Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 23/06129

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Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 23/06129

1 février 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
23/06129

MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 23/06129 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3NPJ
AFFAIRE : [U], [L], [O] [I] épouse [S] / S.E.L.A.R.L. DELORET – [W]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 01 FEVRIER 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Mme BENHARKAT, Juge

GREFFIER : Madame DELMAS, F.F. Greffier lors des débats
Madame KELLER, Greffier lors du prononcé

DEMANDERESSE

Madame [U], [L], [O] [I] épouse [S]
née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 7] (13),
demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Cécile LEGOUT de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSES

S.E.L.A.R.L. DELORET – [W]
prise en la personne de Maître [D] [W], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la Société SBDF, sus-désignée, en vertu d’un jugement de conversion en liquidation judiciaire rendu par le Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN le 04 avril 2023,
dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Eliette SANGUINETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [G] [P] veuve [K] [J]
née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Eliette SANGUINETTI, avocat au barreau de MARSEILLE

NATURE DE LA DECISION : Contradictoire

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 14 Décembre 2023 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 17 juin 1981, [X] [E] veuve [A] aux droits de laquelle vient [F] [E], a consenti à Monsieur [R] un bail emphytéotique d’une durée de 26 ans sur un terrain composé de plusieurs parcelles, situé sur la commune de [Localité 6]. Ce bail a conclu à usage de création et exploitation d’un camping-caravaning, village de chalets de vacances, terrains de sport, piscines et attractions diverses dénommé « [Adresse 8]».

Par acte du 11 août 1982, auquel est intervenue [F] [E], Monsieur [R] a cédé ce bail, pour une partie de terrain, à [V] [K] [J], aux droits duquel est venue [G] [P] veuve [K] [J], la durée étant prorogée à soixante ans à compter du 1er juillet 1982.

A compter du 1er janvier 2010, [G] [P] veuve [K] [J] a donné en location gérance à la société SBDF (société dont elle est également la présidente) l’exploitation du domaine « [Adresse 8] » sis au sein des locaux objets dudit bail.

Aux termes d’un acte authentique en date du 26 juin 2003, [V] [K] [J] a consenti à [U] [S] un bail au titre d’une parcelle de terrain n° [Cadastre 2] située sur le Domaine « [Adresse 8] » pour l’implantation d’une habitation légère de loisirs.
[G] [P] est son bailleur et la SASU SBDF locataire-gérant exploitant. Au titre de ce bail, [U] [S] doit verser une redevance à [G] [P] et à la SASU SBDF.

Par acte d’huissier en date du 23 novembre 2012, [F] [E] a assigné [G] [P] aux fins, notamment, de voir prononcer la résiliation du bail emphytéotique dont il s’agit.

Par jugement en date du 5 mars 2017, le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a rejeté la demande de résiliation du bail.

Par arrêt en date du 17 janvier 2019, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a infirmé le jugement rendu le 5 mars 2017 et a prononcé la résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982.

A la suite de l’arrêt d’appel, [G] [P] n’était plus titulaire de droits tirés du bail emphytéotique et la société SBDF a cessé toute exploitation du bien mis en location gérance.

[U] [S] et d’autres locataires du parc se sont constitués en une association de l’amicale du parc ayant pour objet de s’occuper de l’entretien, la gestion du parc au lieu et place de la société SDBF.

Aux termes d’un arrêt en date du 3 décembre 2020, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant prononcé la résiliation du bail emphytéotique conclu entre [F] [E] et [G] [P], a remis les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et a renvoyé devant la cour d’appel de Lyon.

En conséquence de cet arrêt, [G] [P] et la société SBDF ont été replacées rétroactivement dans leurs droits.

Par acte du 8 avril 2021, la société SBDF a fait délivrer à [U] [S] un commandement de payer visant une clause résolutoire.

Aux termes d’un arrêt du 22 septembre 2022 statuant après cassation, la Cour d’Appel de LYON a prononcé la résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982 consenti par [F] [E] et a ordonné l’expulsion de [G] [P] des lieux loués.

Aux termes d’un jugement du Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN du 6 décembre 2022, la Société SBDF a été placée en redressement judiciaire.

Aux termes d’un jugement du Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN du 4 avril 2023, le redressement a été converti en liquidation judiciaire.

Par acte en date du 14 avril 2023, la société SBDF et [G] [P] ont entendu pratiquer entre les mains de la Banque EDMOND ROTHSCHILD France une saisie attribution à l’encontre de [U] [S] à hauteur de la somme de 23 314.66 € pour non paiement de sa redevance au titre des années 2020 et 2021.

Selon exploits en date du 17 mai 2023, [U] [S] a assigné la société SBDF, représentée par Maître [W], es qualité de liquidateur judiciaire et [G] [P] devant la juridiction de céans aux fins de voir, au principal, annuler la saisie-attribution du 14 avril 2023 et en ordonner la mainlevée, à titre subsidiaire prononcer un sursis à statuer, à titre subsidiaire lui accorder une échelonnement de paiement sur douze mois. En tout état de cause, il estd emandé de condamner in solidum la Société SBDF et [G] [P] au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour saisie abusive outre 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d’huissier exposés à l’occasion de la saisie attribution du 14 avril 2023.

Par conclusions communiquées par RPVA le 18 octobre 2023, [U] [S] fait valoir qu’à la suite de l’arrêt du 17 janvier 2019 de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, la société SBDF s’étant désintéressée de la gestion du parc, elle a dû souscrire au travers de l’amicale du parc des contrats de fourniture d’électricité et d’eau. Elle expliquait qu’à l’issue de la procédure en cassation en 2021, elle sollicitait la société SBDF, rétablie dans ses droits, afin que celle-ci reprenne à sa charges les contrats d’approvisionnement souscrits mais qu’elle n’a reçu pour seule réponse que la demande de règlement du loyer de l’année 2019 alors que la société de gestion n’a pas livré ses prestations. Elle contestait devoir ce loyer suivant le principe de l’exception d’inexécution. Elle ajoutait avoir saisi le président du tribunal de DRAGUIGNAN en référé pour que la société SBDF reprenne les contrats d’approvisionnement, ce à quoi ce dernier a fait droit mais que la société lui a délivré un commandement de payer et à pratiquer une saisie attribution malgré sa défaillance dans la délivrance de ses prestations.

En défense par conclusions communiquées par RPVA le 13 décembre 2023, la société SBDF fait valoir qu’après mise en demeure restée vaine de régler les redevances au titre des années 2020 et 2021, elle n’a eu d’autres choix que de pratiquer une saisie attribution sur les comptes de la demanderesse. Elle sollicite le rejet des prétentions adverses et la condamnation de [U] [S] à la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens

A l’audience du 14 décembre 2023, les parties ont soutenu le bénéfice de leurs écritures.

L’affaire a été mise en délibéré au 1er février 2024.

MOTIFS

Sur la qualification de la décision :
En l’espèce, toutes les parties ont comparu. La présente décision sera donc contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Par ailleurs la présente décision est rendue en premier ressort.

Sur la nullité de la saisie attribution :

Selon l’article 114 du code de procédure civile « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public et, dans tous les cas, à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité alléguée ».

C’est à la partie qui invoque la nullité de l’acte de procédure pour vice de forme de préciser et de prouver le grief qu’elle estime avoir subi du fait de l’irrégularité. Il lui appartient donc de démontrer, non seulement l’existence d’un grief, mais également l’existence d’un lien de causalité entre ce grief et l’irrégularité.

Enfin, l’irrégularité de l’acte doit porter nécessairement atteinte aux droits du destinataire qui a été ainsi privé de la possibilité d’en prendre connaissance et de diligenter les mesures utiles pour exercer les droits et obligations en découlant.

Il est de jurisprudence constante que l’erreur dans la désignation de l’organe représentant légalement une personne morale ne constitue qu’un simple vice de forme.

Sur le défaut de qualité et de pouvoir de la société SBDF
[U] [S] avance que la défenderesse n’a pas la qualité pour agir car étant en liquidation judiciaire, seul le liquidateur avait pouvoir pour pratiquer la saisie attibution.

Elle soutient que le liquidateur n’est pas le seul à pouvoir soulever une nulité mais par arrêt du 13 novembre 2013 (n°13-11921- 12-28572), l’acte accompli par le débiteur déssaisit encourt la nullité.

Elle ajoute que cette nullité ne peut être régularisée, la saisie attribution emportant transfert des sommes saisies.

Or, il apparait au vu de l’arrêt du 2 mars 2022 que seul le liquidateur judiciaire peut se prévaloir de l’inopposabilité d’une saisie.

[U] [S] sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur le défaut de qualité et de pouvoir de [G] [P]:
[U] [S] fait valoir que [G] [P] n’a pas la qualité pour agir car elle ne dispose pas de titre exécutoire, la société SBDF étant le locataite gérant.

En l’espèce, il apparait que [G] [P] a conservé la qualité de propriétaire du titre exécutoire lui permettant de pratiquer une saisie conservatoire.

De surcroit, [U] [S] n’allègue ni ne démontre le moindre grief.

Dès lors, cette dernière échouant dans la charge de la preuve qui lui incombe, l’exception de nullité soulevée sera rejetée.
Sur les nullités de forme:
[U] [S] fait valoir que les adresses des créanciers figurant sur l’acte de saisie attribution sont erronnées et qu’il n’y a pas de décompte distinct des sommes dues.

Or, aux termes des articles R. 211-1 et R. 211-3 du code de procédure civile d’exécution l’adresse du créancier n’est pas sollicitée à peine nullité et [U] [S] n’allègue ni ne démontre le moindre grief.

De surcroit, la présente instance a permis de régulariser l’acte précité.

Concernant, le décompte des sommes dues, seul un titre de créance est visée par l’acte de saisie attribution, même s’il concerne deux créanciers.

Dans ces conditions, il n’y a lieu à séparer la créance par créancier.

Dans ces conditions, les exceptions de nullité seront rejetées.

Sur l’existence d’une créance liquide et exigible:

Aux termes de l’article 1728 du Code civil dans sa version antérieure a l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le preneur est tenu de deux obligations principales:
1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

[U] [S] soutient que la créance n’est pas liquide et exigible au soutient de l’exception d’inexécution, considérent que les défedeurs n’ont pas délivré leur propres prestations.

Or, il échet de constater que si une instance est en cours concernant le sort des obligations dues par les débiteurs, [U] [S] n’a pas été totalement empêchée dans l’exécution du contrat de bail.

Dans ces conditions, il convient de retenir l’existence d’une créance liquide et exigible.

Elle sera déboutée de sa demande de nullité à ce titre.

Sur la demande de délais :

Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Pour justifier de sa demande de délai, [U] [S] soutient que les défendeurs n’ont sollicté le paiement de leur créance après le rendu de l’arrêt de la cour de cassation en décembre 2020. Elle ne justifie pas de besoins la concernant au sens de l’article précité pouvant justifier une demande de délai.

Dans ces conditions, [U] [S] sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour abus de saisie :

Aux termes de l’article L111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, toutefois l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. 

Aux termes des dispositions de l’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, les défendeurs ont pu justifier d’une créance liquide et exigible à l’encontre de [U] [S] fondée sur un titre exécutoire lui ayant été préalablement régulièrement signifié.

[U] [S] ne rapporte pas la preuve d’un abus commis par les créanciers poursuivant à l’occasion de la saisie attribution litigieuse.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

[U] [S] succombant supportera les dépens de la procédure, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

[U] [S] tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Maître [D] [W] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SBDF et à [G] [P] une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à 2000 euros au titre des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour la présente procédure.

Sur l’exécution provisoire :

En vertu de l’article R131-4 du code des procédures civiles d’exécution, la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision.

PAR CES MOTIFS,
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,
Rejette les exceptions de nullité de la saisie-attribution pratiquée le 14 avril 2023 soulevées par [U] [S] ;
Déclare les demandes de Maître [D] [W] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SBDF et [G] [P] veuve [K] [J], recevables ;
Déboute [U] [S] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne [U] [S] payer à Maître [D] [W] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SBDF et à [G] [P] veuve [K] [J], la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [U] [S] aux dépens de la procédure ;
Rejette tous autres chefs de demandes ;
Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  
Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution

 


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