie d’actif et de passif de toutes les dettes nées après la cession dont l’origine est antérieure ; la somme de ces dettes de cotisations sociales, taxation d’office et d’indemnité de licenciement est de 38.411,35 euros.

Sur ce,

Le contrat de cession de parts enregistré le 28 août 2017 prévoit, en son article 4, une garantie d’actif et de passif renvoyant aux mentions figurant dans le compromis de cession de parts signé le 7 juillet 2017.

Aux termes de cet acte, en son article 6.2, chaque cédant garantit l’exactitude et le caractère complet de toutes les déclarations mentionnées [à l’article 6.1] et s’oblige, en conséquence, à indemniser intégralement le cessionnaire de toute perte, dommage ou préjudice que celui-ci et/ou la société pourrait subir en raison de l’inexactitude de l’une quelconque de ces déclarations ou de l’omission d’informations significatives concernant la société.

Aux termes de l’article 6.1, les cédants formaient diverses déclarations relatives aux caractéristiques de la société, à son activité, à son actif et à son passif, à son personnel, aux baux en cours, et enfin à la conduite habituelle de ses affaires.

Ainsi, les cédants déclaraient que les sommes inscrites aux différents comptes de passif du bilan clos au 31 décembre 2016 et de la situation arrêtée au 31 juillet 2017 comprennent l’intégralité des sommes dues par elle à ses fournisseurs pour leur montant exact y compris les dettes de nature fiscales ou sociales, et qu’à la date du compromis, tous les impôts et les cotisations sociales ou de retraites exigibles ou dus par la société ont été intégralement payés ou les provisions adéquates ont été constituées. Ils déclaraient également qu’il n’existe aucun litige judiciaire, ni même de réclamation de la part d’un des membres actuel ou ancien du personnel.

Or, la société Taxi Ambulance produit une lettre de la société AG2R La Mondiale en date du 4 septembre 2017 faisant état d’un arriéré de cotisations au titre des premier et deuxième trimestres de l’année 2017, pour un montant total de 4.755,51 euros, les prélèvements ayant été rejetés en raison d’un défaut de provision du compte.

Cette somme relève donc de la garantie de passif, conformément aux dispositions contractuelles précitées.

La société Taxi Ambulance justifie également d’une contrainte délivrée par l’Urssaf pour un montant de 9.286,20 euros dont 8.450 euros en principal au titre d’un arriéré de cotisations patronales dues en août et septembre 2016, et en avril et mai 2017, dont le paiement avait été rejeté par la banque. Cette somme relève donc de la garantie d’actif et de passif.

La société Taxi Ambulance produit encore une mise en demeure de payer en date du 30 novembre 2017 émanant de la Direction générale des finances publiques, portant sur la somme de 8.574 euros au titre de la TVA due pour la période de janvier à juillet 2017, cette somme relevant, là encore, de la garantie de passif.

Enfin, il résulte de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Lyon rendue le 16 août 2017, que M. [J], salarié de la société ASM, a été licencié le 17 mars 2017 et n’avait reçu aucune indemnité de licenciement malgré différentes relance et assignation. A la date de la cession des parts de la société ASM, les cédants avaient donc connaissance de la réclamation, par le salarié licencié, du paiement de son indemnité de licenciement.

Par cette ordonnance de référé, la société ASM a été condamnée à payer à M. [J] la somme de 11.472,04 euros. Conformément aux dispositions contractuelles, cette somme relève également de la garantie de passif.

En conséquence, et sans qu’il y ait lieu de répondre aux plus amples moyens formés par Mme [R], rendus inopérants par la motivation qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu’il la condamne à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 38.411,35 euros au titre de la garantie de passif, en application de l’acte de cession de parts.

Sur la désignation d’un expert judiciaire

Mme [R] fait valoir à titre subsidiaire qu’elle sollicite la désignation d’un expert comptable en tant qu’expert judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile afin d’éclairer la cour sur l’applicabilité ou non de la clause contractuelle de garantie d’actif et de passif à son encontre, sur l’état de cessation des paiements de la société à la date de la cession des parts, sur l’existence de fautes de gestion intentionnelles et caractérisées de sa part.

La société Taxi Ambulance et la société ASM font valoir que :

– cette demande est inutile car l’appelante a expressément reconnu que l’acte de cession comprenant la garantie d’actif et de passif était parfaitement valable,

– la condamnation sollicitée de l’appelante n’est que la mise en oeuvre du contrat ; il n’y a donc ni intérêt légitime, ni litige à venir, conditions posées par l’article 145 du code de procédure civile ; la demande d’expertise doit être rejetée.

Sur ce,

L’article 145 du code de procédure civile n’est pas applicable une fois le procès au fond engagé, comme en l’espèce.

De plus, comme l’ont indiqué chacune des parties dans leurs écritures, la clause de garantie d’actif et de passif est claire et sans ambiguïté. La condamnation de Mme [R] à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 38.411,35 euros au titre de cette garantie de passif résulte de la stricte application des dispositions contractuelles. Ainsi, la cour n’a nullement besoin de recourir à un expert, et certainement pas pour ‘éclairer la cour sur l’applicabilité ou non de la clause’ alors qu’il ne saurait être demandé à celui-ci de porter des appréciations juridiques.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il rejette la demande d’expertise formée par Mme [R].

Sur l’indemnisation des fautes de gestion

La société Taxi Ambulance sollicite la confirmation du chef du jugement ayant condamné Mme [R] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice résultant des fautes de gestion.

Mme [R] ne forme aucun moyen contre ce chef du jugement.

C’est par de justes motifs que la cour adopte, que la condamnation de Mme [R] de ce chef sera confirmée.

Sur le dol invoqué par la société cessionnaire

Les sociétés Taxi Ambulance et ASM font valoir que :

– les cédants avaient, compte tenu des dates et de leur multiplicité, nécessairement connaissance des inexactitudes de leurs déclarations, démontrant manifestement qu’ils ont usé de manoeuvre dolosives afin de volontairement tromper le cessionnaire,

– la communication en toute connaissance de cause de bilans erronés constitue un comportement dolosif justifiant réparation,

– l’écart entre le bilan présenté et la réalité est de près de 40.000 euros, soit la moitié du prix de cession ; s’il l’avait su, le cessionnaire n’aurait pas acquis les parts, ou en tout cas pas à ce prix ; son consentement a été vicié,

– l’appelante a induit le cessionnaire en erreur sur la réalité de la société ASM en dissimulant l’ampleur des dettes de la société,

– l’appelante a manqué à son obligation d’information et de loyauté en dissimulant les manquements aux obligations comptables, fiscales et sociales, ce qui a nécessairement accru l’insécurité juridique du cessionnaire, lui causant un préjudice,

– le préjudice subi peut être évalué à la somme forfaitaire de 20.000 euros,

– pour mémoire bien qu’aucune demande ne soit faite en ce sens par l’appelante, la société ASM a subi un préjudice de trouble dans l’exploitation causé par les agissements fautifs et frauduleux de la gérance avant la cession, justifiant la condamnation de l’appelante pour 20.000 euros de dommages et intérêts.

Mme [R] fait valoir que :

– les observations du cabinet d’expertise comptable de la société avant la cession n’avaient pas été dissimulées au cessionnaire ; elle n’a eu aucun comportement dolosif à l’encontre du dirigeant de la société Taxi Ambulance lors de la négociation de la cession ; elle n’a commis ni d’agissement fautif et frauduleux quant aux obligations légales et réglementaires en matière comptable, financière et juridique, ni de fautes de gestion intentionnelles et caractérisées, ni de comportement déloyal et frauduleux ayant entraîné des difficultés financières pour la société ASM,

– elle a été absente pour raison de santé de février 2017 à mai 2017 ; pendant cette période, l’autre gérant de la société ASM n’a pas assuré la gestion courante de cette dernière, perturbant son bon fonctionnement,

– elle est dans l’incapacité de pouvoir répondre aux allégations des intimées sur les comptes annuels de la société, ayant été contrainte en novembre 2017 par le gérant actuel des intimées de remettre les clés des locaux, un ordinateur et l’ensemble des documents comptables de la société.

Sur ce,

Selon l’article 1137 du code civil, dans sa version applicable au litige, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

La société Taxi Ambulance ne produit aucun élément antérieur au compromis pouvant établir l’existence de manoeuvres dolosives. Elle ne justifie pas non plus des démarches qu’elle a pu faire pour connaître la situation de la société dont elle envisageait d’acquérir la totalité des parts.

A considérer que les seules déclarations figurant dans l’acte de compromis, en particulier à l’article 6.1, constituent des manoeuvres dolosives imputables à Mme [R], au sens de l’article 1137 précité, il s’avère toutefois qu’aucun préjudice pouvant en résulter n’est établi par la société Taxi Ambulance.

En effet, Mme [R] est condamnée au paiement de diverses dettes de la société ASM, au titre de la garantie de passif qu’elle doit au cessionnaire. De plus, il résulte d’une ordonnance de référé du 30 octobre 2019, que le prix de cession devait être ramené à la somme de 46.927 euros au vu du rapport d’expertise judiciaire et que, compte tenu de la restitution des sommes séquestrées à l’acquéreur, Mme [R] a été condamnée à payer à la société Taxi Ambulance la somme complémentaire de 9.071,36 euros.

Il en résulte que la société Taxi Ambulance a payé le prix des parts sociales tel qu’évalué par l’expert dont elle avait sollicité la désignation, et qu’elle est indemnisée des dettes non mentionnées lors de l’acte de cession.

Dès lors qu’elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice non réparé et résultant du dol invoqué, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.

Sur la résistance abusive

Ce chef du jugement, bien que dévolu à la cour, ne fait l’objet d’aucun moyen par l’appelante.

C’est par de justes motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu l’abus de Mme [R] s’opposant systématiquement à tout paiement de sommes pourtant dues par la seule mise en oeuvre des engagements contractuels qu’elle avait consentis. Le jugement sera donc confirmé de ce chef également.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme [R] succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à la société Taxi Ambulance la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Dit que la cour est valablement saisie de prétentions par l’appelante, tendant au rejet de la demande en paiement et, subsidiairement, à l’organisation d’une mesure d’expertise ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] aux dépens d’appel ;

Condamne Mme [R] à payer aux sociétés Taxi Ambulance Les Hauts du Lyonnais et ASM une indemnité globale de deux mille euros (2.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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