Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Caen RG n° 23/01789

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Saisie-attribution : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Caen RG n° 23/01789

11 janvier 2024
Cour d’appel de Caen
RG n°
23/01789

AFFAIRE : N° RG 23/01789 –

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de FLERS en date du 30 Juin 2023

RG n° 11-23-0002

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 JANVIER 2024

APPELANTS :

Monsieur [S] [B] [R]

né le 10 Octobre 1959 à [Localité 27]

Chez Mme [E] [O]

[Adresse 3]

[Localité 16] (MARTINIQUE)

assisté de Me Marianne BARRY, avocat au barreau d’ARGENTAN

Madame [F] [H] [W] épouse [R]

née le 29 Mai 1961 à [Localité 28]

Chez Mme [E] [O]

[Adresse 3]

[Localité 16] (MARTINIQUE)

Représentés par Me Marianne BARRY, avocat au barreau d’ARGENTAN

(aide juridictionnelle provisoire accordée aux époux [R] par arrêt de ce jour)

INTIMEES :

S.C.P. MOUTAUX-PETITJEAN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

FLOA

Chez [18] [Adresse 19]

[Adresse 19]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

Non comparantes ni représentées, bien que régulièrement convoquées

[17]

Chez [18] SERVICES

[Adresse 19]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Diane BESSON, avocat au barreau de CAEN

[29]

Chez [21] [Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 12]

prise en la personne de son représentant légal

Non comparante ni représentée, bien que régulièrement convoquée

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Monsieur [P] [V]

né le 19 Novembre 1990 à [Localité 22]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Madame [K] [V]

née le 12 Septembre 1971 à [Localité 25]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Madame [I] [V]

née le 01 Juillet 1956 à [Localité 22]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Madame [X] [T]

née le 27 Novembre 1949 à [Localité 22]

[Adresse 24]

[Localité 14]

Madame [Y] [V]

née le 19 Juin 1946 à [Localité 26]

[Adresse 5]

[Localité 13]

Monsieur [L] [V]

né le 27 Septembre 1992 à [Localité 22]

[Adresse 23]

[Localité 11]

Représentés par la SCP GIROT-LE BRAS-BONO-LETOURNEUX, avocats au barreau d’ARGENTAN

DEBATS : A l’audience publique du 13 novembre 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 11 janvier 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par déclaration du 1er août 2022, M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] ont saisi la commission de surendettement des particuliers de l’Orne d’une demande de traitement de leur situation de surendettement, sollicitant le bénéfice du dispositif prévu par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation.

Par décision du 20 septembre 2022, la commission de surendettement a déclaré leur demande recevable, puis, constatant la situation irrémédiablement compromise des débiteurs, a imposé, dans sa séance du 22 novembre 2022, une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

La SCP Moutaux-Petitjean, représentant Mme [K] [V] (venant aux droits et obligations de M. [N] [V]), Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V] (consorts [V]), bailleurs des débiteurs, ont contesté cette mesure.

Par jugement réputé contradictoire du 30 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Flers a :

– accordé l’aide juridictionnelle provisoire à M. [S] [R] et Mme [F] [W] ;

– déclaré recevable en la forme le recours de la SCP Moutaux-Petitjean représentant Mme [K] [V] (venant aux droits et obligations de M. [N] [V]), Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V] ;

– dit que le recours formé par la SCP Moutaux-Petitjean représentant Mme [K] [V] (venant aux droits et obligations de M. [N] [V]), Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V] est bien fondé ;

– constaté la mauvaise foi de M. [S] [R] et Mme [F] [W] dans le cadre de la présente procédure ;

– déclaré M. [S] [R] et Mme [F] [W] irrecevables au bénéfice de la présente procédure ;

– dit n’y avoir lieu à dépens.

Le jugement a été notifié aux débiteurs et aux créanciers par lettres recommandées, dont les avis de réception ont été signés par M. [S] [R] le 7 juillet 2023 et par Mme [F] [R] le 6 juillet 2023.

Par courrier électronique en date du 21 juillet 2023 adressée au greffe de la cour, les époux [R] ont relevé appel de ce jugement.

A l’audience du 13 novembre 2023, M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R], sont représentés par leur conseil, qui soutient oralement ses conclusions écrites du 9 novembre 2023, demandant à la cour de :

– Accorder à M. [S] [R] et à Mme [F] [W] épouse [R] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a:

* dit que le recours formé par la SCP Moutaux-Petitjean représentant Mme [K] [V] (venant aux droits et obligations de M. [N] [V]), Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V] est bien fondé ;

* constaté leur mauvaise foi ;

* les a déclarés irrecevables au bénéfice de la présente procédure ;

– Débouter la SCP Moutaux-Petitjean représentant Mme [K] [V] (venant aux droits et obligations de M. [N] [V]), Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V] du recours formé,

– Dire et juger que M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] sont de bonne foi dans le cadre de la présente procédure,

– Déclarer M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] recevables au bénéfice de la présente procédure de surendettement,

– Dire et juger que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

– Autoriser Me Marianne Barry à poursuivre directement le recouvrement des frais dont elle aura fait l’avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions, les appelants font principalement valoir :

– qu’en matière de surendettement la mauvaise foi des débiteurs ne se présume pas et doit être démontrée, et qu’elle se caractérise par la volonté soit d’aggraver sa situation de surendettement, soit de dissimuler un élément de son actif ou de son passif;

– qu’en l’espèce la mauvaise foi des débiteurs ne peut résulter de leur départ hors métropole sans en informer la commission de surendettement dans la mesure où ils sont originaires de Martinique et que leur déménagement a été motivé par des difficultés de logement en métropole après la fin de leur contrat de bail avec les consorts [V] et par l’absence de perspective professionnelle, étant précisé par ailleurs qu’ils sont restés informés de la procédure de surendettement ;

– que les créanciers ne rapportent pas la preuve de la dissimulation par les débiteurs de l’existence de leur actif au moment du dépôt de leur demande de surendettement, qu’en outre que le premier juge a caractérisé leur mauvaise foi sur des affirmations non démontrées étant précisé qu’il est impossible de prouver qu’on n’est pas propriétaire d’un bien immobilier ;

– ils actualisent leur situation financière et patrimoniale, indiquant être hébergés à titre gratuit par la famille et n’avoir hérité aucun bien.

La [17], est représentée par son conseil, qui soutient oralement ses conclusions écrites, sollicitant à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que le recours formé par la SCP Moutaux-Petitjean représentant Mme [K] [V] (venant aux droits et obligations de M. [N] [V]), Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V] est bien fondé ;

* constaté la mauvaise foi de M. [S] [R] et Mme [F] [W] dans le cadre de la présente procédure ;

* déclaré M. [S] [R] et Mme [F] [W] irrecevables au bénéfice de la présente procédure,

– Débouter M. [S] [R] et Mme [F] [W] de leur appel, fins et conclusions,

– Fixer tant que besoin, sa créance à la somme de 13.001,20 euros s’agissant du crédit renouvelable n°15489 04857 000946909 05,

– Condamner solidairement M. [S] [R] et Mme [F] [W] au paiement d’une indemnité de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions tendant à voir déclarer la mauvaise foi des débiteurs et l’irrecevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement, la banque fait valoir :

– que M. [R], qui a indiqué aux consorts [V] qu’il était propriétaire d’un bien immobilier situé en Guadeloupe suite au décès de sa mère, s’abstient toujours de verser au débat les documents relatifs à cette succession qui permettraient de s’assurer de l’existence et de la dévolution des biens immobiliers ;

– que les débiteurs ne justifient pas de leurs revenus et de leur situation actuelle, produisant aux débats des justificatifs trop anciens ou des documents illisibles ;

– actualise sa créance à hauteur de 13.001,20 euros.

Les consorts [V], bailleurs des débiteurs, sont représentés par leur conseil qui soutient oralement ses conclusions écrites, demandant à la cour de :

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

– Débouter M. [S] [R] et Mme [F] [W] de leur appel, de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

Y ajoutant,

– Condamner M. [S] [R] et Mme [F] [W] à leur payer une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [S] [R] et Mme [F] [W] aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions tendant à voir déclarer la mauvaise foi des débiteurs et de voir prononcer leur irrecevabilité au bénéfice de la procédure de surendettement, les consorts [V] font valoir :

– le contexte de la saisine de la commission, exposant que le seul but de la procédure de surendettement était de faire échouer la procédure de saisie-attribution pratiquée par les consorts [V] sur les comptes de M. [R] pour une somme de 8.000 euros, à la suite d’un jugement rendu le 11 mai 2022 par le tribunal de proximité de Flers ayant condamné les débiteurs au paiement d’un arriéré de loyer conséquent ;

– que les débiteurs ont quitté la métropole pour la Martinique, sans en informer la commission de surendettement et le juge ;

– les affirmations des débiteurs ayant déclaré être propriétaires d’un bien immobilier, dont ils contestent actuellement l’existence ;

– que les débiteurs ne justifient pas de leur situation actualisée, produisant aux débats des justificatifs trop anciens.

Par lettre simple reçue au greffe de la cour le 2 octobre 2023, la société [20] informe la cour de son absence à l’audience et déclare s’en remettre à justice.

Les intimés, régulièrement convoqués par lettres recommandées dont les accusés de réception ont été retournés signés, ne comparaissent pas et ne sont pas représentés.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel

Selon les dispositions de l’article R.713-7 du code de la consommation, le délai d’appel, lorsque cette voie de recours est ouverte, est de quinze jours. Celui-ci est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire prévue aux articles 931 à 949 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 643 du code de procédure civile énonce lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l’hypothèse prévue à l’article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de : 1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (…).

Le jugement rendu le 30 juin 2023 par le tribunal de proximité de Flers a été notifié à M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] par lettre recommandée à l’adresse indiquée par les intéressés, située à [Localité 16] en Martinique [Localité 16], les accusés de réception portant les dates des 6 et 7 juillet 2023.

Les époux [R] ont relevé appel de cette décision par courrier électronique du 21 juillet 2023 adressé au greffe de la cour d’appel, soit dans les délais prévus aux articles R.713-7 du code de la consommation et 643 du code de procédure civile.

Leur appel doit, dès lors, être déclaré recevable.

Sur la bonne foi

Aux termes de l’article L. 711-1 du code de la consommation le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi qui se trouvent dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Il résulte de ces dispositions que la bonne foi du débiteur constitue une condition nécessaire pour bénéficier de la procédure de surendettement.

Il est constant que la bonne foi est présumée et qu’il appartient à celui qui la conteste de renverser cette présomption, la simple imprévoyance ou négligence étant des comportements insuffisants pour la caractériser.

Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent être en rapport direct avec la situation de surendettement ; la mauvaise foi peut être liée au comportement du débiteur antérieurement à sa situation de surendettement ou à son comportement au moment de l’ouverture ou du déroulement de la procédure de désendettement.

Enfin, le juge doit apprécier la bonne foi au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue.

En l’espèce, les époux [R] reprochent au premier juge d’avoir retenu leur mauvaise foi, se fondant sur des affirmations non démontrées relatives à la prétendue dissimulation d’un actif patrimonial immobilier au moment du dépôt de leur demande de surendettement. Ils expliquent par ailleurs que leur mauvaise foi ne peut résulter de leur départ de métropole.

Il ressort des pièces figurant au dossier de la procédure, qui ne sont pas contestées par les débiteurs, que préalablement au dépôt de leur demande de surendettement le 1er août 2022, à l’occasion d’un échange par courriel avec leur bailleur du 29 septembre 2020, les époux [R] ont indiqué partir à la retraite et ont fait valoir l’existence d’un actif immobilier, en employant les termes suivants ‘Je pars en retraite dans quatre à 5 ans comme je te l’avais dit nous avons une maison en Guadeloupe 2000 m² de terrain et une surface d’habitation importante que ma mère avait fait construire mais malheureusement elle est décédée. Mon épouse et moi même nous allons passer notre retraite dans cette maison (…)’. Cet échange entre les parties est intervenu à la suite du courriel adressé par les bailleurs demandant des précisions quant à l’emploi de M. [R] et aux modalités de paiement de sa dette locative.

Or, ces affirmations contenues dans un courriel échangé entre les parties dans un contexte destiné à faciliter l’obtention des délais de paiement des arriérés de loyer impayés, ne suffisent pas, en l’absence de toute autre pièce justificative, à rapporter la preuve de l’existence d’un bien immobilier à l’actif des débiteurs, que ceux-ci auraient dissimulé lors de leur demande de surendettement.

En effet, aucune mention d’un bien immobilier ne figure ni dans le formulaire cerfa, ni dans les échanges avec la commission.

L’extrait de l’acte de décès de la mère de M. [R], Mme [A] [M], dont le décès est intervenu à [Localité 25] en avril 1989 n’est pas de nature à apporter des éclaircissements sur la situation de sa succession.

Enfin, les consorts [V], sur lesquels pèse la charge de la preuve de la mauvaise foi des débiteurs, ne produisent aucune autre pièce permettant de démontrer que les époux [R] auraient délibérément omis de déclarer l’existence d’un bien immobilier devant la commission.

S’agissant du déménagement des époux [R], que les consorts [V] leur reprochent, il convient de relever que le fait d’avoir quitté la métropole, même sans en avoir préalablement averti la commission, n’est pas de nature à caractériser, à lui seul, la mauvaise foi des débiteurs, d’autant que ces derniers ont actualisé leur adresse et que les différentes lettres recommandées portant notification du jugement entrepris ou convocation aux audiences les ont valablement touchés.

Enfin, le contexte de la saisine de la commission le 1er août 2022, postérieurement à la procédure de saisie-attribution pratiquée le 1er juillet 2022 par les consorts [V] sur les comptes de M. [R] pour une somme de 8.000 euros, à la suite d’un jugement rendu le 11 mai 2022 par le tribunal de proximité de Flers condamnant les débiteurs au paiement d’un arriéré de loyer, ne permet pas de caractériser leur mauvaise foi.

En effet, au vu de la situation financière précaire des débiteurs, dont les ressources mensuelles s’établissent à un montant mensuel de 1.110,63 euros selon avis d’imposition établi en 2023 pour les revenus perçus au cours de l’année 2022, et compte tenu de leur état d’endettement s’élevant à une somme de 76.770,98 euros, les débiteurs apparaissent dans l’impossibilité de faire face à leur passif avec l’actif disponible.

Si le dépôt de la déclaration de surendettement entraîne la suspension des mesures d’exécution portant sur les biens des débiteurs, il convient de relever qu’en application de l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, la saisie-attribution pratiquée le 1er juillet 2022 a emporté attribution immédiate au profit du saisissant, en l’espèce les consorts [V], de la créance saisie.

Il s’ensuit que les éléments produits par les consorts [V], sur lesquels pèse la charge de la preuve de la mauvaise foi des débiteurs, sont insuffisants à renverser la présomption de la bonne foi dont bénéficient les époux [R] dans le cadre de la présente procédure.

Aucun élément ne permet de retenir que les débiteurs se sont endettés en prenant consciemment le risque de ne pas pouvoir exécuter leurs engagements, avec la volonté de ne pas les exécuter ou en essayant d’organiser leur insolvabilité en instrumentalisant la procédure de surendettement, ce qui au sens de l’article L.711-1 du code de la consommation caractérise la mauvaise foi.

Il s’ensuit que la bonne foi des époux [R] dans le cadre de la présente procédure de surendettement doit être considérée comme établie.

Dès lors, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté la mauvaise foi des débiteurs, et de dire que la bonne foi de M. [R] et Mme [R] est établie et de les considérer recevables au bénéfice du dispositif prévu par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation.

Sur le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire

Selon l’article L. 741-1 du code de la consommation si l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation irrémédiablement compromise définie au deuxième alinéa de l’article L. 724-1 et ne possède que des biens mentionnés au 1° du même article L. 724-1, la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Aux termes de l’article L. 724-1 du code de la consommation, lorsqu’il ressort de l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l’actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en ‘uvre des mesures de traitement mentionnées au premier alinéa, la commission peut, dans les conditions du présent livre:

1° Soit imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale;

2° Soit saisir, si elle constate que le débiteur n’est pas dans la situation mentionnée au 1°, avec l’accord du débiteur, le juge des contentieux de la protection aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

Lorsqu’il est saisi aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel, le juge doit vérifier que le débiteur remplit les deux conditions suivantes : le caractère irrémédiablement compromis de sa situation et sa bonne foi.

En l’espèce, la bonne foi des époux [R] doit être considérée établie.

L’état d’endettement des débiteurs n’est pas discuté.

Le montant total du passif déclaré à la procédure de surendettement des époux [R] sera fixé à une somme de 76.770,98 euros, composée :

– d’une dette locative envers les consorts [V] s’élevant à 58.921,45 euros, montant qui n’est pas contesté,

– d’une dette sur charges courantes d’un montant de 2.017,47 euros,

– d’une dette sur crédit à la consommation envers la [17], qui au vu du montant actualisé par le créancier, sera fixée à la somme de 13.001,20 euros,

– d’une dette envers [20] d’un montant de 2.831,04 euros.

S’agissant de la situation financière des débiteurs, il ressort de l’avis d’imposition établi en 2023 pour les revenus perçus en 2022, que le revenu fiscal de référence des époux [R] s’élève à un montant annuel de 13.327 euros, soit une somme mensuelle de 1.110,63 euros, principalement constituée des indemnités versées par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) à M. [R].

Mme [R] ne justifie pas d’une activité salariée au cours des années 2022 et 2023.

En application de l’article R. 731-1 du code de la consommation, la part des ressources mensuelles des débiteurs à affecter à l’apurement des dettes est calculée par référence au barème prévu à l’article R. 3252-2 du code du travail, de manière à ce qu’une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité.

Ainsi, la part des ressources mensuelles des époux [R] à affecter théoriquement à l’apurement des dettes en application du barème de saisie des rémunérations serait de 116,66 euros.

Toutefois, le juge comme la commission doivent toujours rechercher la capacité réelle de remboursement du débiteur eu égard à ses charges particulières.

En l’espèce, la situation professionnelle et personnelle des débiteurs a évolué par rapport à celle retenue par la commission de surendettement dans l’état descriptif établi le 21 décembre 2022.

M. [R] se trouve en arrêt maladie et perçoit des indemnités versées par la Caisse d’assurance maladie. Si le débiteur indique qu’il se trouve en ‘arrêt longue maladie’, il ne verse aux débats aucun justificatif au soutien de ces allégations.

Les débiteurs sont mariés et n’ont pas de personne à charge.

S’agissant de leur situation locative, les débiteurs déclarent être hébergés à titre gratuit par un parent proche, la soeur de M. [R].

Au vu de ces éléments, il y a lieu d’évaluer les charges exposées par les débiteurs conformément au barème commun actualisé appliqué par la Banque de France, en prenant en compte uniquement le forfait de base pour deux personnes, soit une somme de 816 euros, les débiteurs ne faisant pas état d’autres charges mensuelles.

Il en résulte une capacité contributive à hauteur de 294 euros, montant supérieur au maximum légal de remboursement de 116 euros.

Dès lors, il y a lieu de fixer la capacité de remboursement des époux [R] à la somme de 116 euros, ce montant permettant d’envisager la mise en place d’un plan d’apurement pérenne du passif déclaré à la procédure des débiteurs.

Le patrimoine des débiteurs n’est composé que de biens meublants ou de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés compte tenu de leur valeur vénale.

Il y a lieu de relever en outre que les époux [R] ne rapportent pas la preuve d’une évolution défavorable de leur situation financière à court ou à moyen terme, leur départ du métropole entraînant une diminution des charges mensuelles exposées, la capacité contributive dégagée permettant d’apurer, même partiellement, leur passif.

Enfin, il est constant que les époux [R] n’ont jusqu’ici bénéficié d’aucune mesure de suspension d’exigibilité des créances.

En considération de l’ensemble de ces éléments, il apparaît qu’une mesure de rééchelonnement des créances, le cas échéant, combinée à une mesure d’effacement partiel, peut être recommandée en application de l’article L. 733-1 du code de la consommation.

Dès lors, la situation financière des époux [R] n’apparaît pas comme irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 724-1 1° du code de la consommation.

En conséquence, il convient d’infirmer les mesures préconisées, de dire n’y avoir lieu au prononcé d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et de renvoyer le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Calvados, conformément aux dispositions de l’article L. 741-6 dernier paragraphe du code de la consommation, pour poursuite de la procédure de surendettement.

Sur les demandes accessoires

Le litige s’inscrivant dans le cadre d’une procédure de surendettement, les dépens seront laissés à la charge du Trésor public et il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de leurs frais irrépétibles.

Les époux [R] seront déboutés de leur demande tendant à autoriser Me Marianne Barry à poursuivre directement le recouvrement des frais dont elle aura fait l’avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [V] et la [17] seront déboutés de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition des parties au greffe,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R],

Accorde à M. [S] [R] et à Mme [F] [W] épouse [R] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire,

Infirme le jugement rendu le 30 juin 2023 par le tribunal de proximité de Flers dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées par M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R],

Dit que la mauvaise foi de M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] dans le cadre de leur procédure de surendettement n’est pas établie,

Dit que M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] sont recevables au bénéfice du dispositif prévu par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation,

Fixe, après vérification et pour les besoins de la procédure de surendettement de M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] :

– la créance n°154890485700094690905 de la [17] à la somme de 13.001,02 euros,

Fixe les autres créances déclarées à la procédure de M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] aux mêmes montants que ceux retenus par la commission de surendettement,

Fixe le montant total du passif de M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] à la somme de 76.770,98 euros, sous réserve des paiements éventuellement intervenus en cours de procédure,

Juge que M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] ne se trouvent pas dans une situation irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 724-1 1° du code de la consommation et ne sont pas fondés à bénéficier d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,

Renvoie le dossier de M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] à la commission de surendettement des particuliers de l’Orne pour prendre les mesures qui s’imposent en application des articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 du code de la consommation,

Déboute M. [S] [R] et Mme [F] [W] épouse [R] de leur demande sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute Mme [K] [V], venant aux droits et obligations de M. [N] [V], Mme [Y] [V] épouse [Z], Mme [X] [V] épouse [T], Mme [I] [V], M. [P] [V] et M. [L] [V], de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la [17] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit que les dépens sont laissés à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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