Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 23/10650

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Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 23/10650

1 février 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
23/10650

MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 23/10650 – N° Portalis DBW3-W-B7H-37EC
AFFAIRE : [D] [E] / S.A.S. EOS FRANCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 01 FEVRIER 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Mme BENHARKAT, Juge

GREFFIER : Madame DELMAS, F.F Greffier lors des débats
Madame KELLER, Greffier lors du prononcé

DEMANDEUR

Monsieur [D] [E]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 4] (74),
demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Hedi SAHRAOUI de la SARL SUDAIX, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE

S.A.S. EOS FRANCE (anciennement EOS CREDIREC),
venant aux droits de la société DIAC
dont le siège social est sis [Adresse 3]
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Véronique SPITALIER, avocat au barreau de MARSEILLE

NATURE DE LA DECISION : Contradcitoire

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 14 Décembre 2023 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon l’ordonnance d’injonction de payer en date du 3 décembre 2001, le Président du tribunal d’instance de PRIVAS a enjoint à [D] [E] de payer à la société DIAC la somme de 9 048,72 euros avec intérêts au taux de 11,38 % à compter du 11 juin 2001.

Cette décision a été signifiée le 12 décembre 2001 à mairie. En l’absence d’opposition, l’ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire le 17 janvier 2002.

Par acte des 8 mars 2004, 6 juin 2008 et 10 décembre 2009, la société DIAC a pratiqué des saisies attributions infructueuses.

Par acte du 4 mars 2010, un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié à [D] [E] selon acte remis à personne.

Suivant acte de cession de créances en date du 31 janvier 2013, la société DIAC a cédé à la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) sa créance sur [D] [E].

Le 31 décembre 2019, la cession de créance et un commandement de payer aux fins de saisie vente ont été signifiés à [D] [E] selon acte déposé en étude.

Selon procès-verbal de saisie-attribution en date du 6 septembre 2023 agissant en vertu de la décision susvisée, la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) a procédé à la saisie-attribution entre les mains de la BANQUE POSTALE de toutes les sommes dont le tiers-saisi était personnellement tenu envers [D] [E] pour la somme de 2 213,31 euros.

Ce procès-verbal lui a été dénoncé par acte signifié le 12 septembre 2023 selon procès-verbal de recherches infructueuses.

Selon acte de commissaire de justice en date du 10 octobre 2023 Monsieur [E] a fait assigner la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de MARSEILLE à fin de :
Declarer caduque la saisie-attribution en date du 6 septembre 2023;
Ordonner la mainlevee de la saisie-attribution du 6 septembre 2023;
Declarer nul le commandement aux fins de saisie-vente en date du 31 décembre 2019;
Declarer prescrit le titre exécutoire en date du 3 décembre 2001;
Ordonner la mainlevee de la saisie-attribution du 6 septembre 2023;
Declarer nulle la saisie-attribution en date du 6 septembre 2023 en ce qu’elle a été diligentée par une personne qui ne justifie pas de sa qualité de créancier;
Ordonner la mainlevee de la saisie-attribution du 6 septembre 2023;
En tout état de cause,
Condamner la société EOS FRANCE à indemniser Monsieur [E] de son préjudice à hauteur d’un montant de 3.000 euros;
Condamner la société EOS FRANCE à indemniser Monsieur [E] de son préjudice moral résultant de la saisie-attribution du 6 septembre 2023, à hauteur d’un montant de 1.000 euros.
Condamner la société EOS FRANCE à payer à Monsieur [E] [D] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 précité et aux dépens.

Par conclusions communiquées par RPVA le 14 décembre 2023, [D] [E] fait valoir que l’acte délivré le 13 septembre 2023 de procès-verbal de recherches infructueuses était nul puisque l’huissier de justice n’avait pas réalisé les diligences nécessaires pour lui signifier l’acte à sa personne sachant qu’il se trouvait à son domicile étant en arrêt de travail, que son nom figure sur la boite aux lettres et sur l’interphone, qu’au surplus, avant de dresser un procès verbal 659, il aurait dû le rechercher sur son lieu de travail, ce qui n’apparait pas sur le procès verbal qui est nul et la saisie attribution caduque. Il avance que la dénonce ne précise pas l’organe de direction de la société EOS FRANCE qui, étant une SAS, doit être le président de la société, que cette mention erronée encourt la nullité, qu’il établit un grief car il n’est pas valablement informé par l’acte de poursuite. Il soutient que le titre excéutoire est prescrit et que les paiements volontaires effectués qu’il a effectué ne sont pas interruptifs de prescription car la cession de créance en faveur D’EOS FRANCE ne lui avait pas encore était notifiée et qu’il n’a pas pris acte de cette cession. Il sollicite l’indemnisation de son préjudice matériel et moral en raison du blocage de son compte bancaire qui lui a généré des frais supplémentaires sur des factures d’honoraires médicaux qu’il n’a pu honorer et un préjudice d’anxiété celui-ci étant déjà malade.

En défense par conclusions communiquées par RPVA le 14 décembre 2023, la société EOS FRANCE a sollicité le rejet des demandes adverses. Elle fait valoir qu’elle justifie bien d’un titre exécutoire valide à l’encontre de [D] [E] car ce dernier s’est vu signifier à personne un commandement de payer le 4 mars 2010, qu’il n’a pas formé opposition, qu’il a pris acte de la cession de créance par des paiements directs entre les mains de la société EOS FRANCE. Elle soutient que le titre exécutoire n’est pas prescrit car les paiements effectués en 2014 sont interruptifs de prescription, que même si ces paiements n’étaient pas pris en compte, un commandement à fin de saisie vente et la cession de créance lui ont été signifiés le 31 décembre 2019 et sont interruptifs de prescription. Elle ajoute que la dénonce est valable et maintient que l’acte d’huissier fait foi jusqu’à preuve contraire, ce que n’apporte pas le demandeur, que celui-ci a reçu la dénonce et qu’il ne justifie pas de grief. La société EOS FRANCE rejette l’existence d’une nullité de forme liée à l’absence de mention du nom du président de la SAS. Elle prétend qu’il n’est pas le seul à pouvoir agir au nom et pour le compte de la société tel que l’énonce leur statut, que celle-ci était identifiable par son nom, son RCS et qu’aucun grief n’est établi. Elle sollicite le rejet des demandes de dommages et intérêts du demandeur au motif qu’il n’établit pas de faute de sa part, ni d’un préjudice. Elle demande l’attribution de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 précité.

A l’audience du 14 décembre 2023, les parties ont soutenu le bénéfice de leurs écritures.

L’affaire a été mise en délibéré au 1er février 2024.

MOTIFS

Sur la qualification de la décision :

En l’espèce, toutes les parties ont comparu. La présente décision sera donc contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Par ailleurs la présente décision est rendue en premier ressort.

Sur la recevabilité de la contestation :

En vertu de l’article R 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier qui a procédé à la saisie. L’auteur de la contestation en informe en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l’assignation, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. 

En l’espèce, [D] [E] a saisi la présente juridiction de sa contestation dans le mois à compter de la dénonciation de la saisie-attribution litigieuse.

Les dispositions du texte précité ont donc été respectées de sorte que la contestation est jugée recevable.

Sur la nullité de la saisie attribution 6 septembre 2023:

Il est constant que la violation des conditions requises par la loi pour la validité des actes de procédures et, notamment, des règles de forme exigées pour la signification des actes de procédure est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte.

Selon l’article 114 du code de procédure civile « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public et, dans tous les cas, à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité alléguée ».

L’article 654 du même code exige que les actes soient signifiés à personne afin de préserver leur droit de la défense et d’assurer le respect du principe du contradictoire.

L’article 659 du code de procédure civile dispose “lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accompli pour rechercher le destinataire de l’acte ».
Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par LRAR, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification”.

En l’espèce, la saisie attribution a été signifiée à [D] [E] par procès-verbal de recherches infructueuses à l’adresse suivante : [Adresse 1]. L’huissier de justice a mentionné que “sur place, il a été constaté que le nom du débiteur ne figurait pas sur la boîte aux lettres ni sur le tableau des occupants. Personne n’a répondu à mes appels et je n’airencontré personne pour me renseigner utilement. Pourtant il s’agit de sa dernière adresse connue confirmée par le fichier central des comptes banacaires le 03.01.2023.et que toutes les autres diligences sont restées infructueuses”. Il ajoute que cette adresse correspond à celle d’une signification d’une cession de créance et d’un commandement de payer délivré à étude le 31 décembre 2019. A son retour à l’étude, il a recherché l’interéssé sur les pages blanches, jaunes, sites généralistes et réseaux sociaux, en vain.

Il est produit la lettre RAR envoyée à la même adresse qui a été réceptionné par le demandeur.

Les dispositions précitées prévoient qu’en cas d’impossibilité de remise à personne l’acte doit être signifié à domicile et à défaut de domicile connu.

En l’espèce, la signification a été faite à la dernière adresse connue du demandeur au 3 janvier 2023, il est fait état dans le procès verbal de signification que la boite aux lettres et l’interphone ne portent pas mention du nom du destinantaire. L’huissier a développé les recherches accomplies qui apparaissent suffisantes. De surcroit, [D] [E] a été touché par l’acte envoyé par mettre recommandée.

La saisie attribution n’est donc entachée d’aucune nullité.

Sur le défaut de mention de l’organe de direction correct dans l’acte de saisie attribution:

Aux termes de l’article L.227-6 alinéa 3 du code de commerce, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

En l’espèce, la société EOS FRANCE produit un extrait des statuts permetttant au Directeur général de représenter la société. Ce dernier a donc pouvoir pour représenter la société en justice.

Dans ces conditions, ce moyen de nullité sera rejeté.

Sur la prescription du titre exécutoire :

La demande est formée en vertu d’une l’ordonnance d’injonction de payer en date du 3 décembre 2001 signifiée le 12 décembre 2001 puis revêtue de la formule exécutoire le 17 janvier 2002.

Depuis la loi du 17 juin 2008 ayant modifié le régime de la prescription, l’exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant 10 ans.

En effet, l’article L111-4 du code de procédures civiles d’exécution dispose « l’exécution des titres exécutoires mentionnés au 1° et 3° de l’article L111-3 ne peuvent être poursuivie que pendant 10 ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».

Toutefois, l’article 26 de ladite loi a prévu des dispositions transitoires selon lesquelles la loi du 17 juin 2008 s’applique immédiatement aux prescriptions en cours, mais il est nécessaire de distinguer selon que la prescription concernée est allongée ou réduite par la loi nouvelle.
Ainsi, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l’espèce, l’exécution du titre pouvait donc être poursuivie jusqu’au 19 juin 2018.

En délivrant le 4 mars 2010, un commandement de payer aux fins de saisie-vente et le 31 décembre 2019, la cession de créance et un commandement de payer aux fins de saisie vente prenant en compte les versements du demandeur et les frais d’huissier, la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) a interrompu la prescription. Un nouveau délai de 10 ans a alors recommencé à courir.

Dès lors, le 6 septembre 2023, le créancier poursuivant disposait bien d’un titre exécutoire valide lui permettant de faire pratiquer la saisie-attribution litigieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Aux termes de l’article L111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, toutefois l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. 
Aux termes des dispositions de l’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
En l’espèce, la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) a pu justifier d’une créance liquide et exigible à l’encontre de [D] [E] fondée sur un titre exécutoire lui ayant été préalablement régulièrement signifié.
[D] [E] ne rapporte pas la preuve d’un quelconque abus commis par le créancier poursuivant à l’occasion de la saisie attribution litigieuse. Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
[D] [E] succombant, supportera les dépens de la procédure, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
[D] [E] tenu aux dépens, sera condamné à payer à la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à 1000 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.
Sur l’exécution provisoire :
En vertu de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution, la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,

Déclare la contestation de Monsieur [D] [E] recevable ;

Valide la saisie-attribution pratiquée à la requête de la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) entre les mains de la SOCIETE GENERALE selon procès-verbal du 6 septembre 2023 pour la somme de 12 592,10 euros;

Dit que le tiers saisi paiera le créancier, conformément aux dispositions de l’article R211-13 du code des procédures civiles d’exécution, après notification aux parties de la présente décision, sur présentation de celle-ci ;

Déboute Monsieur [D] [E] du surplus de ses demandes ;
Condamne Monsieur [D] [E] à payer à la société EOS FRANCE (ex EOS CREDIREC) la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [D] [E] aux dépens de la procédure ;
Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  
Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution

 


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