Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/04566

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Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/04566

1 février 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/04566

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2024

N° RG 23/04566 – N° Portalis DBV3-V-B7H-V63W

AFFAIRE :

[P] [O]

C/

S.A.S. EG LABO LABORATOIRES EUROGENERIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juin 2023 par le Juge de l’exécution de Nanterre

N° RG : 23/01142

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 01.02.2024

à :

Me Morgane FRANCESCHI, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [P] [O]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Philippe RENAUD de la SCP SCP D’AVOCATS RENAUD ROUSTAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0139 – Représentant : Me Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570 – N° du dossier 120536

APPELANT

****************

S.A.S. EG LABO – LABORATOIRES EUROGENERICS

N° Siret : 408 518 785 (RCS Nanterre)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20230412 – Représentant : Me Frédérique CASSEREAU de la SELARL HOCHE SOCIETE D AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0077

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement rendu le 7 juillet 2022, notifié par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 8 septembre 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, statuant sur la contestation par M. [O] de son licenciement, intervenu le 11 juillet 2019, a condamné la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics à lui payer 200 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 9 novembre 2022, la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics a réglé à son ancien salarié une somme de 179 178,68 euros.

Le 6 décembre 2022, agissant en vertu du jugement susvisé, M. [O] a fait procéder à une saisie attribution des comptes bancaires de la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics, entre les mains de la société LCL, pour avoir paiement d’une somme de 26 886,82 euros, en principal intérêts et frais, représentant, pour le principal, un solde de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La saisie, partiellement fructueuse, a été dénoncée à la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics le 6 décembre 2022.

Par acte du 5 janvier 2023, la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en contestation de cette mesure d’exécution forcée.

Par jugement contradictoire rendu le 22 juin 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 2 décembre 2022, au visa d’un jugement du 7 juillet 2022 du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, par M. [O] à l’encontre de la société EG Laboratoires Eurogenerics, sur ses comptes bancaires ouverts auprès de la banque LCL, pour un montant total de 26 888,82 euros,

dit que les frais de cette saisie-attribution sont à la charge de M. [O],

rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

condamné M. [O] à payer à la société EG Laboratoires Eurogenerics la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [O] aux dépens,

rappelé que [sa] décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Le 3 juillet 20203, M. [O] a relevé appel de cette décision.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 12 décembre 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 21 décembre 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [O], appelant, demande à la cour de :

le recevoir en son appel, l’y déclarer bien fondé,

infirmer le jugement en totalité et statuant à nouveau,

débouter la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics de toutes ses demandes, fins et conclusions,

faire droit à ses arguments,

En conséquence,

débouter la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics de toutes ses demandes, fins et conclusions,

valider la saisie-attribution à hauteur du solde de la dette, soit 20 821,32 euros, outre les intérêts de droits échus et les frais d’exécution forcée,

condamner la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics aux entiers dépens de première instance et d’appel, y inclus tous les frais exposés par l’huissier poursuivant.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics, intimée, demande à la cour de :

déclarer M. [O] mal fondé en son appel,

confirmer intégralement le jugement rendu le 22 juin 2023 ayant notamment ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 2 décembre 2022,

débouter M. [O] de sa demande de condamnation de la société au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, y inclus tous les frais exposés par l’huissier poursuivant,

condamner M. [O] au paiement de la somme de 4500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 1er février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur le bien fondé de la saisie

M. [O] fait valoir, à l’appui de son appel, que la société n’a pas exécuté les causes du jugement en totalité, la somme de 200 000 euros qui lui a été allouée à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse l’ayant été ‘en net’, et non pas ‘en brut’ comme le prétend l’employeur. L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée par l’article L.1235-3 du code du travail, soutient-il, ne constitue ni une indemnité ayant le caractère de salaire, ni une indemnité de licenciement, mais vise à réparer un préjudice subi personnellement par le salarié licencié abusivement, en sorte qu’elle est nécessairement appréciée nette de toute charge. L’article L.242-1 du code de la sécurité sociale ne concerne pas les dommages et intérêts attribués par le juge du fond en matière de rupture abusive du contrat de travail, et les articles L.136-1-1 et suivants du code de la sécurité sociale, fait-il valoir, visent toutes sortes de revenus professionnels ou de versements assimilés à des revenus professionnels, mais aucunement les dommages et intérêts réparant la rupture abusive d’un contrat de travail, alloués dans le cadre d’un procès au fond par une juridiction compétente. Les indemnités transactionnelles versées à un salarié lorsque l’employeur et le salarié s’accordent pour organiser la rupture d’un contrat de travail et fixer par avance le préjudice qui pourrait en résulter n’étant pas assujetties, de même que les montants fixés par procès-verbal d’accord devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation, taxer le montant des dommages et intérêts accordés serait établir une discrimination à ses dépens. Enfin, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas soumise à l’impôt. En conséquence, il n’y a aucune raison de prélever quelque somme que ce soit sur un montant fixé souverainement par le juge du fond, et qui doit revenir en totalité au bénéficiaire du jugement, puisqu’il ne s’agit ni d’un revenu de substitution, ni de l’évaluation d’une perte de revenu, ni d’une indemnité due au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ( hors procès), ni d’un salaire ou assimilé. Au surplus, la société ne justifie pas avoir réglé à l’URSSAF la somme qu’elle a prélevée indûment sur le montant qui lui revenait.

Au soutien de la confirmation du jugement, la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics fait valoir qu’en l’absence de précision expresse contraire dans la décision de justice qui l’ordonne, les sommes versées à un salarié à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s’entendent nécessairement de sommes brutes et que, de ce fait, l’employeur est tenu de déduire les cotisations sociales applicables aux sommes auxquelles il a été condamné avant qu’elles ne soient versées au salarié.

Ceci ressort, dit-elle, d’une jurisprudence unanime. En application de l’article L.242-1 ( II 7°) du code de la sécurité sociale, et L.136-1-1 du même code, les indemnités octroyées par le juge à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées de cotisations de sécurité sociale dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale [dit PASS] ( soit 82 272 euros pour 2022), et exonérées de contribution sociale généralisée ( CSG) à hauteur du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, dans la limite de 2 PASS, et à l’inverse, la part des indemnités excédant ce plafond doit être intégrée dans l’assiette des cotisations et contributions sociales, étant précisé qu’en cas de cumul des indemnités versées au titre de la rupture du contrat de travail il est fait masse de l’ensemble de ces indemnités. Le jugement du 7 juillet 2022 ne précisant pas expressément que le montant de la condamnation de l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devait s’entendre en net, cette somme doit s’entendre en brut, et dès lors, elle était dans l’obligation de précompter les cotisations sociales dues par M. [O]. Une indemnité conventionnelle de licenciement de 138 689,42 euros ayant été versée à M. [O], l’indemnité de 200 000 euros à lui octroyée était obligatoirement assujettie à cotisations et contributions sociales. Enfin, contrairement à ce que soutient ce dernier, elle justifie avoir effectivement reversé les dites cotisations à l’URSSAF Île de France.

Comme rappelé ci-dessus, le jugement dont l’exécution est poursuivie, et dont le juge de l’exécution ne peut modifier les termes, a condamné l’employeur de M. [O] à lui payer une somme de 200 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est de droit que lorsque la décision servant de fondement aux poursuites ne s’est pas prononcée sur l’imputation des cotisations et des contributions sociales, l’employeur doit procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur la condamnation prononcée (cf Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-12.149), y compris lorsqu’il s’agit d’une condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( cf Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-14.074).

Aucune stipulation du jugement ne permettant de considérer que le conseil de prud’hommes a entendu allouer à M. [O] une indemnité nette de toutes cotisations et contributions, la somme de 200 000 euros susvisée, nonobstant l’argumentation de celui-ci, est bien une somme brute.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, les sommes allouées à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, résultant des condamnations prononcées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail, sont soumises, en tout ou en partie, à cotisations sociales dans les conditions fixées à l’article L.242’1 du code de la sécurité sociale, et à contributions sociales dans les conditions prévues à l’article L.136-1-1 du même code.

Il ressort de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, ( II 7°) que sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, dans la limite de deux fois le montant annuel du plafond défini à l’article L. 241-3 de ce code, les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l’article 80 ter du code général des impôts qui ne sont pas imposables en application de l’article 80 duodecies du même code.

Selon l’article L.136-1-1 ( 5° ) du même code, sont incluses dans l’assiette des contributions, indépendamment de leur assujettissement à l’impôt sur le revenu, les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, dans la limite du plus petit des montants suivants :

le montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou la loi si ce dernier est le plus élevé, ou, en l’absence de montant légal ou conventionnel pour le motif concerné, le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;

le montant fixé en application du 7° du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Le fait que les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne constituent pas une rémunération imposable en vertu de l’article 80 duodecies du code général des impôts est sans incidence sur l’application des textes susvisés.

Par ailleurs, comme le relève la société intimée, le salarié qui se voit attribuer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par une décision de justice ne se trouve pas dans une situation identique à celle du salarié qui se concilie avec son employeur, en sorte que des traitements différents peuvent leur être appliqués.

C’est à l’employeur, seul débiteur de l’ensemble des cotisations et contributions sociales ( pour la part employeur et pour la part salariale déduite de la rémunération brute) de procéder au précompte de la part des cotisations et contributions incombant au salarié.

C’est à raison en conséquence que l’employeur a précompté la part salariale des cotisations et contributions dues au titre du versement à M. [O] de la somme de 200 000 euros.

M. [O] ne développe aucune critique utile s’agissant du montant des déductions opérées par l’employeur, telles qu’elles sont détaillées dans le bulletin de paie établi par celui-ci, pour le paiement de la somme de 200 000 euros en cause.

Enfin, en dernier lieu, et même si un défaut de règlement par l’employeur des cotisations et contributions sociales auxquelles sont assujetties les sommes qu’il verse à un salarié ne permet pas à ce dernier d’en recouvrer lui-même le montant, la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics justifie, en tout état de cause, qu’elle a procédé aux déclarations sociales afférentes au règlement de la somme de 200 000 euros due à M. [O], et au règlement des cotisations correspondantes.

L’argumentation soutenue par M. [O] étant écartée, il y a lieu de confirmer le jugement qui a ordonné la mainlevée de la saisie attribution litigieuse.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, M. [O] doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande en outre de mettre à sa charge, à hauteur de 3 000 euros, les frais non compris dans les dépens exposés par l’intimée pour se défendre en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 juin 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ;

Déboute M. [O] de ses demandes ;

Condamne M. [O] aux dépens et à régler à la société EG Labo – Laboratoires Eurogenerics une somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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